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Date : 20140318

 


Dossiers : A-56-14

A-59-14

A-63-14

A-64-14

A-67-14

 

Référence : 2014 CAF 71

 

En présence de madame la juge Sharlow

 

ENTRE :

 

FORESTETHICS ADVOCACY, LIVING OCEANS SOCIETY et RAINCOAST CONSERVATION FOUNDATION

 

demanderesses dans le dossier A-56-14

 

FEDERATION OF BRITISH COLUMBIA NATURALISTS, faisant affaire sous la raison sociale BC NATURE

 

demanderesse dans le dossier A-59-14

 

NATION HAISLA

 

demanderesse dans le dossier A-63-14

 

NATION GITXAALA

 

demanderesse dans le dossier A-64-14

 

PREMIÈRE NATION GITGA'AT

 

demanderesse dans le dossier A-67-14

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT, OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE, et NORTHERN GATEWAY PIPELINES LIMITED PARTNERSHIP

 

défendeurs

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 18 mars 2014.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                              LA JUGE SHARLOW


Date : 20140318

 


Dossiers : A-56-14

A-59-14

A-63-14

A-64-14

A-67-14

 

Référence : 2014 CAF 71

 

En présence de madame la juge Sharlow

 

ENTRE :

 

FORESTETHICS ADVOCACY, LIVING OCEANS SOCIETY et RAINCOAST CONSERVATION FOUNDATION

 

demanderesses dans le dossier A-56-14

 

FEDERATION OF BRITISH COLUMBIA NATURALISTS, faisant affaire sous la raison sociale BC NATURE

 

demanderesse dans le dossier A-59-14

 

NATION HAISLA

 

demanderesse dans le dossier A-63-14

 

NATION GITXAALA

 

demanderesse dans le dossier A-64-14

 

PREMIÈRE NATION GITGA'AT

 

demanderesse dans le dossier A-67-14

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT, OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE, et NORTHERN GATEWAY PIPELINES LIMITED PARTNERSHIP

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SHARLOW

 

[1]               Une question préliminaire a été soulevée dans les présentes demandes de contrôle judiciaire, qui ont été réunies, parce qu'il existe des doutes quant à savoir si les demandes relèvent de la compétence de la Cour d'appel fédérale ou de la Cour fédérale. Par souci de prudence, les demanderesses ont entamé des procédures parallèles devant les deux cours, et elles ont l'intention de se désister des procédures dont est saisie la cour qui ne sera pas reconnue compétente pour instruire leurs demandes de contrôle judiciaire.

 

[2]               Les parties ont exprimé l'espoir que la question de la compétence soit résolue rapidement. De nombreuses requêtes et demandes de directives ont été présentées à cette fin. Toutes les parties ont fourni des observations utiles (à l'exception de l'Office national de l'énergie (l'Office), qui ne prend pas position sur la question de la compétence). J'ai examiné l'ensemble des observations.

 

Le contexte

[3]               Le contrôle judiciaire demandé vise le Rapport de la commission d'examen conjoint sur le projet Enbridge Northern Gateway, volume 1 et volume 2 (le rapport), publié le 19 décembre 2013. Il semble que les demandes visent à contester les recommandations du rapport qui favoriseraient l'achèvement du projet de pipeline connu sous le nom de projet Enbridge Northern Gateway (le projet).

 

[4]               La commission d'examen conjoint a été établie par suite d'une entente entre le ministre de l'Environnement et l'Office. La commission est chargée de réaliser l'évaluation environnementale du projet conformément à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (2012), L.C. 2012, ch. 19, art. 52 (LCÉE 2012), et à la Loi sur l'Office national de l'énergie, L.R.C. 1985, ch. N-7 (la Loi sur l'ONÉ). Les principaux éléments de cette entente sont exposés ci‑dessous.

 

[5]               Toutes les demanderesses soutiennent que le rapport repose sur une ou plusieurs erreurs de droit, et elles sollicitent un jugement déclaratoire en ce sens. À titre d'exemple, elles font valoir que le rapport n'est pas conforme à certaines dispositions de la LCÉE 2012, de la Loi sur l'ONÉ, de la Loi sur les espèces en péril, L.C. 2002, ch. 29, de l'ordonnance OH-4-2011 visant le projet, du cadre de référence du projet, et de l'entente prévoyant la constitution de la commission d'examen conjoint. Si les allégations sont fondées, en partie ou en totalité, il est possible que le rapport soit jugé fondamentalement vicié.

 

[6]               Les demanderesses sollicitent notamment comme mesures réparatrices une ordonnance que le rapport fasse l'objet d'un nouvel examen (je présume par une commission d'examen conjoint formée de nouveaux membres), ainsi qu'une ordonnance interdisant au gouverneur en conseil de prendre une décision favorable à la mise en œuvre du projet avant que le rapport soit corrigé.

 

[7]               À l'heure actuelle, il semble que le gouverneur en conseil ait jusqu'en juin 2014 pour rendre une décision. Jusqu'à présent, aucune des parties n'a présenté de requête en vue d'obtenir une ordonnance de suspension des procédures devant le gouverneur en conseil relatives au rapport jusqu'à ce qu'une décision sur les présentes demandes de contrôle judiciaire soit rendue.

 

Compétence — principes applicables

[8]               Conformément au paragraphe 28(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, seule la Cour d'appel fédérale a compétence pour connaître des demandes de contrôle judiciaire visant les offices fédéraux énumérés aux alinéas 28(1)a) à r). Une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par tout autre office fédéral relève du champ de compétence exclusif de la Cour fédérale.

 

[9]               La liste au paragraphe 28(1) de la Loi sur les Cours fédérales comprend l'Office (alinéa 28(1)f)) et le gouverneur en conseil, quand il prend un décret en vertu du paragraphe 54(1) de la Loi sur l'ONÉ (alinéa 28(1)g)). Cependant, le paragraphe ne mentionne pas expressément une commission comme la commission d'examen conjoint ou une commission ayant un mandat similaire.

 

La question en litige

[10]           En ce qui concerne la compétence, la Cour est appelée à déterminer si le rapport est a) une décision de l'Office ou une décision visant l'Office, ou b) une décision du gouverneur en conseil ou une décision visant celui‑ci, quand il prend un décret en vertu du paragraphe 54(1) de la Loi sur l'ONÉ. Afin de trancher cette question, il faut comprendre le régime légal qui régit les procédures de l'Office lors de l'examen d'une proposition d'un nouveau projet de pipeline, plus particulièrement les dispositions relatives à la façon dont l'Office fournit au gouverneur en conseil les renseignements dont il a besoin pour décider s'il y a lieu d'approuver le projet. Le processus est complexe et prévoit de nombreuses occasions de procéder à un nouvel examen de décisions prises durant le processus. Cela dit, il n'est pas nécessaire de décrire le processus dans son entièreté. Le résumé suivant convient aux besoins de l'espèce.

 

[11]           Le processus commence lorsque le promoteur d'un projet de pipeline présente une demande de certificat d'utilité publique auprès de l'Office (articles 30, 31 et 32 de la Loi sur l'ONÉ). L'Office examine ensuite la demande en fonction de multiples exigences prévues par la Loi. Le processus requiert la publication d'avis publics et la tenue d'audiences publiques. L'Office est parfois tenu (il l'était dans la présente affaire) de réaliser une évaluation environnementale au titre de la LCÉE 2012.

 

[12]           Lorsque l'Office juge que la demande de certificat est complète, il doit préparer un rapport qui comprend notamment son évaluation environnementale et sa recommandation motivée à savoir si le certificat devrait être délivré ou non. Aux termes de l'article 52 de la Loi sur l'ONÉ, l'Office présente son rapport au ministre des Ressources naturelles, qui peut le transmettre au gouverneur en conseil. Conformément au paragraphe 54(1), le gouverneur en conseil peut par décret donner à l'Office instruction de délivrer un certificat ou de rejeter la demande.

 

[13]           La commission d'examen conjoint a été établie, en 2009, par suite d'une entente entre l'Office et le ministre de l'Environnement visant à réaliser, en un seul processus, l'évaluation environnementale du projet dont ils sont tous deux chargés. Selon l'entente, la commission d'examen conjoint est composée de trois membres, dont deux sont des membres permanents de l'Office. Le troisième membre doit répondre aux critères de nomination relatifs au membre temporaire de l'Office.

 

[14]           La commission d'examen conjoint n'avait pas terminé ses travaux lorsque la LCÉE 2012 est entrée en vigueur. Conformément à une règle transitoire prévue par la loi, les travaux de la commission d'examen conjoint se sont poursuivis comme si la commission avait été mise sur pied au titre de l'article 38 de la LCÉE 2012. L'entente initiale a été modifiée en conséquence en août 2012. Au nombre des modifications apportées figure une clause qui exige du président de l'Office qu'il présente une demande au ministre afin de recommander au gouverneur en conseil la nomination du troisième membre de la commission à titre de membre temporaire de l'Office.

 

Analyse

[15]           Pour les motifs suivants, j'ai conclu que les demandes de contrôle judiciaire relèvent de la compétence exclusive de la Cour d'appel fédérale en vertu des alinéas 28(1)f) et g) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[16]           Les travaux de la commission d'examen conjoint sont essentiellement les travaux de l'Office, et ce, même si elle s'acquitte également des obligations en matière d'évaluation environnementale du projet pour le compte d'une autre administration fédérale au titre de la LCÉE 2012. Selon l'entente en vertu de laquelle la commission d'examen conjoint est constituée, cette dernière est composée de membres de l'Office et son rapport est considéré comme le rapport que doit produire l'Office aux termes de l'article 52 de la Loi sur l'ONÉ, comme il est expliqué ci‑dessus. L'article 9 de l'entente modifiée, intitulé « Rédaction du rapport et prise de décision », est ainsi rédigé :

9.1       La commission préparera un rapport en vertu de l'article 52 de la Loi sur l'ONE dans lequel elle énoncera sa recommandation quant à la délivrance ou non d'un certificat d'utilité publique et selon que le projet est, et sera, requis par le certificat d'utilité publique actuel et futur, les raisons des recommandations, ainsi que les modalités et les conditions que la commission estime nécessaires ou souhaitables dans l'intérêt du public auxquelles le certificat sera soumis si le gouverneur en conseil devait demander à l'Office de délivrer le certificat. Le rapport décrira également la justification, les conclusions et les recommandations de la commission concernant l'évaluation environnementale du projet, y compris toutes mesures d'atténuation et tous programmes de suivi ainsi qu'un résumé de toutes les observations reçues du public et des Autochtones et l'information visée à l'article 8 [« Consultation auprès des Autochtones »]. Le rapport décrira également :

 

                     les conclusions concernant les effets environnementaux devant être pris en compte en vertu de l'article 5 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, 2012;

 

                     les mesures d'atténuation recommandées concernant les effets environnementaux à prendre en compte en vertu de l'article 5 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, 2012.

 

9.2       Une fois achevé, le rapport sera présenté au ministre des Ressources naturelles qui le rendra disponible au public et aux Autochtones.

 

9.3       Le gouverneur en conseil prendra la décision en ce qui concerne l'évaluation environnementale (si le projet est susceptible de causer des effets environnementaux négatifs importants et, le cas échéant, si ces effets sont justifiés dans les circonstances). Le gouverneur en conseil décidera également, par décret, si l'Office doit délivrer un certificat et justifiera les raisons du décret.

 

 

[17]           Par conséquent, je conclus qu'en vertu de l'alinéa 28(1)f) de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour d'appel fédérale a compétence exclusive pour entendre les présentes demandes de contrôle judiciaire dans la mesure où les demanderesses sollicitent des mesures réparatrices contre l'Office.

 

[18]           Les demanderesses sollicitent également une ordonnance qui, pour l'essentiel, suspendrait les procédures devant le gouverneur en conseil relatives au rapport. Sous le régime légal applicable, toute décision du gouverneur en conseil à l'égard du rapport serait un décret au sens du paragraphe 54(1) de la Loi sur l'ONÉ. Je conclus qu'en vertu de l'alinéa 28(1)g) de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour d'appel fédérale a compétence exclusive pour rendre une ordonnance visant à empêcher le gouverneur en conseil de rendre une décision faisant suite au rapport aux termes du paragraphe 54(1) de la Loi sur l'ONÉ.

 

[19]           Par conséquent, la présente affaire ne peut être entendue que par la Cour d'appel fédérale. Aucuns dépens ne seront adjugés à l'égard de l'une ou l'autre des requêtes et des demandes de directives afférentes à la décision portant sur la question de la compétence.

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

                                                                        A-56-14

 

INTITULÉ :

FORESTETHICS ADVOCACY ET AL. c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL.

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             LA JUGE SHARLOW

 

DATE DE L'ORDONNANCE :                 LE 18 MARS 2014

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Karen Campbell

 

pOUR LES DEMANDERESSES forestethics advocacy, living oceans society et raincoast conservation foundation

 

Chris Tollefson

 

POUR LA DEMANDERESSE FEDERATION OF BRITISH COLUMBIA NATURALISTS

 

Jennifer Griffiths

 

POUR LA DEMANDERESSE NATION HAISLA

 

Rosanne Kyle

 

POUR LA DEMANDERESSE NATION GITXAALA

 

Michael Lee Ross

Peter Grant

Krysten Tan

 

POUR LA DEMANDERESSE PREMIÈRE NATION GITGA'AT

 

Jan Brongers

 

POUR LES DÉFENDEURS PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT

 

Richard A. Neufeld

 

POUR LA DÉFENDERESSE NORTHERN GATEWAY PIPELINES LIMITED PARTNERSHIP

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat interne — Ecojustice

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

pOUR LES DEMANDERESSES forestethics advocacy, living oceans society et raincoast conservation foundation

 

Environmental Law Centre

Victoria (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE FEDERATION OF BRITISH COLUMBIA NATURALISTS

 

Donovan & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE NATION HAISLA

 

Janes Freedman Kyle Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE NATION GITXAALA

 

Peter Grant & Associates

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE PREMIÈRE NATION GITGA'AT

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT

 

Avocat interne — Office national de l'énergie

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE

 

Dentons Canada S.E.N.C.R.L.

Calgary (Alberta)

 

POUR La DÉFENDERESSE NORTHERN GATEWAY PIPELINES LIMITED PARTNERSHIP

 

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