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Date : 20160429


Dossier : A-397-15

Référence : 2016 CAF 125

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

CRAIG DYSON

défendeur

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 19 avril 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20160429


Dossier : A-397-15

Référence : 2016 CAF 125

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

CRAIG DYSON

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE BOIVIN

[1]               M. Craig Dyson a été embauché comme agent des pêches stagiaire au ministère des Pêches et Océans Canada (MPO) le 26 mai 2008 et était assujetti à une période de stage jusqu'à ce qu'il ait terminé le Programme de progression de carrière des agents des pêches. Le MPO a mis fin à l'emploi de M. Dyson le 5 juillet 2010, alors qu'il était toujours en stage.

[2]               Les parties pertinentes de la lettre de licenciement de M. Dyson se lisaient comme suit :

[TRADUCTION]

Le but de cette lettre vise à vous informer que, conformément au pouvoir qui m'est délégué aux termes du paragraphe 62(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, je suis arrivé avec regret à la conclusion que votre emploi au sein du ministère des Pêches et Océans [MPO] prendrait fin, à compter d'aujourd'hui, le 5 juillet 2010, à la fermeture des bureaux [...]

La raison de votre licenciement s'explique par votre manque d'aptitude pour le poste d'agent des pêches stagiaire, plus particulièrement [...]

●    préoccupations liées à la fiabilité et à la présence;

●    défaut de répondre aux exigences professionnelles;

●    défaut de respecter les politiques, procédures et pratiques établies, de même que les codes de conduite.

[3]               Monsieur Dyson a déposé un grief à l'encontre de la décision de mettre fin à son emploi et a renvoyé le grief à la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique. Son grief a été rejeté aux trois paliers du processus de grief. M. Dyson a ensuite renvoyé son grief à l'arbitrage, en vertu de l'alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la Loi). L'arbitre, John G. Jaworski, a accueilli le grief et a ordonné que M. Dyson soit réintégré au groupe et niveau GT‑02, le niveau auquel il avait d'abord été nommé.

[4]               L'arbitre a conclu qu'il avait compétence et que l'article 211 de la Loi ne lui interdisait pas d'entendre le grief, puisqu'il avait conclu que le MPO avait agi de mauvaise foi et n'avait pas fondé sa décision sur une insatisfaction de bonne foi à l'égard de l'aptitude de M. Dyson.

[5]               Il a été établi que la norme de contrôle d'une décision d'un arbitre en ce qui concerne un licenciement ou une mesure disciplinaire est la norme de la décision raisonnable (Payne c. Banque de Montréal, 2013 CAF 33, [2013] A.C.F. no 123 (QL), aux paragraphes 32 et 33; King c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 131, [2013] A.C.F. no 551 (QL), au paragraphe 3). De plus, il y a lieu de faire preuve de retenue lorsque les arbitres de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique exercent leur pouvoir d'interprétation discrétionnaire, étant donné leur expertise particulière dans l'interprétation et l'application de la Loi (Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2014 CF 400, [2014] A.C.F. no 457 (QL), au paragraphe 19, conf. par 2015 CAF 74, [2015] A.C.F. no 474 (QL), au paragraphe 4 (Kagimbi (C.A.F.))).

[6]               En l'espèce, la Couronne affirme que l'arbitre a commis une erreur en concluant que le MPO avait agi de mauvaise foi et que le licenciement de M. Dyson n'était pas fondé sur une insatisfaction de bonne foi à l'égard de son aptitude à l'emploi. La Couronne fait également valoir que l'arbitre a commis une erreur et a outrepassé sa compétence, parce qu'il n'a pas précisé de façon explicite les motifs pour lesquels il a établi qu'il avait compétence en vertu de l'article 209 de la Loi.

[7]               Je ne peux pas être d'accord.

[8]               À mon avis, la décision de l'arbitre était raisonnable dans les circonstances, parce que le MPO n'a pas fourni d'éléments de preuve ou de faits à l'appui de sa décision de mettre fin à l'emploi de M. Dyson. De fait, à plusieurs occasions, l'arbitre relève l'absence d'éléments de preuve ou de faits (voir, par exemple, la décision de l'arbitre aux paragraphes 64, 79, 80, 81, 113 et 134). À une autre occasion, il a conclu que la preuve présentée par le MPO était « déconcertante » (paragraphe 139).

[9]               Plus précisément, au sujet de la question des problèmes de rendement, l'arbitre a conclu que le MPO n'avait pas démontré l'existence des faits. Au paragraphe 136 de ses motifs, l'arbitre a dit ce qui suit :

[...] Il est manifeste que M. Lambert s'est fié aux renseignements qui lui ont été présentés pour appuyer son évaluation; cependant, pour que cette pratique soit de bonne foi et pour qu'elle satisfasse au critère relatif à une insatisfaction de bonne foi quant à l'aptitude du fonctionnaire, les faits doivent exister pour appuyer cette conclusion. Dans la présente affaire, si ces faits existent, ils ne m'ont jamais été présentés, et ce, en dépit de la question claire qui a été posée aux trois personnes qui ont fait cette détermination. [...]

[Non souligné dans l'original.]

[10]           Quant à l'allégation du non‑respect des politiques et des procédures, l'arbitre a conclu que la personne responsable de la décision de licenciement, M. Robert Lambert, directeur de la Conservation et de la protection pour la région de Terre‑Neuve‑et‑Labrador du MPO, avait erré en tenant compte d'un incident qui ne s'était pas produit durant le stage et qu'il s'était appuyé sur des politiques qui n'avaient jamais été appliquées auparavant et qui n'avaient jamais été expliquées clairement à M. Dyson. Par exemple, en ce qui concerne l'allégation de non‑respect de la politique sur les armes à feu, l'arbitre a noté, au paragraphe 64 de ses motifs, qu'il n'avait aucune preuve relative aux éléments suivants :

1.   quelle formation, le cas échéant, le fonctionnaire a reçue sur la politique sur les armes à feu;

2.   la question de savoir si on a remis une copie de la politique sur les armes à feu au fonctionnaire;

3.   les renseignements ou la formation, le cas échéant, reçus par le fonctionnaire concernant l'accès à la politique sur les armes à feu dans le site intranet du MPO;

4.   la question de savoir si la politique sur les armes à feu était effectivement accessible au site intranet du MPO au moment où s'est déroulé l'incident de la perte du chargeur.

[11]           Quant à l'allégation de problèmes d'assiduité et de fiabilité, l'arbitre a conclu que le MPO n'avait pas présenté d'éléments de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle M. Dyson n'avait pas pris les mesures appropriées pour demander un congé de maladie et qu'il avait abusé de ce congé. Au paragraphe 149 de ses motifs, l'arbitre a dit ce qui suit :

[...] Même s'il y avait une accusation faite par l'employeur selon laquelle le fonctionnaire n'a pas présenté de certificats médicaux lorsqu'il devait le faire, il n'y avait pas de preuve réelle que c'était le cas; en fait, selon le témoignage du fonctionnaire, chaque fois qu'il était tenu de fournir des certificats médicaux, il l'a fait.

[Non souligné dans l'original.]

[12]           Il est bien établi en droit qu'« un arbitre saisi d'un grief déposé par un employé renvoyé en cours de stage a le droit d'examiner les circonstances de l'affaire pour s'assurer qu'elle soit réellement ce qu'elle semble être » (Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429, à la page 440, [1989] A.C.F. no 461 (QL), au paragraphe 17 (C.A.F.)). L'arbitre avait donc le loisir de se demander si l'« employeur avait utilisé le renvoi en cours de stage comme subterfuge pour camoufler un autre motif de renvoi et avait donc fait preuve de mauvaise foi » (Kagimbi (C.A.F.), au paragraphe 2) et, sur ce fondement, de décider qu'il avait compétence en vertu de l'alinéa 209(1)b).

[13]           En l'espèce, je suis d'avis que, face au manque d'éléments de preuve et à l'absence de faits présentés par le MPO, il était raisonnable que l'arbitre conclue que l'employeur avait agi de mauvaise foi.

[14]           Enfin, je suis d'accord avec la Couronne pour dire que l'arbitre n'a pas indiqué explicitement que le licenciement de M. Dyson équivalait à une « mesure disciplinaire déguisée » au sens de l'alinéa 209(1)b) de la Loi. Cette lacune n'est cependant pas fatale. Même s'il était préférable de renvoyer explicitement à la disposition, une lecture contextuelle des motifs de l'arbitre et du dossier confirme que l'arbitre a conclu qu'il avait compétence pour cette raison (Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, au paragraphe 14). Par conséquent, l'article 211 de la Loi ne pouvait exclure la compétence de l'arbitre.

[15]           Pour ces motifs, je propose de rejeter l'appel avec des dépens de 1 500 $, tout compris.

« Richard Boivin »

j.c.a.

« Je suis d'accord

Eleanor R. Dawson j.c.a. »

« Je suis d'accord

Yves de Montigny j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-397-15

 

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. CRAIG DYSON

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 19 avril 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 29 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

Richard Fader

 

Pour le demandeur

 

Andrew Astritis

Morgan Rowe

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le demandeur

 

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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