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Date : 20160429


Dossier : A-11-15

Référence : 2016 CAF 133

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA SASKATCHEWAN, REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA SASKATCHEWAN

appelante (défenderesse)

et

LE CHEF M. TODD PEIGAN EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE PASQUA ET LA PREMIÈRE NATION DE PASQUA

intimés (demandeurs)

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(défenderesse)

Audience tenue à Regina (Saskatchewan), le 10 novembre 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 avril 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 

MOTIFS CONCORDANTS :

LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20160429


Dossier : A-11-15

Référence : 2016 CAF 133

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA SASKATCHEWAN, REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA SASKATCHEWAN

appelante (défenderesse)

et

LE CHEF M. TODD PEIGAN EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE PASQUA ET LA PREMIÈRE NATION DE PASQUA

intimés (demandeurs)

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(défenderesse)

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NEAR ET LA JUGE GLEASON

[1]               Le 15 septembre 1874, à Fort Qu’Appelle, en Saskatchewan, des représentants de la reine Victoria et de différentes Premières Nations des Cris et des Saulteux ont conclu le Traité no 4. Parmi les promesses contenues dans le Traité no 4 se trouve l’engagement pris par la Couronne de fournir aux Premières Nations signataires du traité des réserves dont « la superficie devant suffire pour fournir un mille carré à chaque famille de cinq, ou dans cette proportion pour les familles plus ou moins nombreuses ». Cette promesse n’a pas été remplie, et il existe une superficie manquante de terres de réserve fournies aux Premières Nations signataires du Traité no 4, y compris la Première Nation de Pasqua [PNP], dont les membres, représentés par le chef Todd Peigan, sont les intimés dans cet appel.

[2]               En 1993, la Couronne du chef du Canada [le Canada], la Couronne du chef de la Saskatchewan [la Saskatchewan] et un certain nombre de Premières Nations signataires du Traité no 4 (et des Traités nos 6 et 10) ont signé l’accord-cadre sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan (Saskatchewan Treaty Land Entitlement Framework Agreement) entre Sa Majesté la Reine du chef du Canada, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, les bandes ayant droit à des terres et Sa Majesté la Reine du chef de la Saskatchewan [l’accord-cadre].

[3]               Cet accord-cadre constitue une entente exhaustive aux termes de laquelle seront remplies les obligations en souffrance de la Couronne en vertu du Traité no 4 et des deux autres traités numérotés. Il permet aussi la conclusion subséquente d’accords de règlement similaires entre le Canada, la Saskatchewan et les Premières Nations jouissant de droits fonciers issus de traités en Saskatchewan qui n’ont pas signé l’accord-cadre. La PNP a conclu un tel accord avec le Canada et la Saskatchewan le 30 septembre 2008 [l’accord de règlement avec la PNP].

[4]               L’accord-cadre et l’accord de règlement avec la PNP [ensemble, les accords] stipulent que les différends découlant de cesdits accords seront renvoyés à la Cour fédérale afin qu’elle tranche à cet égard. Les articles 20.20 de l’accord-cadre et 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP stipulent ce qui suit :

[traduction

En cas de différend entre les parties, notamment sur une question d’interprétation d’un terme, d’un engagement, d’une condition ou d’une disposition du présent accord, le règlement de pareil différend et l’exécution y afférente relèvent de la compétence exclusive de la Cour fédérale du Canada.

[5]               Le 17 juin 2014, la PNP a intenté une action devant la Cour fédérale, dans laquelle elle désigne comme intimés le Canada et la Saskatchewan, alléguant que le Canada et la Saskatchewan ont manqué à leurs obligations en vertu de l’accord de règlement avec la PNP et qu’ils ont également manqué à leurs obligations de consulter la PNP concernant, en particulier, l’octroi d’un bail de droits miniers souterrains en septembre 2010 pour le projet minier Legacy.

[6]               La Saskatchewan a présenté une requête en radiation de l’action intentée contre elle par la PNP, affirmant que la Cour fédérale n’a pas compétence sur la Saskatchewan ou sur l’objet de la revendication de la PNP contre la Saskatchewan. Le 8 janvier 2015, le juge Boswell de la Cour fédérale a rejeté la requête de la Saskatchewan dans une brève « ordonnance verbale » dans laquelle il maintient que l’article 20.20 de l’accord-cadre est suffisant pour garantir à la Cour fédérale sa compétence concernant la revendication de la PNP contre la Saskatchewan, principalement en vertu des dispositions de l’alinéa 17(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 [la LCF]. Cet alinéa prescrit que la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour toute question de droit, de fait ou mixte à trancher, aux termes d’une convention écrite à laquelle la Couronne est partie, par la Cour fédérale.

[7]               La Saskatchewan a fait appel de l’ordonnance de la Cour fédérale devant la Cour et affirme que, nonobstant les clauses de reconnaissance des articles 20.20 de l’accord-cadre et 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP, la Cour fédérale n’a pas compétence sur la Saskatchewan ou sur l’objet de la revendication de la PNP contre la Saskatchewan.

[8]               Nous ne sommes pas d’accord et, pour les motifs invoqués ci-après, croyons que la Cour fédérale a compétence sur les portions de la revendication de la PNP alléguant un manquement de la Saskatchewan à ses obligations en vertu de l’accord de règlement avec la PNP. Toutefois, la portion de la revendication, dans sa forme actuelle, alléguant que la Saskatchewan a manqué à son devoir de consulter la PNP concernant l’octroi du bail de droits miniers souterrains pour le projet minier Legacy, ne relève pas de la compétence de la Cour fédérale. Par conséquent, nous accueillerions cet appel en partie et, rendant l’ordonnance que la Cour fédérale aurait dû rendre, nous radierions les portions de la déclaration qui allèguent que la Saskatchewan a manqué à son devoir de consulter la PNP concernant ce projet, et donnerions autorisation à la PNP de modifier cette portion de la revendication conformément aux présents motifs. Comme le succès de la requête est partagé, nous proposerions que chacune des parties paye ses propres dépens pour cet appel et l’instance devant la Cour fédérale.

I.                   Contexte législatif pertinent

[9]               Pour placer les questions en litige soulevées dans cet appel en contexte, il est utile de commencer en examinant le contexte législatif de l’accord-cadre et de l’accord de règlement avec la PNP.

[10]           En vertu de l’article 109 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867 [maintenant appelé la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.U.)], les quatre provinces qui se sont regroupées pour former le Canada en 1867 se sont vues octroyer le droit d’administrer les terres de la Couronne ainsi que des droits sur les ressources naturelles et minérales situées dans les provinces. Toutefois, quand le Manitoba, l’Alberta et la Saskatchewan ont joint la Confédération (en 1870 dans le cas du Manitoba et en 1905 dans le cas de l’Alberta et de la Saskatchewan), les provinces de l’Ouest nouvellement créées n’ont pas été autorisées à administrer les terres de la Couronne, ni à avoir le contrôle des ressources naturelles dans les provinces (voir la Loi de 1870 sur le Manitoba, L.C. 1870, ch. 3, art. 30, la Loi concernant la Saskatchewan, L.C. 1905, ch. 42, art. 21 et la Loi concernant l’Alberta, L.C. 1905, ch. 3, art. 21).

[11]           En 1930, le Canada et les trois provinces des Prairies ont conclu une série d’accords, appelés les Conventions sur le transfert des ressources naturelles [les CTRN], qui transféraient aux provinces des Prairies le contrôle sur les ressources naturelles et leur donnaient le droit d’administrer les terres de la Couronne dans la province, sous réserve de certaines exceptions. L’une de ces exceptions porte sur les obligations en souffrance en vertu de traités envers les peuples autochtones. Les CTRN prévoient que le Manitoba, l’Alberta et la Saskatchewan pourraient devoir transférer des terres de la Couronne inoccupées au Canada afin de satisfaire aux obligations en souffrance en vertu de traités. Le paragraphe 10 de la CTRN de la Saskatchewan prévoit à cet égard que :

[...] à la demande du surintendant général des Affaires indiennes, la province réservera, au besoin, à même les terres de la Couronne inoccupées et par les présentes transférées à son administration, les autres étendues que ledit surintendant général peut, d’accord avec le ministre approprié de la province, choisir comme étant nécessaires pour permettre au Canada de remplir ses obligations en vertu des traités avec les Indiens de la province, et ces étendues seront dans la suite administrées par le Canada de la même manière à tous égards que si elles n’étaient jamais passées à la province en vertu des dispositions des présentes.

Des dispositions semblables sont présentes dans les CTRN qui s’appliquent au Manitoba et à l’Alberta.

[12]           Le Parlement et les législatures des provinces de l’Ouest ont adopté des lois pour mettre en œuvre les CTRN : Loi sur le transfert des ressources naturelles du Manitoba, L.M. 1930, ch. 30; Loi des ressources naturelles du Manitoba, S.R.C. 1930, ch. 29; An Act to ratify a certain agreement between the Government of the Dominion of Canada and the Government of the Province of Saskatchewan, S.S. 1930, c. 87; Loi des ressources naturelles de la Saskatchewan, S.C. 1930, ch. 41; Alberta Natural Resources Act, S.A. 1930, c. 21; Loi des ressources naturelles de l’Alberta, S.C. 1930, ch. 3. Par la suite, le Parlement britannique a adopté la Loi constitutionnelle de 1930, 20-21 George V, ch. 26 (R.-U.), pour intégrer les CTRN dans la Constitution. L’article 1 de la Loi constitutionnelle de 1930 édicte ce qui suit :

Les [CTRN] sont par les présentes confirmées et auront force de loi nonobstant tout ce qui est contenu dans la Loi constitutionnelle de 1867, ou dans toute loi la modifiant, ou dans toute loi du Parlement du Canada ou dans tout arrêté du Conseil ou termes ou conditions d’Union faits ou approuvés sous l’empire d’aucune de ces lois.

The [NRTAs] are hereby confirmed and shall have the force of law notwithstanding anything in the Constitution Act, 1867, or any Act amending the same, or any Act of the Parliament of Canada, or in any Order in Council or terms or conditions of union made or approved under any such Act as aforesaid.

II.                Accord-cadre et accord de règlement avec la PNP

[13]           C’est dans ce contexte que l’accord-cadre et l’accord de règlement avec la PNP ont été négociés.

[14]           L’accord-cadre a été signé en 1992 par le premier ministre et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, au nom du Canada, par le premier ministre et le ministre responsable du Saskatchewan Indian and Métis Affairs Secretariat, pour la Saskatchewan, et par 23 chefs de diverses bandes indiennes de la Saskatchewan pour qui les obligations relatives aux droits fonciers issus de traités sont en souffrance. Le chef de la Federation of Saskatchewan Indian Nations et le commissaire aux traités de la Saskatchewan ont été témoins de la signature de cet accord-cadre.

[15]           L’accord-cadre prévoit le versement, par le Canada et la Saskatchewan, de sommes d’argent [argent versé en raison de droits fonciers] pour la création de fonds de fiducie au nom des bandes signataires (article 3). La majeure partie de ces fonds doivent servir à l’achat de terres équivalentes en superficie aux superficies des réserves manquantes que chaque bande aurait dû recevoir en vertu des traités signés avec la Couronne par ses ancêtres [sous-alinéa 4.01a)(i), alinéa 4.01b)]. Les fonds excédentaires peuvent être utilisés pour acheter des superficies additionnelles ou à d’autres fins liées au développement des bandes [sous-alinéa 4.01a)(ii)].

[16]           Les terres achetées par les bandes signataires doivent être contiguës à une réserve existante. En fait, l’accord-cadre prévoit précisément que les terres achetées peuvent être situées à l’intérieur d’une municipalité existante (article 9). L’alinéa 4.05b) de l’accord-cadre prévoit qu’une bande désireuse d’acheter des terres de la Couronne doit informer la Saskatchewan (dans le cas de terres de la Couronne provinciales) ou le Canada (dans le cas de terres de la Couronne fédérales) des terres qu’elle souhaite acheter. La Saskatchewan ou le Canada doit répondre à de telles demandes dans les 90 jours.

[17]           L’accord-cadre stipule que la vente de terres de la Couronne suivant la réception de telles demandes est régie par le principe du [traduction] « vendeur consentant/acheteur consentant » [alinéa 4.05a)]. En vertu de l’article 4.06 de l’accord-cadre, la Saskatchewan et le Canada sont tenus de [traduction] « considérer favorablement » les offres des bandes signataires visant l’achat de terres de la Couronne. Une fois qu’ils ont accepté la vente, sous réserve de certaines exceptions, le Canada et la Saskatchewan ne sont pas autorisés à vendre les terres à une tierce partie ou à octroyer à une tierce partie un intérêt sur les terres pour une période de 18 mois [alinéas 4.05c) et d)].

[18]           L’accord-cadre reconnaît plusieurs exceptions aux obligations qui précèdent; ces dernières incluent la désignation des terres comme habitats essentiels de la faune en vertu des lois provinciales applicables, le fait que la terre qu’une bande souhaite acheter soit occupée par une tierce partie, qui n’a pas donné son consentement à la vente de la terre, ou la désignation des terres comme faisant l’objet d’un [traduction] « plan à des fins publiques », par lequel la Saskatchewan énonce son intention de préserver ou d’exploiter les minéraux de la Couronne situés sur ou sous les terres au profit de la totalité ou d’une portion substantielle de la population de la Saskatchewan [article 4.07, alinéa 4.08a), sous-alinéa 5.04a)(iii)]. Règle générale, lorsqu’une exception s’applique, les terres ne sont pas nécessairement vendues à l’une des bandes signataires.

[19]           L’accord-cadre prévoit qu’une fois qu’une bande signataire a acheté des terres et que des arrangements satisfaisants sont pris relativement aux intérêts de tierces parties à l’égard de ces terres (conformément aux dispositions détaillées énoncées dans l’accord-cadre), les terres achetées sont cédées par la bande au Canada. L’accord-cadre prévoit en outre que, sous réserve des dispositions de l’accord, le Canada doit alors mettre de côté les terres ainsi cédées à titre de terres de réserve additionnelles au profit de la bande [définies à l’aide du terme « nouvelle réserve » dans l’accord]. En vertu de l’article 11.09 de l’accord-cadre, la Saskatchewan doit transférer au Canada tous les intérêts que pourrait avoir eus la Saskatchewan à l’égard des terres ainsi cédées au Canada, afin de s’assurer que les terres mises de côté à titre de nouvelle réserve sont libres de droits ou de charges de la Couronne provinciale.

[20]           L’article 10 de l’accord-cadre stipule que, avant que l’argent versé en raison de droits fonciers puisse être effectivement versé à une bande signataire, la bande doit ratifier l’accord-cadre par la conclusion d’un « accord particulier » [alinéas 10.01a), 22.01a)]. Chaque accord particulier doit souligner, entre autres choses, la superficie manquante de la bande signataire, le montant total versé en fiducie à la bande en raison de droits fonciers conformément à l’accord-cadre, et toute autre disposition particulière ayant fait l’objet de négociations entre la bande et le Canada. Pour entrer en vigueur, l’accord particulier doit être ratifié par une résolution du conseil de bande et par la suite signé par le Canada [alinéa 10.01a), article 10.03].

[21]           L’article 10.02 de l’accord-cadre stipule que d’autres bandes peuvent adhérer à l’accord à une date ultérieure à sa conclusion par les signataires d’origine, à condition qu’elles aient des droits issus de traités en souffrance en vertu des Traités nos 4, 6 ou 10, et à condition qu’elles prennent les mesures énoncées dans l’accord-cadre, lesquelles incluent la conclusion d’un accord particulier conformément à l’alinéa 10.01a).

[22]           En vertu des droits octroyés aux bandes signataires aux termes de l’accord-cadre, les bandes ont convenu à l’article 15 de libérer le Canada de toutes les revendications en souffrance liées à des droits fonciers issus de traités.

[23]           À l’article 16 de l’accord-cadre, le Canada et les bandes signataires libèrent de la même façon la Saskatchewan de ses obligations prévues à l’article 10 de la CTRN de la Saskatchewan, sous réserve, en partie, du respect par la Saskatchewan des modalités de l’accord-cadre. Les dispositions de l’article 16 de l’accord-cadre sont pertinentes en ce qui a trait à la question de la compétence de la Cour fédérale relativement à la revendication de la PNP et sont, par conséquent, reproduites dans leur intégralité. Elles stipulent ce qui suit :

[traduction

CANADA ET BANDES AYANT DROIT À DES TERRES – FINALITÉ DU RÈGLEMENT CONCERNANT LA SASKATCHEWAN

16.01 FINALITÉ – CANADA ET SASKATCHEWAN :

a) Le Canada, la Saskatchewan et les bandes ayant droit à des terres conviennent que les contributions financières et autres versées par la Saskatchewan conformément à l’accord modifié de partage des coûts et le présent accord constituent un moyen pour la Saskatchewan de remplir ses obligations en vertu du paragraphe 10 de la Convention sur le transfert des ressources naturelles relativement aux droits fonciers issus de traités de chaque bande ayant droit à des terres qui signe un accord particulier.

b) Le Canada et la Saskatchewan reconnaissent qu’un accord à conclure entre le Canada et la Saskatchewan (comme il est énoncé à l’annexe 4) libère la Saskatchewan des obligations que lui impose le paragraphe 10 de la Convention sur le transfert des ressources naturelles et que le Canada et la Saskatchewan conviennent de recommander au Parlement du Canada et à l’Assemblée législative de la Saskatchewan, respectivement, l’adoption de lois ratifiant et confirmant l’accord.

16.02 LIBÉRATION PAR LE CANADA ET LES BANDES AYANT DROIT À DES TERRES :

a) Le Canada et chacune des bandes ayant droit à des terres conviennent par les présentes que, lorsqu’elles ratifient et signent un accord particulier, pourvu que la Saskatchewan verse au Canada et au Fonds de règlement des droits fonciers issus des traités en Saskatchewan les montants à payer par la Saskatchewan pour chacune de ces bandes, en vertu du présent accord, et pourvu que la Saskatchewan se conforme pour l’essentiel aux autres obligations que lui impose le présent accord :

i) le surintendant général des Affaires indiennes ne demandera pas à la Saskatchewan de mettre des terres de côté aux termes du paragraphe 10 de la Convention sur le transfert des ressources naturelles pour remplir les obligations incombant au Canada en vertu des traités à l’égard de cette bande;

ii) la bande ayant droit à des terres ne présentera aucune revendication, de quelque nature que ce soit, selon laquelle la Saskatchewan a l’obligation de fournir des terres en vertu du paragraphe 10 de la Convention sur le transfert des ressources naturelles.

b) Nonobstant le sous-alinéa a), le Canada et chacune des bandes ayant droit à des terres conviennent en outre de libérer définitivement la Saskatchewan, ses héritiers, serviteurs, mandataires et successeurs des demandes, obligations, promesses, engagements ou déclarations de la Saskatchewan à l’égard du Canada relativement aux obligations de la Saskatchewan d’aider le Canada à remplir les obligations en souffrance qui lui incombent à l’égard de ces bandes, ou de leurs prédécesseurs en titre, en vertu des droits fonciers issus de traités, aux termes du paragraphe 10 de la Convention sur le transfert des ressources naturelles, à partir de la première des dates suivantes :

i) la date d’échéance fixée pour l’acquisition de la superficie manquante par la bande ayant droit à des terres;

ii) la date à laquelle la Saskatchewan aura payé tous les montants qu’elle doit verser au Canada aux termes du présent accord, pour la bande ayant droit à des terres.

[Souligné dans l’original]

[24]           En plus d’envisager l’adoption de lois auxquelles il est fait référence à l’article 16, l’accord-cadre envisage l’adoption d’autres lois visant à donner effet à certaines dispositions de l’accord. En vertu de l’alinéa 20.19a), la Saskatchewan accepte de présenter à son assemblée législative certaines mesures législatives portant sur une variété de sujets, y compris le transfert des droits miniers aux bandes ayant droit à des terres et la renonciation à tout intérêt résiduel à l’égard de terres mises de côté par le Canada à titre de nouvelle réserve. En vertu de l’alinéa 20.19b), le Canada accepte de présenter au Parlement certaines mesures législatives portant sur différents sujets, y compris les différents droits des riverains reconnus en droit et la création d’un compte spécial pour administrer le Fonds de règlement des droits fonciers issus de traités, dans lequel doivent être versées les sommes payées par la Saskatchewan en vertu de l’accord-cadre.

[25]           L’accord-cadre prévoit que certains types de différends découlant de l’accord doivent être renvoyés à l’arbitrage (article 19) et que tous les autres différends doivent être renvoyés à la Cour fédérale, en vertu de l’article 20.20 cité plus haut. La Saskatchewan et la PNP s’entendent pour dire que l’objet de la revendication de la PNP contre la Saskatchewan et le Canada ne peut être renvoyé à l’arbitrage.

[26]           Enfin, faut-il le souligner, l’article 21.01 de l’accord-cadre prévoit que le Canada, la Saskatchewan et les bandes signataires [traduction] « vont, de bonne foi, faire tous les efforts possibles pour satisfaire aux conditions de l’accord-cadre selon l’esprit et l’intention de l’accord, et qu’ils négocieront de bonne foi tout autre accord qui serait ainsi nécessaire ».

[27]           En ce qui concerne les points importants, l’accord de règlement avec la PNP est identique à l’accord-cadre, sauf qu’il a été négocié et signé par la PNP, la Saskatchewan et le Canada plusieurs années après la conclusion de l’accord-cadre. Parce qu’il a été conclu plus tard, l’accord de règlement avec la PNP fait référence à la Loi sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications (Alberta et Saskatchewan), L.C. 2002, ch. 3, et prévoit à l’article 20.24 que cette loi s’applique à l’accord de règlement avec la PNP et à sa mise en œuvre.

III.             Lois adoptées pour rendre exécutoires l’accord-cadre et l’accord de règlement avec la PNP

[28]           La Saskatchewan et le Canada ont adopté des lois à la suite de la conclusion de ces accords.

A.                Lois fédérales

(1)               La Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan, L.C. 1993, ch. 11

[29]           La Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan, L.C. 1993, ch. 11, prévoit un accord bipartite entre le Canada et la Saskatchewan en vue de modifier la CTRN de la Saskatchewan et fait également référence à l’accord-cadre et aux accords subséquents conclus avec des bandes indiennes (comme l’accord de règlement avec la PNP) qu’envisage l’accord-cadre.

[30]           En ce qui concerne la modification de la CTRN de la Saskatchewan, la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan prescrit à l’article 3 que :

3 (1) L’accord modifiant la CTRN est confirmé et prend effet conformément à sa teneur.

3. (1) The NRTA Amendment Agreement is hereby confirmed and shall take effect according to its terms.

(2) Est confirmé et prend effet conformément à sa teneur l’accord conclu — avant ou après l’entrée en vigueur du présent article — entre le gouvernement du Canada et celui de la Saskatchewan relativement à un accord conclu avec une bande indienne de cette province en règlement d’une revendication fondée sur des droits fonciers issus de traités, si les conditions suivantes sont remplies :

(2) If, either before or after the coming into force of this subsection,

a) l’accord conclu avec la bande indienne est semblable ou identique à l’accord-cadre;

(a) an agreement is entered into with an Indian band of Saskatchewan in settlement of a treaty land entitlement claim on the same or substantially the same basis as the Framework Agreement, and

b) l’accord conclu par ces gouvernements est semblable ou identique à l’accord modifiant la CTRN.

(b) in connection with the agreement referred to in paragraph (a), the Government of Canada and the Government of Saskatchewan enter into an agreement in the same or substantially the same form as the NRTA Amendment Agreement,

the agreement between the Government of Canada and the Government of Saskatchewan referred to in paragraph (b) is hereby confirmed and shall take effect according to its terms.

[31]           L’« accord modifiant la CTRN » est défini à l’article 2 de la loi fédérale comme « l’accord conclu entre le gouvernement du Canada et celui de la Saskatchewan, modifiant la Convention sur le transfert des ressources naturelles (CTRN), et dont le texte figure à l’annexe I ».

[32]           L’annexe I de la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan présente l’ensemble de la Convention sur le transfert des ressources naturelles. En introduction, l’accord modifiant la CTRN reconnaît les obligations en souffrance en matière de droits fonciers issus de traités à l’égard de plusieurs Premières Nations de la Saskatchewan, souligne les obligations incombant à la Saskatchewan aux termes du  paragraphe 10 de la CTRN de la Saskatchewan et fait référence à la conclusion de l’accord-cadre, aux dispositions qu’il prévoit concernant des accords similaires subséquents et aux dispositions prévues pour libérer la Saskatchewan de ses obligations en vertu du paragraphe 10 de la CTRN de la Saskatchewan. La terminologie relative à la libération est intégrée dans les articles 2 et 3 de la CTRN, qui stipule dans les articles pertinents :

2 Le Canada convient que le surintendant général des Affaires indiennes ne demandera pas à la Saskatchewan de mettre des terres de côté aux termes du paragraphe 10 de la Convention sur le transfert des ressources naturelles pour remplir les obligations incombant au Canada en vertu des traités à l’égard […] des bandes ayant droit à des terres […], lorsqu’elles ratifient et signent un accord particulier (ou à l’égard des membres passés, actuels et futurs de ces bandes), pourvu que la Saskatchewan verse au Canada et au Fonds de règlement des droits fonciers issus des traités en Saskatchewan les montants à payer par celle-ci pour chacune de ces bandes, en vertu de l’accord-cadre, et pourvu que la Saskatchewan se conforme pour l’essentiel aux autres obligations que lui impose […] cet accord […].

2. Canada hereby agrees that the Superintendent General of Indian Affairs shall not request Saskatchewan to set aside any land pursuant to paragraph 10 of the Natural Resources Transfer Agreement to fulfil Canada’s obligations under the treaties in respect of any Entitlement Band [...], that ratifies, executes and delivers a Band Specific Agreement (or in respect of the past, present and future members of such Indian Bands), as long as Saskatchewan is paying to Canada and the Treaty Land Entitlement (Saskatchewan) Fund the amounts required to be paid by Saskatchewan in respect of each of the said Entitlement Bands in accordance with the Framework Agreement and Saskatchewan has not failed, in any material way, to comply with its other obligations thereunder [...].

3 Malgré l’article 2, le Canada convient en outre de libérer définitivement la Saskatchewan de toutes les obligations que lui impose le paragraphe 10 de la Convention sur le transfert des ressources naturelles à l’égard de chacune des bandes ayant droit à des terres […] lorsqu’elles concluent un accord particulier :

3. Notwithstanding section 2 hereof, Canada further agrees that it will forever release and discharge Saskatchewan from all of its obligations pursuant to paragraph 10 of the Natural Resources Transfer Agreement in respect of each Entitlement Band [...] that has entered into a Band Specific Agreement;

a) dans le cas de l’une ou l’autre des bandes ayant droit à des terres, à partir de la première des dates suivantes :

(a) in the case of any Entitlement Band, from and after the earlier of:

(i) la date à laquelle la superficie manquante de la bande sera acquise,

(i) the date upon which such Entitlement Band reaches its Shortfall Acres Acquisition Date; or

(ii) la date à laquelle la Saskatchewan aura payé tous les montants qu’elle doit verser au Canada et au Fonds de règlement des droits fonciers issus des traités en Saskatchewan, en vertu de l’accord-cadre, pour la bande; […].

(ii) the date upon which Saskatchewan has paid all amounts required to be paid by Saskatchewan to Canada and the Treaty Land Entitlement (Saskatchewan) Fund pursuant to the Framework Agreement in respect of such Entitlement Band; [...].

[33]           Les parties s’entendent pour dire que la Saskatchewan et le Canada ont signé un protocole d’entente identique ou sensiblement identique à l’accord modifiant la CTRN à la suite de la signature de l’accord de règlement avec la PNP, afin de libérer la Saskatchewan de ses obligations aux termes de la CTRN à l’égard de la PNP. Ce protocole d’entente relève de l’alinéa 3(2)b) de la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan.

[34]           L’article 4 de la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan prévoit la création du Fonds de règlement des droits fonciers issus de traités en Saskatchewan, auquel fait référence le sous-alinéa 20.19b)(iv) de l’accord-cadre, et le transfert au Fonds des sommes payables par la Saskatchewan et le Canada en vertu de l’accord-cadre et des accords de règlement subséquents, comme l’accord de règlement avec la PNP.

[35]           L’article 7 de la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan confirme précisément les articles de l’accord-cadre qui modifient la common law en ce qui concerne les droits des riverains. La loi dispose que les articles pertinents de l’accord-cadre « sont confirmés ». Ils sont également intégrés dans l’annexe II de la loi.

(2)               La Loi sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications (Alberta et Saskatchewan), L.C. 2002, ch. 3

[36]           La Loi sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications (Alberta et Saskatchewan) s’applique à l’accord de règlement avec la PNP en vertu de l’alinéa 3b) de la Loi, qui prévoit son application à tout accord de règlement contenant une disposition qui stipule qu’il est assujetti à la Loi. (Comme on l’a souligné, l’accord de règlement avec la PNP contient une telle disposition à l’article 20.24.)

[37]           La Loi sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications (Alberta et Saskatchewan) explique en détail le processus par lequel les terres cédées au Canada en vertu de l’accord-cadre ou d’accords de règlement subséquents doivent être mises de côté à titre de réserve aux termes de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5. Il faut le souligner, l’article 6 prévoit que tout intérêt sur des terres désignées par une bande ayant droit à des terres, mais qui n’ont pas encore été mises de côté à titre de réserve, peut, à certaines conditions, être cédé à la Couronne pour être transféré à un tiers. Le paragraphe 6(5) dispose en outre que tout droit ou intérêt désigné par voie de cession est réputé l’avoir été en vertu de la Loi sur les Indiens.

[38]           L’article 7 de la Loi sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications (Alberta et Saskatchewan) autorise le Canada à octroyer à un tiers un intérêt conditionnel sur les terres qui doivent être mises de côté à titre de réserve. En vertu du paragraphe 7(3) de la Loi, l’intérêt conditionnel octroyé est réputé l’avoir été en vertu de la Loi sur les Indiens.

B.                 Lois de la Saskatchewan

[39]           La Saskatchewan Natural Resources Transfer Agreement (Treaty Land Entitlement) Act, S.S. 1993, ch. S-31.1 contient en annexe l’accord modifiant la CTRN et dispose à l’article 2 que cet accord [traduction] « prend effet suivant ses dispositions ».

[40]           La Treaty Land Entitlement Implementation Act, S.S. 1993, ch. T-20.1 dispose que la Saskatchewan ne doit conserver aucun intérêt résiduel (relativement aux minéraux, aux cours d’eau ou aux terres formant le lit d’un cours d’eau) sur les terres mises de côté à titre de réserve en vertu de l’accord-cadre ou de tout accord particulier à une bande subséquent, sauf lorsque la Saskatchewan conserve spécifiquement un tel intérêt ou lorsque le Canada reconnaît expressément la conservation de cet intérêt.

C.                 Décrets

[41]           En plus des lois qui précèdent, des décrets ont été adoptés par le gouverneur général en conseil et par le lieutenant-gouverneur en conseil afin d’autoriser les représentants du gouvernement fédéral et du gouvernement de la Saskatchewan à signer l’accord-cadre et l’accord modifiant la CTRN (C.P. 1992-1400, 26 juin 1992, Weekly Listing of Federal Cabinet Orders in Council (liste hebdomadaire des décrets du Cabinet fédéral), vol. 13, no 19; décret du Conseil de la Saskatchewan 797/92, 9 septembre 1992), de même que l’accord de règlement avec la PNP et le protocole d’entente conclu par le Canada et la Saskatchewan joint à l’accord de règlement avec la PNP (C.P. 2008-1665, 13 septembre 2008, Weekly Listing of Federal Cabinet Orders in Council (liste hebdomadaire des décrets du Cabinet fédéral), vol. 29, no 37; décret du Conseil de la Saskatchewan 406/2008, 19 juin 2008).

IV.             La déclaration

[42]           Comme on l’a souligné, la PNP présente deux types distincts de revendications dans sa déclaration : elle allègue que le Canada et la Saskatchewan ont manqué à leurs obligations en vertu de l’accord de règlement avec la PNP ou en lien avec cet accord, et elle allègue également que la Saskatchewan et le Canada ont manqué à leurs obligations constitutionnelles et autres de consulter la PNP lorsque la Saskatchewan a octroyé un bail de droits miniers souterrains à un tiers en lien avec le projet minier Legacy.

[43]           Cette dernière revendication est expliquée en détail aux paragraphes 41 à 56 de la déclaration. Dans cette section, la PNP avance que le bail de droits miniers souterrains en question a été octroyé en septembre 2010 (il est donc antérieur à l’une ou l’autre des requêtes présentées par la PNP pour acheter des terres de la Couronne provinciale, aux termes de l’accord de règlement avec la PNP). Dans cette section de sa déclaration, la PNP allègue en outre qu’avant d’octroyer le bail de droits miniers, la Saskatchewan et le Canada auraient dû consulter la PNP, conformément à leurs obligations constitutionnelles et autres. Cependant, la PNP ne dit pas dans cette portion de sa déclaration que l’omission alléguée de consulter constituait une infraction à l’accord de règlement avec la PNP.

[44]           Dans le reste de sa déclaration, après avoir décrit le contexte entourant les accords, la PNP affirme que la Saskatchewan et le Canada ont manqué à leurs obligations en vertu de l’accord de règlement avec la PNP ou en lien avec cet accord, principalement en refusant à maintes occasions de rendre les terres de la Couronne provinciale disponibles pour la vente à la PNP. Plus précisément, la PNP allègue avoir présenté plusieurs demandes à la Saskatchewan afin qu’elle mette de côté des terres de la Couronne provinciale à son profit, aux termes de l’accord de règlement avec la PNP, et que la Saskatchewan a rejeté ces demandes, affirmant que les terres demandées avaient été vendues, faisaient l’objet de droits miniers préexistants ou avaient été désignées comme habitat de la faune. La PNP affirme que, malgré cela, les terres en question auraient dû lui être transférées en vertu de l’accord de règlement avec la PNP. Elle affirme aussi qu’en raison de ces refus, elle a été forcée d’acheter des terres de tiers et a dû, de manière injuste et discriminatoire, assumer seule la responsabilité de régler la question des intérêts des tiers sur les terres achetées.

[45]           Dans sa demande de redressement, la PNP sollicite plusieurs déclarations, dommages, intérêts et frais. À de nombreuses occasions, ses revendications relativement au manquement allégué à l’accord de règlement avec la PNP sont mêlées à des revendications fondées sur l’omission alléguée de consulter, en violation d’obligations fiduciaires, constitutionnelles ou de la common law que la Saskatchewan et le Canada auraient, selon elle, à son endroit.

V.                Compétence de la Cour fédérale à l’égard de la revendication de la PNP

[46]           Ayant établi le contexte pertinent, nous allons maintenant examiner si la Cour fédérale a commis une erreur en décidant qu’elle avait compétence pour juger l’action intentée par la PNP contre la Saskatchewan. Il s’agit d’une pure question de droit et, donc, la norme de contrôle applicable à l’examen de l’ordonnance de la Cour fédérale est celle de la décision correcte : Produits forestiers du Canada Ltée c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 220, au paragraphe 21, [2006] 1 R.C.F. 570; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, au paragraphe 8; Trainor Surveys (1974) Ltd. c. Nouveau-Brunswick, [1990] 2 C.F. 168, 1990 CarswellNat 623, au paragraphe 10 (1re inst.).

[47]           Pour déterminer si la Cour fédérale avait raison de présumer qu’elle avait compétence pour juger l’action intentée par la PNP contre la Saskatchewan, il faut prendre en considération deux questions interreliées : d’abord, la Saskatchewan peut-elle prétendre bénéficier de l’immunité à l’égard de poursuites devant la Cour fédérale en vertu de l’immunité accordée à la Couronne et, deuxièmement, la Cour fédérale a-t-elle compétence sur l’objet du litige à l’égard des revendications contre la Saskatchewan dans cette action, puisque la Cour fédérale doit avoir compétence sur les parties et compétence sur l’objet du litige pour pouvoir procéder à l’instruction d’une poursuite : Alberta c. Toney, 2013 CAF 217, au paragraphe 10, 2013 CarswellNat 3339 [Toney]? Les questions soulevées par la requête de la Saskatchewan sont par conséquent plus complexes que ce qu’en a dit la Cour fédérale dans sa brève ordonnance verbale.

A.                Immunité de la Couronne

[48]           Concernant d’abord la question de l’immunité de la Couronne, le point de départ de la discussion est la reconnaissance qu’en common law, la Couronne bénéficie de l’immunité à l’égard de poursuites devant tout tribunal : Peter Hogg, Patrick Monahan, Wade K. Wright, Liability of the Crown, 4th ed. (Toronto: Carswell, 2011), à la page 485.

[49]           Cette règle de common law a été abolie par des législateurs fédéraux et provinciaux canadiens. La législation provinciale prévoit expressément que la Couronne du chef de chaque province peut être poursuivie devant les tribunaux de cette province, alors que la LCF et la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C-50 [LRCECA] disposent expressément que la Couronne du chef du Canada peut faire l’objet de poursuites devant la Cour fédérale ou la cour supérieure de la province dans laquelle survient la cause d’action, sauf lorsque la Cour fédérale a compétence exclusive sur la demande (LRCECA, art. 21; LCF, art. 17). Cependant, aucune de ces lois ne dit que la Couronne du chef d’une province peut faire l’objet de poursuites devant la Cour fédérale (ou, d’ailleurs, devant les tribunaux d’une autre province).

[50]           Comme la Saskatchewan le souligne à juste titre, on a conclu dans plusieurs décisions, qu’à la lumière de ce qui précède, la Couronne provinciale ne peut être poursuivie devant la Cour fédérale en raison, en partie, du principe de l’immunité de la Couronne. Plus précisément, la Cour et la Cour fédérale ont conclu que les alinéas 17(1) et 17(2) de la LCF, qui prévoient la possibilité de poursuites contre la Couronne devant la Cour fédérale, ne s’appliquent pas à la Couronne provinciale, parce que le terme « Couronne » est défini à l’article 2 de la LCF comme étant Sa Majesté du chef du Canada : Vollant c. Canada, 2009 CAF 185, au paragraphe 5, 2009 CarswellNat 1900; Bande de Blood c. Canada, 2001 CFPI 1067, aux paragraphes 15 à 21 et 26, 2001 CarswellNat 2232; Greeley c. « Tami Joan » (Le), 113 F.T.R. 66, 1996 CarswellNat 731, au paragraphe 18 [Greeley]; Khagee c. Canada, [1992] 3 C.F. 576, 1992 CarswellNat 131, aux paragraphes 12, 27 et 28 (1re inst.); Varnam c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1988] 2 C.F. 454, 1988 CarswellNat 180, au paragraphe 14 (C.A.); Joe c. Canada, [1984] 1 C.N.L.R. 96, 1983 CarswellNat 486, au paragraphe 4 (C.A.F.), conf. par [1986] 2 R.C.S. 145; Bande du lac Lubicon c. Canada, [1981] 2 C.F. 317, 1980 CarswellNat 15, au paragraphe 8 (1re inst.); Union Oil Co. c. Canada, [1974] 2 C.F. 452, 1974 CarswellNat 107, au paragraphe 17 (1re inst.), conf. par [1976] 1 C.F. 74 (C.A.).

[51]           De manière semblable, l’article 19 de la LCF a été considéré comme insuffisant pour statuer sur le fait que la Couronne du chef d’une province peut être poursuivie devant la Cour fédérale à l’instance d’un tiers, même dans les cas où le Canada est le codéfendeur et pourrait présenter une réclamation contre la province : arrêt Toney, au paragraphe 24; décision Bande de Fairford c. Canada (Procureur général), [1995] 3 C.F. 165, 96 F.T.R. 172, au paragraphe 13. (L’article 19 de la LCF autorise les actions devant la Cour fédérale entre une province et le Canada ou entre les provinces, lorsqu’une province a adopté une loi accordant à la Cour fédérale compétence pour juger de telles actions.)

[52]           La Saskatchewan allègue que les principes et la jurisprudence qui précèdent s’appliquent également dans le cas présent et qu’elle ne peut par conséquent être désignée par la PNP comme partie à cette action intentée devant la Cour fédérale. Nous ne sommes pas d’accord, car il y a une différence importante entre la présente cause et les causes sur lesquelles s’appuie la Saskatchewan. En l’espèce, contrairement à celles citées par la Saskatchewan, il existe deux accords – l’accord-cadre et l’accord de règlement avec la PNP – en vertu desquels la Saskatchewan s’est dite d’accord pour que les demandes visant l’interprétation et l’exécution de l’accord-cadre et de l’accord de règlement avec la PNP soient présentées devant la Cour fédérale.

[53]           Plus précisément, comme il a déjà été souligné, la Saskatchewan a convenu à l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP que [traduction] « tout différend entre les parties, notamment sur une question d’interprétation d’un terme, d’un engagement, d’une condition ou d’une disposition » de l’accord de règlement avec la PNP et que toutes les questions liées à l’exécution de l’accord [traduction] « relèvent de la compétence exclusive de la Cour fédérale du Canada ». Cette disposition doit être interprétée comme un accord donné par la Saskatchewan d’acquiescer à la compétence de la Cour fédérale.

[54]           Des questions semblables à celles-ci ont été abordées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Banque de Montréal c. Procureur général (Québec), [1979] 1 R.C.S. 565, 1978 CanLII 173 [Banque de Montréal c. Québec], où la Cour suprême a conclu que la Couronne est liée aux contrats qu’elle signe et que les droits et prérogatives de la Couronne ne peuvent être invoqués pour limiter ou modifier les modalités d’un contrat auquel elle est liée (voir pages 573 à 575).

[55]           Dans l’arrêt Banque de Montréal c. Québec, la province de Québec a ouvert un compte à la Banque de Montréal et a intenté une action contre cette dernière pour réclamer le montant d’un chèque dont l’endossement a été forgé et qui a été débité par la banque au compte de la province. La province a appris l’existence du faux trois ans et demi avant d’en donner avis à la banque. La banque a refusé de rembourser la province, en se fondant sur les dispositions de la Loi sur les lettres de change, L.R.C. (1970), ch. B-5, qui disposent qu’à défaut de donner avis d’un faux endossement à la banque dans l’année, la victime du faux ne peut récupérer la somme perdue auprès de la banque. La province du Québec affirmait qu’elle n’était pas liée par les dispositions pertinentes de la Loi sur les lettres de change, puisque la loi fédérale ne dit pas qu’elle s’applique à la Couronne du chef d’une province.

[56]           La Cour suprême a rejeté cette thèse et a conclu que les dispositions pertinentes de la Loi sur les lettres de change sont sous-entendues dans chaque contrat entre une banque et un titulaire de compte. La Cour a déterminé qu’en ouvrant un compte de banque, la province du Québec était liée par les dispositions de la Loi sur les lettres de change et qu’elle ne pouvait invoquer le principe de l’immunité de la Couronne pour se soustraire à l’application des modalités expresses et implicites de son contrat avec la Banque de Montréal. Par conséquent, l’action intentée par le Québec contre la Banque a été rejetée en raison du non-respect de sa part des dispositions en matière d’avis contenues dans la Loi sur les lettres de change.

[57]           De façon semblable, en l’espèce, la Saskatchewan est liée par l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP, qui est un exemple beaucoup plus clair d’une disposition contractuelle visant à empêcher la Saskatchewan d’invoquer le principe de l’immunité de la Couronne.

[58]           La seule façon d’interpréter l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP, c’est de conclure qu’il signifie ce qu’il dit de façon non ambiguë, soit que toutes les revendications concernant l’interprétation et l’exécution de l’accord de règlement avec la PNP doivent être soumises à la Cour fédérale.

[59]           Malgré le libellé très clair de cette disposition, la Saskatchewan allègue que l’article doit être lu comme signifiant que seules les revendications visant l’application de l’accord de règlement avec la PNP dirigées contre le Canada doivent être soumises à la Cour fédérale et que la Saskatchewan ne peut être traduite devant la Cour fédérale , conformément à l’article 19 de la LCF, que si le Canada introduit une demande de mise en cause à l’égard de la Saskatchewan. La Saskatchewan allègue que la PNP, qui était représentée par son avocat durant la négociation et la signature subséquente de l’accord de règlement avec la PNP, devait savoir que la Saskatchewan ne peut faire l’objet de poursuites devant la Cour fédérale et que, par conséquent, l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP ne peut être appliqué contre la Saskatchewan et que la PNP devait le savoir quand elle a signé l’accord.

[60]           Cet argument ne tient pas la route pour plusieurs raisons. En premier lieu, il fait violence au libellé clair de l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP. Comme on l’a souligné, l’article stipule clairement que toutes les revendications concernant l’interprétation et l’exécution de l’accord de règlement avec la PNP doivent être soumises à la Cour fédérale.

[61]           En deuxième lieu, l’interprétation proposée par la Saskatchewan mène à une absurdité. En raison des dispositions de l’alinéa 17(3)b) de la LCF, les revendications visant l’interprétation et l’exécution de l’accord de règlement avec la PNP déposées contre le Canada doivent être soumises à la Cour fédérale, conformément à ce qui a été convenu par écrit par la PNP et la Couronne fédérale; en outre, l’alinéa 17(3)b) de la LCF donne à la Cour fédérale la compétence exclusive de juger de telles revendications contre le Canada, comme le concède la Saskatchewan. Si l’interprétation que fait la Saskatchewan devait être admise, nous serions devant le résultat absurde que la PNP – et chaque première nation signataire d’un accord de règlement similaire concernant des droits fonciers issus de traités – devrait introduire deux actions en justice advenant le cas où elle aurait l’impression que les gouvernements ne respectaient pas leurs obligations contractuelles : une devant la Cour fédérale contre le Canada et une autre devant une cour supérieure provinciale contre la province. Il est impossible qu’un tel résultat ait pu être visé.

[62]           Enfin, la PNP allègue que le fait d’accepter l’interprétation de la Saskatchewan serait contraire à l’honneur de la Couronne, puisque cela autoriserait la Saskatchewan à se soustraire aux conditions claires de l’accord qu’elle a signé avec la PNP. Pour évaluer cette affirmation, il est important de déterminer si l’accord-cadre et l’accord de règlement avec la PNP correspondent aux types d’accords contenant un « certain élément de solennité » suffisant pour engager l’honneur de la Couronne, comme l’ont envisagé la majorité des juges de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, au paragraphe 71, [2013] 1 R.C.S. 623 [Manitoba Metis]. Dans cet arrêt, les juges ont établi, à la majorité, quatre cas où l’honneur de la Couronne a été appliqué :

(1)        Le principe de l’honneur de la Couronne fait naître une obligation fiduciaire lorsque la Couronne assume des pouvoirs discrétionnaires à l’égard d’un intérêt autochtone particulier;

(2)        Le principe de l’honneur de la Couronne guide l’interprétation téléologique de l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et fait naître une obligation de consultation lorsque la Couronne envisage des mesures qui auront une incidence sur un intérêt autochtone revendiqué, mais non encore établi;

(3)        Le principe de l’honneur de la Couronne régit la conclusion des traités et leur mise en œuvre, et commande le respect d’exigences telles que s’en tenir à une négociation honnête et éviter l’apparence de manœuvres malhonnêtes;

(4)        Le principe de l’honneur de la Couronne exige qu’elle agisse de manière à ce que les traités conclus avec les Autochtones et les concessions prévues par la loi en leur faveur atteignent leur but.

[Manitoba Metis, au paragraphe 73; citations omises]

[63]           À notre avis, il est clair que les trois premiers scénarios mis de l’avant dans l’arrêt Manitoba Metis ne s’appliquent pas, car l’accord-cadre et l’accord de règlement avec la PNP ne donnent pas à la Couronne des pouvoirs discrétionnaires à l’égard d’un intérêt autochtone particulier, n’invoquent pas de principes constitutionnels comme l’interprétation téléologique de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11, et ne sont pas le résultat de la conclusion d’un traité ou de sa mise en œuvre. Toutefois, le dernier scénario présenté dans l’arrêt Manitoba Metis peut s’appliquer. Il est important de rappeler le contexte de l’accord-cadre et de l’accord de règlement avec la PNP :

         certains traités ont été signés par la Couronne et les Premières Nations (par exemple, le Traité no 4);

         les Premières Nations affirment que des obligations demeurent en souffrance en vertu des traités;

         la CTRN, qui est à n’en pas douter un document constitutionnel, stipule qu’une province pourrait devoir transférer des terres de la Couronne inoccupées pour satisfaire à des obligations en souffrance en vertu des traités;

         la Couronne fédérale et la Couronne provinciale ont signé l’accord-cadre et l’accord de règlement avec la PNP dans le but de résoudre ces revendications en souffrance et d’offrir une marche à suivre détaillée pour y arriver.

[64]           Dans ces circonstances, on pourrait avancer l’argument convaincant que la Couronne doit agir de manière « à ce que les traités conclus avec les Autochtones et les concessions prévues par la loi en leur faveur atteignent leur but », comme on le souligne dans l’arrêt Manitoba Metis, au paragraphe 73. À notre avis, l’honneur de la Couronne est engagé dans cette affaire dans la mesure où le texte clair et sans ambiguïté de l’accord-cadre et de l’accord de règlement avec la PNP – qui ont été négociés de bonne foi avec toutes les parties dûment représentées par un avocat – devrait être interprété de manière à respecter les modalités des accords. La Saskatchewan ne doit pas être autorisée à réécrire ou à réinterpréter les modalités de l’accord énoncées à l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP.

[65]           Ainsi, comme la Saskatchewan est liée par l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP, elle ne bénéficie pas de l’immunité de juridiction devant la Cour fédérale relativement à une demande à laquelle s’applique l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP.

B.                 La compétence sur l’objet du litige

[66]           Toutefois, la détermination qui précède ne constitue pas l’aboutissement de notre enquête, puisque la Cour fédérale doit également posséder la compétence sur l’objet du litige, en ce qui concerne la revendication de la PNP contre la Saskatchewan, pour qu’une quelconque partie de l’action intentée contre elle puisse être entendue devant la Cour fédérale.

[67]           Dans l’arrêt ITO-International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics, [1986] 1 R.C.S. 752, à la page 766, 1986 CanLII 91 [ITO], la Cour suprême du Canada a fait état d’un critère à trois volets pour établir que la Cour fédérale a compétence à l’égard d’une affaire en particulier :

1.      il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral;

2.      il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence;

3.      la loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[68]           Le premier volet de ce critère requiert l’existence d’une loi fédérale, accordant à la Cour fédérale compétence à l’égard de l’objet du litige. Dans la plupart des cas, cette compétence est conférée par la LCF. Les deuxième et troisième volets du critère visent à déterminer si la loi fédérale joue un rôle suffisamment important dans l’affaire pour s’inscrire dans le champ de compétence de la Cour fédérale. Ces exigences doivent être respectées, car la Cour fédérale a été établie en vertu de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour administrer les lois du Canada et ne peut donc agir que dans le respect de cette loi.

[69]           Dans l’arrêt Roberts c. Canada, [1989] 1 R.C.S. 322, 1989 CanLII 122 [Roberts], la Cour suprême du Canada a souligné le chevauchement existant entre les deuxième et troisième éléments du critère de l’arrêt ITO. Dans cet arrêt, la Cour suprême a conclu que la Cour fédérale avait compétence concernant les différends liés aux terres situées dans une réserve indienne en vertu à la fois de la Loi sur les Indiens (laquelle consacre un régime relatif à ces terres) et de la common law relative au titre aborigène, qui, selon les conclusions de la Cour suprême, fait partie de la common law fédérale et constitue un fondement suffisant en soi pour satisfaire aux deuxième et troisième éléments du critère de l’arrêt ITO. S’exprimant au nom de la Cour, le juge Wilson a déclaré sur ce point (à la p. 340) :

Je suis donc d’avis de conclure que seules les “lois du Canada” sont requises pour résoudre le présent pourvoi, savoir les dispositions pertinentes de la Loi sur les Indiens, l’acte que l’exécutif fédéral a accompli conformément à la Loi sur les Indiens en mettant de côté la réserve en cause pour l’usage et l’occupation de l’une ou de l’autre des deux bandes requérantes, et la common law du titre aborigène qui sous-tend les obligations de fiduciaire qu’a la Couronne envers les deux bandes. Les deux autres éléments du critère établi dans l’arrêt ITO, précité, sont en conséquence respectés.

[70]           Un raisonnement semblable s’applique à la présente affaire, et les deuxième et troisième éléments du critère de l’arrêt ITO sont respectés, parce que les parties de l’action intentée par la PNP pour que la Cour fédérale interprète et exécute l’accord de règlement avec la PNP concernent un accord de règlement de droits fonciers issus de traités, lequel envisage la création de terres de réserve additionnelles au profit de membres de la PNP. Dans la mesure où la PNP cherche à assurer le respect de droits sur des terres de réserve additionnelles, ces parties de l’action intentée concernent la common law fédérale et sont également intimement liées à la Loi sur les Indiens. En vertu du raisonnement utilisé dans l’arrêt Roberts, cela respecte les deuxième et troisième éléments du critère de l’arrêt ITO.

[71]           Qui plus est, cette affaire concerne d’autres lois fédérales qui viennent alimenter l’attribution de compétence. En plus de la Loi sur les Indiens, la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan et la Loi sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications (Alberta et Saskatchewan) s’appliquent également à la présente affaire. Ces lois renforcent l’idée que les deuxième et troisième éléments du critère de l’arrêt ITO sont respectés relativement aux parties de la déclaration demandant que la Cour fédérale interprète et exécute l’accord de règlement avec la PNP. En fait, le lien avec ces lois et la Loi sur les Indiens est plus solide que le lien avec la loi fédérale établi dans l’arrêt Canadian Transit Company c. Windsor (Corporation de la ville), 2015 CAF 88, 2015 CarswellNat 4835, (autorisation de pourvoi devant la CSC accordée, [2015] S.C.C.A. no 223), où on a conclu que la loi constitutive de l’autorité exploitant le pont Ambassador était suffisante pour établir la compétence de la Cour fédérale relativement à une demande visant à déclarer invalide un règlement municipal.

[72]           Par conséquent, nous concluons que les deuxième et troisième éléments du critère de l’arrêt ITO sont respectés. En fait, la Saskatchewan ne conteste pas énergiquement ce fait, mais concentre plutôt ses objections quant à la compétence de la Cour fédérale sur le premier élément du critère de l’arrêt ITO et allègue que le législateur fédéral n’a pas attribué à la Cour fédérale de compétence dans cette affaire.

[73]           Dans la présente affaire, on peut avancer deux possibles attributions de compétence à la Cour fédérale qui pourraient satisfaire au premier élément du critère de l’arrêt ITO, à savoir l’alinéa 17(3)b) de la LCF ou les lois fédérales adoptées pour rendre exécutoires l’accord-cadre et l’accord de règlement avec la PNP – la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan et la Loi sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications (Alberta et Saskatchewan).

[74]           Nous sommes d’accord avec la Saskatchewan que ces deux dernières mesures législatives ne constituent pas une attribution de compétence à la Cour fédérale suffisante pour satisfaire au premier élément du critère de l’arrêt ITO, puisqu’aucune de ces lois n’est pertinente pour la question en cause.

[75]           La seule façon possible de conclure à une attribution de compétence à la Cour fédérale dans ces deux lois serait de les considérer comme incorporant les clauses de reconnaissance des articles 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP ou 20.20 de l’accord-cadre. Toutefois, comme a conclu le juge Pelletier (tel était alors son titre) dans la décision Thomas c. Peace Hills Trust Co., 2001 CFPI 443, 204 F.T.R. 274 [Peace Hills Trust], on ne peut affirmer que l’accord-cadre (et par extension l’accord de règlement avec la PNP) a été incorporé dans son intégralité dans ces lois, puisqu’aucune d’elles ne contient de disposition visant l’incorporation de l’intégralité des accords. En fait, comme il est souligné dans la décision Peace Hills Trust, le fait que la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan dispose qu’elle incorpore les dispositions de l’accord-cadre portant sur les droits des riverains mène à la conclusion que l’on ne peut considérer que le reste de l’accord a été incorporé dans cette loi. Ainsi, on ne peut considérer que la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan ou la Loi sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications (Alberta et Saskatchewan) incorpore la clause de reconnaissance, qui est la seule disposition dans les accords qui porte sur la compétence de la Cour fédérale. Nous concluons donc que la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan et la Loi sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications (Alberta et Saskatchewan) ne satisfont pas au premier élément du critère énoncé dans l’arrêt ITO.

[76]           En ce qui concerne la LCF, il est utile de reproduire le paragraphe 17(3), qui prescrit ce qui suit :

17 (3) Elle a compétence exclusive, en première instance, pour les questions suivantes :

17. (3) The Federal Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine the following matters:

a) le paiement d’une somme dont le montant est à déterminer, aux termes d’une convention écrite à laquelle la Couronne est partie, par la Cour fédérale — ou l’ancienne Cour de l’Échiquier du Canada — ou par la Section de première instance de la Cour fédérale;

(a) the amount to be paid if the Crown and any person have agreed in writing that the Crown or that person shall pay an amount to be determined by the Federal Court, the Federal Court — Trial Division or the Exchequer Court of Canada; and

b) toute question de droit, de fait ou mixte à trancher, aux termes d’une convention écrite à laquelle la Couronne est partie, par la Cour fédérale — ou l’ancienne Cour de l’Échiquier du Canada — ou par la Section de première instance de la Cour fédérale.

(b) any question of law, fact or mixed law and fact that the Crown and any person have agreed in writing shall be determined by the Federal Court, the Federal Court — Trial Division or the Exchequer Court of Canada.

[77]           Relativement peu d’affaires ont été jugées en vertu de l’alinéa 17(3)b) de la LCF. On en a discuté dans la décision Peace Hills Trust, mais les commentaires apportés au sujet de l’alinéa dans cette décision sont non contraignants, puisque l’affaire concerne une revendication contre une partie qui n’était pas signataire de l’accord-cadre ni de tout autre accord censé donner compétence à la Cour fédérale. Dans cette décision, le juge Pelletier a souligné que « l’effet du paragraphe 17(3) n’est pas d’élargir la compétence de la Cour fédérale, mais d’éliminer la compétence de la Cour supérieure provinciale » (au paragraphe 28). En toute déférence, nous ne sommes pas d’accord, étant donné que le contexte législatif de la disposition montre clairement que le paragraphe 17(3) de la LCF est une disposition attributive de compétence.

[78]           À cet égard, avant le 1er février 1992, la Cour fédérale avait compétence exclusive concernant les revendications contre la Couronne fédérale; les paragraphes 17(1) et 17(2) de la LCF prescrivaient alors ce qui suit :

17 (1) La Section de première instance connaît, en première instance, de tous les cas de demande de réparation contre la Couronne et, sauf disposition contraire, cette compétence est exclusive.

17. (1) The Trial Division has original jurisdiction in all cases where relief is claimed against the Crown and, except where otherwise provided, the Trial Division has exclusive original jurisdiction in all of those cases.

(2) La Section de première instance a notamment compétence exclusive en première instance, sauf disposition contraire, dans les cas de demande motivés par :

(2) Without restricting the generality of subsection (1), the Trial Division has exclusive original jurisdiction, except where otherwise provided, in all cases in which

a) la possession par la Couronne de terres, biens ou sommes d’argent appartenant à autrui;

(a) the land, goods or money of any person is in the possession of the Crown;

b) un contrat conclu par ou pour la Couronne;

(b) the claim arises out of a contract entered into by or on behalf of the Crown; or

c) un trouble de jouissance dont la Couronne se rend coupable.

(c) there is a claim against the Crown for injurious affection.

[soulignements de la Cour]

[Emphasis added]

[79]           Cependant, des dispositions identiques figuraient alors aux alinéas 17(3)a) et b) de la LCF. En fait, les alinéas actuels 17(3)a) et b) de la LCF donnent à la Cour fédérale une compétence exclusive depuis sa création en 1970. Le libellé des paragraphes 17(1) et 17(2) a été modifié en 1990 pour donner à la Cour fédérale une compétence concurrente à celle des cours supérieures provinciales. Toutefois, la compétence exclusive conférée par les alinéas 17(3)a) et b) est demeurée intacte.

[80]           Pour que les alinéas 17(3)a) et b) de la LCF aient pu avoir une signification avant le 1er février 1992, il aurait fallu qu’ils disent que les parties pouvaient conférer une compétence à la Cour en plus de la compétence exclusive qu’elle possédait déjà de juger les revendications contre la Couronne fédérale. Il n’y a aucune raison d’interpréter les alinéas différemment aujourd’hui.

[81]           Ainsi, nous concluons que l’alinéa 17(3)b de la LCF ne sert pas qu’à éliminer la compétence des cours supérieures provinciales dans les affaires où il existe une compétence concurrente, mais qu’il doit plutôt être interprété comme donnant compétence à la Cour fédérale et éliminant la compétence provinciale dans les situations où la Couronne fédérale et les autres parties à l’action intentée ou à la demande ont convenu que la question devait être portée devant la Cour fédérale pour être jugée.

[82]           L’alinéa 17(3)a) de la LCF, qui contient la disposition parallèle à l’alinéa 17(3)b), a été appliqué pour déterminer le montant des loyers payables en vertu de baux avec le Canada ou un mandataire de la Couronne fédérale, où les parties ont convenu par écrit de renvoyer l’affaire à la Cour fédérale pour détermination du montant du loyer : Turberfield c. Canada, 2012 CAF 170, 2012 CarswellNat 2032; ordonnance d’accréditation du 23 janvier 2013 rendue dans l’arrêt Schnurr et autres c. Canada (décision non rapportée, dossier T-2193-09); Canada c. Crosson, 169 F.T.R. 218, 1999 CanLII 8350, aux paragraphes 15 et 31 à 33; Bosa c. Canada (Procureur général), 2013 CF 793, au paragraphe 7, 230 A.C.W.S. (3d) 425; Irving Refining Ltd. c. Canada (Conseil des ports nationaux), [1976] 2 C.F. 415, 1976 CarswellNat 34, au paragraphe 5 (1re instance). Nous ne voyons pas pourquoi des accords écrits ne pourraient pas aussi permettre, en vertu de l’alinéa 17(3)b) de la LCF, de présenter à la Cour fédérale les questions répondant à la compétence de la Cour fédérale sur l’objet du litige pour y être réglées.

[83]           Par conséquent, nous concluons que l’alinéa 17(3)b) de la LCF est attributif de compétence et satisfait au premier élément du critère énoncé dans l’arrêt ITO, en ce sens qu’il donne compétence à la Cour fédérale d’entendre et de juger toute affaire de fait ou de droit, ou toute affaire mixte de droit et de fait que la Couronne fédérale et une autre partie ont convenu par écrit de renvoyer à la Cour fédérale pour détermination, à condition que l’objet de l’accord réponde également aux deux autres éléments du critère énoncé dans l’arrêt ITO. Ainsi, pour qu’un accord puisse permettre de présenter une affaire devant la Cour fédérale en vertu de l’alinéa 17(3)b) de la LCF, il doit concerner une loi du Canada, au sens de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, et il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et qui constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

[84]           Comme les deux derniers éléments du critère énoncé dans l’arrêt ITO sont satisfaits dans la présente affaire, il s’ensuit que la clause de reconnaissance est suffisante pour donner compétence à la Cour fédérale d’interpréter et d’exécuter l’accord de règlement avec la PNP.

[85]           La Saskatchewan affirme que l’alinéa 17(3)b) de la LCF ne doit pas être interprété de cette façon, puisque les parties ne peuvent conférer une compétence à un tribunal en vertu d’un accord, se fondant principalement sur la décision Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des transports), [1988] 2 C.F. 437, 1987 CarswellNat 226 (1re instance) [CCFNC] et la décision Greeley pour soutenir sa proposition. Même si nous sommes d’accord avec la Saskatchewan que les parties ne peuvent conférer une compétence à un tribunal en vertu d’un accord, à moins que la loi constitutive du tribunal ne prévoie le contraire, ce n’est pas ce qui se passe lorsque l’alinéa 17(3)b) de la LCF est invoqué avec succès. Lorsque l’alinéa 17(3)b) de la LCF s’applique, la compétence est conférée par une disposition législative et non en vertu d’un accord. De plus, les décisions CCFNC et Greeley ne sont d’aucune aide à la Saskatchewan, puisqu’aucune ne concerne un accord avec la Couronne fédérale en vertu duquel les parties ont convenu de soumettre tout litige à la compétence de la Cour fédérale. Par conséquent, ces affaires sont faciles à distinguer de celle qui nous occupe.

[86]           La Saskatchewan se fonde également sur la récente décision de la Cour dans l’arrêt Toney pour appuyer ses objections sur la compétence de la Cour fédérale. Dans cet arrêt, la Cour, à la majorité, a interprété de façon étroite l’article 22 de la LCF et a déterminé que l’attribution de compétence dans les affaires concernant la navigation et la marine marchande « opposant notamment des administrés » ne s’appliquait pas à la Couronne du chef d’une province, parce que la LCF n’exprime pas de façon claire une intention de lier la Couronne du chef d’une province dans les affaires concernant la navigation et la marine marchande. La Cour a donc conclu que les principes d’immunité de la Couronne empêchaient l’article 22 de s’appliquer à la Couronne du chef de l’Alberta. À notre avis, cette affaire n’aide vraisemblablement pas la cause de la Saskatchewan, parce qu’il n’y était pas question de l’alinéa 17(3)b) de la LCF et que l’Alberta n’avait pas signé une clause de reconnaissance semblable à l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP. Par conséquent, l’arrêt Toney est facile à distinguer de l’affaire qui nous occupe.

[87]           Une fois la présente affaire prise en délibéré, l’avocat de la Saskatchewan a écrit à la Cour pour présenter des observations supplémentaires fondées sur la récente décision de la Cour d’appel de la Saskatchewan dans l’arrêt Saskatchewan v. Saskatchewan Government and General Employees Union, 2016 SKCA 56 [Saskatchewan v. SGEU], laquelle, allègue-t-il, étaye la thèse voulant que les accords négociés ne puissent pas dicter l’interprétation d’une loi. Nous sommes d’avis que l’avocat n’aurait pas dû présenter ces observations supplémentaires sans l’autorisation de la Cour, mais malgré cela, nous avons décidé d’examiner en substance ses observations.

[88]           Nous ne sommes pas d’avis que l’arrêt Saskatchewan v. SGEU étaye la thèse avancée, puisqu’il s’agissait de l’évaluation du caractère raisonnable de la décision d’un arbitre ayant refusé de donner effet aux conditions d’une convention collective contraires à des dispositions législatives. Toutefois, même si l’arrêt Saskatchewan v. SGEU peut être considéré comme étayant la thèse selon laquelle des accords négociés ne peuvent pas dicter l’interprétation d’une loi, cette thèse n’est pas pertinente à la cause en l’espèce qui concerne l’effet à donner à un accord de reconnaissance négocié à la lumière de l’interprétation juste de la LCF. Pour les motifs précités, nous sommes d’avis que l’effet combiné de la clause de reconnaissance dans l’accord de règlement avec la PNP et de l’alinéa 17(3)b) de la LCF est d’attribuer à la Cour fédérale une compétence exclusive sur les parties de la revendication de la PNP où elle demande à la Cour d’interpréter et d’appliquer l’accord de règlement avec la PNP. Par conséquent, nous rejetons l’appel en ce qui concerne les parties de la revendication de la PNP où elle demande à la Cour d’interpréter et d’appliquer l’accord de règlement avec la PNP.

[89]           Toutefois, la Cour fédérale n’a pas compétence sur la partie de la revendication dans sa forme actuelle énoncée aux paragraphes 41 à 56 de la déclaration et qui allègue que la Saskatchewan a manqué à son devoir de consulter avant d’accorder des droits miniers à des tiers en lien avec le projet minier Legacy. Cette revendication se distingue de celles qui ont trait à l’accord de règlement avec la PNP, et la clause de reconnaissance de l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP ne peut s’appliquer à cette dernière. Par conséquent, il n’existe aucun fondement à la compétence de la Cour fédérale à l’égard de la revendication contre la Saskatchewan concernant son devoir de consulter, puisque la Saskatchewan n’a pas reconnu la compétence de la Cour à cet égard. L’alinéa 17(3)b) de la LCF ne peut pas non plus s’appliquer à cette revendication concernant un devoir de consulter, laquelle, dans sa forme actuelle, n’est pas liée à l’accord de règlement avec la PNP. Par conséquent, il n’existe aucun fondement à la compétence de la Cour fédérale sur cette partie de la revendication de la PNP, et en vertu de la jurisprudence invoquée par la Saskatchewan (dont il est question au paragraphe 50 précité), cette partie de la revendication doit être radiée, puisque l’allégation présentée dans les paragraphes 41 à 56 de la déclaration n’a pas de lien avec l’accord de règlement avec la PNP.

VI.             Conclusion et dispositif proposé

[90]           Nous radierions donc les paragraphes 41 à 56 de la déclaration et donnerions l’autorisation de les modifier pour clarifier en quoi l’octroi de droits miniers à des tiers en lien avec le projet minier Legacy constitue un manquement à l’accord de règlement avec la PNP. Nous radierions également le paragraphe 1, et donnerions l’autorisation de le modifier, puisque les revendications de la demande de redressement qui relèvent de la compétence de la Cour fédérale sont étroitement liées à celles qui ne relèvent pas de cette même compétence. La mesure la plus simple à appliquer est par conséquent de radier le paragraphe et de donner à la PNP la possibilité de modifier sa demande de redressement pour exercer des recours découlant de l’interprétation et de l’application de l’accord de règlement avec la PNP contre la Saskatchewan et le Canada et exercer le reste des recours uniquement contre le Canada.

[91]           Nous sommes conscients que la bifurcation potentielle de la revendication contre la Saskatchewan n’est peut-être pas ce que souhaiterait la PNP pour exposer ses diverses revendications, mais nous croyons que c’est ce qu’exige l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP. Qui plus est, les revendications visant l’interprétation et l’application de l’accord de règlement avec la PNP et un manquement à un devoir de consulter non lié sont théoriquement distinctes et peuvent par conséquent être débattues séparément. Si cela semble trop lourd, les parties sont libres, conformément à l’article 20.11 de l’accord de règlement avec la PNP, de signer un accord modificateur pour conférer la compétence pour l’ensemble du litige à la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan.

[92]           Enfin, nous souhaitons commenter la question pratique soulevée par la Saskatchewan relativement au fait que d’autres revendications semblables à celle de la PNP ont été entendues par la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, laquelle, selon nos conclusions, n’a pas compétence sur ces revendications : voir, par exemple, l’arrêt Chief Austin Bear c. Government of Saskatchewan, 2010 SKQB 342, 2010 CarswellSask 617 [Bear 2010]; l’arrêt Bear c. Saskatchewan, 2012 SKQB 232, 2012 CarswellSask 398; l’arrêt One Arrow First Nation c. Saskatchewan, [2000] 1 C.N.L.R. 162, 1999 CanLII 12857 (SK QB). Il semble que la question de la compétence n’a pas été soulevée dans les arrêts précités et ils n’offrent donc aucune jurisprudence sur la question. Toutefois, autre détail intéressant, la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a noté en passant, dans l’arrêt Bear 2010, que la clause de reconnaissance convenue dans l’accord de règlement avec la Première Nation Muskoday, laquelle est identique à l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP, pourrait constituer une entrave à l’action intentée par la Première Nation Muskoday devant la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan si le Canada devait demeurer partie à l’action.

[93]           Les parties pourraient, dans les affaires entendues devant les tribunaux de la Saskatchewan, traiter les plaidoyers comme un accord pour modifier la clause de reconnaissance, nécessaire en vertu des circonstances, et comme un accord au sens de l’article 21.01 de l’accord-cadre (ou d’une disposition semblable dans un accord de règlement ultérieur, le cas échéant) véritablement nécessaire pour respecter l’esprit et l’intention de l’accord. Si cela était possible, cet autre litige pourrait continuer d’être entendu devant les tribunaux de la Saskatchewan. Toutefois, cette question ne relève pas de la Cour; il s’agit plutôt d’une question que devront trancher les tribunaux de la Saskatchewan.

[94]           Compte tenu du succès partagé obtenu en l’espèce, nous proposerions que chacune des parties paye ses propres dépens afférents au présent appel et à la Cour fédérale.

« D. G. Near »

j.c.a.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

LE JUGE PELLETIER (Motifs concordants)

[95]           Je suis d’accord avec l’issue du présent appel proposée par mes collègues. Cependant, je crois qu’il existe un raisonnement appuyant la conclusion de mes collègues quant à l’effet de l’alinéa 17(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 [la LCF], et qui est également capable d’appuyer la compétence de la Cour fédérale à lui seul si, pour une quelconque raison, l’argument de l’alinéa 17(3)b) se révélait insuffisant.

[96]           À l’instar de mes collègues, je suis d’avis que l’argument de la Saskatchewan quant à l’immunité de la Couronne doit être rejeté. Aux fins de la présente discussion, en ce qui a trait à l’immunité de la Couronne, il s’agit de déterminer si la Couronne est liée par une loi d’application générale. Cependant, en l’espèce, la source de l’obligation de la Couronne est contractuelle, et non législative. La Cour suprême a clairement précisé que l’immunité de la Couronne ne s’applique pas aux obligations contractuelles de la Couronne.

Les règles relatives à la responsabilité de la Couronne sont donc différentes selon que la source de l’obligation est contractuelle ou législative. La Couronne est liée par une obligation contractuelle de la même manière qu’un particulier alors qu’en règle générale, elle ne l’est pas par une obligation qui découle de la loi seule à moins d’y être nommée. C’est dire également que sous la réserve possible d’un nombre limité d’exceptions qui de toute façon ne sauraient s’appliquer ici, les droits ou prérogatives de la Couronne ne peuvent être invoqués pour limiter ou modifier le contenu d’un contrat qui comprend non seulement ce qui y est expressément stipulé, mais également tout ce qui en découle normalement suivant l’usage ou la loi.

[Banque de Montréal c. Procureur général (Québec), [1979] 1 R.C.S. 565, 1978 CanLII 173, à la page 574]

[97]           Ainsi, la Saskatchewan ne peut pas invoquer l’immunité de la Couronne concernant son obligation contractuelle en vertu de l’accord de règlement avec la PNP. Naturellement, le fait que la Saskatchewan ne bénéficie pas de l’immunité à l’égard de poursuites ne signifie pas que la Cour fédérale a forcément compétence sur elle.

[98]           La condition contractuelle qui donne lieu à la question de compétence est l’article 20.19 de l’accord de règlement avec la PNP, reproduit ci-dessous par souci de commodité :

[traduction]

Nonobstant l’article 19, à l’exception des questions à l’égard desquelles il a été convenu de procéder à l’arbitrage aux termes de l’article 19.02 en cas de différend entre les parties, notamment sur une question d’interprétation d’un terme, d’un engagement, d’une condition ou d’une disposition du présent accord, le règlement de pareil différend et l’exécution y afférente relèvent de la compétence exclusive de la Cour fédérale du Canada.

L’article 19 traite d’arbitrage et l’article 19.02 énonce les questions qui peuvent être résolues par l’arbitrage.

[99]           Il peut être utile de commencer par une discussion au sujet de ces questions qui ne peuvent être assujetties à la compétence exclusive de la Cour fédérale en vertu de l’article 20.19. On peut affirmer avec une certaine certitude que les allégations et demandes de recours dans la déclaration qui n’ont pas de lien avec l’interprétation ou l’application de l’accord de règlement avec la PNP ne relèvent pas de l’article 20.19. La Première Nation de Pasqua ne peut pas invoquer l’article 20.19 pour obliger le Canada ou la Saskatchewan à porter devant la Cour fédérale des questions qui ne découlent pas de l’accord.

[100]       La déclaration fait 68 paragraphes et même si elle fait valoir les modalités de l’accord de règlement avec la PNP, elle contient également certaines allégations qui ne semblent pas découler de l’accord. La Saskatchewan dit, au paragraphe 20 de son mémoire des faits et du droit, que la Première Nation de Pasqua cherche [traduction] « des déclarations de droits et obligations constitutionnels qui existent en dehors des modalités de l’accord ». En supposant que la Saskatchewan ait raison, de telles revendications ou allégations ne pourraient être assujetties à l’article 20.19. Mes collègues soulignent que les plaidoyers concernant le projet minier Legacy tombent dans cette catégorie. Je suis d’accord avec eux et avec leur décision proposée relative aux plaidoyers.

[101]       Cela dit, le fait que des allégations précises dépassent la portée de l’article 20.19 ne signifie pas que l’ensemble de la revendication est par conséquent viciée. Cela nous ramène à la question de savoir si la Cour fédérale a compétence sur cette revendication, qui en retour nous ramène à l’article 20.19.

[102]       Le principal argument de la Saskatchewan est qu’elle n’est pas liée par l’article 20.19 parce que la Cour fédérale n’a pas compétence sur elle en l’absence d’une attribution précise d’une telle compétence par une loi. En présentant cet argument, la Saskatchewan invoque le premier élément du critère à trois volets applicable à la compétence de la Cour fédérale établi dans l’arrêt ITO-International Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 R.C.S. 752, 1986 CanLII 91, à la page 766 [ITO] :

1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

3. La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[103]       Il est important d’être clair sur le défaut de compétence qui est allégué. Mes collègues, s’appuyant sur l’arrêt Roberts c. Canada, [1989] 1 R.C.S. 322, 1989 CanLII 122 [Roberts], ont conclu que les deuxième et troisième éléments du critère énoncé dans l’arrêt ITO étaient respectés. Je suis d’accord avec leur analyse. Qui plus est, il m’apparaît que l’arrêt Roberts répond entièrement au plaidoyer de la Saskatchewan qu’aucune loi du Canada ne sous-tend la revendication de la Première Nation de Pasqua :

Je suis donc d’avis de conclure que seules les “lois du Canada” sont requises pour résoudre le présent pourvoi, savoir les dispositions pertinentes de la Loi sur les Indiens, l’acte que l’exécutif fédéral a accompli conformément à la Loi sur les Indiens en mettant de côté la réserve en cause pour l’usage et l’occupation de l’une ou de l’autre des deux bandes requérantes, et la common law du titre aborigène qui sous-tend les obligations de fiduciaire qu’a la Couronne envers les deux bandes. Les deux autres éléments du critère établi dans l’arrêt ITO, précité, sont en conséquence respectés.

[arrêt Roberts, à la page 340; non souligné dans l’original]

[104]       Même si la question en cause ici n’est pas la même que dans l’arrêt Roberts, elle repose sur les mêmes lois du Canada.

[105]       Il reste le premier élément du critère à satisfaire.

[106]       En ce qui concerne la Première Nation de Pasqua et le Canada, l’attribution de compétence peut être trouvée au paragraphe 17(1) de la LCF, puisque l’action intentée est un cas « de demande de réparation contre la Couronne » ou à l’alinéa 17(2)b), puisque la demande est motivée par « un contrat conclu par ou pour la Couronne ».

[107]       Ainsi, la Cour fédérale a compétence sur le Canada et sur l’objet du litige, qu’on le considère du point de vue des règles juridiques de fond, des obligations de la Couronne envers les peuples autochtones, ou encore du point de vue de l’exécution d’un contrat conclu par la Couronne. Toutefois, la Saskatchewan allègue que la Cour fédérale n’a pas compétence sur l’objet du litige en ce qui concerne les terres de la Couronne de la Saskatchewan. Cette allégation n’est, selon moi, pas pertinente. La Saskatchewan a reçu ces terres sous réserve qu’elles soient à nouveau cédées à la Couronne fédérale au cas où elle en aurait besoin pour satisfaire à ses obligations en vertu de traités, condition à laquelle a souscrit la Saskatchewan. Cette entente sous-tend les obligations de la Saskatchewan en vertu de l’accord de règlement avec la PNP, obligations qui découlent de la common law fédérale et de la Loi sur les Indiens relativement aux terres des Indiens, et y donnent effet, de même que de la Loi sur les droits fonciers issus de traités en Saskatchewan, L.C. 1993, ch. 11 et de la Loi sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications (Alberta et Saskatchewan), L.C. 2002, ch. 3. Ainsi, la Cour fédérale a compétence sur l’objet du litige, en ce qui concerne les terres de la Couronne de la Saskatchewan, dans la mesure prévue dans l’accord de règlement avec la PNP.

[108]       Reste la question de la compétence sur la personne qui, une fois encore, nous ramène à l’article 20.19. La Saskatchewan fait référence à cette disposition comme à une clause de reconnaissance. Toutefois, aux fins du droit international privé, je crois que cette clause serait considérée comme une clause d’élection de for. Nonobstant la différence de caractérisation, une clause d’élection de for doit nécessairement laisser sous-entendre que les parties se soumettront, ou s’en remettront, à la compétence de l’instance décisionnelle convenue, autrement la clause ne servirait à rien.

[109]       La Saskatchewan cherche à annuler son acquiescement à la compétence de la Cour fédérale en affirmant que la compétence ne peut être créée par consentement. Elle cite plusieurs précédents qui appuient cette proposition : l’arrêt Première Nation des Hupacasath c. Canada (Affaires étrangères et Commerce international Canada), 2015 CAF 4, [2015] A.C.F. no 4, au paragraphe 38; la décision Merck Frosst Canada Inc. c. Canada, [1997] 2 F.C. 561, [1997] A.C.F. no 149, au paragraphe 10; la décision Armeco Construction Ltd. c. Canada, 94 F.T.R. 314, [1995] A.C.F. no 473 (1re inst.) (QL), au paragraphe 25, conf. par [1995] A.C.F. n° 1561 (C.A.) (QL); la décision Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada ( Commission canadienne des transports), [1988] 2 C.F. 437, 1987 CarswellNat 226, à la page 449. Dans la mesure où cette jurisprudence étaye la thèse selon laquelle a) un consentement des avocats sur une question de droit ne lie pas la Cour; ou b) la compétence sur l’objet du litige ne peut être créée par consentement, je ne la remets pas en question. Toutefois, aucun de ces précédents n’étaye la thèse selon laquelle la compétence sur la personne ne peut découler d’un accord.

[110]       La Cour suprême a conclu qu’il fallait donner effet aux clauses d’élection de for, à moins qu’il n’existe des « motifs sérieux » de ne pas le faire : arrêt Z.I. Pompey Industrie c. ECU-Line N.V., 2003 CSC 27, [2003] 1 R.C.S. 450 [Z.I. Pompey]. Bien que la question en litige dans l’arrêt Z.I. Pompey concernait le critère à appliquer relativement à une demande de suspension des procédures devant la Cour fédérale parce que les parties avaient choisi une autre instance dans leur contrat (un connaissement, en l’espèce), les commentaires de la Cour suprême quant aux clauses d’élection de for sont d’application générale :

Des clauses d’élection de for sont stipulées couramment dans le cadre d’opérations commerciales internationales et spécialement dans les connaissements. En somme, elles « sont appliquées depuis toujours dans l’industrie et par les tribunaux » : le juge Décary dans Jian Sheng, précité, au paragraphe 7. Les tribunaux doivent généralement leur faire bon accueil, car elles confèrent aux opérations la certitude et la sûreté dérivées des principes fondamentaux du droit international privé que sont l’ordre et l’équité : le juge La Forest dans Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077, aux pages 1096 et 1097; Holt Cargo Systems Inc. c. ABC Containerline N.V.  (Syndics de), [2001] 3 R.C.S. 907, 2001 CSC 90, aux paragraphes 71 et 72. [...] Dans le contexte du commerce international, l’ordre et l’équité sont attribuables, du moins en partie, à l’application du critère des « motifs sérieux ». Suivant ce critère, il incombe à juste titre au demandeur de convaincre la cour qu’un motif valable justifie qu’il ne soit pas lié par la clause d’élection de for. Il est essentiel que les tribunaux accordent l’importance voulue au fait qu’il est souhaitable de contraindre les parties contractantes à respecter leurs engagements. Rien ne justifie qu’une clause d’élection de for soit assimilée à une clause d’exonération de responsabilité déguisée.

[arrêt Z.I. Pompey, au paragraphe 20; non souligné dans l’original]

[111]       Tout ce qu’a dit la Cour suprême au sujet de la nécessité de donner effet aux clauses d’élection de for s’applique également dans le cas d’un accord implicite de se soumettre à la compétence de l’instance à laquelle ont convenu les parties.

[112]       Pour replacer la décision de la Cour suprême en contexte, il faut examiner la décision qu’elle a prise antérieurement dans l’arrêt Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077, [1990] A.C.S. no 135 [Morguard], où la Cour suprême a modifié les principes du droit international privé en affirmant un principe de base pour l’exécution des jugements d’une cour supérieure provinciale dans une autre province. Le raisonnement de la Cour suprême reposait sur des considérations relatives à la nature du Canada en tant qu’État fédéral et à la nécessité de principes d’ordre et d’équité pour garantir la sûreté des opérations :

[...] voir Hessel E. Yntema, “The Objectives of Private International Law” (1957), 35 R. du B. can. 721, à la page 741. Comme le démontre tout son article, ce sont les principes d’ordre et d’équité, des principes qui assurent à la fois la justice et la sûreté des opérations qui doivent servir de fondement à un système moderne de droit international privé[...].

[...] J’ai déjà parlé des principes d’ordre et d’équité qui devraient s’appliquer à cette branche du droit. L’ordre et la justice militent tous les deux en faveur de la sécurité des opérations.

[arrêt Morguard, aux pages 1097 et 1102]

[113]       Les principes d’ordre et d’équité ont été élevés au niveau d’impératifs constitutionnels dans l’arrêt Hunt c. T&N plc, [1993] 4 R.C.S. 289, [1993] A.C.S. no 125, au paragraphe 56. J’en conclus que, dans l’application des principes dérivés du droit international privé dans le contexte de la fédération canadienne, il devrait y avoir de la part des tribunaux une « reconnaissance totale » des jugements des tribunaux des autres provinces canadiennes.

[114]       Dans ce contexte, la Cour fédérale, à titre de cour créée par une loi, occupe une position spéciale parmi les cours supérieures canadiennes. Cependant, comme on l’a souligné dans l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626, [1998] A.C.S. no 31, au paragraphe 34 [Canadian Liberty Net] :

Toutefois, je suis d’avis que rien dans cet exposé de la notion essentiellement réparatrice de compétence inhérente ne peut être invoqué pour justifier une interprétation étroite, plutôt qu’une interprétation juste et libérale, des lois fédérales qui confèrent compétence à la Cour fédérale. La proposition légitime – selon laquelle la situation institutionnelle et constitutionnelle des cours supérieures provinciales justifie de leur reconnaître une compétence résiduelle sur toute matière fédérale en cas de « lacune » dans l’attribution législative des compétences – est entièrement différente de l’argument selon lequel il faut conclure à l’existence d’une « lacune » dans une loi fédérale à moins que le texte de cette loi ne comble explicitement la lacune en question.

[115]       Cette mise en garde est pertinente à la quête d’un fondement législatif à la compétence de la Cour fédérale à l’égard de la Saskatchewan. Elle autorise une lecture « juste et libérale » de l’alinéa 17(3)b) permettant ainsi à la Cour fédérale d’affirmer sa compétence sur la Saskatchewan, compétence que lui a cédée cette dernière en vertu d’un contrat. Sinon, elle milite contre une lecture restrictive de la jurisprudence relative à la compétence de la Cour fédérale comme dans le cas des clauses d’élection de for ou, d’ailleurs, du critère énoncé dans l’arrêt ITO lui-même.

[116]       Dans ce contexte, la décision de la Cour suprême dans l’arrêt Z. I. Pompey permet dans une large mesure de résoudre la question en litige dans la présente affaire. Dans cet arrêt, la Cour suprême a conclu que la Cour fédérale aurait dû accorder une suspension des procédures dont elle était saisie en raison de la clause d’élection de for par laquelle les parties ont convenu de soumettre leurs différends aux tribunaux d’Antwerp. Même si l’arrêt Z.I. Pompey touchait le droit maritime, où la Cour fédérale profite d’une solide compétence en vertu de l’article 22 de la LCF, les principes exposés dans cet arrêt sont, comme on l’a souligné précédemment, d’application générale : voir, par exemple, l’arrêt Momentous.ca Corp. c. Canadian American Association of Professional Baseball Ltd., 2012 CSC 9, au paragraphe 9, [2012] 1 R.C.S. 359; l’arrêt Microcell Communications Inc. c. Frey, 2011 SKCA 136, aux paragraphes 108 et 109, [2011] S.J. no 708; l’arrêt Expedition Helicopters Inc. c. Honeywell Inc., 2010 ONCA 351, 100 O.R. (3d) 241.

[117]       Les mêmes considérations qui ont amené la Cour suprême, dans l’arrêt Z.I. Pompey, à conclure que la Cour fédérale doit donner effet aux clauses d’élection de for lorsque ces clauses favorisent des tribunaux étrangers peuvent sûrement s’appliquer lorsque ces clauses favorisent la Cour fédérale, à condition que la Cour fédérale ait compétence sur l’objet du litige.

[118]       Il m’apparaît contraire aux principes d’ordre et d’équité, et contraire à la sûreté des opérations, de conclure que la Cour fédérale n’a pas compétence sur une partie qui s’est soumise à sa compétence, à moins que l’on puisse trouver une attribution législative spécifique des pouvoirs permettant de donner effet aux clauses d’élection de for. Mes collègues ont montré que l’alinéa 17(3)b) constitue cette attribution législative spécifique. Mais même si on devait en arriver à la conclusion que l’alinéa 17(3)b) n’a pas l’effet que lui attribuent mes collègues, je demeure persuadé qu’une fois qu’il est démontré que la Cour fédérale s’est vue attribuer compétence sur l’objet du litige par une loi, les principes d’ordre et d’équité exigent de donner effet à l’article 20.19 comme source de compétence à l’égard de la personne, sous réserve de tout argument selon lequel la Cour fédérale serait forum non conveniens.

[119]       Ces considérations devraient dominer toute réflexion relative aux clauses d’élection de for entre les gouvernements provinciaux et fédéral et les Premières Nations. Lorsqu’il existe un fondement à la compétence de la Cour fédérale entre une première nation et la Couronne fédérale, cela n’offense en rien l’ordre constitutionnel établi de donner effet à l’engagement volontaire d’une province de se soumettre à la compétence de la Cour fédérale en ce qui a trait à l’interprétation et à l’exécution d’un accord auquel ont souscrit les trois parties. Au contraire, donner effet à l’acquiescement d’une province à la compétence de la Cour fédérale est, à tout le moins, une façon honorable de respecter l’engagement de la province à l’égard de la Première Nation de se soumettre à la compétence de la Cour fédérale, ce qui permet à cette dernière de se fier aux modalités d’un tel accord tripartite, une forme de sûreté des opérations. Les modalités de l’accord et, si nécessaire, l’examen final mené par la Cour suprême du Canada, laquelle peut déterminer si la Cour fédérale a dépassé ses limites constitutionnelles, restreignent toute intervention excessive de la Cour fédérale : voir l’arrêt Canadian Liberty Net, au paragraphe 40.

[120]       Je terminerais en soulignant que les clauses d’acquiescement ou d’élection de for dans les affaires de droits fonciers issus de traités sont toujours susceptibles d’être contestées sur le fondement du forum non conveniens si la revendication présentée dépasse le cadre contractuel ou si les plaidoyers soulèvent des questions que ne peut trancher la Cour fédérale. Compte tenu de ma conclusion selon laquelle la Cour fédérale a compétence, il se peut que les plaidoiries qui auraient autrement appuyé un plaidoyer de forum non conveniens, à l’exception des plaidoiries concernant le projet minier Legacy et la demande de redressement, doivent dorénavant faire l’objet de requêtes en radiation, au motif qu’elles dépassent les limites de la compétence conférée par l’article 20.19. Ces questions seront abordées quand elles se présenteront.

[121]       Je conclus que la Cour fédérale peut et doit donner effet à l’acquiescement de la Saskatchewan à l’égard de sa compétence relativement à l’interprétation et à l’application de l’accord de règlement avec la PNP. Par conséquent, j’accueillerais l’appel selon les modalités proposées par mes collègues.

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-11-15

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DE LA SASKATCHEWAN, REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA SASKATCHEWAN c. LE CHEF M. TODD PEIGAN EN SON NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE PASQUA ET LA PREMIÈRE NATION DE PASQUA ET SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 novembre 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 

MOTIFS CONCOURANTS :

LE JUGE PELLETIER

 

DATE :

Le 29 avril 2016

COMPARUTIONS :

James Fyfe

 

Pour l’appelante (défenderesse)

Cynthia Westaway

Benjamin Hiemstra

Karen Jones

 

Pour les intimés (demandeurs)

POUR LA DÉFENDERESSE, SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

R. James Fyfe

Regina (Saskatchewan)

 

Représentant pour l’appelante (défenderesse)

Devlin Gailus Westaway

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

Pour les intimés (demandeurs)

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour la défenderesse

 

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