Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20160425


Dossier : A-370-15

Référence : 2016 CAF 126

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

appelant

et

JOHN JOSEPH GOODMAN

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 25 avril 2016.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 25 avril 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE DAWSON

 


Date : 20160425


Dossier : A-370-15

Référence : 2016 CAF 126

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

appelant

et

JOHN JOSEPH GOODMAN

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 25 avril 2016)

LA JUGE DAWSON

[1]               En vertu d’une ordonnance datée du 13 août 2015, rendue dans le dossier no IMM-1633-15, un juge de la Cour fédérale a suspendu la demande de contrôle judiciaire de l’intimé relative à une décision de la Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La Commission a jugé l’intimé interdit de territoire au Canada, à titre de personne visée par les alinéas 34(1)f) et 36(2)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). La suspension doit être maintenue tant que 15 jours ne se seront pas écoulés à partir du jour où l’intimé recevra une décision finale du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (ministre de la Sécurité publique) visant à accorder, s’il y a lieu, une dispense ministérielle de l’interdiction de territoire, en vertu de l’ancien paragraphe 34(2) de la Loi. Le présent appel porte sur l’ordonnance accordant la suspension.

[2]               L’alinéa 72(2)e) de la Loi interdit les appels interjetés contre des ordonnances interlocutoires rendues par la Cour fédérale, lors d’une instance introduite en vertu de la Loi. Le paragraphe 74(d) de la Loi interdit d’interjeter appel devant la Cour en l’absence d’une question de portée générale énoncée et certifiée.

[3]               Il existe une exception étroite à ces dispositions : un appel peut être interjeté lorsque la Cour fédérale refuse d’exercer sa compétence ou commet une erreur de compétence (Canada (Solliciteur général) c. Subhaschandran, 2005 CAF 27, [2005] 3 R.C.F. 255, aux paragraphes 13 à 15; Sellathurai c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CAF 223 [2012] 2 R.C.F. 243, au paragraphe 15).

[4]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration soutient que le présent appel tombe sous le coup de l’exception parce que la Cour fédérale a commis une erreur de compétence et a omis d’exercer sa compétence.

[5]               L’erreur de compétence commise par la Cour fédérale aurait été d’outrepasser sa compétence en privant le ministre de la Sécurité publique de son pouvoir discrétionnaire, lequel lui permet d’attendre l’issue du contrôle judiciaire relatif à l’interdiction de territoire avant de rendre sa propre décision quant à la demande de dispense ministérielle. Le refus d’exercer sa compétence découlerait du fait que la Cour fédérale, en prononçant la suspension de la demande de contrôle judiciaire, a refusé d’exercer sa compétence à statuer sur la demande selon la procédure sommaire comme le prescrit l’alinéa 72(2)d) de la Loi.

[6]               Dans les deux cas, nous considérons que les arguments sont non fondés.

[7]               Concernant la première erreur alléguée, nous acceptons l’argument de l’intimé voulant que, pour pouvoir porter atteinte audit pouvoir discrétionnaire du ministre lui permettant de rendre une décision relative à la dispense ministérielle après que la décision d’interdiction de territoire a fait l’objet d’un contrôle judiciaire, l’appelant doive démontrer que le ministre dispose d’un tel droit. À notre avis, ce n’est pas le cas.

[8]               La Cour fédérale a déclaré que rien dans l’article 34 de la Loi n’impose qu’une décision relative à une dispense ministérielle en vertu du paragraphe 34(2) doive être rendue avant la détermination de l’interdiction de territoire prévue au paragraphe 34(1), ou vice-versa (Hassanzadeh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 902, [2005] 4 R.C.F 430, au paragraphe 25; Shahzad c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1245, [2015] A.C.F. no 1291, au paragraphe 14). En outre, la Cour fédérale a compétence pour obliger le ministre à rendre sa décision lorsqu’il y a eu des retards excessifs (voir, par exemple, la décision Esmaeili-Tarki c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 697, [2010] A.C.F. no 1020). Il s’ensuit que le ministre n’a pas le pouvoir discrétionnaire de déterminer l’ordre dans lequel les décisions en vertu de l’article 34 de la Loi sont rendues.

[9]               Par ailleurs, toute erreur du juge était une erreur de droit, non pas une erreur de compétence.

[10]           Dans la mesure où le ministre invoque l’arrêt Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 C.A.F. 121, [2005] 3 R.C.F. 511, au paragraphe 10, selon lequel le paragraphe 34(2) ne limite pas le pouvoir discrétionnaire du ministre quant au moment où il pourrait accorder une dispense ministérielle, ce passage doit être lu dans le contexte où le ministre soutenait qu’une dispense ministérielle ne pouvait être accordée une fois qu’une interdiction de territoire avait été prononcée.

[11]           Relativement à la seconde erreur alléguée, l’alinéa 72(2)d) de la Loi ne limite pas la compétence de la Cour fédérale en vertu de l’alinéa 50(1)b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, de suspendre une demande intentée en vertu de la Loi quand il est dans l’intérêt de la justice que l’instance soit suspendue. Un juge examinant une requête en sursis doit toujours tenir compte de la nécessité de diriger l’instance avec promptitude – en aucun cas cela ne peut être jugé comme un défaut d’exercer la compétence de la Cour.


[12]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté en raison d’un manque de compétence. À notre avis, l’affaire ne comporte pas de circonstances spéciales justifiant l’octroi des dépens.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-370-15

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE, DATÉE DU 13 AOÛT 2015, DOSSIER NO IMM-1633-15)

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c JOHN JOSEPH GOODMAN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 avril 2016

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE DAWSON

COMPARUTIONS :

Marina Stefanovic

Sybil Thompson

Pour l’appelant

Alyssa Manning

Benjamin Liston

Pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l’appelant

Alyssa Manning et Ben Liston

Avocats

Bureau du droit des réfugiés

Toronto (Ontario)

Pour l’intimé

 

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