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Date : 20141126


Dossier : T-1127-10

Référence : 2014 CF 1139

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 novembre 2014

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE:

SADHU SINGH HAMDARD TRUST

demanderesse

et

NAVSUN HOLDINGS LTD, MASTER WEB INC. ET 6178235 CANADA INC

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Vue d’ensemble

[1]               Le présent différend porte sur une marque de commerce non déposée utilisée tant par un quotidien vendu par abonnement publié à Jalandhar, en Inde, que par un hebdomadaire gratuit publié à Toronto et à Vancouver. Ces journaux sont rédigés en pendjabi; le quotidien, le Ajit Daily (parfois aussi appelé le Ajit Jalandhar et le Ajit), a commencé à être publié en Inde en 1955, et l’hebdomadaire, le Ajit Weekly, a commencé à être publié au Canada en 1993.

[2]               Au fil des ans, l’enregistrement de la marque de commerce et l’utilisation de la marque ont donné lieu à des litiges aux États‑Unis, au Royaume-Uni et au Canada. Navsun Holdings Inc. et 6178235 (les défenderesses Bains) ont obtenu gain de cause dans l’action en contrefaçon de marque de commerce intentée aux États‑Unis (action civile n° 04 CV 3503 (CLP)).

[3]               Le volet droit d’auteur de l’action civile n° 04 CV 3503 (CLP) aux États‑Unis, fondé sur une allégation d’utilisation de la cartouche de titre dans ce pays et au Canada, a été réglé au moyen d’un accord de règlement partiel conclu le 15 septembre 2009 par les parties, et approuvé par la Cour de district des États‑Unis pour le district Est de New York.

II.                Questions en litige

[4]               Les questions en litige sont les suivantes :

A.                L’accord de règlement partiel approuvé par la Cour de district pour le district Est de New York règle-t-il les questions sur le droit d’auteur dont je suis saisie?

B.                 Les défenderesses Bains peuvent-elles être tenues responsables de commercialisation trompeuse, en contravention des alinéas 7b) et 7c) de la Loi sur les marques de commerce?

C.                 À titre d’imprimeur, Master Web viole-t-elle des droits d’auteur ou une marque de commerce?

D.                Demande reconventionnelle – la demanderesse peut-elle être tenue responsable en raison de déclarations fausses et trompeuses faites au sujet du Ajit Weekly?

III.             Procès sommaire

La présente affaire doit-elle faire l’objet d’un jugement sommaire ou d’un procès sommaire?

[5]               La demanderesse demande par la présente requête que l’affaire fasse l’objet d’un jugement sommaire ou d’un procès sommaire. Subsidiairement, elle demande que la déclaration modifiée à nouveau soit considérée être un avis de demande et que la demande soit instruite et tranchée sur le fondement de la preuve produite dans le cadre de la présente requête. Les défenderesses Bains sont aussi d’avis que la présente affaire devrait faire l’objet d’un jugement sommaire ou d’un procès sommaire.

[6]               Les articles 213 et 216 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 régissent la tenue d’un procès sommaire. La présente affaire est complexe, mais elle peut être tranchée sur le fondement de la preuve par affidavit produite et du contre-interrogatoire fait par l’une et l’autre parties, conformément au paragraphe 216(1) des Règles.

[7]               Les deux parties s’entendent pour dire qu’on peut procéder par voie sommaire en l’espèce, et je conclus qu’il convient d’instruire l’affaire par procès sommaire sur le fondement des documents produits par les parties (Louis Vuitton Malletier SA c Singga Enterprises (Canada) Inc, 2011 CF 776, [2013] 1 RCF 413).

IV.             Contexte factuel

[8]               La demanderesse (Hamdard Trust) possède et fait paraître le journal indien en langue pendjabi le « Ajit Daily ». La Hamdard Trust est une fiducie caritative à caractère public constituée sous le régime du droit indien et établie à Jalandhar, au Pendjab, en Inde. Le Ajit Daily est publié en Inde depuis 1955. C’est un journal par abonnement très populaire auprès de la collectivité Pendjabi de ce pays. Une version en ligne est disponible depuis 2003 sur le site Web www.ajitjalandhar.com.

[9]               Les défenderesses Bains possèdent et font paraître un journal canadien en langue pendjabi, le « Ajit Weekly ». Leurs bureaux sont situés à Mississauga, en Ontario. Le Ajit Weekly est un journal gratuit publié au Canada depuis 1993 et distribué par l’entremise de boîtes à journaux gratuits; une version en ligne en est disponible depuis 1998.

[10]           La défenderesse Master Web Inc. (Master Web), établie à Mississauga, en Ontario, imprime depuis 1998 la version papier du Ajit Weekly pour la région de Toronto.

[11]           La Hamdard Trust a intenté la présente action en alléguant des violations de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13, ainsi que de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42.

[12]           Les défenderesses Bains contestent l’action et, en demande reconventionnelle, font état de violations de la Loi sur les marques de commerce.

[13]           La défenderesse Master Web conteste l’action, mais ne présente pas pour sa part de demande reconventionnelle. Elle soutient qu’il faut annuler les demandes la visant au motif que ses services sont uniquement retenus pour l’impression du Ajit Weekly à Toronto.

[14]           Dans la déclaration modifiée à nouveau de juillet 2011, la demanderesse réclame 100 millions de dollars pour violation de droit d’auteur, 100 millions de dollars au titre de la Loi sur les marques de commerce, 250 millions de dollars en dommages-intérêts punitifs, ainsi que les intérêts avant et après jugement, la TPS, la TVH et les dépens avocat‑client de même que de nombreuses autres mesures de réparation.

[15]           Dans l’avis de requête modifié du 18 novembre 2013, la demanderesse sollicite de nombreuses mesures de réparation, dont un jugement déclaratoire portant que les marques des défenderesses Bains sont des marchandises qui créent de la confusion, une injonction permanente, la destruction de tous les éléments qui emportent une violation de droit, 5 millions de dollars à titre de dommages-intérêts généraux sous le régime de la Loi sur les marques de commerce, 3 millions de dollars à titre de dommages-intérêts pour violation sous le régime de la Loi sur le droit d’auteur et 10 millions de dollars à titre de dommages-intérêts punitifs. La demanderesse sollicite aussi les intérêts avant et après jugement, la TPS et la TVH.

[16]           J’ai dressé un tableau chronologique, à l’annexe A, à partir de la preuve produite.

[17]           D’abord publié en 1955 en Inde sous le nom de « Ajit Patrika », le Ajit Daily a pris le nom de « Ajit » en 1959. Le journal a toujours utilisé depuis lors le nom de « Ajit », qui signifie [traduction] « indomptable » ou « invincible » en pendjabi (affidavit de M. Barjinder Singh Hamdard, au paragraphe 14, dossier de requête de la demanderesse, onglet C (affidavit de M. Hamdard)). Les défenderesses Bains affirment qu’il s’agit d’un nom populaire en Inde, utilisé par de nombreuses entreprises, dont au moins un autre journal – un journal en hindi appelé Ajeet Patrika (affidavit de M. Bains, aux paragraphes 15 et 16; contre-interrogatoire de M. Hamdard, dossier de requête des défenderesses, onglet I, aux pages 1054 et 1055 (contre-interrogatoire de M. Hamdard)).

[18]           La demanderesse soutient que le Ajit Daily est le plus grand journal publié en pendjabi au monde. Le contenu du Ajit Daily est le contenu habituel d’un quotidien : il présente notamment des nouvelles nationales et internationales, des informations sportives, des éditoriaux et des petites annonces. Le journal est reconnu pour son indépendance politique et sa crédibilité (affidavit de M. Hamdard, aux paragraphes 16, 19 et 21). D’après la preuve de la demanderesse, la plupart des Pendjabis alphabétisés au monde connaissent le Ajit Daily (affidavit de Satpaul Singh Johal, au paragraphe 2, dossier de requête de la demanderesse, onglet 6 (affidavit de M. Johal)). On livre le journal à la résidence des abonnés et il est aussi vendu à la criée et dans des librairies en Inde (contre-interrogatoire de M. Hamdard, aux pages 1041 à 1043).

[19]           Depuis 1984, le logo actuel du Ajit Daily,

figure en première page ainsi qu’à plusieurs autres endroits dans le journal. La demanderesse déclare qu’un de ses employés a conçu le logo Ajit, et qu’il s’agit d’un logo stylisé et non d’une police.

[20]           Le tirage du Ajit Daily est faible hors de l’Inde en raison des contraintes de temps relatives à la livraison d’un quotidien. Le journal portant le logo Ajit est livré par la poste à des abonnés de divers pays du monde, y compris au Canada (affidavit de M. Johal, aux paragraphes 2 et 7 à 9). En 2010, il n’y avait que 7 abonnés du journal au Canada (affidavit de M. Hamdard, aux paragraphes 28 et 31).

[21]           Quoi qu’il en soit, soutient la demanderesse, la marque de commerce Ajit Daily est bien connue des Pendjabis partout dans le monde (affidavit de M. Hamdard, au paragraphe 26). La demanderesse a discuté de la possibilité d’élargir sa clientèle, en visant les Pendjabis vivant à l’étranger (affidavit de M. Hamdard, au paragraphe 47). En outre, le Ajit Daily publie de 50 à 70 petites annonces concernant le Canada et les Canadiens, comme des annonces de recherches d’époux ou d’épouses, une pratique courante dans la culture pendjabi. Les annonces de ce type étaient publiées dans le Ajit Daily avant que les défenderesses Bains ne fassent paraître le Ajit Weekly au Canada (affidavit de M. Johal, aux paragraphes 15 et 16).

[22]           Dans le passé, le Ajit Weekly a publié des annonces concernant le choix du sexe du fœtus, un grave problème social au sein de la communauté pendjabi, et aussi la sorcellerie. La demanderesse a déjà poursuivi les défenderesses Bains avec succès pour contrefaçon de droit d’auteur, pour avoir plagié des articles du Ajit Daily.

[23]           En 1993, M. Darshan Singh Bains et des membres de sa famille ont commencé à publier le Ajit Weekly au Canada (affidavit de Kanwar (Sunny) Bains, au paragraphe 10, dossier de requête des défenderesses, onglet A (affidavit de M. Bains)). La couleur dans laquelle on imprimait le logo du Ajit Weekly a d’abord varié d’une semaine à l’autre. Le logo comportait le mot « Ajit » en caractères pendjabis, puis au‑dessous les mots anglais « The Ajit (Weekly Newspaper) ». Plus bas se trouvait un dessin comportant deux drapeaux canadiens encadrant le symbole khanda des sikhs.

[24]           À compter de l’an 2000, plusieurs changements dans la coloration, les ombrages et les inscriptions ont été apportés au logo (affidavit de M. Bains, aux paragraphes 22 à 25).

[25]           En 1993, environ 6000 exemplaires du Ajit Weekly étaient imprimés et distribués. Actuellement, 13 000 exemplaires du journal sont distribués chaque semaine à Toronto, et 11 000 à Vancouver. Ce journal gratuit peut être obtenu dans les épiceries, les restaurants, les temples et les kiosques à journaux (affidavit de M. Bains, aux paragraphes 20 à 23). Le Ajit Daily, par contre, ne peut être obtenu gratuitement ni dans les épiceries au Canada ni ailleurs (contre‑interrogatoire de M. Hamdard, à la page 1049).

[26]           En 2004, la demanderesse a intenté aux États‑Unis une action contre les défenderesses Bains dans laquelle elle alléguait des violations des lois américaines sur les marques de commerce et le droit d’auteur. Les demandes concernant la violation de marque de commerce ont été rejetées par jugement sommaire (affidavit de M. Bains, aux paragraphes 41 à 44). La demanderesse et les défenderesses Bains ont conclu un accord de règlement partiel aux États‑Unis concernant la demande pour violation de droit d’auteur de la demanderesse. Le 6 octobre 2009, la Cour de district des États‑Unis pour le district Est de New York a rendu une ordonnance rejetant, sous réserve de l’accord de règlement partiel, la demande pour violation de droit d’auteur de la demanderesse (affidavit de M. Johal, au paragraphe 10). Les défenderesses Bains soutiennent qu’elles ont apporté les modifications requises au logo du Ajit Weekly pour se conformer à l’accord de règlement partiel. Le logo actuel est

et il est de couleur verte.

[27]           En 2005, les défenderesses Bains ont enregistré un logo pour en faire leur propre marque de commerce au Canada. La marque de commerce déposée était semblable à celle utilisée par le Ajit Daily depuis 1984. En 2010, la demanderesse a présenté une demande en radiation de l’enregistrement (T-273-10). Les défenderesses Bains ont fait annuler leur enregistrement, ce qui a rendu la demande de la demanderesse théorique, mais elles ont déposé cinq autres demandes d’enregistrement de marque de commerce. Après que la demanderesse s’est opposée à ces demandes, les défenderesses Bains y ont renoncé (affidavit de M. Johal, aux paragraphes 3 et 4).

[28]           En 2005, la demanderesse a réussi à faire radier l’enregistrement du logo du Ajit Weekly des défenderesses Bains puisqu’il s’agissait d’une marque de commerce au Royaume-Uni. La décision a été confirmée en appel plus tard la même année (dossier de requête de la demanderesse, ongles M et N).

[29]           La demanderesse affirme n’avoir appris qu’après le 10 mars 2011, date à laquelle elle a retenu les services d’un détective privé pour le confirmer, que la défenderesse Master Web imprimait le Ajit Weekly. Master Web a été ajoutée comme défenderesse en juillet 2011.

V.                Preuve

[30]           La preuve d’Hamdard Trust a consisté en un affidavit de Satpaul Singh Johal, correspondant travaillant pour la Sadhu Singh Hamdard Trust. Les affidavits suivants, certains déjà utilisés aux fins d’une précédente demande de radiation, étaient joints à l’affidavit de Satpaul Singh Johal :

         affidavit souscrit le 23 mars 2010 par M. Barjinder Singh Hamdard;

         affidavits souscrits les 19 et 25 mars 2010 et le 21 février 2014 par Satpaul Singh Johal;

         affidavit souscrit le 25 mars 2010 par Satpaul Singh Johal;

         affidavit souscrit le 16 mars 2010 par Gurdial Singh Kanwal;

         affidavit souscrit le 18 mars 2010 par Narinderjit Kaur Kanwal;

         affidavit souscrit le 18 mars 2010 par Satinderpal Singh Chahal;

         affidavit souscrit le 20 mars 2010 par Gurvinder Singh Sandal;

         affidavit de Narinder Pal Singh;

         affidavit de Harjeet Singh.

[31]           Les défenderesses Bains ont contre-interrogé les personnes suivantes à l’égard de leurs affidavits :

         M. Barjinder Singh Hamdard;

         Narinderjit Kaur Kanwal;

         Satinderpal Singh Chahal;

         Satpaul Singh Johal.

[32]           Je ferai maintenant le résumé des dépositions faites dans les affidavits de la demanderesse :

(1)               M. Barjinder Singh Hamdard – affidavit souscrit le 23 mars 2010

[33]           M. Barjinder Singh Hamdard est le rédacteur en chef d’Ajit Publications et il en est le directeur de rédaction depuis 1984. M. Hamdard a déjà été élu député, en 1998. Il est aussi auteur de plusieurs ouvrages et rédacteur de magazines. Son travail lui a valu prix et distinctions.

[34]           M. Hamdard retrace l’histoire du Ajit Daily et il décrit la création du Hamdard Trust ainsi que les nombreuses réalisations de son fondateur, M. Sadhu Singh Hamdard, récipiendaire de plusieurs distinctions. M. Hamdard décrit aussi le contenu du journal Ajit Daily et donne des renseignements sur son tirage et sa diffusion à l’échelle mondiale. Tout en déclarant que le journal et la revue d’actualités du dimanche comptent peu d’abonnés étrangers, il précise qu’il y a des abonnés au Canada depuis au moins 1968 et que des Canadiens envoient des lettres au courrier du lecteur. M. Hamdard donne aussi une description physique de la cartouche de titre. Il explique comment, à son avis, les défenderesses en sont venues à utiliser le mot « Ajit » dans le nom de leur journal canadien, et estime que le but visé était de tirer profit de la popularité du Ajit.

(2)               Satpaul Singh Johal – trois affidavits, souscrits les 19 et 25 mars 2010 et le 21 février 2014

[35]           M. Satpaul Singh Johal est un correspondant canadien du Ajit Daily publié par la Sadhu Singh Hamdard Trust. M. Johal décrit la bonne réputation dont jouit le Ajit Daily et explique l’historique du logo Ajit. Il écrit que ce logo est un dessin original et non pas une police de caractères, puis décrit les caractéristiques du logo. Le prix de l’abonnement au journal est affiché en roupies indiennes et en dollars canadiens, tout comme le prix des ventes canadiennes de publicité. L’affidavit mentionne le nombre de lecteurs en ligne et décrit certaines annonces sur le choix du sexe du fœtus qui ont paru dans le Ajit Weekly. M. Johal écrit que, même depuis qu’on a changé les lettres du logo du Ajit Weekly en 2010, des lecteurs confus communiquent toujours avec lui pour vérifier qu’il n’y ait pas de liens entre les deux journaux.

[36]           M. Johal écrit que le Ajit Weekly publie des annonces se rapportant à la sorcellerie et à la magie, et que cela offense les sikhs pratiquants. Le Ajit Weekly a en outre publié sans son consentement certains articles qu’il avait rédigés pour le Ajit Daily.

[37]           L’affidavit du 25 mars 2014 fait état du nombre de consultations du site Web du Ajit Daily et du site Web du Ajit Weekly.

(3)               Gurdial Singh Kanwal – affidavit souscrit le 16 mars 2010

[38]           M. Gurdial Singh Kanwal est auteur de livres en pendjabi et il publie son propre journal en langue pendjabi à Toronto. Il dit connaitre le Ajit Daily depuis toujours et avoir présumé qu’il chapeautait le Ajit Weekly. Il dit aussi que lorsqu’il a présenté un ami commun à M. Darshan Singh Bains, ce dernier avait affirmé être un ami de M. Hamdard. M. Kanwal a plus tard appris qu’il n’y avait pas de liens entre les deux journaux.

(4)               Narinderjit Kaur Kanwal – affidavit souscrit le 18 mars 2010

[39]           Mme Narinderjit Kaur Kanwal, l’épouse de M. Kanwal, affirme qu’elle lisait le Ajit Daily en Inde. Lorsqu’elle a vu des exemplaires du Ajit Weekly à Mississauga et à Brampton, elle a pensé que ce journal était publié par le Ajit Daily et elle a trouvé déroutant que le contenu de l’un et de l’autre journal ait été différent.

(5)               Satinderpal Singh Chahal – souscrit le 18 mars 2010

[40]           M. Satinderpal Singh Chahal est propriétaire et exploitant d’une entreprise de messagerie en Ontario. Il dit qu’il connaissait l’existence et la réputation du Ajit Daily dans sa jeunesse, passée en Inde, et que, lorsqu’il est venu au Canada en 2002, il pensait que le Ajit Weekly lui était lié. Il ajoute qu’en tant que sikh, il est offensé par les annonces de pratiques mystiques publiées dans le Ajit Weekly.

(6)               Gurvinder Singh Sandal – affidavit souscrit le 20 mars 2010

[41]           M. Gurvinder Singh Sandal est un chanteur pendjabi de folk. Dans son affidavit, il écrit qu’il connaissait le Ajit Daily avant d’immigrer au Canada, et qu’il a appris après enquête que ce journal n’avait pas de liens avec le Ajit Weekly. M. Sandal dit lui aussi trouver offensantes les annonces publiées dans le Ajit Weekly.

(7)               Narinder Pal Singh – affidavit souscrit le 20 février 2014

[42]           M. Narinder Pal Singh est gestionnaire de tirage du Ajit Daily à Jalandhar, en Inde. Il a transcrit le nom et l’adresse des abonnés canadiens du Ajit Daily et a utilisé un tableur pour communiquer cette information.

(8)               La preuve des défendeurs a consisté en un affidavit de Kanwar (Sunny) Bains, dont le contenu est ci‑après résumé

[43]           Kanwar (Sunny) Bains est actionnaire et administrateur de Navsun Holdings. Il est le fils du fondateur du Ajit Weekly. M. Bains a situé le Ajit Weekly en contexte, en commençant par dire comment le nom en avait été choisi et quel en était le sens, puis en décrivant l’évolution au fil du temps de l’aspect de la cartouche de titre. M. Bains décrit le sens et le choix du mot Ajit, son histoire ainsi que d’autres emplois du mot dont il a connaissance. Il décrit l’évolution des dessins de marque du Ajit Weekly et fournit des photos des différentes marques utilisées par le Ajit Weekly au fil des ans. M. Bains fournit également des photographies du dessin de marque actuel du Ajit Weekly, tel qu’il a été modifié après la conclusion de l’accord de règlement partiel sur le droit d’auteur dans le cadre de l’action qui s’est déroulée aux États‑Unis.

[44]           M. Bains donne une description de la distribution et du tirage du Ajit Weekly à Toronto et à Vancouver, et mentionne les entreprises canadiennes qui publient des annonces dans le journal.

[45]           M. Bains décrit aussi longuement le site Web du Ajit Weekly, la Ajit Broadcasting Corporation et l’affichage des marques en ligne. M. Bains traite finalement du litige aux États‑Unis et du règlement sur le droit d’auteur.

[46]           M. Bains défend la publication d’annonces de mystiques et de gourous en invoquant la liberté d’expression et la tolérance envers les croyances d’autrui. Tout en disant par ailleurs que les services de choix du sexe du fœtus sont en demande parmi les Pendjabis du Canada, M. Bains précise que le Ajit Weekly a décidé de ne plus faire la publicité de produits à base de plantes utilisés à cette fin.

(9)               Contre-interrogatoire de Kanwar (Sunny) Bains – le 29 janvier 2014

[47]           M. Bains a confirmé le fait que les mots « Ajit Weekly » ne figurent qu’en anglais sur la cartouche de titre et que seul le mot « Ajit » y est écrit en pendjabi. M. Bains dit que la décision d’utiliser le nom « Ajit » a été prise par l’ensemble de la famille, et qu’il ne se rappelle pas si un membre de la famille en particulier avait suggéré ce nom. Il affirme avoir vérifié si la marque était employée au Canada au moment du lancement de son journal. M. Bains affirme aussi que sa société a fait annuler l’enregistrement de la marque de commerce pour le mot « Ajit », puis a mis fin à son utilisation après 2009. M. Bains ajoute que l’on recourait chaque semaine à des couleurs différentes, y compris au rouge, pour le logo du Ajit Weekly.

[48]           M. Bains décrit l’impression du mot « Ajit » sur la cartouche de titre du Ajit Weekly comme une police simplement saisie en caractères pendjabis, et affirme que les deux journaux utilisent une police différente pour leur cartouche de titre. Il compare l’emploi de la police reproduisant « Ajit » à la saisie d’un mot anglais au moyen de la police Arial ou Times Roman. M. Bains affirme également qu’aucun de ses lecteurs n’a jamais communiqué avec lui pour savoir s’il y avait un lien entre les deux journaux.

(10)           Contre-interrogatoire de M. Barjinder Singh Hamdard, PhD.

[49]           M. Hamdard a d’abord dressé la liste de nombreux journaux publiés en pendjabi à Jalandhar, en Inde, et mentionné le nom des journaux suivants : Punjab Tribune, Jagbani, Punjabi Jagran, Mawan, Akali Patrika et Desh Sewak. Il a aussi déclaré qu’il y avait de nombreux autres journaux rédigés en pendjabi et en Inde au Pendjab et a mentionné le nom de quatre journaux en hindi. M. Hamdard a décrit les qualités attendues d’un grand journal, puis le contenu du journal Ajit Daily de Jalandhar. M. Hamdard a dit qu’il existait différentes éditions du journal pour d’autres régions de l’Inde, la même section des informations internationales se retrouvant toutefois dans les diverses éditions régionales. Il n’y a pas d’édition destinée à la seule distribution internationale.

[50]           M. Hamdard a décrit le processus de distribution du Ajit Daily. Une partie des journaux sont envoyés par la poste à l’extérieur du Pendjab, mais à l’intérieur de l’État, les journaux sont distribués aux librairies par des revendeurs, ou livrés à domicile. M. Hamdard explique que le Ajit Daily est transmis aux abonnés du Canada par la poste au Canada; il ne projette pas d’augmenter son lectorat au Canada. Il a ajouté que le Ajit Daily n’est pas un journal gratuit disponible en épicerie, comme les journaux en pendjabi qu’on peut se procurer au Canada. M. Hamdard a démenti l’existence d’un autre journal en langue pendjabi en Inde qui portait le nom d’Ajeet Patrika.

[51]           M. Hamdard a dit qu’il a connu M. Darshan Singh Bains quand tous deux vivaient à Jalandhar, mais que M. Bains et lui n’étaient pas des amis. M. Hamdard a confirmé qu’il avait appris l’existence du Ajit Weekly lors d’une visite faite au Canada en 1995, et que la première fois que le Trust avait contesté l’emploi du mot « Ajit » par le Ajit Weekly, c’était en 2005. Il s’était alors opposé à une demande d’enregistrement de marque de commerce au Canada. M. Hamdard a expliqué qu’il avait porté plainte de diverses manières contre le Ajit Weekly au Canada, et qu’il avait notamment fait des déclarations et tenté lui‑même de convaincre les intéressés de cesser d’utiliser le nom en question.

(11)           Contre-interrogatoire de Satpal Singh Johal

[52]           M. Johal a confirmé qu’il avait été correspondant du Ajit Daily avant et après sa venue au Canada en 2009, et qu’il est maintenant correspondant d’autres journaux canadiens en langue pendjabi. Il a toutefois affirmé que certains autres journaux avaient reproduit, sans le rémunérer, des articles écrits par lui pour le Ajit Daily. M. Johal a déclaré qu’il avait dû se plaindre ouvertement pour faire cesser cette pratique.

[53]           M. Johal explique que le Trust compte huit correspondants au Canada et que, lorsqu’il a commencé à y faire des reportages, des Pendjabis confus par la situation avaient vérifié auprès de lui pour quel journal Ajit il travaillait. M. Johal a aussi confirmé qu’il avait demandé à Gurdial Singh Kanwal, Narinderjit Kaur Kanwal et Satinderpal Singh Chahal, qu’il connaissait personnellement, de souscrire leurs affidavits. Il a déclaré qu’il arrivait que des Pendjabis à la recherche d’une épouse ou d’un époux publient une annonce dans le Ajit Daily, et peut-être aussi dans un journal local. M. Johal a aussi confirmé qu’on ne pouvait obtenir le Ajit Daily que par abonnement ou en ligne au Canada.

(12)           Contre-interrogatoire de Gurvinder Singh Sandal

[54]           Tout en disant avoir mal compris si le Ajit Weekly avait des liens avec le Ajit Daily, M. Sandal a admis que rien dans le Ajit Weekly ne laissait croire que ce journal était publié à Jalandhar. M. Sandal a aussi dit avoir vérifié auprès d’un correspondant du Ajit Daily si les deux journaux avaient ou non des liens entre eux, et que ce correspondant lui avait demandé de souscrire son affidavit.

(13)           Contre-interrogatoire de Satinderpal Singh Chahal

[55]           M. Chahal a dit qu’il s’était rendu compte après son arrivée au Canada que le Ajit Weekly était gratuit, et que cela l’avait étonné parce qu’il supposait qu’il fallait payer le Ajit Daily en Inde, et que tout coûtait plus cher au Canada. Il a communiqué avec le Ajit Daily en Inde, et on lui avait confirmé que les deux journaux n’avaient pas de liens entre eux. M. Chahal a dit qu’il lui arrivait encore de lire le Ajit Weekly à l’occasion pour vérifier s’il s’y trouvait toujours des annonces qu’il jugeait offensantes. M. Chahal a confirmé que le prénom « Ajit » était également populaire en Inde. Il a dit avoir été surpris que deux journaux ayant le même nom aient des visions sociales différentes face aux annonces de mystiques et de gourous, estimant que jamais le Ajit Daily ne publierait de telles annonces.

(14)           Contre-interrogatoire de Gurdial Singh Kanwal

[56]           M. Kanwal est journaliste au Ajit Daily et, au début des années 1970, il recevait ce journal sur abonnement par la poste au Canada. Il a lancé son propre journal à Vancouver et publiait des articles du Ajit Daily. Il a affirmé que comme il était ami avec la demanderesse, un consentement à la publication s’avérait inutile. M. Kanwal a déménagé à Toronto et il y a relancé son journal. Il a dit qu’il utilisait souvent du contenu du Ajit Daily pour republication dans son journal, particulièrement des éditoriaux. M. Kanwal dit avoir appris l’existence d’un différend entre les parties lorsqu’il a visité l’Inde et que Satpal Johal lui en a fait part.

(15)           Contre-interrogatoire de Narinderjit Kaur Kanwal

[57]           Mme Kanwal a déclaré avoir vu des exemplaires du Ajit Weekly dans des magasins pendjabis au Canada, et qu’elle a été surprise de voir que ce journal était gratuit ici alors qu’il fallait le payer en Inde. Elle a dit que le journal avait la même apparence que celui de l’Inde ainsi qu’un contenu semblable, hormis les annonces qui étaient différentes. Mme Kanwal a affirmé n’avoir jamais vu d’exemplaires du Ajit Daily au Canada.

(16)           Affidavit de Paul Morabito pour le compte de la défenderesse Master Web

[58]           M. Paul Morabito est président de l’autre défenderesse, Master Web, société enregistrée en Ontario qui exploite une imprimerie commerciale pour journaux et autres documents. Les défenderesses Bains recourent aux services de Master Web depuis 1998 pour l’impression du Ajit Weekly à Toronto. M. Morabito écrit que les défenderesses Bains fournissent un fichier PDF prêt pour l’impression à Master Web, qui le récupère et assure l’impression du Ajit Weekly. Selon M. Morabito, Master Web n’est pas autorisée à modifier le contenu du Ajit Weekly, ce qu’il n’a jamais fait, ni n’a contribué à faire.

[59]           Une fois le Ajit Weekly imprimé, Master Web laisse le produit fini dans un quai prédéterminé sur son site, où l’autre défenderesse va le récupérer elle‑même pour le distribuer. M. Morabito affirme que Master Web n’a jamais distribué le Ajit Weekly. Il ajoute que Master Web n’a joué aucun rôle dans le changement apporté au logo du Ajit Weekly, ni à l’égard de son dessin, son contenu ou son format. Master Web n’a été informée qu’en septembre 2011 de la prétendue violation de marque de commerce ou de droit d’auteur, lorsque la présente action a été intentée contre elle.

[60]           M. Morabito n’a pas été contre-interrogé à l’égard de son affidavit.

VI.             Éléments présents et éléments absents

[61]           Ni l’une ni l’autre partie n’a une marque de commerce ou un droit d’auteur enregistré au Canada.

[62]           Le même mot pendjabi « Ajit » est utilisé dans le nom des deux journaux; il est écrit en caractères pendjabis, mais dans des couleurs différentes.

[63]           Par ordonnance de la Cour de district des États‑Unis pour le district Est de New York, un accord de règlement partiel conclu entre la Hamdard Trust et les défenderesses Bains régit l’utilisation de la marque « Ajit » par les parties au Canada et aux États‑Unis. Le même accord de règlement partiel comporte une licence d’utilisation de la marque

jusqu’au 31 décembre 2009, et d’utilisation par la suite après entente entre les parties quant à la couleur et à la forme. Aux termes de l’accord de règlement partiel, tout différend concernant le droit d’auteur au Canada ou aux États‑Unis devra être soumis à la Cour de district des États‑Unis . Les défenderesses utilisent depuis lors le logo convenu

.

[64]           Les deux journaux sont disponibles en ligne.

[65]           Ni l’une ni l’autre partie n’a présenté de preuve par sondage.

[66]           Le Ajit Weekly est un hebdomadaire gratuit distribué au Canada à Toronto (13 000 exemplaires) et à Vancouver (11 000 exemplaires).

[67]           Le lectorat du Ajit Daily était de seulement sept abonnés au Canada en 2010. Les immigrants parlant le pendjabi savent toutefois qu’il s’agit d’un quotidien tenu en haute estime par les Pendjabis.

[68]           Aucune preuve n’a été présentée quant à l’interprétation juridique de l’accord de règlement partiel approuvé par la cour américaine.

VII.          Analyse

A.                L’accord de règlement partiel approuvé par la Cour de district pour le district Est de New York règle-t-il les questions en litige sur le droit d’auteur dont je suis saisie?

(1)               Accord

[69]           Le 12 août 2004, la demanderesse a institué une action en violation de droit d’auteur et de marque de commerce devant la Cour de district des États‑Unis pour le district Est de New York. Le 5 avril 2007, un jugement sommaire a été rendu en faveur des défenderesses Bains quant au volet marque de commerce de l’action. Les parties ont réglé le volet droit d’auteur au moyen d’un « accord de règlement partiel » approuvé, le 1er octobre 2009, par ordonnance de la juge Cheryl Pollak des États‑Unis. L’accord est qualifié de « partiel » parce qu’il ne portait que sur le volet droit d’auteur de l’action, car la cour américaine avait déjà rejeté par jugement sommaire les demandes fondées sur le droit d’auteur et la loi new‑yorkaise.

[70]           La cour de New York a approuvé l’accord de règlement partiel et a conservé compétence s’il devait y avoir différend entre les parties. Il est indiqué dans l’accord de règlement partiel que les parties conservent et se réservent le droit de faire valoir [traduction] « tout autre recours et cause d’action ». Cet énoncé prête à confusion au vu du reste de l’accord, où il est ensuite écrit que les parties reconnaissent que l’accord de règlement partiel [traduction] « […] n’empêche aucunement la Trust [la demanderesse] de faire respecter son droit d’auteur advenant tout litige futur, dans tout ressort, sauf à l’égard des activités décrites à la section C [la licence restreinte décrite plus tôt] du présent accord de règlement partiel ».

[71]           Les actions et décisions relatives aux marques de commerce ou aux droits d’auteur aux États‑Unis n’ont, pour le droit canadien des marques de commerce ou du droit d’auteur, aucune force obligatoire ou contraignante. Ce dont la Cour est toutefois saisie, c’est un accord international ayant la marque en cause pour objet. Les licences conventionnelles sont courantes dans le monde moderne du marketing planétaire dans lequel nous vivons, et on y énonce bien souvent l’accord des parties sur l’utilisation d’une marque dans un ou plusieurs pays.

[72]           La clause 3 de l’accord partiel de règlement prévoit ce qui suit : [traduction« […] la cour conserve compétence pour la mise en œuvre de l’accord de règlement partiel conclu entre les parties ».

[73]           On précise dans les attendus, aux pages 1 et 2 de l’accord de règlement partiel, que l’accord vise les entreprises et les groupes de propriété, notamment des secteurs des journaux et de la radio du Canada et des États‑Unis.

[74]           L’accord de règlement partiel précise avoir pour objet l’utilisation de la marque au Canada et aux États‑Unis, et indique que les parties ont conclu une licence valide depuis sa signature jusqu’au 31 décembre 2009. Ensuite, les parties déclarent s’entendre sur un léger changement de police et sur l’utilisation de la couleur verte par les défenderesses. La clause D(1) de l’accord prévoit ce qui suit : [traduction] « Au plus tard le 1er janvier 2010, les défenderesses mettront fin à toute utilisation du logo Ajit, et utiliseront plutôt le logo joint aux présentes à titre de pièce C. Voici la marque figurant à la pièce C :

.

Je relève un échange de courriels entre les parties où on rappelait aux défenderesses qu’elles devaient modifier l’autocollant apposé sur leurs boîtes à journaux; les défenderesses ont procédé à la modification et fait correspondre la marque prévue dans l’accord approuvé par la cour américaine.

[75]           Plus loin dans l’accord de règlement partiel, il est indiqué que les défenderesses sont autorisées à modifier leur logo chaque année, en en précisant les modalités. Les défenderesses ne l’ont pas fait. Elles ont produit en preuve des courriels de l’avocat de la demanderesse, qui concernent des instructions données par cette dernière; on y confirme l’approbation de la marque par la demanderesse. Les défenderesses ont produit de plus des exemplaires du Ajit Weekly qui démontrent leur utilisation, depuis cette date, de la cartouche de titre convenue

.

(2)               Droit d’auteur

[76]           L’accord de règlement partiel prévoit, à la clause E(4), qu’il n’est pas interdit aux parties, sauf quant aux activités découlant de la licence accordée dans l’accord, de faire respecter leur droit d’auteur dans tout litige futur. À la section suivante, l’accord de règlement partiel confirme que la cour américaine conservera compétence quant à l’interprétation et à la mise en œuvre de l’accord, ou à tous les recours ou actions en découlant, qui doivent uniquement [traduction« être institués devant cette cour et instruits par elle ». L’accord prévoit aussi, à la section H, qu’il peut servir de défense complète.

[77]           Enfin, les parties convenaient que l’accord de règlement partiel était régi par les lois de l’État de New York. Aucune preuve d’expert ne m’a été présentée concernant l’interprétation à donner à cet accord de règlement new-yorkais.

[78]           Je rejette la demande fondée sur le droit d’auteur présentée contre les défenderesses Bains. Je ne dispose pas d’une preuve suffisante quant à l’interprétation appropriée de l’accord américain, et d’aucune preuve d’expert quant au droit américain applicable à cet accord de règlement partiel approuvé par une cour new-yorkaise.

[79]           Même sans preuve d’expert, il est toutefois clair que l’accord de règlement partiel autorisait l’emploi par les défenderesses de la cartouche de titre dans sa forme actuelle. La cartouche de titre actuellement utilisée est parfaitement conforme à celle figurant à la pièce C jointe à l’accord partiel de règlement, comme en atteste l’échange de courriels traitant de la couleur du logo. Tout différend entre les parties au sujet du droit d’auteur devrait être porté devant la cour américaine puisque les parties ont convenu qu’elle conserverait compétence à l’égard de tout différend lié au droit d’auteur sur la marque.

B.                 Les défenderesses Bains peuvent-elles être tenues responsables de commercialisation trompeuse, en contravention des alinéas 7b) et 7c) de la Loi sur les marques de commerce?

(1)               Alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce – concurrence déloyale

[80]           La demanderesse soutient que les défenderesses ont recours à une pratique de commercialisation trompeuse, en violation de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce. La loi confère compétence à la Cour à l’égard de tout litige découlant de l’alinéa 7b), que la marque de commerce en cause soit ou non enregistrée. Pour avoir gain de cause en invoquant cette disposition, un demandeur doit établir les éléments suivants, qui découlent du critère de la common law applicable à la commercialisation trompeuse : a) l’existence d’un achalandage; b) la probabilité que le public soit induit en erreur par des présentations erronées; c) l’existence de dommages actuels ou éventuels (Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120, au paragraphe 33). Les mêmes principes ont été jugés s’appliquer à l’action en commercialisation trompeuse fondée sur la loi (PharmaCommunications Holdings Inc c Avencia International Inc, 2009 CAF 144, 392 NR 197, aux paragraphes 9 et 10; Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc, 2005 CSC 65, [2005] 3 RCS 302, au paragraphe 66).

(a)                Existence d’un achalandage

[81]           Tel qu’il a été exposé dans Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 RCS 824 (Veuve Clicquot), l’achalandage n’est pas défini dans la Loi sur les marques de commerce mais, dans son sens commercial, ce terme s’entend de « […] l’association positive qui attire les consommateurs vers les marchandises ou services du propriétaire de la marque plutôt que vers ceux de ses concurrents » (Veuve Clicquot, au paragraphe 50). On évalue s’il existe un achalandage commercial en examinant si la partie concernée a établi que ses marchandises étaient connues sur le marché en raison d’un élément distinctif. L’achalandage doit avoir été créé grâce à l’emploi exclusif du nom ou de la marque en lien avec l’entreprise, les marchandises ou les services. Le marché pertinent à l’égard duquel le demandeur doit prouver sa réputation est celui du défendeur (H-D USA c Berrada, 2014 CF 207, au paragraphe 125 (H-D USA)). Je dois donc me demander s’il est probable que les abonnés (au nombre de sept) du Ajit Daily au Canada soient trompés par des présentations erronées en raison de la réputation du Ajit Weekly sur le même marché. Il incombe à la demanderesse d’établir sa réputation dans le marché en cause afin d’y être protégée contre la commercialisation trompeuse (H-D USA, au paragraphe 126).

[82]           Dans Orkin Exterminating Co Inc c Pestco of Canada Ltd, [1985] OJ n° 2526 (QL), au paragraphe 37, 19 DLR (4th) 90, la Cour d’appel de l’Ontario a écrit que le demandeur n’avait pas à être en concurrence directe avec le défendeur sur le marché en cause, mais que

[traduction]

[s]i le nom commercial du demandeur a acquis dans le ressort du défendeur une réputation telle que le public l’associe aux services fournis par le demandeur, l’emploi qu’en fait le défendeur équivaut à une perte de contrôle du demandeur sur l’impact de son nom commercial dans le ressort du défendeur.

Le juge Morden a expliqué que la conséquence pratique d’une telle situation serait la perte possible pour le demandeur de ses clients actuels ou éventuels sur ce marché.

[83]           La demanderesse a soutenu que la marque était [traduction] « célèbre » parmi les membres du public parlant le pendjabi. À l’audience, la demanderesse a soutenu que ce n’était [traduction] « pas contesté – il s’agit d’une institution célèbre ». La demanderesse a fait valoir que la preuve révélant le grand tirage du journal dans le Pendjab et sa disponibilité sur Internet démontrait bien que tout le monde connaissait son existence. Selon la preuve de la demanderesse, chaque famille pendjabi dans le monde connaît le Ajit Daily – d’ailleurs, la famille même des défenderesses lit le Ajit Daily en Inde.

[84]           La preuve de la demanderesse ne parvient pas à établir la réputation dans la région géographique des défenderesses. On ne m’a présenté aucune preuve par sondage ni aucune autre preuve fiable indépendante me permettant de conclure que le Ajit Daily disposait d’un achalandage commercial au Canada ou y était célèbre – le seul élément de preuve produit fait état de sept abonnés au Canada en 2010. On déclare une fois dans un affidavit à l’appui de la demanderesse que le lecteur concerné du journal l’avait [traduction] « […] lu en ligne », mais j’y accorde peu d’importance car on est bien loin d’une analyse quantitative, du type que pourrait offrir une preuve d’expert par sondage.

[85]           J’estime qu’au Canada, le Ajit Daily n’a pas le niveau de célébrité que la Cour suprême du Canada avait à l’esprit dans Veuve Clicquot ou dans Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, 268 DLR (4th) 424.

[86]           Je conclus que la demanderesse n’a pas réussi à démontrer l’existence d’un achalandage dans la région géographique des défenderesses.

(b)               Tromperie causée par des présentations erronées

[87]           Le demandeur doit prouver que le défendeur a utilisé une marque, en toute innocence ou intentionnellement, qu’on était susceptible de confondre avec sa marque distinctive. Si la confusion est prouvée, les présentations erronées sont également prouvées (Walt Disney Productions c Triple Five Corp, [1992] AJ n° 571 (QL), 43 CPR (3d) 321 à 331 (C.B.R. Alb.) et Mattel Inc, au paragraphe 90 (CSC)).

[88]           Les alinéas 6(5)a) à e) de la Loi sur les marques de commerce (reproduits à l’annexe B) prévoient les facteurs que la Cour doit prendre en compte pour décider si des présentations erronées ont créé de la confusion.

(i)                 le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[89]           Les défenderesses utilisent la marque en cause, avec de légères variations, depuis qu’elles ont commencé à publier leur journal au Canada en 1993. Elles ont présenté une demande d’enregistrement de la marque de commerce au Canada, mais ont ensuite retiré leur demande lorsque la demanderesse s’y est opposée.

[90]           La marque est un mot pendjabi courant et un prénom pendjabi usuel. Le mot « ajit » est utilisé dans diverses dénominations sociales au Pendjab, et dans le reste du monde par la collectivité pendjabi. La marque n’a pas un caractère original puisqu’il s’agit simplement d’un mot écrit avec une police pendjabi. Il s’agirait selon un élément de preuve d’une police « Nanak heavy ». Des éléments indiquaient aussi qu’avant l’accord de règlement partiel de 2009 qui a résulté en une légère modification de la marque des défenderesses, la police comportait des caractéristiques distinctives, mais qu’un consommateur ordinaire n’aurait pas été en mesure de voir une différence, et encore moins à la hâte. Les deux parties ont convenu que les défenderesses n’utiliseraient plus que le vert, au lieu d’user d’une couleur différente chaque semaine. Actuellement, la cartouche de titre du Ajit Daily est rouge et celle du Ajit Weekly est verte, et d’une police différente, tel qu’en avaient convenu les parties. La cartouche de titre du Ajit Weekly comporte de plus des mots anglais, et nombre des annonces y sont rédigées en anglais puisqu’on vise le marché canadien, même si le journal est écrit en pendjabi.

[91]           Selon certains éléments de preuve présentés par les défenderesses, un autre journal publié en Inde utilise le nom « Ajeet ».

(ii)               la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[92]           Le Ajit Daily a été publié sous le nom de Ajit Patrika à compter de 1955 et il est publié sous son nom actuel depuis 1959. Il est publié en ligne depuis 2003. Aucune preuve n’a été présentée montrant que le Ajit Daily était vendu ou connu au Canada. La demanderesse a simplement soutenu que tous les Pendjabis venant au Canada connaissent l’existence du Ajit Daily.

[93]           Le Ajit Weekly est publié au Canada depuis 1993 et en ligne depuis 1998.

[94]           La demanderesse a fait valoir qu’en février 2005, l’enregistrement de la marque de commerce par les défenderesses avait été jugé invalide au Royaume‑Uni. La demanderesse soutient que la décision du bureau d’enregistrement des marques de commerce du Royaume‑Uni a l’autorité d’une décision d’une cour d’archives. Je ne suis pas d’accord : la décision rendue au Royaume-Uni n’a force ni obligatoire ni contraignante à l’égard de ma décision.

(iii)             le genre de marchandises, services ou entreprises

[95]           Il s’agit de deux journaux en langue pendjabi. Le Ajit Daily est un quotidien publié à Jalandhar, en Inde. Il jouit d’une excellente réputation ainsi que de la confiance des Pendjabis partout dans le monde. Il ne publie toutefois pas d’édition internationale destinée aux Canadiens. En contre-interrogatoire, M. Hamdard, rédacteur en chef du Ajit Daily, a déclaré que c’était [traduction] « un journal professionnel et non un journal pour épicerie ». Le Ajit Weekly est publié chaque semaine au Canada, à Toronto et à Vancouver. Je conclus que les deux journaux sont des marchandises de nature essentiellement similaire, la seule différence étant que le journal indien est publié chaque jour et le journal canadien chaque semaine. Si ce n’était de la publication dans des lieux géographiques différents, il pourrait y avoir confusion.

(iv)             la nature du commerce – les voies commerciales

[96]           On peut obtenir le Ajit Daily au Canada par abonnement et le consulter en ligne à www.ajitjalandhar.com. Le Ajit Weekly est offert gratuitement dans des boîtes à journaux installées dans des épiceries, des temples et des restaurants à Toronto et à Vancouver, et en ligne à www.ajitweekly.com.

[97]           Quant à la voie commerciale utilisée, le mode de distribution diffère sauf pour ce qui est des versions en ligne des journaux.

[98]           Hors de l’Inde, on ne peut se procurer le Ajit Daily que sur abonnement. Il y avait de 21 à 43 abonnés du journal au Canada en 1990, et de 19 à 23 en 1991. En 2010, il n’y en avait plus que sept. En Inde, le Ajit Daily est livré à domicile, sur abonnement, et vendu à la criée et dans les librairies.

(v)               le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[99]           Le degré de ressemblance est actuellement très élevé, même si les cartouches de titres des deux journaux ont légèrement changé au fil des ans. D’un commun accord, la couleur de la cartouche de titre et de la marque du Ajit Weekly est désormais le vert, tandis que la marque du Ajit Weekly est en rouge. On utilise fréquemment le mot « ajit » dans les dénominations sociales des entreprises du Pendjab, puisque son sens est [traduction] « invincible » ou « indomptable ». On l’utilise également comme prénom. Le mot « Ajit » est donc très usuel en pendjabi, et ainsi les petits différences d’emploi pouvant en exister sont plus faciles à discerner puisque les gens ont l’habitude de rechercher différents indices pour les distinguer. La possibilité de confusion est toutefois toujours très grande puisque le degré de ressemblance est très élevé.

[100]       Pour ce qui est du Ajit Weekly, de l’anglais figure dans le journal même et dans sa cartouche de titre.

[101]       Le Ajit Daily est rédigé presque exclusivement en pendjabi et aucun mot anglais ne figure dans sa cartouche de titre. On le décrit en ligne comme un quotidien publié à Jalandhar.

[102]       Enfin, la demanderesse a présenté une preuve montrant qu’en 2010, 3,4 p. cent des personnes ayant consulté la page Web ajitjalandahar.com l’avaient fait par suite de recherches en ligne. La recherche du seul mot « ajit » compte pour 0,25 p. cent du trafic sur ajitjalandhar.com généré par moteur de recherche. Quant au trafic sur ajitweekly.com, 3.32 p. cent est généré par la recherche du seul mot « ajit ». Les principales requêtes de recherche liées à ajitjalandhar.com sont « ajit jalinder » (28.38 p. cent) et « ajit jalandhar » (11.48 p. cent).

(vi)             les autres circonstances de l’espèce

[103]       Après prise en compte de toutes les circonstances de l’espèce et des facteurs susmentionnés figurant au paragraphe 6(5), je conclus que le Ajit Weekly ne saurait être confondu avec le Ajit Daily. Le Ajit Weekly est gratuit et distribué à Vancouver et à Toronto, tandis que le Ajit Daily est un journal payant, qui est distribué en Inde et qui ne compte qu’un très petit nombre d’abonnés au Canada. Le même mot pendjabi « ajit » est inscrit dans les deux journaux au moyen d’une police pendjabi, dans des couleurs différentes; il peut s’avérer impossible d’en faire la distinction de prime abord, mais les deux marques coexistent depuis de nombreuses années. Chacun des journaux recourt à sa propre voie commerciale – l’un est disponible gratuitement au Canada, l’autre ne l’est que sur abonnement. En outre, aucune preuve ne permet de connaître l’importance du lectorat en ligne.

[104]       Les parties coexistent depuis 1993, et ni l’une ni l’autre ne dispose actuellement d’un droit d’auteur ou d’une marque de commerce enregistrée au Canada. Il ne semble pas y avoir confusion dans le public – la seule preuve produite par la demanderesse consistait en des affidavits souscrits par des personnes ayant un intérêt dans l’affaire, auxquels je n’attache pas beaucoup de poids.

[105]       Satpaul Singh Johal a déclaré que, lorsqu’un Canadien ou une Canadienne d’origine pendjabi recherchait une épouse ou un époux, cette personne faisait publier des annonces à la fois dans le Ajit Daily et dans les journaux locaux, en l’occurrence le Ajit Weekly. Il me semble que les Canadiens d’origine pendjabi en général, le public cible du Ajit Daily, font la distinction entre les deux journaux, sans qu’il n’y ait de confusion, puisqu’ils savent qu’il convient de publier des annonces dans les deux journaux, qui ont des marchés et un lectorat différents.

(c)                Dommages subis par la demanderesse

[106]       La demanderesse doit prouver que l’emploi de la marque lui a causé une perte réelle ou potentielle d’affaires ou de contrôle de sa réputation, de son image ou de son achalandage (Toys “R” Us (Canada) Ltd c Manjel, [2003] ACF n° 398, au paragraphe 68, 2003 CFPI 283).

[107]       La demanderesse soutient que les annonces dans le Ajit Weekly relatives à la sorcellerie et au choix du sexe du fœtus portent atteinte à la réputation du Ajit Daily puisque de telles activités sont une offense à la religion sikhe. Encore une fois, la demanderesse n’a pas étayé l’allégation selon laquelle ces annonces publicitaires dans le Ajit Weekly avaient poussé des abonnés du Ajit Daily à mettre fin à leur abonnement, ou des lecteurs en ligne à ne plus consulter le journal. Rien ne prouve non plus que les annonces relatives à la sorcellerie ou au choix du sexe du fœtus dans le journal des défenderesses avaient fait perdre des annonceurs à la demanderesse.

[108]       De l’avis de la Cour, la demanderesse n’a pas prouvé que le Ajit Weekly lui avait causé des dommages.

[109]       Compte tenu de cette analyse, je conclus que la demanderesse n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, la violation des alinéas 7b) ou 7c). Sa demande doit donc être rejetée.

C.                 Master Web a-t-elle violé, à titre d’imprimeur, des droits d’auteur ou une marque de commerce?

[110]       J’ai conclu dans l’analyse qui précède que l’achalandage de la demanderesse au Canada ne suffisait pas pour démontrer qu’il était satisfait au premier volet du critère de la commercialisation trompeuse visée à l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce. Ensuite, Master Web ne fait pas de présentations erronées au public susceptibles de satisfaire au deuxième volet du critère. Master Web ne fait en réalité, quant au logo de journal, aucune présentation au public qui pourrait causer de la confusion dans son esprit. D’ailleurs, Master Web n’avait aucune connaissance du différend opposant la demanderesse et les défenderesses Bains au sujet du logo. La demanderesse n’a présenté aucune preuve de confusion dans le public étayant sa prétention de commercialisation trompeuse. Enfin, la demanderesse n’a présenté aucune preuve démontrant que les services fournis par Master Web lui avaient causé préjudice en lui faisant subir une perte d’affaires réelle ou potentielle. La demande fondée sur la commercialisation trompeuse présentée par la demanderesse contre Master Web est rejetée. De même, la demande fondée sur le droit d’auteur est rejetée à l’égard de la défenderesse Master Web puisque celle‑ci n’avait connaissance d’aucune activité prétendument contrefaisante, et que le règlement relatif au droit d’auteur peut être invoqué comme défense complète.

[111]       On recourt aux services de Master Web pour l’impression de l’édition de Toronto du Ajit Weekly; une autre entreprise se charge de l’impression de l’édition de Vancouver. Master Web n’exerce aucun contrôle sur le contenu du Ajit Weekly. Elle ne fait pas de présentations erronées au public en imprimant la marque du Ajit Weekly et il n’a aucun lien comme société avec les défenderesses Bains. Ce qui est imprimé n’est pas offensant de manière si flagrante, ni ne contient si manifestement des présentations erronées que Master Web fait preuve d’aveuglement volontaire en continuant d’imprimer l’hebdomadaire. Master Web ne fait que fournir des services d’impression commerciale, et la demanderesse tente simplement de ratisser large en la visant.

[112]       Je rejette la demande contre la défenderesse Master Web.

D.                Demande reconventionnelle – la demanderesse peut-elle être tenue responsable en raison de déclarations fausses et trompeuses faites au sujet du Ajit Weekly?

[113]       Les défenderesses n’ont pas présenté une preuve suffisante quant à l’existence de déclarations fausses et trompeuses faites par la demanderesse au sujet du Ajit Weekly. Je qualifierais plutôt de remarques désobligeantes les déclarations de la demanderesse; il ne s’agit de rien de plus que de déclarations habituelles pour des parties qu’un litige oppose de si longue date.

[114]       Je rejette la demande reconventionnelle.

[115]       La demanderesse me demande de rendre une injonction, mais je m’abstiendrai de le faire puisque je n’ai pas conclu qu’il y avait violation et que la demanderesse n’a par ailleurs pas satisfait au critère applicable en matière de commercialisation trompeuse.

VIII.       Dépens

[116]       La demanderesse sollicite des dépens avocat-client. Les défenderesses Bains n’ont pas demandé de dépens.

[117]       Master Web demande des dépens pour la présente action sur une base d’indemnisation substantielle.

[118]       En temps normal j’octroierais les dépens à la partie victorieuse, mais comme la demanderesse n’a pas eu gain de cause dans son action et les défenderesses Bains ont été déboutées de leur demande reconventionnelle, j’estime approprié de n’accorder de dépens ni à l’une ni à l’autre de ces parties.

[119]       La demanderesse devra payer sans délai des dépens de 500 $ à la défenderesse Master Web.


JUGEMENT

LA COUR :

1.                  REJETTE la demande de la demanderesse.

2.                  REJETTE la demande reconventionnelle des défenderesses.

3.                  ENJOINT à la demanderesse de payer sans délai à la défenderesse Master Web des dépens de 500 $.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


ANNEXE A

ANNEXE B

Loi sur les marques de commerce, LRC, 1985, c T-13

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

Éléments d’appréciation

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

When mark or name confusing

What to be considered

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1127-10

INTITULÉ :

SADHU SINGH HAMDARD TRUST c NAVSUN HOLDINGS LTD ET AUTRE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 AVRIL 2014

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :

LE 26 NOVEMBRE 2014

COMPARUTIONS :

David Allsebrook

POUR LA DEMANDERESSE

Tamara Ramsey

Gargi Chopra

POUR LES DÉFENDERESSES

NAVSUN HOLDINGS LTD et 6178235 CANADA INC.

Adam Grant

POUR LA DÉFENDERESSE

MASTER WEB INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LUDLOWLAW

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

CHITIZ PATHAK LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

NAVSUN HOLDINGS LTD et 6178235 CANADA INC.

MCCAGUE BORLACK LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

Master Web Inc.

 

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