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Date : 20141120


Dossier : T‑1657‑13

Référence : 2014 CF 1088

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 novembre 2014

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

ROCCO GALATI, ET

CONSTITUTIONAL RIGHTS CENTRE INC.

demandeurs

Et

LE TRÈS HONORABLE STEPHEN HARPER, SON EXCELLENCE LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL DAVID JOHNSTON, L’HONORABLE JUGE MARC NADON, JUGE DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE MINISTRE DE LA JUSTICE

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La présente demande a été déposée le 7 octobre 2013 en vue de solliciter [traduction] « la délivrance d’un jugement déclaratoire, d’un bref de prérogative et d’une injonction à l’encontre de la décision, rendue le 3 octobre 2013, de nommer le juge Marc Nadon, un juge de la Cour d’appel fédérale, à la Cour suprême du Canada, et de lui faire prêter serment (prestation du serment), conformément au paragraphe 4(2) et aux articles 6, 10 et 11 de la Loi sur la Cour suprême du Canda et aux alinéas 41d) et 42d) de la Loi constitutionnelle de1982 ».

[2]               Le 22 octobre 2013, le gouverneur en conseil a soumis deux questions à la Cour suprême du Canada concernant la nomination contestée du juge Nadon à la Cour suprême [le Renvoi]. À la demande du procureur général du Canada, la présente demande a été suspendue de consentement, en vertu d’une ordonnance rendue le 12 novembre 2013, dans l’attente de la décision de la Cour suprême concernant le Renvoi.  Les deux demandeurs ont présenté à la Cour suprême du Canada des demandes d’autorisation d’intervenir dans le Renvoi ainsi qu’une requête d’adjudication des dépens.  MGalati a demandé que l’attribution de ses dépens soit faite selon la formule avocat‑client.  Les demandeurs ont été autorisés à intervenir, mais aucune ordonnance d’adjudication des dépens n’a été rendue.

[3]               Les demandeurs ont demandé et obtenu un sursis additionnel de la présente demande.  Suite de la nomination du juge Gascon à la Cour suprême, une conférence sur la gestion de l’instance a eu lieu à la suite de laquelle, avec l’accord des parties, une ordonnance a été rendue, le 25 août 2014, portant que [traduction] « le règlement définitif de la présente demande, y compris l’adjudication des dépens, procédera par voie d’observations écrites des parties ».

[4]               Les demandeurs ont présenté des requêtes identiques sollicitant :

[traduction]

a)                  Qu’un jugement déclaratoire soit rendu portant que lorsqu’un simple citoyen conteste la validité constitutionnelle de dispositions législatives ou de mesures prises par le pouvoir exécutif, touchant à l’« architecture même de la Constitution », sans en tirer d’avantages personnels, et que sa contestation est couronnée de succès, ce citoyen a droit à des dépens entre avocat et client dans le cadre de cette instance, car l’en priver équivaudrait à une violation du droit garanti par la constitution à un système judiciaire équitable et indépendant;

b)                  Que le demandeur soit autorisé à présenter un avis de désistement dans la présente demande;

c)                  Que la demande d’adjudication de dépens entre avocat et client présentée par le demandeur dans le cadre de présente demande soit accueillie, y compris les dépens de la présente requête;

d)                 Toute autre ordonnance ou directive que la Cour estime équitable.

[5]               Me Galati, avocat et procureur, agissant cependant pour son propre compte, a présenté un état de compte indiquant 56,4 heures pour des services rendus, à un tarif horaire de 800 $, et des débours de 638 $, établissant son mémoire de frais à un montant total de 51 706,54 $, taxes incluses.

[6]               Le Constitutional Rights Centre Inc. a présenté un état de compte pour des travaux exécutés par Me Paul Slansky, avocat et procureur, indiquant 14,55 heures pour des services rendus, à un tarif horaire de 800 $, établissant son mémoire de frais à un montant total de 16 769,20 $, taxes incluses.

[7]               Les défendeurs font valoir que ces états de compte sont excessifs et injustifiés étant donné que la demande a été suspendue à un stade tout à fait préliminaire. Je suis d’accord. À titre d’exemple, la réclamation de 7,6 heures présentée par Me Galati pour [traduction] « examen et recherche, requête en suspension du Procureur général » dans le cadre du Renvoi est excessive et injustifiée.

[8]               Les défendeurs ont présenté une requête incidente visant à obtenir une ordonnance rejetant la demande. En réplique à la demande d’adjudication des dépens, les défendeurs soutiennent qu’étant donné qu’aucun jugement n’a été rendu et qu’aucune partie n’a eu gain de cause, aucuns dépens ne devraient être adjugés.  Subsidiairement, les défendeurs font valoir qu’aucun droit constitutionnel ne garantit l’adjudication de dépens au Canada et qu’[traduction« en ce qui a trait aux facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles, l’objectif en matière de dépens serait bien servi par un seul mémoire de dépens taxés suivant la colonne III ».

[9]               Les demandeurs n’ont présenté aucun précédent à l’appui de la proposition selon laquelle [traduction] « lorsqu’un simple citoyen conteste la validité constitutionnelle de dispositions législatives ou de mesures prises par le pouvoir exécutif, touchant à l’« architecture même de la Constitution », sans en tirer d’avantages personnels, et que sa contestation est couronnée de succès, ce citoyen a droit à des dépens entre avocat et client dans le cadre de cette instance, car l’en priver équivaudrait à une violation du droit garanti par la constitution à un système judiciaire équitable et indépendant ».

[10]           Les défendeurs citent la décision de la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Lee c Canada (Ministre du revenu national – MRN), [1991] CCI N243, où il est déclaré qu’ :

Aucun droit constitutionnel ne garantit l'adjudication des frais. En outre, aucun droit particulier garanti par la Charte n'est violé par le défaut d'une cour d'adjuger les frais. Toute tentative visant à imposer une telle exigence au moyen de la jurisprudence équivaudrait à un excès de pouvoir. Le rôle de cette Cour se limite à trancher les contestations d'ordre constitutionnel dirigées contre les lois existantes.

[11]           Même si je ne suis pas lié pas ses observations, je suis d’accord avec celles formulées par le juge de la Cour de l’impôt. Qui plus est, les circonstances présentes ne justifient d’aucune façon l’adjudication de dépens entre avocat et client. En effet, la Cour suprême du Canada dans un arrêt cité par les demandeurs, Mackin c Nouveau‑Brunswick, [2002] 1 RCS 405, une affaire traitant de l’indépendance judiciaire, a annulé l’adjudication de dépens entre avocat et client prononcée par la Cour d’appel et lui a substitué une adjudication de dépens entre parties. La Cour suprême a expressément déclaré qu’« il n’est pas approprié d’accorder de dépens entre avocat et client. »

[12]           Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que l’examen du paragraphe 400(3) des Règles ne justifie en rien l’adjudication aux demandeurs de dépens entre avocat et client. Cette mesure reste exceptionnelle : Chrétien c Canada (Commission d’enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires (Commission Gomery), 2011 CAF 53, au paragraphe 3. La conduite des défendeurs dans le cadre de la présente demande ne justifie en rien une adjudication de cette importance; il n’existe d’ailleurs aucune autre circonstance qui aurait pour effet de transformer le présent cas en une affaire qui justifierait d’accorder l’attribution la plus élevée des dépens. Même si, dans le cadre de la demande, des questions de droit complexes auraient pu être traitées et qu’elles auraient pu être d’importance pour le système judiciaire et la constitution du Canada, l’objet de la demande a avorté et a été supplanté par le Renvoi. Dans les faits, la demande n’a requis que très peu de travail des demandeurs. La simple présentation de la demande semble avoir permis de parvenir au résultat voulu.

[13]           J’accepte cependant que n’eût été le fait pour les demandeurs d’instituer la présente demande, il était peu probable que le Renvoi aurait été présenté. Au moment où la demande a été présentée, aucune objection fondée sur des motifs d’ordre constitutionnel ne semblait avoir été faite à la nomination du juge Nadon par une personne ou un gouvernement. On pourrait donc prétendre à cet égard que les demandeurs ont rendu service au Canada et qu’ils ne devraient pas être pénalisés, ce faisant, sur le plan pécuniaire.

[14]           Aucun litige n’oppose plus les parties en présence et la demande sera rejetée; j’estime toutefois que les demandeurs ont droit à un seul mémoire de dépens. 

[15]           Dans ces circonstances, il n’est guère logique de renvoyer la question des dépens à un officier taxateur – ce qui ne constituerait pas une utilisation appropriée des ressources judiciaires. Reconnaissant que l’adjudication des dépens relève du pouvoir discrétionnaire et prenant en considération les facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles, je vais ordonner l’attribution d’un seul mémoire de dépens aux demandeurs d’une somme globale que je fixe à 5 000 $.


ORDONNANCE

LA COUR STATUE QUE la présente demande est rejetée et qu’il est adjugé aux demandeurs un seul mémoire de dépens pour une somme globale que je fixe à 5 000 $.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean‑Jacques Goulet, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1657‑13

 

INTITUTLÉ :

ROCCO GALATI ET AL c LE TRÈS HONORABLE STEPHEN HARPER ET AL

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

ordONNANCE ET MOTIFS DE MONSIEUR LE JUGE ZINN

DATE :

LE 20 NOVEMBRE 2014

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Rocco Galati

POUR LE DEMANDEUR

ROCCO GALATI

 

Paul Slansky

POUR LE DEMANDEUR

CONSTITUTIONAL RIGHTS CENTRE INC.

Paul J. Evraire / Andrew Law

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rocco Galati Law Firm

Professional Corporation

Toronto, Ontario

POUR LE DEMANDEUR

ROCCO GALATI

 

Slansky Law

Professional Corporation

Toronto, Ontario

POUR LE DEMADEUR

CONSTITUTIONAL RIGHTS INC.

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto, Ontario

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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