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Date : 20150504


Dossier : A-293-13

Référence : 2015 CAF 115

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

ZERO SPILL SYSTEMS (INT'L) INC., KATCH KAN HOLDINGS LTD., QUINN HOLTBY et KATCH KAN RENTALS LTD.

appelants

et

 

BILL HEIDE, s/n CENTRAL ALBERTA PLASTIC PRODUCTS, RAT PLASTIC LTD. et 1284897 ALBERTA LTD.

intimés

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 16 octobre 2014.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 mai 2015.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

 


Date : 20150504


Dossier : A-293-13

Référence : 2015 CAF 115

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

ZERO SPILL SYSTEMS (INT'L) INC., KATCH KAN HOLDINGS LTD., QUINN HOLTBY et KATCH KAN RENTALS LTD.

appelants

et

 

BILL HEIDE, s/n CENTRAL ALBERTA PLASTIC PRODUCTS, RAT PLASTIC LTD. et 1284897 ALBERTA LTD.

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1]               Zero Spill Systems (Int'l) Inc., Katch Kan Holdings Ltd., Quinn Holtby et Katch Kan Rentals Ltd. (collectivement, Zero Spill) interjettent appel du jugement rendu le 7 juin 2013 et du jugement modifié rendu le 18 juillet 2013 par le juge Barnes, de la Cour fédérale : 2013 CF 616.

[2]               Zero Spill est titulaire d'une licence non exclusive sur les brevets canadiens portant les numéros 2 136 375 (le brevet 375) et 2 258 064 (le brevet 064) et sur le dessin industriel canadien numéro 86 793 (le dessin 793). Ces brevets et le dessin se rapportent à certains dispositifs de confinement de fluides à utiliser lors de l'exploitation de gisements pétrolifères.

[3]               Devant la Cour fédérale, Zero Spill a poursuivi Bill Heide, Central Alberta Plastic Products et Rat Plastic Ltd. (collectivement, les intimés Heide) ainsi que 1284897 Alberta Ltd. (Lea‑Der), qu'elle accuse d'avoir contrefait les brevets en fabriquant et en vendant des produits de confinement de fluides concurrentiels. De plus, Zero Spill a poursuivi les intimés Heide pour avoir contrefait le dessin 793 en fabriquant et en vendant un produit qui a essentiellement la même apparence. Zero Spill a également sollicité un jugement déclarant que le dessin industriel canadien 102 346 (le dessin 346), dont les intimés Heide sont titulaires, est invalide.

[4]               Les intimés Heide et Lea‑Der ont allégué qu'ils n'avaient pas contrefait le brevet 375 ni le brevet 064. Lea‑Der a ajouté que ces brevets étaient invalides et a sollicité des jugements déclaratoires en ce sens. Elle a également sollicité un jugement déclarant qu'un autre brevet, soit le brevet canadien no 2 166 265 (le brevet 265), qui avait déjà fait l'objet d'une allégation de contrefaçon, est invalide. Les intimés Heide ont répondu qu'ils n'avaient pas contrefait le dessin 793 et que leur dessin 346 est valide.

[5]               La Cour fédérale a rejeté l'action. Sur la question de la contrefaçon, elle a conclu que Lea‑Der et les intimés Heide n'avaient pas contrefait le brevet 375 ni le brevet 064. De plus, les intimés Heide n'avaient pas contrefait le dessin 793. Sur la question de l'invalidité, la Cour fédérale a estimé que le brevet 375 était valide, mais que les brevets 064 et 265 ne l'étaient pas pour cause d'évidence. Le brevet 064 était également invalide pour cause d'antériorité. La Cour fédérale ne s'est pas prononcée sur la validité du dessin 346.

[6]               Zero Spill interjette appel de toutes les conclusions que la Cour fédérale a tirées au sujet de l'absence de contrefaçon et de l'invalidité, ainsi que du défaut de la Cour fédérale de se prononcer sur la validité du dessin 346.

[7]               J'accueillerais en partie l'appel de Zero Spill et je renverrais plusieurs questions au juge de la Cour fédérale conformément aux motifs exposés ci‑dessous.

[8]               En raison de la complexité du présent appel, qui soulève de nombreuses questions découlant de plusieurs éléments de propriété intellectuelle, je me propose d'examiner séparément chaque élément de propriété intellectuelle et de trancher les questions à mesure qu'elles se présentent.

A.        Les dessins industriels

[9]               Comme je l'ai brièvement décrit plus haut, deux dessins industriels sont en cause en l'espèce. Zero Spill est titulaire d'une licence se rapportant à l'un d'eux, le dessin 793, et accuse les intimés Heide de l'avoir contrefait. Les intimés Heide sont propriétaires de l'autre dessin, le dessin 346, que Zero Spill cherche à invalider.

(1)        Le dessin 793

[10]           Les intimés Heide travaillent dans l'industrie de la fabrication du plastique moulé et du soudage des plastiques. Ils fabriquent des plateaux pour des tubes de conduite connus sous le nom de [TRADUCTION] « plateaux CAPP » à utiliser dans l'extraction du pétrole et les vendent directement aux clients. Ces plateaux sont conçus pour capter des fluides qui coulent ou qui sont renversés lors de l'extraction de pétrole.

[11]           Devant la Cour fédérale, Zero Spill a soutenu que les intimés Heide avaient contrefait le dessin 793 en vendant les plateaux CAPP. La Cour fédérale a rejeté cette allégation : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 135. Comme je l'expliquerai, les conclusions de la Cour fédérale reposent sur l'article 5.1 de la Loi sur les dessins industriels, L.R.C. 1985, ch. I‑9, qui restreint la protection qu'offre cette loi dans certaines circonstances. L'article 5.1 est rédigé comme suit :

5.1. Les caractéristiques résultant uniquement de la fonction utilitaire d'un objet utilitaire ni les méthodes ou principes de réalisation d'un objet ne peuvent bénéficier de la protection prévue par la présente loi.

 

5.1. No protection afforded by this Act shall extend to

(a) features applied to a useful article that are dictated solely by a utilitarian function of the article; or

(b) any method or principle of manufacture or construction.

 

[12]           La Cour fédérale a souligné qu'il existait plusieurs ressemblances entre le dessin 793 et les plateaux CAPP et que les intimés Heide avaient utilisé le produit de Zero Spill — visé par le dessin 793 — comme modèle pour leur propre produit : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 125, 126, 129 et 133. Cependant, Zero Spill n'avait fourni aucun détail, que ce soit dans ses actes de procédure ou dans la preuve, sur les caractéristiques du dessin 793 qui étaient protégées par l'article 5.1 de la Loi sur les dessins industriels : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 123, 125 à 127 et 129.

[13]           On peut aussi penser que la Cour fédérale a conclu que, comme de nombreuses caractéristiques du dessin 793 étaient fonctionnelles d'une certaine manière, elles ne pouvaient bénéficier de la protection prévue par la Loi sur les dessins industriels en raison de l'article 5.1, même si elles pouvaient également être attrayantes visuellement : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 130 à 132, 134 et 135.

[14]           Zero Spill interjette appel de ces deux conclusions. D'abord, elle soutient qu'en droit, elle n'avait aucun fardeau découlant de l'article 5.1. À son avis, il incombait plutôt aux intimés Heide de démontrer que l'article 5.1 s'appliquait en l'espèce. En deuxième lieu, Zero Spill fait valoir que l'article 5.1 exclut de la protection seulement les caractéristiques dont la forme résulte uniquement de leur fonction, plutôt que toutes les caractéristiques pouvant également comporter des fonctions, comme on peut présumer que la Cour fédérale l'a conclu.

[15]           Les deux observations de Zero Spill concernent des questions d'interprétation légale, au sujet desquelles la décision de la Cour fédérale doit être correcte : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. Pour les motifs qui suivent, j'accepte les deux observations de Zero Spill. Par conséquent, j'accueillerais l'appel de Zero Spill pour ces motifs et je renverrais cette question au juge de la Cour fédérale.

[16]           Pour interpréter les lois, il faut examiner leurs dispositions à la lumière de l'ensemble de la loi ainsi que de leur contexte global et de leur objet général : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27.

[17]           Le droit d'intenter une action en contrefaçon d'un dessin industriel est assujetti à l'existence d'un dessin industriel enregistré : articles 9 et 11 de la Loi sur les dessins industriels. Selon le paragraphe 7(3), lorsque le certificat d'enregistrement est produit en preuve dans une action en contrefaçon, le dessin industriel enregistré est réputé conforme à la Loi. Le paragraphe 7(3) dispose que :

7. (3) En l'absence de preuve contraire, le certificat est une attestation suffisante du dessin, de son originalité, du nom du propriétaire, du fait que la personne dite propriétaire est propriétaire, de la date et de l'expiration de l'enregistrement, et de l'observation de la présente loi.

7. (3) The certificate, in the absence of proof to the contrary, is sufficient evidence of the design, of the originality of the design, of the name of the proprietor, of the person named as proprietor being proprietor, of the commencement and term of registration, and of compliance with this Act.

 

[18]           Le paragraphe 7(3) crée une présomption générale de conformité avec l'ensemble de la Loi sur les dessins industriels, y compris l'article 5.1, et impose carrément au défendeur qui conteste une allégation de contrefaçon le fardeau de réfuter cette présomption. Une des façons de réfuter la présomption de validité serait d'invoquer avec succès l'article 5.1. La Cour fédérale a cité le paragraphe 7(3), mais n'a pas reconnu qu'en principe, cette disposition impose au défendeur le fardeau d'invoquer l'article 5.1 : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 126.

[19]           Cette interprétation est également confirmée par l'économie de la Loi sur les dessins industriels, dont les articles 5.1 et 11 figurent dans deux sections différentes. L'article 5.1 figure dans la section « Enregistrement », alors que l'article 11 apparaît dans la section « Droit exclusif ». D'autres dispositions de la section « Enregistrement » énoncent les exigences formelles applicables à la présentation d'une demande d'enregistrement (paragraphe 4(1)) et traitent de l'examen et de la correspondance concernant les objections (article 5) ainsi que de la nature enregistrable des dessins industriels (article 6). Enclavé entre les articles 4, 5 et 6, l'article 5.1 crée une exigence relative à la validité des dessins industriels quant au fond, et non un élément de la cause d'action que le demandeur doit établir (article 11).

[20]           La Cour fédérale a commis une erreur de droit lorsqu'elle a exigé que Zero Spill présente des éléments de preuve expliquant quelles caractéristiques de son dessin 793 respectaient l'article 5.1. Les intimés Heide devaient plutôt alléguer que les caractéristiques invoquées du dessin ne pouvaient bénéficier de la protection, parce qu'elles résultaient uniquement de la fonction, et présenter des éléments de preuve établissant cette allégation. Cependant, ils ne l'ont pas fait. Devant la Cour fédérale, le seul moyen de défense que les intimés Heide ont invoqué a été l'absence de contrefaçon : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 124; défense de Heide, au paragraphe 7 (dossier d'appel, page 195).

[21]           Il s'ensuit que la conclusion d'absence de contrefaçon qu'a tirée la Cour fédérale en se fondant uniquement sur l'article 5.1 de la Loi sur les dessins industriels ne peut être confirmée. La question de la contrefaçon doit donc être renvoyée au juge de la Cour fédérale pour nouvelle décision.

[22]           Avant de passer à une autre question, j'aimerais commenter ce qui semble être la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle les caractéristiques d'un dessin industriel qui sont fonctionnelles ne peuvent bénéficier de la protection par application de l'article 5.1, même si ces caractéristiques pourraient également être attrayantes visuellement : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 130 à 132, 134 et 135. Là encore, je ne suis pas d'accord avec la Cour fédérale.

[23]           L'interprétation de la Cour fédérale va à l'encontre du sens ordinaire de l'article 5.1 et de l'objet de la Loi sur les dessins industriels. Lorsque ceux-ci sont interprétés correctement, seules les caractéristiques du dessin industriel dont la forme résulte uniquement de la fonction sont exclues de la protection par l'article 5.1.

[24]           Selon le sens ordinaire de l'article 5.1, les caractéristiques fonctionnelles d'un dessin industriel peuvent être protégées par la Loi sur les dessins industriels. L'article 5.1 énonce que les caractéristiques « résultant uniquement de la fonction utilitaire d'un objet utilitaire » (non souligné dans l'original) ne peuvent bénéficier de la protection. Il est possible que les caractéristiques soient à la fois utiles et attrayantes visuellement. En pareil cas, en principe, l'article 5.1 ne peut s'appliquer.

[25]           Qui plus est, l'objet même de la Loi sur les dessins industriels est d'accorder une protection résiduelle aux dessins fonctionnels qui seraient, en l'absence de l'article 64 de la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42, assujettis à la protection du droit d'auteur : Roger T. Hughes et Susan J. Peacock, Hughes on Copyright and Industrial Design, feuilles mobiles (consulté le 7 avril 2015), 2e éd. (Markham (Ontario), LexisNexis, 2005) au § 152; Roger T. Hughes, Copyright Legislation & Commentary, éd. 2015 (Markham (Ontario), LexisNexis, 2015), aux pages 360 et 361.

[26]           Selon le paragraphe 64(2) de la Loi sur le droit d'auteur, un objet est soustrait à la protection du droit d'auteur lorsqu'il remplit deux conditions. Premièrement, l'objet doit être reproduit de façon légitime à plus de 50 exemplaires. Deuxièmement, l'objet doit être fonctionnel. La Loi sur les dessins industriels ne serait d'aucune utilité si elle ne protégeait pas les caractéristiques fonctionnelles.

[27]           Ensemble, le texte clair de l'article 5.1 de la Loi sur les dessins industriels et l'objet qui sous-tend celle-ci confirment que les caractéristiques fonctionnelles des dessins peuvent être protégées en application de cette loi. Seules les caractéristiques dont la forme résulte uniquement de la fonction ne sont pas protégées.

(2)        Le dessin 346

[28]           La seule question en litige concernant le dessin 346 est celle de savoir si la Cour fédérale aurait dû examiner sa validité.

[29]           Devant la Cour fédérale, Zero Spill a allégué, dans sa déclaration modifiée une deuxième fois, que le dessin 346 des intimés Heide était invalide pour deux raisons. Premièrement, il était invalide au sens du paragraphe 6(1) de la Loi sur les dessins industriels, parce qu'il ressemblait trop au dessin 793 de Zero Spill. Deuxièmement, il était invalide parce que les intimés Heide ne pouvaient, à la date d'enregistrement du dessin 346, déclarer qu'à leur connaissance, personne d'autre n'en faisait usage, comme l'exige l'alinéa 4(1)b) de cette loi.

[30]           Dans leur défense, les intimés Heide se sont opposés à la contestation de Zero Spill concernant la validité, affirmant que le dessin 346 était valide et niant les deux motifs d'invalidité invoqués par Zero Spill.

[31]           La question en litige entre Zero Spill et les intimés Heide était établie. La Cour fédérale a renvoyé au dessin 346 une seule fois dans un paragraphe précédant son analyse de la question de savoir si le dessin 793 avait été contrefait : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 122. Après cette analyse, la Cour fédérale n'a pas commenté la validité du dessin 346. Elle aurait dû trancher cette question. Cependant, entre le jugement modifié de la Cour fédérale et l'instruction du présent appel, le dessin 346 a expiré. La question de la validité du dessin 346 est maintenant théorique. Par conséquent, elle ne sera pas renvoyée à la Cour fédérale.

B.        Les brevets

[32]           Outre les plateaux CAPP, les intimés Heide produisent aussi un ensemble de plateaux supérieur et inférieur de confinement de fluides destiné à un usage sur les têtes de puits et les appareils de forage. Ils sont connus sous le nom de [TRADUCTION] « plateaux Rat », que les intimés Heide vendent directement aux clients et à la société Lea‑Der pour la revente.

[33]           Lea‑Der revend également une gamme de plateaux supérieur et inférieur en fibres de carbone, connus sous le nom de [TRADUCTION] « plateaux Stealth ». La société les achète à la Stealth Environment Filtration Systems, qui n'est pas partie à l'instance.

[34]           Zero Spill soutient que ces activités constituaient une contrefaçon de ses brevets.

[35]           Devant la Cour fédérale, Zero Spill a invoqué deux brevets — les brevets 375 et 064 — à l'encontre de Lea‑Der et des intimés Heide, qui ont soutenu qu'ils ne contrefaisaient pas les brevets en question. Pour sa part, Lea‑Der a également sollicité, dans une demande reconventionnelle, un jugement déclarant que ces deux brevets, ainsi que le brevet 265 de Zero Spill, étaient invalides pour cause d'évidence et d'antériorité. J'examinerai chacun de ces trois brevets séparément.

(1)        Le brevet 375

[36]           Le brevet 375 porte sur un plateau de confinement supérieur fixé à la partie supérieure d'un mamelon de flux d'un appareil de forage de puits de pétrole qui fonctionne. Le mamelon de flux est un tuyau vertical qui relie le sol et un point situé juste au-dessous du plancher de l'appareil de forage. C'est dans le mamelon de flux qu'est logé le train de forage qui permet de découper le trou du puits du pétrole. Le train de forage lui‑même comprend de nombreuses sections de tuyaux qui se joignent à leurs extrémités de façon à former une longue section continue qui descend dans le trou du puits. Durant le forage, on fait descendre un fluide vers le train de forage autour du trépan; le fluide remonte ensuite à la surface, où il est dévié et filtré pour qu'on y enlève les débris. Une fois filtré, il redescend vers le train de forage.

[37]           Lorsque vient le temps de retirer le train de forage du trou du puits, on le retire et détache les sections du train pour faciliter la manutention au-dessus du sol. Habituellement, ce processus décharge le fluide de forage qui s'est accumulé au‑dessus du joint entre les sections de train de forage. S'il n'est pas capturé, le fluide déchargé peut mouiller l'équipe de forage et le matériel.

[38]           Le brevet 375 vise à résoudre ce problème. Lorsque des sections de train de forage sont détachées et que le fluide de forage est déchargé, le plateau de confinement supérieur collecte le fluide déchargé et le redirige vers le bas dans le trou du puits.

[39]           La Cour fédérale a conclu que le brevet 375 était valide, mais qu'il n'avait pas été contrefait par Lea‑Der ou par les intimés Heide. Zero Spill interjette appel de la conclusion d'absence de contrefaçon de la Cour fédérale et soutient que celle‑ci a mal interprété le brevet 375.

[40]           Dans le cas du plateau de confinement supérieur Stealth, Zero Spill affirme que l'interprétation erronée a donné lieu à la conclusion d'absence de contrefaçon de la Cour fédérale, laquelle conclusion doit être infirmée. En ce qui concerne le plateau de confinement supérieur Rat, Zero Spill affirme que la Cour fédérale aurait dû soupeser la preuve d'expert différemment.

a)         Interprétation

[41]           Devant nous, les parties se sont entendues de façon générale sur les principes applicables à l'interprétation des revendications. Les grands principes d'interprétation bien reconnus sont les suivants :

                    L'interprétation des revendications est la première étape dans tout procès en matière de brevets.

                    Il incombe au tribunal d'interpréter les revendications.

                    Le tribunal doit lire les revendications en se plaçant du point de vue de la personne versée dans l'art auquel le brevet se rapporte.

                    Le lecteur versé dans l'art examine le brevet à la lumière des connaissances générales courantes dans le domaine.

                    Le lecteur versé dans l'art interprète les revendications à la date de publication du brevet.

                    Il est nécessaire de départager les éléments essentiels des revendications de ceux qui ne le sont pas.

                    Il faut interpréter les revendications de manière téléologique afin d'atteindre un résultat équitable tant pour le titulaire du brevet que pour le public.

                    Il faut examiner les mots employés dans les revendications en fonction de l'ensemble du mémoire descriptif, sans toutefois tenter d'élargir ou de rétrécir la portée du texte des revendications.

                    Il est permis de présenter une preuve d'expert afin d'aider le tribunal à lire les revendications du point de vue du lecteur versé dans l'art.

[42]           La Cour fédérale a bien identifié ces principes d'interprétation et le lecteur versé dans l'art : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 70 à 73.

[43]           En appel, l'interprétation que la Cour fédérale a donnée aux revendications d'un brevet sera examinée selon la norme de la décision correcte : Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067, aux paragraphes 61 et 76. Toutefois, il convient de faire preuve de retenue en ce qui concerne la façon dont la Cour fédérale a apprécié la preuve, notamment la preuve d'expert, qui touche cette interprétation : Mylan Pharmaceuticals ULC c. AstraZeneca Canada Inc., 2012 CAF 109, au paragraphe 20; Wenzel Downhole Tools Ltd. c. National‑Oilwell Canada Ltd., 2012 CAF 333, [2014] 2 R.C.F. 459, au paragraphe 44; Bell Helicopter Textron Canada Limitée c. Eurocopter, 2013 CAF 219, aux paragraphes 73 et 74; voir également Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, à la page 537.

[44]           Le brevet 375 ne comporte que deux revendications, soit une revendication relative à la méthode et une revendication relative à l'appareil. En voici le texte :

[TRADUCTION]

1.         Méthode pour la modification d'installations de forage existantes et l'ajout d'un bac collecteur, selon les étapes indiquées ci‑après :

premièrement, fournir un corps en forme de bac composé de deux parties, chaque partie comprend un bord inférieur ayant une échancrure semi‑circulaire avec un collier semi‑cylindrique dépendant, ces colliers semi‑cylindriques ont des surfaces internes, des verrous sont fournis pour fixer les bords intérieurs en les joignant de sorte que les colliers semi‑cylindriques s'accouplent pour former un collier cylindrique avec une surface cylindrique intérieure étanche;

deuxièmement, fournir un joint annulaire;

troisièmement, fixer le joint annulaire à un mamelon de flux disposé sous une ouverture dans une plateforme de forage;

quatrièmement, positionner les indentations semi‑circulaires avec des colliers semi‑cylindriques dépendant du côté opposé au mamelon de flux, la surface cylindrique intérieure étanche s'y engage et peut avoir un mouvement télescopique par rapport au joint annulaire, et utiliser les verrous pour fixer les bords intérieurs en les joignant, de façon que les fluides de forage de la plateforme de forage soient pris dans le corps en forme de bac et conduits dans le mamelon de flux, et à mesure que la plateforme de forage s'ajuste, la surface cylindrique intérieure étanche du collier cylindrique se déplace par rapport au joint annulaire.

2.         Un bac collecteur pour les installations de forage, comprenant les éléments suivants :

un corps peu profond en forme de bac composé de deux parties, chaque partie comprend un bord intérieur ayant une échancrure semi‑circulaire avec un collier semi‑cylindrique dépendant de sorte que lorsque les bords intérieurs des parties se jouxtent, une ouverture de forme généralement circulaire avec un collier cylindrique dépendant se forme, le collier cylindrique forme une surface cylindrique intérieure étanche;

des verrous pour fixer les bords intérieurs en les joignant;

un joint annulaire comprenant une section de fixation interne et une section d'essuyage externe, la section de fixation est adaptée afin d'assurer la fixation à une bride d'un mamelon de flux et la section d'essuyage entre en contact avec la surface interne étanche, la surface cylindrique intérieure étanche du collier cylindrique peut avoir un mouvement télescopique par rapport au joint annulaire, ce qui permet le déplacement du corps en forme de bac par rapport au mamelon de flux lorsqu'une force vers le bas est exercée sur le corps en forme de bac, à la suite de l'ajustement de la plateforme de forage.

[Non souligné dans l'original]

À l'instruction, les parties ont contesté plusieurs termes employés dans ces deux revendications. En appel, Zero Spill conteste uniquement un de ces termes, l'expression [TRADUCTION] « mouvement télescopique ».

[45]           La Cour fédérale a fourni deux définitions de cette expression : une positive, l'autre négative. Dans sa conclusion positive, la Cour fédérale a conclu que l'expression « mouvement télescopique » servait à décrire la capacité du plateau de se déplacer selon un mouvement axial prévu et contrôlé, et ce, entre les valeurs limites de la surface étanche du collier. Dans sa conclusion négative, elle a jugé que l'expression n'englobait pas un quelconque mouvement minimal non expliqué du plateau lorsque le produit devient défectueux : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 76.

[46]           En tirant cette conclusion, la Cour fédérale s'est fondée sur le mémoire descriptif du brevet 375, qui décrivait un dispositif étanche précis permettant le mouvement télescopique, ainsi que sur le témoignage des trois témoins experts, dont l'expert privilégié par la Cour fédérale, M. Thicke : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 40, 41, 46, 49 et 76. Cet expert a indiqué que le lecteur versé dans l'art comprendrait l'expression « mouvement télescopique » en référence au dispositif étanche précis divulgué dans le brevet 375.

[47]           Zero Spill interjette appel au motif que, interprétée correctement, l'expression « mouvement télescopique » signifie seulement un type de mouvement, peu importe s'il est minimal, prévu ou contrôlé. À l'appui de son appel, Zero Spill allègue que la Cour fédérale a tenu compte de manière inacceptable d'une limite de revendication en interprétant l'expression « mouvement télescopique » sans tenir compte des témoignages clés, plus précisément ceux de l'expert de Zero Spill (M. Wallace) et de Lea‑Der (M. Thicke, expert privilégié par la Cour) : mémoire des faits et du droit des appelants, aux paragraphes 79 et 80.

[48]           Dans l'ensemble, je suis d'avis que ce moyen d'appel de Zero Spill ne doit pas être retenu. La Cour fédérale disposait de l'ensemble du dossier et, en appel, nous devons présumer qu'elle l'a étudié d'un bout à l'autre : Housen c. Nikolaisen, précité, au paragraphe 46; Sa Majesté du chef du Manitoba c. Sa Majesté du chef du Canada, 2015 CAF 57, au paragraphe 26. Le juge de première instance peut préférer certains éléments de preuve et cette appréciation ne peut être infirmée que s'il y a une erreur manifeste et dominante : Mylan Pharmaceuticals, Wenzel Downhole Tools et Eurocopter, précités.

[49]           La norme de l'erreur manifeste et dominante appelle un degré élevé de retenue. Par erreur « manifeste », on entend une erreur qui est évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l'issue de l'affaire. Lorsque l'on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l'arbre debout. On doit faire tomber l'arbre tout entier : R. c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au paragraphe 46. Zero Spill ne m'a pas convaincu que cette norme a été respectée.

[50]           Enfin, au soutien de son appel, Zero Spill a fait valoir que la Cour fédérale avait mal interprété les revendications du brevet 375, parce qu'elle avait restreint de façon non autorisée l'interprétation de l'expression « mouvement télescopique » au regard de l'antériorité. Plus précisément, Zero Spill cite le passage suivant des motifs de la Cour fédérale (au paragraphe 76) :

[...] En outre, en ayant choisi un moyen particulier qui permet de tirer avantage du mouvement du plateau et de distinguer ainsi l'invention de l'art antérieur, il n'est pas permis aux demandeurs d'accroître la portée des revendications en question afin de s'assurer un monopole sur tout produit qui permettrait d'obtenir le même résultat [...]

[Non souligné dans l'original]

[51]           Zero Spill a raison d'affirmer que les revendications ne peuvent être interprétées en fonction de l'art antérieur : Whirlpool, précité, à l'alinéa 49a); Dableh c. Ontario Hydro, [1996] 3 C.F. 751, aux pages 773 et 774 (C.A.F.).

[52]           Cependant, ce moyen d'appel de Zero Spill doit également être rejeté.

[53]           Un tribunal d'appel doit se concentrer sur l'essentiel des motifs du jugement, en considérant les motifs comme un tout. Il ne doit pas tenir compte des expressions maladroites et superflues qui ne portent pas sur le fond de la question. L'expression « distinguer ainsi l'invention de l'art antérieur », isolée, est subséquente à l'interprétation de l'expression « mouvement télescopique » par la Cour fédérale, et superflue. La Cour fédérale confirme son caractère superflu en employant l'expression « En outre ».

[54]           Même si la Cour fédérale a interprété l'expression « mouvement télescopique » en tenant compte de l'art antérieur, l'appel de Zero Spill fondé sur ce moyen doit tout de même être rejeté. La révision en appel concerne uniquement les erreurs de droit qui touchent à l'issue de l'affaire. Indépendamment de la norme de contrôle applicable, dans les cas où l'erreur n'aurait pas touché le jugement de la Cour fédérale, l'appel doit être rejeté. Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, la Cour fédérale a invoqué d'autres motifs défendables et écrasants pour en arriver à sa décision — en l'occurrence, l'importance qu'elle a accordée au libellé du mémoire descriptif et à la preuve d'expert — l'appel ne sera pas accueilli par suite d'une simple erreur de droit sans conséquence.

[55]           De plus, selon moi, la Cour fédérale a correctement interprété les revendications du brevet 375. En décrivant la variante privilégiée, le brevet 375 tient pour acquis qu'au fil du temps, la plateforme de forage s'ajustera et qu'à ce moment, son poids reposera sur le bac collecteur, en exerçant une poussée vers le bas par rapport au mamelon de flux : brevet 375, à la page 5. L'invention du brevet 375 traite ce problème précis, en assurant l'intégrité du bac collecteur malgré le déplacement de la plateforme de forage. Le mouvement axial prévu et contrôlé accomplira ce but, contrairement au mouvement minimal non expliqué du plateau lorsque le produit devient défectueux : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 87 et 89.

b)         Contrefaçon

[56]           Pour qu'il y ait contrefaçon d'un brevet, il est nécessaire que le défendeur se soit approprié indûment tous les éléments essentiels d'une revendication de brevet valide : Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024, aux paragraphes 68 et 75. Lorsqu'un seul des éléments essentiels est omis des activités du défendeur qui constitueraient de la contrefaçon, il n'y a pas de contrefaçon.

[57]           Une fois que les revendications ont été interprétées, la contrefaçon est une question de fait qui est susceptible de contrôle seulement en cas d'erreur manifeste et dominante : Whirlpool, précité, au paragraphe 76, Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 R.C.S. 902, au paragraphe 30. Il ne s'agit là que d'une expression du principe général applicable au contrôle en appel, selon lequel les conclusions de fait ne peuvent être infirmées qu'en cas d'erreur manifeste et dominante. Comme nous l'avons vu, cette norme est élevée : Housen c. Nikolaisen, précité; South Yukon, précité, au paragraphe 46.

[58]           La Cour fédérale a conclu que le plateau supérieur Rat ne constituait pas une contrefaçon, parce qu'il n'y avait pas de mouvement télescopique, comme la Cour fédérale avait interprété cette expression : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 91. En appel, Zero Spill soutient que cette conclusion ne tient pas compte de la preuve d'expert et de la preuve documentaire.

[59]           À mon avis, Zero Spill n'a pas établi l'existence d'une erreur manifeste et dominante à cet égard. L'absence de renvoi à une preuve d'expert et à une preuve documentaire ne signifie pas automatiquement qu'il y a eu erreur manifeste et dominante. Comme je l'ai souligné précédemment au paragraphe 48, la Cour fédérale disposait de l'ensemble du dossier et, en appel, nous devons présumer qu'elle l'a étudié d'un bout à l'autre. Sur un point comme celui‑ci, nous devons nous demander si la Cour fédérale a examiné toute l'affaire. Comme je l'ai déjà dit, pour trancher cette question, nous devons porter notre attention sur l'essentiel des motifs du jugement en considérant ceux-ci comme un tout. À cet égard, il convient de reproduire les paragraphes suivants de l'arrêt South Yukon, précité :

[49]      Les juges de première instance qui, jour après jour et semaine après semaine, sont plongés dans des procès longs et complexes comme c'est le cas en l'espèce, occupent une position unique et privilégiée. Armés des outils de la logique et de la raison, ils étudient et examinent tous les témoignages et toutes les pièces. Au fil du temps, une appréciation des faits se dégage, évolue et finalement prend la forme d'un récit factuel, plein d'interconnexions, de détails et de nuances complexes.

[50]      Lorsque vient le temps de rédiger les motifs d'une cause complexe, les juges de première instance n'essaient pas de rédiger une encyclopédie où les plus petits détails factuels seraient consignés, et ils ne le peuvent d'ailleurs pas. Ils examinent minutieusement des masses de renseignements et en font la synthèse, en séparant le bon grain de l'ivraie, et en ne formulant finalement que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications.

[51]      Parfois, des appelants soutiennent, en invoquant l'erreur manifeste et dominante, que les motifs ne mentionnent pas certaines questions qu'ils estiment importantes, ou ne le font que sommairement. Pour juger de la validité d'une telle prétention, il faut veiller à bien faire la différence entre l'erreur manifeste et dominante véritable, d'une part, et le sous-produit légitime de l'examen minutieux et de la synthèse ou les formulations inadéquates innocentes, d'autre part.

[60]           Dans l'ensemble, lorsque je considère les motifs du jugement de la Cour fédérale comme un tout, je ne crois pas que celle‑ci n'a pas tenu compte de la preuve d'expert et de la preuve documentaire pour en arriver à la conclusion qu'elle a tirée. Les motifs démontrent que la Cour fédérale s'est penchée sur cette question et a tenu compte de l'ensemble de la preuve dont elle disposait. Zero Spill ne m'a pas convaincu du contraire.

[61]           En ce qui concerne le plateau supérieur Stealth, Zero Spill a admis à juste titre que la décision de notre Cour sur la question de la contrefaçon dépendait de la façon dont elle tranchait celle de l'interprétation des revendications. Ainsi qu'elle l'a expliqué : [TRADUCTION] « Si l'interprétation qu'ils proposent est correcte, les appelants soutiennent que la conclusion du juge de première instance selon laquelle le plateau Stealth peut se déplacer est déterminante quant à cette question de la contrefaçon de la revendication 2 » : mémoire de Zero Spill, au paragraphe 84. Étant donné que la Cour fédérale a interprété correctement les revendications du brevet 375, le plateau supérieur Stealth ne contrefait pas le brevet 375.

c)         Validité

[62]           En appel, Lea‑Der a tenté de faire valoir que le brevet 375 était invalide : mémoire de Lea‑Der, aux paragraphes 91 et 92.

[63]           Cependant, notre Cour n'est pas dûment saisie de cette question. Dans son jugement, la Cour fédérale a affirmé que le brevet 375 était valide. Si Lea‑Der souhaitait, devant notre Cour, faire annuler ce jugement déclaratoire et contester la validité du brevet 375, elle devait former un appel incident. Elle ne l'a pas fait. Par conséquent, le jugement de la Cour fédérale déclarant que le brevet 375 est valide est confirmé.

(2)        Le brevet 064

[64]           Le brevet 064 concerne un plateau segmenté de confinement de fluides fixé dans une section inférieure de la tige centrale du puits de pétrole. Son but est de capter les fluides s'écoulant de sections supérieures et de les évacuer.

[65]           La Cour fédérale a conclu que le brevet 064 n'était pas valide et qu'il n'avait pas été contrefait par Lea‑Der ou par les intimés Heide. Plus précisément, elle a jugé que le brevet 064 était antériorisé et évident dans son ensemble : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 117 et 118.

[66]           Zero Spill interjette appel de toutes ces conclusions. Elle soutient que la Cour fédérale a interprété quelques-unes des revendications du brevet 064, mais que ces interprétations étaient erronées, qu'elle a omis d'interpréter l'ensemble des revendications du brevet 064 lorsqu'elle s'est demandée si le brevet 064 était antériorisé et évident et qu'elle a examiné le caractère évident de chacun des éléments des revendications dans l'abstrait plutôt que de considérer l'invention revendiquée comme un tout.

[67]           Je suis d'accord en partie avec Zero Spill.

[68]           Les éléments des revendications du brevet 064 que la Cour fédérale a interprétés l'ont été sans erreur justifiant un contrôle. Cela suffit pour trancher l'appel de Zero Spill sur la question de la contrefaçon.

[69]           Cependant, la Cour fédérale n'a pas interprété la totalité des revendications du brevet 064. Elle n'a donc pu analyser correctement les questions de l'antériorité et de l'évidence. En conséquence, la conclusion d'invalidité de la Cour fédérale ne peut être confirmée et doit être renvoyée au juge pour nouvel examen.

a)         Interprétation

[70]           La Cour fédérale a décidé qu'il était suffisant d'examiner uniquement les revendications 1 et 9 du brevet 064 : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 106. Ces revendications sont ainsi rédigées :

[TRADUCTION]

1.         Un dispositif de confinement de fuite pour un puits de pétrole complété, comprenant :

un corps segmenté peu profond, en forme de plateau, en au moins deux segments, chacun des segments présente un bord de non‑appariement et un bord d'appariement, le bord de non‑appariement possède une paroi de confinement verticale, lorsque les deux segments ou plus sont couplés ensemble pour former le corps, la paroi de confinement verticale se prolonge autour d'un bord périphérique du corps et délimite une cavité de confinement de liquides, le bord d'appariement s'apparie avec un autre des deux segments ou plus, chaque bord d'appariement présente une partie arquée, lorsque les segments sont couplés ensemble pour terminer le corps, les parties arquées forment une collerette circulaire qui peut être positionnée autour d'un arbre de Noël;

au moins un des deux segments possède une ouverture d'évacuation;

des dispositifs de couplage servent à fixer ensemble les bords d'appariement.

[...]

9.         Un appareil de confinement de fuites, pour un puits de pétrole complété, comprenant une combinaison des éléments suivants :

un assemblage de composants formant un arbre de Noël fixé solidement à une tête de puits :

un corps segmenté peu profond, en forme de plateau, en au moins deux segments, chacun des segments présente un bord de non‑appariement et un bord d'appariement, le bord de non‑appariement possède une paroi de confinement verticale, lorsque les deux segments ou plus sont couplés ensemble pour former le corps, la paroi de confinement verticale se prolonge autour d'un bord périphérique du corps et délimite une cavité de confinement de liquides, le bord d'appariement s'apparie avec un autre des deux segments ou plus, chaque bord d'appariement présente une partie arquée, lorsque les segments sont couplés ensemble pour terminer le corps, les parties arquées forment une collerette circulaire autour d'un arbre de Noël;

des dispositifs de couplage servent à fixer ensemble les bords d'appariement;

le bord d'appariement d'un des deux segments ou plus a une languette saillante, et le bord d'appariement de l'autre segment ou plus a une rainure où peut se loger la languette, un joint étanche se trouve dans la rainure;

au moins un des segments qui forme la cavité de confinement de liquides présente une ouverture d'évacuation.

[Non souligné dans l'original]

[71]           En examinant les revendications 1 et 9, la Cour fédérale s'est concentrée sur quelques revendication clés — « bord d'appariement », « cavité de confinement de liquides », « puits de pétrole complété » et « arbre de Noël » — et a conclu que chacun de ces éléments était essentiel : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 109 à 112.

[72]           La Cour fédérale a conclu que les éléments « bord d'appariement » et « cavité de confinement de liquides » signifiaient que les segments du plateau créeraient, lorsque combinés comme le décrivent les revendications 1 et 9, une seule cavité de confinement de liquides avec des bords imperméables où les segments sont joints : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 109 et 110. Selon la Cour fédérale, ces éléments essentiels des revendications 1 et 9 faisaient référence à « un plateau dissociable dont les sections sont étanchéisées et réunies pour former une seule cavité de confinement » : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 110.

[73]           La Cour fédérale a de plus conclu que les éléments « puits de pétrole complété » et « arbre de Noël » signifiaient que le plateau faisant l'objet des revendications 1 et 9 était seulement revendiqué conjointement avec un puits de pétrole de production, puisqu'un arbre de Noël est un ensemble de vannes installées sur un puits de pétrole de production plutôt que sur un appareil de forage : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 34, 111 et 112.

[74]           En interprétant les revendications 1 et 9 de cette façon, la Cour fédérale s'est fiée au sens ordinaire du texte du brevet et aux témoignages de tous les experts en l'espèce : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 33 à 35, 44, 51 et 109 à 112. En particulier, la Cour fédérale a souligné qu'à propos de la plupart des questions, tous les experts étaient essentiellement d'accord, mais que l'expert de Zero Spill, M. Wallace, a changé d'opinion sur la signification des termes « puits de pétrole complété » et « arbre de Noël » au milieu de l'instance de façon à inclure l'usage sur un appareil de forage; par conséquent, les plateaux inférieurs Rat et Stealth sont devenus des contrefaçons. M. Wallace a essayé d'expliquer son changement d'opinion en renvoyant à certains dessins du brevet 064 illustrant un bloc obturateur de puits, qu'on trouve rarement sur un puits de pétrole de production : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 111. La Cour fédérale a privilégié le témoignage de l'expert de Lea‑Der, M. Thicke, dont l'opinion n'a pas changé pendant l'instance et qui n'était pas disposé à faire abstraction du texte clair du brevet en raison de dessins illustrant un bloc obturateur de puits sans aucun rapport avec l'invention réelle : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 112.

[75]           En appel, Zero Spill soutient que la Cour fédérale a commis une erreur en interprétant ces éléments. En particulier, Zero Spill allègue qu'un joint imperméable entre les sections de plateaux n'est pas essentiel à la revendication 1, car la revendication 3 décrit un assemblage à rainure et languette sans mentionner de joint, tandis que la revendication 4 vise un joint. Par conséquent, Zero Spill affirme que la revendication 1, qui demeure muette à propos d'un joint, ne peut pas requérir un joint imperméable : mémoire des faits et du droit de Zero Spill, aux paragraphes 97 et 98.

[76]           Zero Spill affirme que faute de joint imperméable entre les sections de plateaux, la seule façon de créer un plateau imperméable comme l'exige le brevet 064 serait de combiner deux cavités imperméables de façon à former un seul plateau imperméable : mémoire des faits et du droit de Zero Spill, au paragraphe 99. À l'audition de l'appel, Zero Spill a affirmé que cela signifiait qu'une « cavité de confinement » consistait en réalité en n'importe quel nombre de cavités de confinement de liquides combinées en un seul plateau.

[77]           En ce qui concerne l'interprétation des expressions « puits de pétrole complété » et « arbre de Noël », Zero Spill répète essentiellement l'argument qu'elle a fourni à la Cour fédérale : que l'inventeur a défini « arbre de Noël » dans le brevet en lien avec les dessins et que le lecteur versé dans l'art aurait compris que la présence d'un bloc obturateur de puits dans ces dessins signifie qu'on revendiquait l'usage de l'invention sur un appareil de forage : mémoire des faits et du droit de Zero Spill, aux paragraphes 95 et 96.

[78]           Je rejette ces arguments. À mon avis, la Cour fédérale n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a interprété l'un ou l'autre de ces éléments. Elle s'est fondée en grande partie sur le texte du brevet et sur l'avis des experts en l'espèce, qui étaient initialement tous d'accord. Je ne suis pas convaincu que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante en retenant l'avis des experts qui lui semblait préférable, et l'interprétation qu'elle a donnée au brevet ne comporte aucune autre erreur justifiant l'annulation de sa décision.

b)         Contrefaçon

[79]           D'après son interprétation de ces éléments du brevet 064, la Cour fédérale a conclu que ni le plateau inférieur Rat, ni le plateau inférieur Stealth ne contrefaisaient, car les plateaux n'avaient pas été utilisés conjointement avec un puits de pétrole de production : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 121. La Cour fédérale a aussi conclu que le plateau inférieur Rat ne contrefaisait pas, car il ne comportait pas l'accouplement de multiples segments de plateaux de façon à former une cavité de confinement unique. Le plateau rapprochait plutôt deux plateaux distincts l'un de l'autre sans que soit formé un joint imperméable entre les deux : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 120.

[80]           Là encore, Zero Spill a admis à juste titre que son appel sur la question de la contrefaçon dépend de l'interprétation que la Cour fédérale a donnée aux revendications 1 et 9 : mémoire de Zero Spill, au paragraphe 125. Étant donné que je n'ai constaté aucune erreur justifiant l'annulation de la décision de la Cour fédérale relativement à la façon dont elle a interprété ces éléments des revendications 1 et 9, je rejetterais également l'appel de Zero Spill sur la question de la contrefaçon.

c)         Validité (antériorité et évidence)

[81]           La règle selon laquelle les inventions revendiquées ne doivent pas être antériorisées ou évidentes est énoncée aux articles 28.2 et 28.3 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4. Ces deux dispositions débutent par le texte suivant : « L'objet que définit la revendication d'une demande de brevet » (non souligné dans l'original). Elles énoncent ensuite des critères de fond qui doivent être établis pour pouvoir conclure à l'antériorité ou à l'évidence. Ces dispositions prévoient que la révision doit porter sur l'objet « que définit la revendication ».

[82]           L'article 58 de la Loi sur les brevets est également pertinent à cet égard. Selon cette disposition, chacune des revendications est examinée séparément en ce qui a trait à sa validité, et aucune revendication n'a d'effet direct sur la validité de l'ensemble du brevet. L'article 58 dispose que :

58. Lorsque, dans une action ou procédure relative à un brevet qui renferme deux ou plusieurs revendications, une ou plusieurs de ces revendications sont tenues pour valides, mais qu'une autre ou d'autres sont tenues pour invalides ou nulles, il est donné effet au brevet tout comme s'il ne renfermait que la ou les revendications valides.

 

58. When, in any action or proceeding respecting a patent that contains two or more claims, one or more of those claims is or are held to be valid but another or others is or are held to be invalid or void, effect shall be given to the patent as if it contained only the valid claim or claims.

 

[83]           Ensemble, les articles 28.2, 28.3 et 58 de la Loi sur les brevets prévoient que l'invalidité pour cause d'antériorité ou d'évidence doit être déterminée pour chaque revendication.

[84]           Bien que les articles 28.2 et 28.3 interdisent les revendications qui sont antériorisées ou évidentes, ils comportent peu d'indices permettant de distinguer les revendications valides de celles qui ne le sont pas. En résumé, ces dispositions établissent une norme (respectivement la nouveauté ou le caractère inventif) et certaines conditions relatives à leur application (y compris la date à prendre en compte pour la détermination), sans prescrire le moindre critère permettant de savoir s'il est satisfait à cette norme. Pour déterminer si une revendication donnée est antériorisée ou évidente, il faut appliquer les critères de la common law.

[85]           L'arrêt de principe canadien sur l'antériorité et l'évidence est l'arrêt Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a confirmé deux critères de la common law, dont chacun affirme que l'invalidité pour cause d'antériorité ou d'évidence doit être établie pour chaque revendication.

[86]           S'agissant de l'antériorité, la Cour suprême du Canada a prescrit deux conditions préalables à une conclusion d'invalidité dans l'arrêt Sanofi‑Synthelabo : la divulgation et le caractère réalisable de l'art antérieur : paragraphes 28 et 31 à 37. Dans son analyse de la seconde exigence, soit le caractère réalisable, la Cour suprême du Canada a précisé que, pour être réalisable, « [l'art] antérieur doit renfermer suffisamment de renseignements pour permettre l'exécution du brevet subséquent sans trop de difficultés » (non souligné dans l'original) : au paragraphe 37(3).

[87]           En ce qui concerne l'évidence, la Cour suprême du Canada a établi dans ce même arrêt une démarche à quatre volets, dont le deuxième consiste à « définir l'idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d'interprétation » (non souligné dans l'original) : au paragraphe 67.

[88]           Ce qui ressort de ces deux extraits, qui lient les cours fédérales, c'est que chaque revendication visée par une allégation d'antériorité ou d'évidence doit être examinée séparément.

[89]           À cet égard, la Cour fédérale a commis une erreur.

[90]           Comme je l'ai déjà dit, la Cour fédérale a conclu qu'il était suffisant, aux fins de son analyse, de tenir compte du sens et de la portée des revendications 1 et 9, car toutes les autres revendications constituaient des revendications dépendantes : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 106.

[91]           Lorsqu'elle a examiné l'antériorité, plutôt que d'interpréter les revendications 2 à 8 et 10 à 14, la Cour fédérale a simplement énuméré quelques‑uns des éléments des revendications 2 à 8 (au paragraphe 113) :

Le brevet 064 contient la description d'un plateau de confinement de fluides dissociable qui est ajusté mécaniquement, de manière étanche, à un arbre de Noël et qui récupère passivement les fluides qui s'écoulent des sections supérieures. Les fluides captés s'écoulent ensuite par une ouverture d'évacuation. Les revendications comprennent des caractéristiques telles que des anneaux d'accouplement à raccord rapide, des joints d'assemblage à rainure et languette pouvant être étanchéisés, des plateaux de confinement en cascade pouvant communiquer et des bagues descendantes ou à parois verticales, avec ou sans dispositif d'étanchéité.

[92]           La Cour fédérale a alors conclu que le brevet 064 était entièrement antériorisé par deux brevets, Shuyler (brevet américain no 1 507 628) et Gayaut (brevet américain no 5 377 748), qui décrivent des plateaux de confinement de fluides, dissociables et drainés, fixés à une conduite de tête de puits, au‑dessous du plancher de forage du puits, avec une bride étanche, ainsi que par des plateaux inférieurs décrits par les témoins de l'industrie : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 117 et 118.

[93]           Ensuite, la Cour fédérale a conclu que le brevet 064 était entièrement évident, car les modifications apportées aux dimensions des plateaux ou aux méthodes de jonction des plateaux, y compris l'emploi de dispositifs de couplage rapides, constituent des adaptations courantes que tout lecteur versé dans l'art considérerait facilement comme telles et utiliserait, en tenant compte du contexte de l'installation : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 114. Par conséquent, tous les éléments relatifs au plateau inférieur du brevet 064 étaient évidents pour le lecteur versé dans l'art : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 118.

[94]           La Cour fédérale devait examiner la validité de chacune des revendications du brevet 064. En ne le faisant pas, elle a commis une erreur de droit. Même si la revendication 13 est effectivement une revendication indépendante, les revendications dépendantes en cascade restreignent de par leur nature les revendications dont elles dépendent : Purdue Pharma c. Pharmascience Inc., 2009 CF 726, au paragraphe 10. La conséquence sur l'antériorité ou l'évidence est qu'une revendication pourrait devenir suffisamment restreinte pour ne pas être visée par ces contestations fondées sur l'art antérieur, même s'il est possible que les revendications plus larges soient invalides.

[95]           De plus, en ce qui a trait à l'antériorité, la Cour fédérale n'a pas tenu compte du caractère réalisable et, en ce qui concerne l'évidence, elle n'a pas tenu compte de la possibilité que le brevet 064 expose une invention de combinaison. En présumant, sans trancher la question, que les différents éléments revendiqués étaient connus à l'époque en cause, il incombait à la Cour fédérale d'évaluer le caractère inventif de chaque revendication en se demandant si la combinaison revendiquée des éléments connus était néanmoins inventive. Il n'est pas équitable pour la personne qui soutient avoir inventé une invention de combinaison de fractionner la combinaison pour en dissocier les parties individuelles et de conclure qu'étant donné que chaque partie est bien connue, la combinaison est nécessairement évidente : Bridgeview Manufacturing Inc. c. 931409 Alberta Ltd., 2010 CAF 188, au paragraphe 51.

[96]           Je souligne également qu'il est possible que la Cour fédérale ait interprété différemment les revendications 1 et 9 pour ses analyses de la contrefaçon et de la validité. Or, les revendications doivent recevoir une seule et même interprétation à toutes les fins : Whirlpool, précité, à l'alinéa 49b); Purdue Pharma c. Procureur général du Canada, 2011 CAF 132.

[97]           La détermination de la méthode qu'il convient d'appliquer en matière d'antériorité et d'évidence est une question de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte : Eurocopter, précité, au paragraphe 117; Easton Sports Canada Inc. c. Bauer Hockey Corp., 2011 CAF 83, au paragraphe 35. Comme j'ai conclu que la méthode adoptée par la Cour fédérale en ce qui a trait à l'antériorité et à l'évidence était erronée, sa conclusion selon laquelle le brevet 064 était antériorisé et évident ne peut être confirmée. Ces questions seront renvoyées au juge pour nouvelle décision conformément aux présents motifs.

(3)        Le brevet 265

[98]           Le brevet 265 concerne le confinement de fuites de fluide d'une tête de puits. Le mémoire décrit une bague annulaire avec bride extérieure boulonnée directement à la tige centrale d'une tête de puits. Un bac de collecte est fixé de manière étanche au bord extérieur de la bague annulaire. De cette façon, les fluides qui fuient de la partie supérieure sont captés et évacués.

[99]           La Cour fédérale a conclu que le brevet 265 était entièrement invalide pour cause d'évidence : motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 140.

[100]       Zero Spill interjette appel de cette décision pour différentes raisons, notamment le fait que la Cour fédérale n'a pas évalué l'évidence pour chacune des revendications et a examiné l'évidence de différents éléments des revendications dans l'abstrait plutôt que de considérer l'invention revendiquée comme un tout. Je conviens que la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle le brevet 265 était entièrement invalide pour cause d'évidence ne peut être confirmée.

a)         Interprétation

[101]       La Cour fédérale a interprété l'ensemble du brevet 265 — qui compte neuf revendications au total — dans un seul paragraphe (paragraphe 136) :

Aucun terme des revendications du brevet 265 n'est en litige. Les revendications contiennent la description d'un dispositif de confinement de fluides qui comporte une cuvette de piégeage fixée à un anneau circulaire et une bride qui sont boulonnés à la tige centrale d'une tête de puits. La cuvette de piégeage des fluides comporte un dispositif d'évacuation. La divulgation ne contient aucune mention de concept inventif ou de l'art antérieur. Le problème que permet de régler le brevet est essentiellement le piégeage et le confinement de fluides provenant d'une tête de puits.

[102]       En appel, Zero Spill ne conteste pas cet extrait, sauf pour dire que la Cour fédérale n'a pas vraiment interprété les revendications du brevet 265. Lorsque je porte mon attention sur l'essentiel des motifs du jugement en considérant ceux‑ci comme un tout, je souscris à l'observation de Zero Spill.

b)         Validité

[103]       Comme je l'ai indiqué brièvement plus haut, la Cour fédérale a conclu que le brevet 265 était évident dans son ensemble. Comme aucun des termes des revendications n'était en litige, elle a conclu que le brevet 265 revendiquait uniquement une méthode bien connue permettant de récupérer les fuites qui proviennent des têtes de puits. En conservant à l'esprit cette interprétation globale du brevet 265, la Cour fédérale a examiné dans l'abstrait les différentes méthodes revendiquées de fixation du bac de collette, concluant qu'elles consistaient en des adaptations courantes qui étaient bien connues et ne comportaient aucune inventivité : motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 138 et 139.

[104]       À mon sens, la Cour fédérale a adopté la même méthode qu'elle avait adoptée concernant le brevet 064, une méthode que j'ai jugée erronée. Que le texte des revendications fût en litige ou non, la Cour fédérale devait interpréter ou déterminer le concept inventif de chacune des neuf revendications en cause, puis analyser les combinaisons des différents éléments revendiqués pour savoir si elles étaient inventives : Bridgeview Manufacturing, précité.

[105]       Par conséquent, la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle le brevet 265 était évident ne peut être confirmée et la question doit être renvoyée à la Cour fédérale pour nouvelle décision.

C.        Dispositif proposé

[106]       Pour les motifs qui précèdent, j'accueillerais l'appel de Zero Spill en partie et j'annulerais le jugement et le jugement modifié de la Cour fédérale, sauf en ce qui a trait à la conclusion selon laquelle le brevet canadien 2 136 375 était valide et n'a pas été contrefait.

[107]       Je renverrais les questions suivantes au juge de la Cour fédérale pour nouvelle décision conformément aux présents motifs :

                     la contrefaçon par les intimés Heide du dessin industriel canadien de Zero Spill portant le numéro 86 793;

                     la validité des brevets canadiens de Zero Spill portant les numéros 2 258 064 et 2 166 265.

[108]       La Cour fédérale a adjugé les dépens dans un jugement distinct du 19 septembre 2013. Officiellement, cette décision n'a pas été portée en appel. Aucun avis d'appel portant expressément sur ce jugement n'a été déposé. Cependant, dans son avis d'appel des autres jugements, Zero Spill a sollicité les dépens en appel et en première instance. Comme le montrent leurs mémoires et les observations qu'elles ont formulées devant nous, les parties ont tenu pour acquis que nous devons effectivement trancher la question des dépens en appel et en première instance.

[109]       Zero Spill a eu gain de cause en grande partie en appel, mais pas entièrement. Par conséquent, j'accorderais à Zero Spill 70 % de ses dépens, tant en appel qu'en première instance.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je suis d'accord.

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

D. G. Near, j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-293-13

APPEL DU JUGEMENT DU JUGE BARNES RENDU LE 7 JUIN 2013 ET DU JUGEMENT MODIFIÉ DU JUGE BARNES RENDU LE 18 JUILLET 2013 DANS LE DOSSIER NO T-297-07

INTITULÉ :

ZERO SPILL SYSTEMS (INT'L) INC., KATCH KAN HOLDINGS LTD., QUINN HOLTBY et KATCH KAN RENTALS LTD. c. BILL HEIDE, s/n CENTRAL ALBERTA PLASTIC PRODUCTS, RAT PLASTIC LTD. et 1284897 ALBERTA LTD.

 

 

LIEU DE L'audience :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'audience :

LE 16 OCTOBRE 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 

y ont souscrit :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 MAI 2015

 

COMPARUTIONS :

Christopher J. Kvas

William D. Regan

Adrian H. Lambert

 

POUR LES APPELANTS

 

Bruce Comba

 

POUR LES INTIMÉS BILL HEIDE, s/n CENTRAL ALBERTA PLASTIC PRODUCTS, et RAT PLASTIC LTD.

 

Daryl W. Schnurr

Judy Fowler Byrne

POUR L'INTIMÉE 1284897 ALBERTA LTD.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Piasetzki Nenniger Kvas LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES APPELANTS

 

Emery Jamieson LLP

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES INTIMÉS BILL HEIDE, s/n CENTRAL ALBERTA PLASTIC PRODUCTS, et RAT PLASTIC LTD.

 

Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Waterloo (Ontario)

POUR L'INTIMÉE 1284897 ALBERTA LTD.

 

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