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Date : 20160308


Dossier : A-192-15

Référence : 2016 CAF 78

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

DHL EXPRESS (CANADA), LTD.

appelante

et

FILO SIGLOY

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 24 février 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 mars 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE SCOTT

 


Date : 20160308


Dossier : A-192-15

Référence : 2016 CAF 78

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

DHL EXPRESS (CANADA), LTD.

appelante

et

FILO SIGLOY

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]               La Cour est saisie d'un appel de la décision rendue par le juge Rennie, alors juge à la Cour fédérale, le 17 mars 2015 (2015 CF 334). Le juge de la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par l'arbitre et a annulé cette décision. L'arbitre avait rejeté la plainte de M. Sigloy pour congédiement injuste en vertu de l'article 240 du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L‑2 (le Code).

[2]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, je rejetterais le présent appel.

I.                   Contexte

[3]               Monsieur Sigloy a travaillé pour DHL Express (Canada), Ltd. (DHL) du 20 septembre 2010 au 9 octobre 2012, date de son congédiement. À ce moment, DHL ne lui a fourni aucune justification à cet égard.

[4]               Un contrat de travail écrit stipulait que l'emploi de M. Sigloy pouvait prendre fin en tout temps. Il prévoyait également une indemnité de départ si M. Sigloy était renvoyé sans motif. DHL a versé le montant indiqué dans le contrat à M. Sigloy au moment de son congédiement.

[5]               Monsieur Sigloy a déposé une plainte en vertu du Code, affirmant qu'il avait été congédié injustement. En vertu du paragraphe 241(1) du Code, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (maintenant Emploi et Développement social Canada) a demandé à DHL de lui « faire connaître les motifs du congédiement ». En réponse à cette demande, DHL a indiqué, dans une lettre du 11 décembre 2012, que M. Sigloy avait été congédié [TRADUCTION] « par suite du rendement, de l'assiduité et de l'attitude médiocres ».

[6]               Un arbitre a été nommé et l'audience a été fixée au 17 octobre 2013. Au début de l'audience, DHL a soulevé une question préliminaire, à savoir si l'arbitre avait compétence pour mener une audience sur le fond, et les parties ont alors remis des observations écrites sur cette question.

[7]               Dans le paragraphe d'introduction de ses motifs du 20 mars 2014, l'arbitre a décrit la position de DHL comme suit :

[TRADUCTION]

Plus précisément, l'employeur soutient que le congédiement était sans cause juste selon le contrat de travail, et que, par conséquent, l'arbitre n'a pas compétence pour mener une audience sur le fond de la plainte en congédiement injuste.

[8]               L'arbitre a conclu qu'il n'avait pas compétence pour instruire la plainte et il l'a rejetée.

[9]               Le juge de la Cour fédérale a conclu que, même si le contrat de travail de M. Sigloy prévoyait un congédiement sans cause, l'arbitre n'aurait pas dû rejeter la plainte sans avoir mené d'audience sur le fond. Même si l'arbitre avait le droit de déterminer la procédure à suivre pendant cette audience, M. Sigloy avait tout de même le droit à une audience sur le fond de sa plainte. Le juge de la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a annulé la décision de l'arbitre rejetant la plainte.

II.                La question en litige

[10]           La question en litige consiste à déterminer si la Cour fédérale a commis une erreur en annulant la décision de l'arbitre au motif que celui‑ci n'aurait pas dû rejeter la plainte de M. Sigloy sans lui avoir donné l'occasion de présenter des éléments de preuve et des observations concernant sa plainte.

III.             La norme de contrôle

[11]           La Cour suprême du Canada a succinctement décrit la norme de contrôle au paragraphe 47 de l'arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), [2013] 2 R.C.S. 559, 2013 CSC 36 :

[...] le juge de première instance a‑t‑il choisi la norme de contrôle appropriée et l'a‑t‑il appliquée correctement?

[12]           Au paragraphe 15 de ses motifs, le juge de la Cour fédérale a décrit la question et la norme de contrôle comme suit :

[15]      À la lumière des événements jurisprudentiels survenus depuis l'audience concernant la présente demande, la seule question qui me reste à trancher consiste à savoir s'il est permis de déterminer le bien‑fondé d'une plainte en vertu de l'article 240 du Code en l'absence d'une audience sur la preuve. La norme de contrôle applicable à cet égard est la norme de la décision correcte.

[13]           La question en litige est de savoir si l'arbitre a commis une erreur en rejetant la plainte sans avoir donné à M. Sigloy l'occasion de présenter des éléments de preuve et des observations concernant sa plainte. L'arbitre a fondé sa décision sur son interprétation du Code. Lorsqu'un arbitre interprète sa loi constitutive, on présume que la norme appropriée est la norme de la décision raisonnable (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, au paragraphe 34). Cependant, même si la norme de la décision raisonnable est la norme appropriée, lors de l'interprétation d'une loi, il peut y avoir une marge restreinte d'issues raisonnables possibles (Procureur général c. Commission canadienne des droits de la personne, 2013 CAF 75, aux paragraphes 13 à 15).

[14]           À mon avis, que la norme de contrôle soit celle de la décision correcte ou celle de la décision raisonnable, le résultat sera le même, étant donné que la question est de savoir si l'arbitre aurait dû donner à M. Sigloy l'occasion de présenter des éléments de preuve et des observations concernant sa plainte, et que l'éventail d'issues raisonnables possibles en vertu du Code est restreint.

IV.             Analyse

[15]           En l'espèce, l'arbitre a rejeté la plainte de M. Sigloy en raison de l'objection préliminaire de l'appelante qui avait affirmé qu'un contrat prévoyait que M. Sigloy pouvait être renvoyé sans motif et que l'indemnité de départ qui lui avait été versée était celle prévue par le contrat et le Code. Dans le dernier paragraphe de ses motifs, l'arbitre a indiqué que la plainte initiale de M. Sigloy [TRADUCTION] « ne fait pas état de discrimination, de mesures de représailles ou de mauvaise foi en lien avec le congédiement ».

[16]           Le processus prévu par le Code est enclenché lorsqu'une personne dépose une plainte. L'article 240 du Code prévoit ce qui suit :

240(1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d'un inspecteur si :

240(1) Subject to subsections (2) and 242(3.1), any person

a) d'une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

(a) who has completed twelve consecutive months of continuous employment by an employer, and

b) d'autre part, elle ne fait pas partie d'un groupe d'employés régis par une convention collective.

(b) who is not a member of a group of employees subject to a collective agreement,

may make a complaint in writing to an inspector if the employee has been dismissed and considers the dismissal to be unjust.

[17]           Comme M. Sigloy avait déposé une plainte, un arbitre a été nommé. Par conséquent, le paragraphe 242(2) du Code s'appliquait :

242(2) Pour l'examen du cas dont il est saisi, l'arbitre :

242(2) An adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1)

a) dispose du délai fixé par règlement du gouverneur en conseil;

(a) shall consider the complaint within such time as the Governor in Council may by regulation prescribe;

b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d'une part, et de tenir compte de l'information contenue dans le dossier, d'autre part;

(b) shall determine the procedure to be followed, but shall give full opportunity to the parties to the complaint to present evidence and make submissions to the adjudicator and shall consider the information relating to the complaint; and

c) est investi des pouvoirs conférés au Conseil canadien des relations industrielles par les alinéas 16a), b) et c).

(c) has, in relation to any complaint before the adjudicator, the powers conferred on the Canada Industrial Relations Board, in relation to any proceeding before the Board, under paragraphs 16(a), (b) and (c).

[18]           Comme notre Cour l'a souligné dans Wilson c. Énergie atomique du Canada Limitée, 2015 CAF 17, [2015] 4 R.C.F. 467, aux paragraphes 93 à 99, même si un employé a touché une indemnité de départ en vertu d'un contrat et du Code, un arbitre peut tout de même juger que le congédiement était injuste selon le Code.

[19]           Par conséquent, je suis d'accord que la plainte n'aurait pas dû être rejetée sans que M. Sigloy et DHL aient eu l'occasion de présenter à l'arbitre des éléments de preuve et des observations concernant la plainte. Les seules observations ayant été présentées en l'espèce visaient l'objection préliminaire soulevée par DHL. Tandis que la procédure à suivre pour la présentation d'observations relatives au bien‑fondé de la plainte doit être déterminée par l'arbitre, le fait que celui‑ci n'ait pas donné l'occasion de présenter des éléments de preuve et des observations concernant la plainte mène à la conclusion que la décision de l'arbitre de rejeter la plainte était déraisonnable, ce qui signifie également que cette décision était incorrecte.

[20]           Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter le présent appel, avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

A. F. Scott, j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-192-15

(APPEL D'UN JUGEMENT DU JUGE RENNIE DU 17 MARS 2015, DOSSIER NO T‑904‑14)

INTITULÉ :

DHL EXPRESS (CANADA), LTD. c. FILO SIGLOY

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 24 février 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE SCOTT

DATE DES MOTIFS :

Le 8 mars 2016

COMPARUTIONS :

Ian R. Dick

Pour l'appelante

Marc A. Munro

Pour l'intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP

Toronto (Ontario)

Pour l'appelante

Graydon Sheppard Professional Corporation

Hamilton (Ontario)

Pour l'intimé

 

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