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Date : 20141210


Dossiers : A-263-13

A-384-13

Référence : 2014 CAF 295

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

 

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES

 

demandeur

 

et

 

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES, PHARMAPRIX INC. / SHOPPERS DRUG MART INC., LES SERVICES DE SANTÉ CLAUDE GERVAIS INC., GESTIONS LUCAP INC., ET AUTRES PARTIES DÉFENDERESSES

 

défenderesses

 

Audience tenue à Montréal (Québec), les 9 et 10 décembre 2014.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 10 décembre 2014.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20141210


Dossiers : A-263-13

A-384-13

Référence : 2014 CAF 295

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE BOIVIN

 

ENTRE :

 

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES

 

demandeur

 

et

 

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES, PHARMAPRIX INC. / SHOPPERS DRUG MART INC., LES SERVICES DE SANTÉ CLAUDE GERVAIS INC., GESTIONS LUCAP INC., ET AUTRES PARTIES DÉFENDERESSES

 

défenderesses

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 10 décembre 2014.)

LA JUGE TRUDEL

[1]               Notre Cour est saisie de deux demandes de contrôle judiciaire déposées par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (le demandeur) à l’encontre de deux décisions du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) en date du 3 juillet 2013 et du 22 octobre 2013. Ces deux demandes ont été réunies par ordonnance de notre Cour du 7 janvier 2014.

[2]               Dans la première décision, le Conseil a déclaré ne pas avoir la compétence constitutionnelle pour se pencher sur les demandes d’accréditation du demandeur pour représenter des employés travaillant dans divers comptoirs postaux de pharmacies sises dans un territoire donné (Société canadienne des postes, 2013 CCRI 690). Dans la seconde, il a déclaré que le véritable employeur des travailleurs visés par les demandes d’accréditation sont les pharmaciens propriétaires des pharmacies où sont sis les comptoirs postaux en cause. Il a rejeté les demandes de suspension du demandeur et jugé inutile de se pencher sur ses demandes subsidiaires de déclaration d’employeur unique (Société canadienne des postes, 2013 CCRI 697).

[3]               Le syndicat demandeur nous invite à appliquer les principes de dissociation d’entreprise, de prévisibilité et de cohérence pour conclure que le Conseil a erré dans son analyse de la question constitutionnelle, et plus particulièrement son appréciation de la nature fonctionnelle essentielle de l’ouvrage.

[4]               Le demandeur plaide que l’entreprise principale est ici la Société canadienne des postes. Or, au paragraphe 56 de ses motifs, il appert que le Conseil, se fondant sur la preuve entendue, a conclu que c’était la « pharmacie qui constitue l’entreprise active en litige » et que c’est donc la nature fonctionnelle essentielle de celle-ci qu’il fallait examiner pour disposer du litige. À notre avis, il s’agit là d’une question mixte de fait et de droit et nous n’avons pas été persuadés qu’une erreur déterminante a été commise par le Conseil requérant l’intervention de notre Cour. La preuve devant le Conseil a révélé l’intégration des services postaux et des autres services offerts par les différentes pharmacies visées par le litige. Sur la foi de cette preuve, la conclusion du Conseil n’est certes pas déraisonnable. Il n’était pas déraisonnable non plus pour le Conseil de ne pas adopter le raisonnement passé d’autres formations du Conseil dans des dossiers similaires. Chacun de ces dossiers présentaient ses faits propres qui peuvent être distingués.

[5]               Sur ce, nous notons l’argument du demandeur selon lequel le Conseil a mal lu l’arrêt Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail) 2012 CSC 23, [2012] 2 R.C.S. 3 [Tessier] , une affaire de compétence constitutionnelle partagée alors qu’il plaide que nous sommes en présence de compétence directe. Selon le demandeur, le paragraphe 48 de l’arrêt Tessier cité par le Conseil ne s’applique que dans le contexte d’une entreprise intégrée et indivisible.

[6]               Le Conseil n’a pas eu tort de référer à l’arrêt Tessier pour les principes généraux qui s’en dégagent, d’autant plus que le Conseil était d’avis que la situation devant lui soulevait une question de compétence dérivée, un sujet abordé par la Cour suprême dans l’arrêt Tessier. De plus, nous sommes d’avis qu’il n’y a pas de distinction à faire comme le demandeur nous invite à le faire entre cet arrêt et les principes applicables à l’instance.

[7]               Nous notons aussi les représentations du demandeur sur l’arrêt de notre Cour Turnaround Couriers Inc. c. Société Canadienne Des Postes, 2012 CAF 36, [2013] 4 R.C.F. 252. La pertinence de cet arrêt pour le demandeur vise l’identité de l’employeur et l’erreur alléguée du Conseil à cet égard (voir paragraphe 117 de son mémoire des faits et du droit). Or, nous avons déjà décidé que le Conseil n’avait pas erré en décidant que l’employeur n’était pas la Société canadienne des postes. Il n’est donc pas nécessaire d’en dire davantage.

[8]               Le demandeur s’en remet largement aux affaires Sheldon Manly Drugs Ltd. (Re), 1 C.L.R.B.R. (2d) 218, 71 di 103, Société canadienne des postes et Rideau Pharmacy Ltd., 1 C.L.R.B.R. (2d) 239, 77 di 85 et Société canadienne des postes et la pharmacie Nieman, 4 C.L.R.B.R. (2d) 161, 77 di 181 pour appuyer sa prétention selon laquelle le comptoir postal peut être dissocié de la pharmacie. Or, ces décisions portaient sur une question de cession ou de vente d’entreprise et, en regard des enseignements récents de la Cour suprême dans Tessier et Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, 2009 CSC 53, [2009] 3 R.C.S. 407, nous sommes d’avis que les arrêts plaidés par le demandeur ne trouvent pas application en l’espèce.

[9]               De plus, le demandeur tente de démontrer que plusieurs éléments de preuve menaient à la conclusion que le comptoir postal et la pharmacie constituaient des entreprises « dissociées » et que les comptoirs postaux constituaient un service postal au sens du paragraphe 91(5) de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.U.) (voir les paragraphes 88 et s. du mémoire des faits et du droit du demandeur). Ces faits étaient tous devant le Conseil qui leur a accordé le poids qu’il jugeait approprié. Entre autres, le Conseil avait devant lui l’entente intitulée «  Master Dealership Agreement » qui indique sans contredit que le comptoir postal (Postal Outlet) doit s’intégrer dans une entreprise existante (Host Business), ici les pharmacies. C’était là son rôle et notre Cour n’a pas pour mission de soupeser à nouveau la preuve présentée en première instance. D’ailleurs, le demandeur n’attaque pas les conclusions de fait et de droit du Conseil et plusieurs éléments de preuve retenus par ce dernier n’ont pas été contredits. À moins d’être persuadée que le Conseil a ignoré de la preuve pertinente au litige, preuve qui aurait pu changer l’issue du litige, eut-elle été considérée, encore une fois, notre Cour n’interviendra pas quant aux conclusions de fait ou mixtes de fait et de droit du Conseil.

[10]           Nous n’avons pas été ainsi persuadés. Les diverses définitions retrouvées à la Loi concernant la Société canadienne des postes ne sont pas incompatibles avec la décision du Conseil et, en conséquence, ne la rendent pas déraisonnable.

[11]           Enfin, le demandeur plaide que le Conseil ne lui a pas accordé l’équité procédurale à laquelle il avait droit. Nous ne voyons aucun mérite aux arguments portant sur la décision du 22 octobre 2013.

[12]           En conséquence, les demandes de contrôle judiciaires seront rejetées avec un seul jeu de dépens. Il va de soi que les défendeurs ont droit à leurs déboursés dans chacun des dossiers.

« Johanne Trudel »

j.c.a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

A-263-13 ET A-384-13

 

INTITULÉ :

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES c. SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES, PHARMAPRIX INC./SHOPPERS DRUG MART INC., LES SERVICES DE SANTÉ CLAUDE GERVAIS INC., GESTIONS LUCAP INC., ET AUTRES PARTIES DÉFENDERESSES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 9 ET 10 décembre 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE NADON

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE BOIVIN

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LA JUGE TRUDEL

 

COMPARUTIONS :

Jean-François Beaudry

Stéphanie Lindsay

 

Pour le demandeur

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES

 

Luc Beaulieu

Lukasz Granosik

 

POUR SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

Josiane L’Heureux

Guy Lemay

POUR PHARMAPRIX / SHOPPERS DRUG MART INC.

Richard Lacoursière

POUR LES SERVICES DE SANTÉ CLAUDE GERVAIS INC. ET AL.

Christopher Deehy

POUR LES SERVICES DE SANTÉ CLAUDE GERVAIS INC. ET AL.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Philion Leblanc Beaudry, avocats s.a.

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DES POSTES

 

Norton Rose Fulbright Canada, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

Lavery De Billy, S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

POUR PHARMAPRIX / SHOPPERS DRUG MART INC.

 

Fasken Martineau Dumoulin, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LES SERVICES DE SANTÉ CLAUDE GERVAIS INC. ET AL.

 

Lapointe Rosenstein Marchand Melançon, S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

POUR LES SERVICES DE SANTÉ CLAUDE GERVAIS INC. ET AL.

 

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