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Date : 20150706


Dossier : A-420-14

Référence : 2015 CAF 158

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

ASTRAZENECA CANADA INC., ASTRAZENECA AKTIEBOLAG et ASTRAZENECA UK LIMITED

appelantes

et

APOTEX INC. et APOTEX PHARMACHEM INC.

intimées

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 17 juin 2015.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB


Date : 20150706


Dossier : A-420-14

Référence : 2015 CAF 158

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

ASTRAZENECA CANADA INC., ASTRAZENECA AKTIEBOLAG et ASTRAZENECA UK LIMITED

appelantes

et

APOTEX INC. et APOTEX PHARMACHEM INC.

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               Pour les motifs dont la référence est 2014 CF 638, un juge de la Cour fédérale a déclaré le brevet canadien no 2 139 653 invalide pour cause d'absence d'utilité. La Cour fédérale a conclu que, bien que le brevet promette que ses composés ont des propriétés pharmacocinétiques et métaboliques améliorées, donnant un profil thérapeutique amélioré, par exemple une variation interindividuelle moins importante, cette promesse n'était ni démontrée ni valablement prédite au moment du dépôt du brevet. Par souci d'exhaustivité, la Cour fédérale a également rejeté les affirmations d'Apotex selon lesquelles le brevet était à la fois évident et antériorisé.

[2]               Dans le présent appel interjeté à l'encontre du jugement de la Cour fédérale, AstraZeneca affirme que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en interprétant mal la promesse des revendications pertinentes. Plus précisément, elle soutient que la Cour fédérale a commis une erreur en n'examinant pas l'utilité, et toute promesse d'utilité, une revendication à la fois, en interprétant l'utilité des revendications en cause d'une manière incompatible avec leur idée originale et en n'appliquant pas une interprétation téléologique à la promesse d'utilité.

[3]               Pour les motifs suivants, je ne suis pas d'accord pour dire que la Cour fédérale a commis une erreur.

[4]               Je commence par souligner que, comme le soutient AstraZeneca, il est bien établi en droit que l'absence d'utilité doit être évaluée une revendication à la fois (Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, [2012] 3 R.C.S. 625 (sildénafil), aux paragraphes 42 et 80; Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153 (AZT), aux paragraphes 53 à 59).

[5]               Il est également maintenant établi en droit que certaines promesses peuvent être interprétées comme imposant des exigences en matière d'utilité à chacune des revendications d'un brevet, tandis que d'autres promesses peuvent viser uniquement un sous‑ensemble de revendications. Dans chaque affaire, il s'agit d'interpréter correctement les revendications pertinentes (Apotex Inc. c. Pfizer Canada Inc.; Mylan Pharmaceuticals ULC c. Pfizer Canada Inc., 2014 CAF 250 (célécoxib), aux paragraphes 86 à 89).

[6]               Je conviens également que, lorsqu'elle a interprété les promesses contenues dans le brevet, la Cour fédérale n'a pas explicitement examiné une revendication ou un sous‑ensemble de revendications en particulier. Cependant, compte tenu de la preuve et des observations soumises à la Cour, cette omission ne constituait ni une erreur de droit ni une erreur manifeste et dominante de fait ou de fait et de droit. J'arrive à cette conclusion pour les motifs suivants.

[7]               Il est important de comprendre qu'au procès, AstraZeneca n'a pas demandé à la Cour fédérale d'interpréter la promesse du brevet une revendication à la fois. Le brevet contient 29 revendications, dont seules les revendications 1, 2, 4, 5, 7, 8 et 25 à 27 étaient en cause. Les revendications 1 à 8 sont des revendications qui visent le composé, et les revendications 25 à 27 sont des revendications qui visent l'utilisation. L'expert d'AstraZeneca en matière d'utilité, M. Tracy, a affirmé que les composés revendiqués promettaient que des sels optiquement purs du (‑)‑oméprazole étaient utiles en tant qu'inhibiteurs de la pompe à protons, résistaient à la racémisation et étaient dotés de propriétés pharmacocinétiques et métaboliques améliorées par rapport au racémate.

[8]               La Cour fédérale a reçu le témoignage de l'expert d'Apotex, M. Meyer, quant à savoir pourquoi le lecteur versé dans l'art comprendrait que le brevet ne promettait pas seulement ce qui a été affirmé par AstraZeneca, mais aussi que les composés revendiqués avaient un profil thérapeutique amélioré et une variation interindividuelle moins importante par rapport au racémate. Dans ces circonstances, l'analyse de la Cour fédérale est irréprochable. La Cour fédérale avait le droit de s'en remettre à la question en litige établie par les parties. La Cour a expliqué pourquoi elle avait préféré le témoignage de M. Meyer à celui de M. Tracy. AstraZeneca n'a pas démontré d'erreur justifiant notre intervention.

[9]               Avant de passer à une autre question, j'aimerais répondre à l'argument d'AstraZeneca voulant que la Cour fédérale ait démontré, au paragraphe 125 de ses motifs, qu'elle rejetait l'idée que l'utilité devait être interprétée une revendication à la fois. Je ne suis pas d'accord. Selon une interprétation raisonnable, le paragraphe 125 traitait du poids à accorder au témoignage de M. Tracy; la Cour fédérale ne rejetait pas l'interprétation revendication par revendication.

[10]           J'examinerai maintenant l'argument d'AstraZeneca selon lequel la Cour fédérale a commis une erreur en interprétant l'utilité des revendications en cause d'une manière incompatible avec leur idée originale. AstraZeneca soutient que, comme une règle fondamentale de l'interprétation des revendications veut qu'une revendication reçoive une seule interprétation pour tous les objets, il doit exister une compréhension unitaire et harmonieuse des éléments essentiels de la revendication, de l'idée originale et de l'utilité. Au procès, AstraZeneca a fait valoir que l'idée originale des revendications qui visent le composé (et ce qui est inhérent à l'idée originale des revendications qui visent l'utilisation) était un sel optiquement pur du (‑)‑oméprazole, de même que des propriétés pharmacocinétiques et métaboliques améliorées par rapport à l'oméprazole, ainsi qu'une grande stabilité contre la racémisation. Comme cette idée originale ne comprenait pas un profil thérapeutique amélioré, la Cour fédérale aurait commis une erreur en interprétant les revendications comme promettant un profil thérapeutique amélioré.

[11]           Encore une fois, je ne suis pas d'accord pour dire que la Cour fédérale a commis une erreur. Il ressort des motifs de la Cour fédérale que celle‑ci a bien établi le critère juridique applicable en matière d'interprétation des revendications, de l'idée originale et de l'utilité. Dans sa plaidoirie, AstraZeneca n'a pas été en mesure de démontrer que son argument était étayé par la jurisprudence. Elle a bien fait état d'une remarque, de son propre aveu incidente, formulée dans l'arrêt Amazon.com, Inc. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 328 , [2012] 2 C.F. 459, aux paragraphes 37 à 41, mais cette remarque incidente n'étaye pas l'argument d'AstraZeneca voulant qu'une promesse d'utilité doive être interprétée comme correspondant presque exactement à l'idée originale des revendications pertinentes.

[12]           AstraZeneca soutient également que la Cour fédérale a accordé trop d'importance à la divulgation dans son interprétation de la promesse. Comme l'a souligné Apotex, au procès, AstraZeneca a reconnu que le recours à la divulgation était justifié pour interpréter sa promesse d'utilité tronquée selon laquelle les revendications qui visent le composé promettaient des propriétés pharmacocinétiques et métaboliques améliorées. À mon avis, la Cour fédérale n'a pas commis d'erreur en interprétant la promesse dans le contexte du brevet dans son ensemble (Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2010 CAF 197, [2012] 1 R.C.F. 349 (olanzapine), au paragraphe 93). De la même façon, selon le témoignage qu'elle a accepté, la Cour fédérale n'a pas commis d'erreur en donnant effet à l'ensemble, plutôt qu'à une partie seulement, de la phrase contenue dans la divulgation sur laquelle AstraZeneca s'appuyait pour établir la promesse des propriétés pharmacocinétiques et métaboliques.

[13]           J'examinerai maintenant l'argument d'AstraZeneca selon lequel la Cour fédérale, plutôt que d'appliquer une interprétation téléologique à la promesse d'utilité, a appliqué une interprétation non contextuelle à cette promesse en adoptant une définition trop étroite du mot anglais « will ». La Cour fédérale a reconnu qu'il existait une différence entre les objectifs et les promesses et a expliqué, aux paragraphes 118 à 120 de ses motifs, pourquoi elle rejetait l'argument voulant que l'emploi du mot « will » dénote un objectif ou une attente. La Cour fédérale a adopté cette interprétation de la promesse en lisant le brevet dans son ensemble du point de vue d'une personne versée dans l'art. Compte tenu de l'énoncé contenu dans la divulgation sur lequel s'est appuyée la Cour fédérale, et qui qualifiait de [TRADUCTION] « souhaitable » l'obtention de composés [TRADUCTION] « ayant des propriétés pharmacocinétiques et métaboliques améliorées, donnant un profil thérapeutique amélioré », et compte tenu de l'énoncé portant que [TRADUCTION] « [l]a présente invention offre de tels composés », la Cour fédérale n'a pas commis d'erreur de droit en appliquant un critère trop peu exigeant à l'établissement de la promesse.

[14]           En conclusion, AstraZeneca n'a pas démontré que la Cour fédérale a commis une erreur de droit dans son interprétation de la promesse contenue dans les revendications pertinentes du brevet, pas plus qu'elle n'a démontré que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante dans son appréciation de la preuve.

[15]           Pour ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens. Il s'ensuit qu'il n'est pas nécessaire de se pencher sur les affirmations d'Apotex selon lesquelles la Cour fédérale a commis une erreur en ne déclarant pas le brevet à la fois évident et antériorisé.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

C. Michael Ryer, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

A-420-14

 

INTITULÉ :

ASTRAZENECA CANADA INC., ASTRAZENECA AKTIEBOLAG et ASTRAZENECA UK LIMITED c. APOTEX INC. et APOTEX PHARMACHEM INC.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 17 JUIN 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE dawson

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE RYER

LE JUGE WEBB

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 JUILLET 2015

 

COMPARUTIONS :

Gunars Gaikis

Yoon Kang

Lynn Ing

Urszula Wojtyra

 

POUR LES AppelantEs

 

Harry Radomski

Richard Naiberg

Sandon Shogilev

 

POUR LES INTIMÉES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SMART & BIGGAR

Toronto (Ontario)

 

POUR LES AppelantEs

GOODMANS LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES INTIMÉES

 

 

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