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Date : 20141203


Dossier : IMM-1390-14

Référence : 2014 CF 1166

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2014

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

PRATHEEPAN SOMASUNDARAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 10 janvier 2014 par laquelle une agente principale d’immigration (l’agente) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) présentée par le demandeur en vertu du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

Faits

[2]               Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka âgé de 34 ans d’origine ethnique tamoule. À l’âge de 11 ans, il a été emmené en Inde par sa mère. Après avoir étudié là-bas, il est rentré au Sri Lanka en avril 2005. Il affirme avoir été détenu et torturé à son retour, puis libéré sur versement d’un pot‑de‑vin. Il a séjourné au Sri Lanka pendant un an environ, puis il est retourné en Inde pour recevoir son diplôme et est rentré au Sri Lanka par la suite. Environ un mois plus tard, il est parti pour le Royaume‑Uni (R.-U.) et n’est jamais revenu au Sri Lanka depuis.

[3]               Le demandeur a obtenu un visa d’étudiant et a fréquenté l’école au R.‑U. Comme son visa d’étudiant ne lui permettait pas de demander l’asile au R.‑U., le demandeur est venu au Canada avant l’expiration de son visa. Il est arrivé le 13 décembre 2010 et a demandé l’asile le jour même.

[4]               Le demandeur affirme qu’en juin 2009, sa mère l’a informé que des membres du Parti démocratique populaire de l’Eelam et du groupe paramilitaire Karuna s’étaient présentés à leur domicile du Sri Lanka, croyant que le demandeur participait aux activités des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET) à l’étranger. Sa mère a versé un pot‑de‑vin au Parti, mais ne pouvait pas payer aussi le groupe Karuna. Les membres du groupe lui ont dit qu’ils tueraient le demandeur à son retour si elle ne les payait pas.

[5]               La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la demande d’asile du demandeur dans une décision datée du 15 novembre 2011. Selon la SPR, les questions déterminantes avaient trait à la crédibilité du demandeur, y compris l’absence de crainte subjective, et au fondement objectif de sa crainte prospective. La SPR a en outre conclu que le demandeur n’avait pas produit d’éléments de preuve crédibles pour étayer les principaux éléments de sa demande d’asile. Elle n’a pas retenu que le demandeur avait été interrogé parce qu’il était soupçonné de participer aux activités des TLET à l’étranger, ni qu’il en serait soupçonné ultérieurement. La SPR a noté que le demandeur avait obtenu un diplôme universitaire au R.‑U. en novembre 2008, et qu’il avait travaillé à Londres de décembre 2009 jusqu’à ce qu’il quitte le R.‑U. Le fait que le demandeur n’avait pas demandé l’asile au R.‑U. ni en France, où il s’était rendu pour assister à des funérailles en 2007, et le fait qu’il était retourné au Sri Lanka après avoir été soumis à la torture alléguée en 2005 indiquaient l’absence de crainte subjective. La SPR a aussi conclu que le demandeur n’avait pas un profil qui attirerait l’attention indue des organisations militantes ou des forces de sécurité s’il rentrait au Sri Lanka. Elle a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention aux termes de l’article 96, ni celle de personne à protéger aux termes de l’article 97 de la LIPR. Le 15 mars 2012, la Cour a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée à l’encontre de la décision de la SPR.

[6]               Le 23 mai 2012, le demandeur a présenté une demande en vue d’être dispensé des exigences applicables à la résidence permanente pour des considérations d’ordre humanitaire (demande CH) , laquelle a été rejetée le 10 janvier 2014. Le 6 mars 2014, il a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision défavorable concernant sa demande CH (IMM-1389-14).

[7]               Le 17 décembre 2012, le demandeur a présenté une demande d’ERAR, laquelle a également été rejetée le 10 janvier 2014. Le 6 mars 2014, il a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision défavorable concernant sa demande d’ERAR (IMM-1390-14).

[8]               La demande d’ERAR et la demande CH ont été instruites ensemble par la Cour le 4 septembre 2014.

[9]               La présente décision se rapporte à la décision défavorable concernant la demande d’ERAR.

Décision faisant l’objet du contrôle

[10]           L’agente d’ERAR a examiné le contexte factuel et la décision de la SPR. Elle a noté que le demandeur craignait encore de retourner au Sri Lanka pour les mêmes raisons que celles qu’il avait invoquées à l’audience devant la SPR, et que le demandeur s’était contenté de répéter son histoire, sans tenir compte des réserves que la SPR avait quant à sa crédibilité.

[11]           Les nouveaux éléments de preuve produits à l’appui de la demande d’ERAR comprenaient des rapports sur la situation au Sri Lanka, une lettre de la mère du demandeur, une copie du certificat de décès de sa grand‑mère, une déclaration solennelle et une décision favorable concernant la demande d’ERAR d’un autre Sri Lankais. L’agente a examiné chacun de ces éléments.

[12]           L’agente a ensuite déclaré avoir examiné la preuve documentaire accessible au public la plus récente concernant la situation et les droits de la personne au Sri Lanka afin de tirer une conclusion sur le risque de préjudice personnalisé auquel serait exposé le demandeur à son retour dans ce pays. L’agente s’est reportée aux principes directeurs relatifs à l’évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d’asile originaires du Sri Lanka du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés datés du 21 décembre 2012 (principes directeurs du HCR), dans lesquels sont décrits ceux qui courent le plus de risque. L’agente a toutefois conclu que le demandeur n’avait pas fourni d’éléments de preuve permettant d’établir qu’il avait le profil de ceux qui étaient décrits dans ce document.

[13]           L’agente a reproduit des extraits de divers rapports sur la situation au pays qui parlaient du retour des demandeurs d’asile déboutés. Elle a conclu que le demandeur n’avait pas fourni d’éléments de preuve écrits objectifs pour établir qu’il avait déjà été questionné et détenu au Sri Lanka à cause d’une quelconque participation soupçonnée aux activités des TLET. De plus, les éléments de preuve qui avaient été présentés à l’agente n’établissaient pas que le demandeur serait exposé, en raison de son profil, à un risque de préjudice s’il rentrait au Sri Lanka, ni n’établissaient que le demandeur était exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution pour l’un des motifs prévus dans la Convention, de sorte qu’il ne satisfaisait pas aux critères de l’article 96. L’agente n’était pas non plus persuadée que le demandeur serait personnellement exposé au risque d’être soumis à la torture s’il rentrait dans son pays, et a jugé improbable qu’il soit personnellement exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités au Sri Lanka, de sorte qu’il ne satisfaisait pas aux critères des alinéas 97(1)a) ou b) de la LIPR.

Questions en litige

[14]           Je formulerais les questions ainsi :

a)      L’agente a‑t‑elle appliqué le mauvais critère juridique dans l’analyse effectuée au titre de l’article 96 ou complètement omis d’effectuer cette analyse?

b)      La décision de l’agente était‑elle raisonnable?

Norme de contrôle

[15]           Le demandeur soutient que l’agente a soit fusionné les critères prévus à l’article 96 et à l’article 97 en exigeant qu’il y ait un risque personnalisé, soit omis complètement d’appliquer le critère prévu à l’article 96. Le demandeur affirme que le défaut d’appliquer adéquatement l’article 96 commande la norme de contrôle de la décision correcte (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 59 [Dunsmuir]; S.C.F.P. c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, Talipoglu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 172, au paragraphe 22 [Talipoglu].

[16]           Selon le défendeur, l’article 96 a été bien appliqué et, par conséquent, aucune question de droit n’est soulevée. Toutefois, même si c’était le cas, la norme de contrôle serait celle de la décision raisonnable (B010 c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CAF 87, aux paragraphes 68 à 70.

[17]           À mon avis, la question de savoir si l’agente ou l’agent d’ERAR a appliqué le bon critère juridique est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte (Talipoglu, précitée, au paragraphe 22). Ce critère s’applique aussi à la question de savoir si l’agente ou l’agent a commis une erreur en fusionnant les critères prévus à l’article 96 et à l’article 97 (Mahendran c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1237, au paragraphe 10).

[18]           Les parties conviennent que l’application, par l’agente, du critère aux faits de l’espèce est susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable. La jurisprudence a confirmé que la norme de la décision raisonnable est celle qui s’applique aux conclusions de fait, ou aux conclusions mixtes de fait et de droit, tirées par un agent d’ERAR, comme l’existence d’un risque de persécution (Hnatusko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 18, au paragraphe 25; Hassan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 613, au paragraphe 9).

[19]           Il convient de faire preuve de retenue quand la décision est justifiée, transparente et intelligible, et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

QUESTION 1 : L’agente a‑t‑elle appliqué le mauvais critère juridique dans l’analyse effectuée au titre de l’article 96 ou complètement omis d’effectuer cette analyse?

[20]           Les articles 96 et 97 de la LIPR sont ainsi rédigés :

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention – le réfugié – la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

[21]           Comme la Cour l’a précisé dans la décision Fi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1125, [2006] ACF no 1401, au paragraphe 13 [Fi], pour satisfaire à la définition de « réfugié au sens de la Convention » qui figure à l’article 96 de la LIPR, le demandeur doit démontrer qu’il satisfait à tous les éléments mentionnés dans cette définition, à commencer par l’existence d’une crainte subjective et objective de persécution. Le demandeur doit établir un lien entre lui et la persécution du fait d’un motif prévu par la Convention. Autrement dit, cette persécution doit être dirigée contre lui, soit « personnellement », soit en tant que « membre d’une collectivité », et le demandeur doit craindre avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques.

[22]           De plus, il est possible d’établir la persécution au sens de l’article 96 par l’examen du traitement réservé à d’autres personnes se trouvant dans une situation semblable (Salibian c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 CF 250 (CA), aux paragraphes 17 et 18). La Cour a expliqué ceci dans la décision Fi, précitée, au paragraphe 16 :

Par conséquent, une demande d’asile présentée dans un contexte de violence généralisée dans un pays donné doit satisfaire aux mêmes exigences que toute autre demande. Le contenu de ces exigences n’est pas différent pour une telle demande et celle‑ci ne fait pas l’objet d’exigences supplémentaires ou de déchéance. À la différence de l’article 97 de la LIPR, en vertu de l’article 96 de la LIPR, il n’y a aucune obligation que le demandeur démontre que sa crainte de la persécution est « personnalisée » s’il peut démontrer autrement qu’elle est « entretenue par un groupe auquel il est associé ou, à la rigueur, par tous les citoyens en raison d’un risque de persécution fondé sur l’un des motifs énoncés dans la définition [de réfugié au sens de la Convention] » (Salibian, susmentionnée, page 258).

[Souligné dans l’original.]

[23]           La Cour a également précisé ceci dans la décision Surajnarain c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1165, [2008] ACF no 1451, au paragraphe 11 [Surajnarain] :

La demande d’asile, qu’elle soit présentée suivant l’article 96 ou l’article 97 de la Loi, exige du demandeur qu’il établisse l’existence d’un risque qui est à la fois personnel et objectivement identifiable. Toutefois, cela ne signifie pas que le risque ou les risques que craint le demandeur ne sont pas partagés par d’autres personnes se trouvant dans une situation semblable.

[24]           De plus, un risque généralisé peut être visé par la définition de réfugié au sens de la Convention si le demandeur risque personnellement de subir un préjudice grave lié à un des cinq motifs prévus dans la Convention (Surajnarain, précitée, au paragraphe 12).

[25]           Ainsi, dans le contexte d’une fusion alléguée des critères prévus à l’article 96 et à l’article 97, la simple utilisation du terme « personnellement » ou d’un terme semblable n’indique pas qu’il y a fusion :

[42]      Je souscris aux précédents invoqués par l’avocat du défendeur, pour qui, dans ce contexte, l’emploi d’expressions telles que « personnellement exposé à un risque », « un risque personnalisé », « le risque doit être individualisé » ne signifie pas que l’article 96 est fusionné avec l’article 97. Sur ce point, mon collègue le juge Mosley s’exprimait ainsi dans la décision Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1385, au paragraphe 29  :

[29]      L’agent d’ERAR qui examine les nouveaux risques doit tenir compte des articles 96 à 98 de la LIPR. Les articles 96 et 97 exigent que le risque soit personnalisé, c’est-à-dire qu’il concerne la personne qui demande l’asile. C’est ce que montre clairement l’emploi du terme « personnellement » à l’article 97. Dans le cas de l’article 96, la preuve relative à des personnes placées dans une situation semblable peut mener à la conclusion que le demandeur « crai[nt] avec raison d’être persécuté ». Cela étant dit, seuls les « nouveaux éléments de preuve » sont pris en considération dans le cadre d’une demande d’ERAR présentée par un demandeur d’asile débouté, comme il a été expliqué ci-dessus. [Non souligné dans l’original.]

[…]

[44]      Je conclus sur ce point en disant qu’il était loisible aux demandeurs de montrer qu’ils se trouvaient dans une situation semblable à celle d’autres personnes. Comme on le verra plus loin dans les présents motifs, le moyen de prouver cette similitude de situation est une analyse des risques dans laquelle seront appliqués les facteurs pertinents, tous les Tamouls ne se trouvant pas dans la même situation pour ce qui concerne la crainte fondée de persécution (article 96) ou le risque de subir la torture ou des peines cruelles (article 97).

(Pillai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1312, aux paragraphes 42, 44)

[26]           Quant à la fusion des critères prévus à l’article 96 et à l’article 97 en l’espèce, le demandeur soutient que l’agente exigeait l’existence d’un risque personnalisé, ce qui, en réalité, entre en ligne de compte seulement dans le contexte de l’article 97. Cette thèse est fondée sur trois déclarations figurant dans la décision :

[traduction] […] J’ai lu et examiné ces documents [rapports sur la situation au pays produits par le demandeur] et constaté que le demandeur n’est pas nommé dans ces éléments de preuve, et que les éléments de preuve montrent l’existence d’un risque généralisé au Sri Lanka, particulièrement pour ceux qui sont d’origine ethnique tamoule, comme le demandeur.

[…]

Le risque, par définition, est prospectif; par conséquent, j’examine la preuve documentaire publique la plus actuelle sur la situation au pays et les droits de la personne au Sri Lanka pour tirer une conclusion sur le risque personnalisé de préjudice auquel serait exposé le demandeur s’il rentrait au Sri Lanka.

[…]

Le demandeur n’a pas fourni d’éléments de preuve écrits objectifs pour établir qu’il avait déjà été questionné ou détenu au Sri Lanka à cause d’une quelconque participation soupçonnée aux activités des TLET. Les éléments de preuve qui m’ont été présentés n’établissent pas que le demandeur sera exposé, en raison de son profil, à un risque de préjudice s’il retourne au Sri Lanka.

[27]           Comme le montre la jurisprudence énoncée ci‑dessus, aux termes tant de l’article 96 que de l’article 97, le demandeur doit établir l’existence d’un risque à la fois personnel et objectivement identifiable. Par conséquent, je ne considère pas que les deux premières déclarations montrent que l’agente a fusionné les critères prévus à l’article 96 et à l’article 97. En outre, étant donné que, aux fins de l’article 96, le demandeur doit établir un lien entre lui et la persécution pour un des motifs prévus dans la Convention, et que la persécution doit être dirigée contre le demandeur d’asile, soit « personnellement », soit en tant que « membre d’une collectivité », ces déclarations ne corroborent pas non plus l’absence d’analyse au titre de l’article 96 alléguée par le demandeur.

[28]           Quant à la troisième déclaration, le demandeur conteste la conclusion de l’agente selon laquelle les éléments de preuve n’établissaient pas qu’il serait exposé, en raison de son profil, à un risque de préjudice s’il retournait au Sri Lanka, alors que, d’après le critère applicable au titre de l’article 96, l’agente était plutôt tenue d’évaluer si le demandeur était exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution pour un des motifs prévus dans la Convention.

[29]           L’agente a fait cette déclaration dans le contexte de sa conclusion selon laquelle le demandeur n’avait pas fourni d’éléments de preuve écrits objectifs pour établir qu’il avait déjà été questionné ou détenu au Sri Lanka à cause d’une quelconque participation soupçonnée aux activités des TLET. L’agente a ensuite déterminé que les éléments de preuve n’établissaient pas que le demandeur était exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution pour un des motifs prévus dans la Convention et que, pour cette raison, sa demande ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 96.

[30]           Bien que l’agente ait au départ mal formulé le critère applicable au titre de l’article 96, critère qu’elle a ensuite bien énoncé au paragraphe suivant, je ne puis conclure qu’elle ait mal compris ou omis d’appliquer ledit critère.

QUESTION 2 : La décision de l’agente était-elle raisonnable?

[31]           Le demandeur affirme que l’agente n’a pas évalué les rapports sur la situation au pays qu’il avait produits comme nouveaux éléments de preuve pour montrer les expériences vécues par ceux qui avaient le même profil que lui, c’est‑à‑dire [traduction] « les jeunes hommes tamouls originaires du Nord ayant passé plus de vingt ans à l’étranger, y compris une longue période au R.‑U. et au Canada, pays reconnus comme des centres d’activité des TLET et dont les gouvernements sont critiques envers le gouvernement du Sri Lanka, et qui seraient renvoyés au Sri Lanka en tant que demandeurs d’asile déboutés ». De plus, affirme‑t‑il, l’agente n’a pas contesté le fait qu’il avait ce profil.

[32]           Il convient de souligner que le profil auquel s’identifie le demandeur est, dans une certaine mesure, une fabrication de sa propre imagination. En d’autres mots, ce n’est pas un profil reconnu par le HCR ou par un autre organisme du même genre. Le demandeur s’appuie largement sur ce profil fabriqué, soutenant que sa demande d’ERAR était fondée sur de nouveaux éléments de preuve importants sur la situation au pays montrant les risques graves et actuels que courent ceux qui ont le profil qu’il décrit. Il est vrai que les profils décrits dans les principes directeurs du HCR ne sont pas exhaustifs. Toutefois, les profils généralement reconnus, comme ceux qui figurent dans les principes directeurs du HCR, ont été dégagés et définis d’après la mise en balance des renseignements recueillis auprès de nombreuses sources internationales, gouvernementales et non gouvernementales, et leur concordance générale quant aux personnes particulièrement à risque. De plus, je ne peux retenir que l’agente, en concluant que le demandeur ne présentait pas un profil reconnu, a accepté qu’il présentait le profil fabriqué.

[33]           Quoi qu’il en soit, l’agente a noté qu’en raison du caractère exhaustif des observations du demandeur, chaque élément de preuve ne serait pas évalué ni soupesé individuellement, mais que tous les nouveaux éléments de preuve avaient été examinés et pris en considération dans l’évaluation. L’agente pouvait à bon droit adopter cette démarche (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425, au paragraphe 16; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16 [Newfoundland Nurses]). L’agente ou l’agent est aussi présumé avoir pesé et considéré toute la preuve dont il est saisi, à moins que le contraire ne soit établi (Florea c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CAF) (QL)).

[34]           L’agente s’est reportée à un document de la Direction des recherches de la CISR daté du 23 février 2013, qui porte sur le traitement réservé aux Tamouls revenant au Sri Lanka parce qu’ils n’ont pas pu trouver refuge ailleurs. Ce document renvoie à un rapport du groupe Freedom from Torture selon lequel les Tamouls ayant eu dans le passé des liens réels ou supposés avec les TLET sont exposés à un risque de torture à leur retour. Le document renvoie aussi à un rapport du groupe Tamils Against Genocide selon lequel les demandeurs d’asile déboutés risquent davantage d’être rapidement associés aux TLET, soit parce qu’ils ont demandé l’asile ou parce qu’ils sont soupçonnés d’avoir participé aux activités de la diaspora tamoule, lesquelles – de l’avis du gouvernement du Sri Lanka – appuient les TLET.

[35]           Ont également été mentionnés des rapports sur le retour des demandeurs d’asile rédigés par le gouvernement de l’Australie et une directive opérationnelle publiée en juillet 2013 par le Home Office du R.‑U. Selon cette directive, si certaines sources ont signalé des cas de citoyens de retour au pays, et surtout des Tamouls, détenus et maltraités ou torturés après leur arrivée, seuls ceux dont le nom figure sur une liste d’exclusion – c’est‑à‑dire ceux contre qui existe une ordonnance de cour ou un mandat d’arrestation en vigueur – sont détenus à l’aéroport. Ceux dont le nom figure sur une liste de surveillance sont observés après leur retour. Si l’observation laisse croire que celui dont le nom figure sur la liste de surveillance n’est pas un activiste tamoul travaillant à déstabiliser le gouvernement, il n’est raisonnablement pas susceptible, de manière générale, d’être détenu. Toutefois, l’agente a également noté que, selon des rapports produits par des organisations sans but lucratif, les demandeurs d’asile déboutés sont presque toujours détenus jusqu’à ce qu’une autorisation de sécurité soit délivrée, ce qui peut prendre des heures ou des mois. Si aucun membre de la famille ne peut vérifier les demandes de renseignements, la détention peut durer indéfiniment.

[36]           L’agente a fourni une maigre analyse de ces documents, mais le renvoi aux extraits montre qu’elle a reconnu l’incohérence de la preuve documentaire sur les risques auxquels sont exposés les demandeurs d’asile tamouls déboutés qui reviennent au Sri Lanka. Toutefois, après l’examen de l’ensemble de la preuve, il était loisible à l’agente de conclure en définitive que, tout bien pesé, la preuve n’établissait pas que le demandeur était exposé à un risque soit en raison d’un changement dans la situation au pays, soit en raison de son origine ethnique tamoule ou de son profil.

[37]           En l’espèce, la SPR n’a pas retenu que le demandeur avait été interrogé parce qu’il était soupçonné d’avoir participé aux activités des TLET à l’étranger et a conclu qu’il ne serait pas soupçonné d’avoir des liens avec les TLET ultérieurement. L’agente ou l’agent d’ERAR doit respecter la décision de la SPR de rejeter une demande d’asile, à moins que des preuves nouvelles soient survenues depuis le rejet, preuves qui auraient pu conduire la SPR à statuer autrement si elle en avait eu connaissance (Raza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385, au paragraphe 13). L’agente a conclu que le demandeur n’avait pas fourni d’éléments de preuve écrits objectifs pour établir qu’il avait déjà été détenu ou questionné au Sri Lanka. Autrement dit, il n’avait pas renversé la conclusion sur la crédibilité tirée par la SPR et, d’après la preuve sur la situation au Sri Lanka, il ne présentait pas le profil d’une personne qui serait exposée à un risque de préjudice à son retour au pays. Il était raisonnable de parvenir à cette conclusion au vu du dossier.

[38]           En ce qui concerne l’autre élément de preuve nouveau, à savoir la déclaration solennelle de Patricia Watts, auxiliaire juridique et travailleuse sociale au cabinet de l’avocat du demandeur, l’agente a expliqué que Mme Watts n’avait fourni aucun renseignement pour établir qu’elle avait une expertise particulière à l’égard de la situation au Sri Lanka, et a constaté que la déclaration n’était corroborée par aucun élément de preuve objectif indiquant que le demandeur présentait le même profil que ceux qui étaient décrits dans la déclaration. Il convient de souligner que Mme Watts travaille au cabinet de l’avocat du demandeur depuis les années 1980 et se dit [traduction] « généralement au courant » de la situation au Sri Lanka étant donné que le cabinet a représenté de nombreux Tamouls au fil des ans. Il convient aussi de souligner que la déclaration solennelle décrit à grands traits les conditions passées et actuelles au Sri Lanka, et parle en général des expériences vécues par les clients de ce cabinet. Par conséquent, j’estime que l’agente a traité cet élément de preuve de manière raisonnable.

[39]           En ce qui concerne la décision favorable rendue à la suite de la demande d’ERAR d’un autre ressortissant du Sri Lanka, l’agente a conclu qu’il n’était pas possible de déterminer si le demandeur avait le même profil que ce ressortissant, et que chaque cas devait être tranché en fonction de ses propres faits. Il est vrai que les agents d’ERAR ne sont pas liés par les décisions antérieures, et l’agente a expliqué pourquoi la décision rendue à la suite de la demande d’ERAR de cet autre Sri Lankais n’était pas convaincante. De plus, comme le souligne le défendeur, la décision antérieure concernait un Sri Lankais qui avait été soupçonné de participer aux activités des TLET en raison de ses nombreuses cicatrices, qui l’exposaient à un risque dans l’avenir. En l’espèce, le demandeur ne porte pas de cicatrices, et la SPR a conclu que ses allégations de torture et de détention n’étaient pas crédibles. Ainsi, les faits de la décision antérieure invoquée se distinguaient de ceux de l’espèce et, comme l’agente l’a souligné, chaque cas doit être tranché en fonction de ses propres faits.

[40]           En ce qui concerne la lettre de la mère du demandeur, celle‑ci disait avoir été abordée en 2012 par des membres du groupe Karuna qui menaçaient de venir et d’enlever son fils si elle ne les informait pas de son retour. Dans cette lettre, la mère affirmait aussi croire que son fils risquait d’être détenu et torturé par le gouvernement et les groupes paramilitaires, parce qu’il était un homme tamoul pris pour cible à des fins d’extorsion. L’agente a accordé un faible poids à la lettre, notant que la mère du demandeur avait un intérêt direct dans l’issue de la demande et que la lettre n’était pas datée. En invoquant l’intérêt direct de la mère, il est probable que l’agente faisait référence au fait que le demandeur envoyait de l’argent pour soutenir sa mère au Sri Lanka, ou déduisait que la mère du demandeur souhaitait que son fils puisse demeurer au Canada. L’absence de date sur la lettre n’est pas importante, car il ressort nettement de son contenu qu’elle a été écrite à un moment quelconque après août 2012.

[41]           S’il ne faut pas écarter des documents simplement parce qu’ils ont été rédigés par des parents des demandeurs, il convient toutefois de faire preuve de déférence envers les agents lorsqu’ils ont apprécié de manière acceptable et justifiable l’importance et le poids des éléments de preuve (Kanthasamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2014 CAF 113, au paragraphe 97; Morales Alba c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1116, au paragraphe 36; Chakrabarty c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), 2008 CF 695, aux paragraphes 10 à 13; Ugalde c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), 2011 CF 458, aux paragraphes 26 et 28).

[42]           Dans le présent cas, l’agente a également accordé un faible poids à la lettre parce que la lettre n’était pas étayée par des éléments de preuve objectifs. Il convient aussi de souligner que, selon la SPR, aucun élément de preuve n’expliquait pourquoi la mère du demandeur n’avait pas été abordée avant 2009 et 2010 étant donné que ses enfants, y compris le demandeur, se trouvaient à l’étranger depuis de nombreuses années. La SPR a conclu que les éléments de preuve concernant l’extorsion présentés par le demandeur manquaient de crédibilité. La lettre de 2012 rédigée par la mère du demandeur ne dissipait pas ces doutes sur la crédibilité. Puisque la déférence est de rigueur à l’égard des agents qui apprécient le poids des éléments de preuve et qu’il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau les éléments de preuve qui ont été présentés à l’agent (Wage c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1109, au paragraphe 57), il ne convient pas de revoir le traitement accordé à la lettre par l’agente.

[43]           Quant au certificat de décès de la grand‑mère du demandeur, l’agente a noté à juste titre qu’il n’était pas lié aux risques allégués que courait le demandeur. Il n’était donc pas pertinent.

[44]           Comme il a été indiqué ci‑dessus, l’agente a passé en revue les nouveaux documents sur la situation au Sri Lanka, mais a conclu que ces documents n’établissaient pas que le demandeur était, en raison de son profil, exposé à un risque au sens de l’article 96 ou de l’article 97. Il était raisonnablement loisible à l’agente de tirer cette conclusion.

[45]           À la lumière de la décision de la SPR, du dossier et du rôle que jouent les agents quand ils procèdent à un ERAR, la Cour est en mesure de comprendre pourquoi l’agente a conclu que le demandeur n’était pas exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution pour un des motifs de la Convention énoncés à l’article 96, et qu’il ne serait pas personnellement exposé au risque d’être soumis à la torture ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités au Sri Lanka au sens de l’article 97. La décision appartient aux issues justifiables (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Newfoundland Nurses, précité, aux paragraphes 14 et 16).

[46]           Enfin, le demandeur souligne que l’agente a inclus dans sa décision un paragraphe n’ayant absolument aucun lien avec l’affaire dont elle était saisie, lequel concernait les demandeurs arrivés au Canada à bord du M.V. Sun Sea. Le demandeur soutient qu’il s’agit là d’un élément qui montre la manière désordonnée et hâtive avec laquelle l’agente a rendu da décision. Bien que malheureuse, l’inclusion du paragraphe non pertinent est manifestement attribuable à une opération de « copier-coller » ou à une erreur technique et est sans conséquence. L’agente a bien désigné les nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur et les a examinés. Rien ne montre qu’elle a mal interprété les éléments de preuve ou fondé sa décision sur le paragraphe inclus par erreur. L’erreur n’était pas déterminante pour l’issue de la décision. Ce point ne soulève pas d’erreur susceptible de révision (Petrova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 506, au paragraphe 57; Gillani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 533, au paragraphe 38; Binyamin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 263, au paragraphe 16).


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Aucune question de portée générale n’est proposée ni soulevée;

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1390-14

 

INTITULÉ :

PRATHEEPAN SOMASUNDARAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 SeptembRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 DÉCEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman

 

POUR Le demandeur

 

 

Prathima Prashad

 

POUR Le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Nazami & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR Le demandeur

 

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR Le défendeur

 

 

 

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