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Date : 20160209


Dossier : A-123-15

Référence : 2016 CAF 47

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

M. BERNARD LOATES

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 9 février 2016.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 9 février 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RYER

 


Date : 20160209


Dossier : A-123-15

Référence : 2016 CAF 47

CORAM :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

M. BERNARD LOATES

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

(Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 9 février 2016)

LE JUGE RYER

[1]               Notre Cour est saisie d’un appel interjeté d’une décision modifiée rendue par le juge Randall Bocock de la Cour canadienne de l’impôt (le « juge »), datée du 12 février 2015 et énoncée sous la référence 2015 CCI 30, qui rejetait l’ appel interjeté par M. Murphy Bernard Loates (le « contribuable ») d’une cotisation datée du 30 septembre 2010 (la « cotisation »), établie par le ministre du Revenu national aux termes de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »), d’une valeur de 158 058,27 $. Sauf indication contraire, tous les renvois aux dispositions législatives dans les présents motifs sont des renvois aux dispositions législatives de la Loi qui concernent la cotisation.

[2]               Dans le présent appel, la disposition applicable est l’alinéa 160(1)e), se lit comme suit :

160(1) Lorsqu’une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon à l’une des personnes suivantes :

160(1) Where a person has, on or after May 1, 1951, transferred property, either directly or indirectly, by means of a trust or by any other means whatever, to

a) son époux ou conjoint de fait ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

(a) the person’s spouse or common-law partner or a person who has since become the person’s spouse or common- law partner,

b) une personne qui était âgée de moins de 18 ans;

(b) a person who was under 18 years of age, or

c) une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance,

(c) a person with whom the person was not dealing at arm’s length,

les règles suivantes s’appliquent :

the following rules apply:

[…]

e) le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d’un montant égal au moins élevé des montants suivants :

(e) the transferee and transferor are jointly and severally, or solidarily, liable to pay under this Act an amount equal to the lesser of

(i) l’excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,

(i) the amount, if any, by which the fair market value of the property at the time it was transferred exceeds the fair market value at that time of the consideration given for the property, and

(ii) le total des montants représentant chacun un montant que l’auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi (notamment un montant ayant ou non fait l’objet d’une cotisation en application du paragraphe (2) qu’il doit payer en vertu du présent article) au cours de l’année d’imposition où les biens ont été transférés ou d’une année d’imposition antérieure ou pour une de ces années.

(ii) the total of all amounts each of which is an amount that the transferor is liable to pay under this Act (including, for greater certainty, an amount that the transferor is liable to pay under this section, regardless of whether the Minister has made an assessment under subsection (2) for that amount) in or in respect of the taxation year in which the property was transferred or any preceding taxation year,

Toutefois, le présent paragraphe n’a pas pour effet de limiter la responsabilité de l’auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi ni celle du bénéficiaire du transfert quant aux intérêts dont il est redevable en vertu de la présente loi sur une cotisation établie à l’égard du montant qu’il doit payer par l’effet du présent paragraphe.

but nothing in this subsection limits the liability of the transferor under any other provision of this Act or of the transferee for the interest that the transferee is liable to pay under this Act on an assessment in respect of the amount that the transferee is liable to pay because of this subsection.

[3]               Le juge a conclu que les critères à appliquer dans la recherche de l’applicabilité du paragraphe 160(1) sont ceux recensés au paragraphe 17 de notre arrêt Livingston c Canada, 2008 CAF 89, 375 N.R. 309, dont voici le texte:

[17] Étant donné la signification claire des termes du paragraphe 160(1), les critères dont dépend le déclenchement de son application se révèlent évidents :

1) L’auteur du transfert doit être tenu de payer des impôts en vertu de la Loi au moment de ce transfert.

2) Il doit y avoir eu transfert direct ou indirect de biens au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon.

3) Le bénéficiaire du transfert doit être :

i. soit l’époux ou conjoint de fait de l’auteur du transfert au moment de celui-ci, ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

ii. soit une personne qui était âgée de moins de 18 ans au moment du transfert;

iii. soit une personne avec laquelle l’auteur du transfert avait un lien de dépendance.

4) La juste valeur marchande des biens transférés doit excéder la juste valeur marchande de la contrepartie donnée par le bénéficiaire du transfert.

[4]               Le juge a conclu que seul le dernier de ces critères était en cause. En maintenant la cotisation, le juge a conclu que l’épouse du contribuable, Mme Karen Laraine Somerville, avait transféré une propriété résidentielle (la « propriété de Howe Island ») au contribuable à un montant inférieur à sa juste valeur marchande à la date du transfert le 15 mars 2005 (la « date du transfert ») d’au moins 158 058,27 $, soit le montant que Mme Somerville devait payer aux termes de la Loi à la date du transfert en impôt, intérêts et pénalités pour les années d’imposition 1998, 1999, 2000 et 2001 (la « dette fiscale »).

[5]               Lorsqu’est portée en appel une décision de la Cour canadienne de l’impôt, les questions de droit sont examinées selon la norme de la décision correcte, alors que les questions de fait et les questions mélangées de fait et de droit à l’égard desquelles il n’y a pas de question de droit facilement isolable sont examinées selon la norme d’erreur manifeste et dominante (voir Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, paragraphes 8, 10, 36, [2002] 2 R.C.S. 235).

[6]               Dans le présent appel, le contribuable soulève cinq questions. Premièrement, il affirme que le juge a commis une erreur en ne concluant pas que l’alinéa 160(1)e) ne jouait pas, aux termes du paragraphe 160(4), parce que la mutation de la propriété de Howe Island a eu lieu aux termes d’une entente écrite de séparation rédigée au moment où le contribuable et Mme Somerville ne vivaient plus ensemble en raison de l’échec de leur mariage. Cette affirmation ne peut être retenue.

[7]               Même si le dossier contient une courte entente écrite (l’« entente de partage des biens »), rédigée en mars 2005 entre le contribuable et Mme Somerville, qui prévoit la mutation de la propriété de Howe Island, cette entente ne contient aucun renseignement dont il ressort que le contribuable et Mme Somerville ne vivaient plus ensemble. En outre, l’affirmation selon laquelle ils étaient séparés n’a pas été invoquée par le contribuable dans son avis d’appel formé contre la cotisation, et elle se trouve contredite par le témoignage du contribuable lors de son contre-interrogatoire (dossier d’appel, pages 80 et 81). Enfin, l’ordonnance de la juge Gauthier, datée du 2 juin 2015, a rejeté la requête du contribuable en production, dans le cadre du présent appel, de nouveaux éléments de preuve qu’il voulait utiliser pour établir sa séparation de Mme Somerville.

[8]               Deuxièmement, le contribuable affirme que le juge a commis une erreur en concluant que le contribuable n’avait pas versé de contrepartie à Mme Somerville pour la propriété de Howe Island. À l’occasion de l’affaire Yates c Canada, 2009 CAF 50, (2010) 1 R.C.F. 436 (Yates), notre Cour a décidé que la renonciation aux droits des biens matrimoniaux ne constitue pas une contrepartie pour une mutation de biens aux termes du paragraphe 160(1). Le contribuable affirme que la jurisprudence Yates ne s’applique pas parce que lui-même et Mme Somerville ne vivaient plus ensemble à la date de la mutation. Cette affirmation doit être rejetée, car, comme il a été signalé précédemment, le contribuable n’a pas réussi à établir qu’il était séparé de Mme Somerville à la date de la mutation.

[9]               Troisièmement, le contribuable affirme que le juge a commis une erreur en concluant que la juste valeur marchande de la valeur nette de la propriété de Howe Island était d’un montant supérieur à l’impôt à payer à la date de la mutation. Le 3 mars 2005, Mme Somerville a emprunté 315 000 $ (l’« endettement Somerville ») à la société 1159872 Ontario Limited, afin d’investir dans une société qui lui appartenait. À titre de sûreté principale rattachée à l’endettement Somerville, elle a constitué une deuxième hypothèque (la « deuxième hypothèque grevant la propriété de la rue Cochrane ») sur ce qui constituait alors le foyer matrimonial (la « propriété de la rue Cochrane »). Elle a également inscrit une deuxième hypothèque (l’« hypothèque accessoire ») sur le titre de la propriété de Howe Island comme sûreté accessoire pour un montant d’environ 311 850 $ de l’endettement Somerville. Le juge a conclu que l’hypothèque accessoire ne réduisait pas la valeur de la valeur nette de la propriété de Howe Island à la date de la mutation parce que la valeur de la valeur nette de la propriété de la rue Cochrane à cette date, après la prise en compte de la première hypothèque sur cette propriété, était au moins égale au montant de l’endettement Somerville qui avait été garanti par la deuxième hypothèque grevant la propriété de la rue Cochrane. À cet égard, le contribuable a déclaré lors de son propre témoignage que la juste valeur marchande de la propriété de la rue Cochrane était d’au moins un million de dollars à la date de la mutation et que cette propriété avait été vendue 800 000 $ environ dix mois plus tard. Même en utilisant la moins élevée de ces deux valeurs, la propriété de la rue Cochrane disposait d’une valeur nette suffisante pour purger la deuxième hypothèque grevant la propriété de la rue Cochrane à la date de la mutation. En ce qui concerne ce témoignage, il était loisible au juge de tirer la conclusion de fait portant que la valeur de l’hypothèque accessoire n’avait pas été soustraite de la valeur nette de la propriété de Howe Island à la date de la mutation; ainsi, en tirant cette conclusion, le juge n’a commis aucune erreur manifeste et dominante.

[10]           Quatrièmement, le contribuable affirme que le juge a commis une erreur en concluant que le contribuable n’avait pas établi que la mutation de la propriété de Howe Island par Mme Somerville constituait le remboursement de plusieurs prêts que le contribuable lui avait accordés (les « prêts compensés »). En refusant de retenir le témoignage non corroboré du contribuable relativement à l’existence des prêts compensés, le juge a constaté qu’il n’y avait nulle référence aux prêts dans l’entente de séparation des biens et que les affirmations du contribuable n’étaient pas appuyées par des ententes de prêts, des écritures ou des chèques bancaires ni des preuves produites par la personne qui aurait accordé des prêts au contribuable afin que ce dernier puisse accorder les prêts compensés. Le juge n’a commis aucune erreur manifeste et dominante concluant que le contribuable n’avait pas réussi à démontrer l’existence des prêts compensés.

[11]           Cinquièmement, le contribuable affirme que le juge a commis une erreur en ne concluant pas que le montant de l’impôt exigible à la date de la cotisation représentait exclusivement ou principalement l’intérêt impayé. Même si le juge était habilité à tirer une telle conclusion, il n’avait pas à le faire parce que cette décision n’avait aucune incidence sur la validité de la cotisation. Vu le texte clair et simple du sous-alinéa 160(1)e)(ii), le montant de la cotisation que le bénéficiaire du transfert de la propriété doit payer correspond au montant que l’auteur du transfert doit payer en vertu de la Loi, quelle que soit la composition de ce montant.

[12]           En conclusion, nous n’avons pas été persuadés qu’en maintenant la cotisation, le juge a commis une erreur appelant notre intervention. Par conséquent, l’appel sera rejeté avec dépens.

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme,

François Brunet, réviseur.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-123-15

(APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE RANDALL BOCOCK DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT LE 12 FÉVRIER 2015 [NUMÉRO DE DOSSIER 2012-1517(IT)G])

INTITULÉ :

M. BERNARD LOATES c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 février 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE RYER

COMPARUTIONS :

Murphy Bernard Loates

en son propre nom

Jack Warren

Pour l’intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour l’intimée

 

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