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Date : 20141202


Dossier : T-2212-12

Référence : 2014 CF 1153

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 2014

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

GEMOLOGICAL INSTITUTE OF AMERICA

appelante

et

GEMOLOGY HEADQUARTERS INTERNATIONAL

intimée

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’un appel, interjeté conformément à l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC, 1985, ch T-13 [la Loi], de la décision rendue le 28 septembre 2012 par Mme Jill Bradbury [l’agente], de la Commission des oppositions des marques de commerce [la COMC ou la Commission], qui agissait au nom du registraire des marques de commerce [le registraire]. La décision rendue refuse l’opposition par l’appelante, Gemological Institute of America et propriétaire de la marque de commerce GIA, à l’enregistrement de la marque de commerce GHI par l’intimée, Gemology Headquarters International, aux fins de son utilisation en association avec les mêmes produits et services à savoir, la classification des diamants, la délivrance de certificats de classification des diamants, l’éducation dans le domaine de la gemmologie et d’autres produits et services dans le domaine de la gemmologie.

Aperçu

[2]               L’appelante, Gemological Institute of America [GIA], affirme que la Commission a commis une erreur de fait et de droit en concluant que l’intimée, Gemology Headquarters International [GHI], a démontré qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les deux marques. L’appelante soutient que les nouveaux éléments de preuve qu’elle a déposés en appel auraient eu une incidence importante sur la décision de la Commission. Par conséquent, la Cour doit procéder à un nouvel examen de la question et, d’après cet examen, la demande de l’intimée quant à la marque de commerce GHI devrait être refusée.

[3]               Pour les motifs suivants, je suis d’avis que les nouveaux éléments de preuve de l’appelante – qui traitent de la question à savoir si la marque de commerce est bien connue, quelle est sa réputation, sa durée d’utilisation et le marché de consommation visé – sont de qualité et de valeur probante suffisantes et qu’ils auraient changé le fondement factuel de la décision de la COMC. Par conséquent, ils auraient eu une incidence déterminante sur la décision.

[4]               Par conséquent, j’ai procédé à un examen de novo. Après avoir pris en compte les nouveaux éléments de preuve et les éléments probants déjà soumis, la jurisprudence applicable et les facteurs établis au paragraphe 6(5) de la Loi, je conclus que l’intimée ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait de démontrer qu’il n’y a aucune possibilité de confusion entre les deux marques.

[5]               La Cour accueille donc l’appel et refuse la demande d’enregistrement de la marque de commerce GHI par l’intimée.

Le contexte

[6]               Le 7 février 2006, l’intimée a rempli une demande d’enregistrement de la marque de commerce GHI auprès du registraire, axée sur l’usage proposé de la marque au Canada relativement à des produits et services liés au domaine de la gemmologie. Parmi ces produits et services se trouvent : les certificats d’authenticité et les certificats de classification des diamants, des gemmes et des perles; des services d’enseignement en matière de gemmologie; et des services de gemmologie, notamment, procéder à l’identification, à l’authentification et à la classification des diamants, des gemmes ainsi que des perles et délivrer les certificats de classification connexes.

[7]               Le 6 novembre 2008, l’appelante a rempli une déclaration d’opposition [l’opposition] à l’égard de la demande conformément au paragraphe 38(2) de la Loi en se fondant sur trois motifs : la marque de commerce n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)d), en vertu de l’alinéa 38(2)b); le requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement aux termes des paragraphes 16(2) et (3), en vertu de l’alinéa 38(2)c); et la marque de commerce n’est pas distinctive aux termes de l’article 2, en vertu de l’alinéa 38(2)d). Chacun de ces motifs se rapportait à la question de la confusion entre la marque de commerce proposée par l’intimée, GHI, et la marque établie par l’appelante, GIA, et ses marques connexes GIA & Design et GTL.

La décision de la COMC

[8]               La COMC a rejeté l’opposition de l’appelante. La décision de l’agente, pour le compte de la COMC et du registraire, énonce les divers motifs de l’opposition, les dates des faits et le fardeau de chaque partie.

[9]               L’agente a souligné qu’elle avait analysé uniquement le motif d’opposition concernant les alinéas 12(1)d) et 38(2)b), puisque sa date postérieure a permis à l’agente d’examiner l’ensemble des nouveaux éléments de preuve de l’appelante (relativement à la réputation) et que si l’appelante ne réussissait pas à défendre ce motif, elle échouerait nécessairement pour les autres motifs. L’agente s’est concentrée exclusivement sur la marque de commerce GIA de l’appelante puisque c’est celle qui ressemble le plus à la marque GHI de l’intimée.

[10]           L’agente a présenté le critère de la confusion conformément au paragraphe 6(2) de la Loi, soulignant que ledit paragraphe ne concerne pas les marques elles-mêmes, mais plutôt la confusion des biens ou des services provenant d’une source avec des biens ou des services provenant d’une autre source. Elle a fait valoir que, dans l’application du critère de la confusion, le registraire doit prendre en compte toutes les circonstances, y compris, sans s’y limiter, les facteurs particuliers énoncés au paragraphe 6(5) et qu’il n’est pas nécessaire d’accorder à ces facteurs la même importance.

[11]           En ce qui a trait au caractère distinctif inhérent aux marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus (alinéa 6(5)a)), l’agente a conclu que les deux marques n’ont pas de caractère distinctif inhérent et sont des marques faibles puisqu’elles ne comprennent que des lettres (citant GSW Ltée c Great West Steel Industries Ltd, 22 CPR (2d) 154, [1975] ACF no 406 [GSW]). L’agente a indiqué que les marques de commerce peuvent améliorer leur caractère distinctif grâce à leur utilisation et leur promotion, mais que rien ne prouve que la marque GHI ait été utilisée ou promue au Canada. L’agente a examiné la preuve par affidavit en détail, soulignant ce dont elle traite et ce dont elle ne traite pas. Elle a ensuite conclu que la marque GIA est plus connue que la marque GHI (qui n’est pas du tout connue) et qu’elle a acquis un [traduction« certain caractère distinctif », mais que « d’après les chiffres fournis [elle] ne peut conclure que la marque de l’opposante [c’est‑à‑dire GIA] est bien connue ».

[12]           En ce qui concerne la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage (alinéa 6(5)b)), l’agente a indiqué que la preuve par affidavit est axée sur l’utilisation de la marque GIA au Canada depuis 2003, bien que l’appelante ait été fondée en 1931 aux États‑Unis. Elle a jugé que ce facteur favorise l’appelante en soutenant que l’intimée n’a soumis aucune preuve de l’utilisation de sa marque.

[13]           L’agente a souligné que le genre de produits, services ou entreprises et la nature du commerce (alinéas 6(5)c) et d)) sont identiques ou se recoupent. Les parties ne divergent qu’en ce qui concerne leurs positions quant au client potentiel.

[14]           Relativement au degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent (alinéa 6(5)e)), l’agente a jugé qu’en examinant les deux marques dans leur ensemble pour ce qui est de la présentation et du son, il y a des différences importantes. Même si les deux marques partagent deux lettres identiques sur trois, la position différente de la lettre « I » entraîne un son et une présentation très différents et que l’utilisation de la lettre « G » est fondamentalement faible et ne devrait pas se voir octroyer un poids excessif.

[15]           L’agente a cité la décision GSW, précitée, au paragraphe 31, pour appuyer son opinion quant à la faiblesse des acronymes à lettres et affirmer que [traduction] « des différences relativement minimes suffisent à éviter la confusion. On s’attend normalement, dans ces circonstances, à ce que le public manifeste beaucoup plus de discernement. »

[16]           L’agente a aussi examiné d’autres circonstances de l’espèce. Elle a reconnu que les marques des deux parties sont enregistrées aux États‑Unis, mais a jugé ce fait non pertinent pour traiter de la question de la confusion au Canada. Elle a rejeté d’autres documents concernant l’état du registre, les jugeant insuffisants pour tirer des conclusions quant à l’état du marché. En ce qui concerne les preuves imprimées provenant de 11 sites Web fournies par l’intimée, l’agente a trouvé, entre autres, qu’elles ne suffisaient pas pour soutenir que ces sites Web démontrent que les Canadiens sont habitués de faire la distinction entre les marques de commerce comprenant des mots comme gemmologique, gemmologie, institut, international ou laboratoires ou axées sur ceux-ci.

[17]           L’agente a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques. Elle a affirmé que la plupart des facteurs favorisaient l’appelante, mais que le degré de ressemblance est le facteur le plus important pour déterminer le risque de confusion. Elle a terminé en affirmant ce qui suit :

[traduction]

Lorsqu’ils sont confrontés à des lettres de l’alphabet utilisées comme marques de commerce, on peut s’attendre à ce que les consommateurs fassent preuve d’un plus grand discernement comme première impression. Ici, les différences entre les marques suffisent pour éviter la confusion.

[18]           Pour ce qui est de la confusion dans l’esprit de consommateurs peu avertis, l’agente affirme que peu d’éléments probants concernent cette clientèle et que sa conclusion demeurerait la même, peu importe le type de consommateur, puisque sa conclusion liée à la probabilité de confusion est fondée sur les différences importantes qui existent entre les deux marques fondamentalement faibles.

Les questions en litige

[19]           L’appelante et l’intimée ont formulé les questions en litige de façon légèrement différente, mais ces questions sont :

Les nouveaux éléments de preuve soumis par l’appelante auraient-ils grandement influencé les conclusions de fait de la COMC ou l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

Dans l’affirmative, et en se fondant sur les nouveaux éléments de preuve, est-ce que l’intimée s’est acquittée du fardeau de la preuve selon une analyse de novo en montrant qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la marque de l’intimée, GHI, et la marque de l’appelante, GIA, au sens de l’article 2, de l’alinéa 12(1)d) ou des paragraphes 16(2) et (3) de la Loi?

Si les nouveaux éléments de preuve n’ont pas d’incidence importante sur les conclusions de la COMC, la décision de la COMC de rejeter l’opposition de l’appelante, au motif que les marques de commerce GIA et GHI ne peuvent être confondues, est-elle raisonnable?

La norme de contrôle

[20]           La question à savoir si les nouveaux éléments de preuve produits en appel auraient eu une incidence importante sur la décision de la COMC détermine la norme de contrôle que doit appliquer la Cour dans l’examen de la décision.

[21]           La norme de contrôle généralement applicable en appel d’une décision du registraire est celle de la décision raisonnable. Toutefois, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Brasseries Molson c John Labatt Ltée, [2000] 3 CF 145, 2000 CanLII 17105 (CAF) [Molson], au paragraphe 51 a fait valoir que « lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire ».

[22]           Dans la décision CEG License Inc c Joey Tomato’s (Canada) Inc, 2012 CF 1541, 424 FTR 182 [CEG], aux paragraphes 14 à 16 (aussi cité dans Hudson’s Bay Co c Beymen, 2013 CF 125, 427 FTR 73, au paragraphe 26 et Saint Honore Cake Shop Ltd c Cheung’s Bakery Products Ltd, 2013 CF 935, 232 ACWS (3d) 767, au paragraphe 21), le juge Manson a présenté le résumé suivant :

14 Étant donné que, dans la présente affaire, l’appelante a déposé de nouveaux éléments de preuve qui n’avaient pas été présentés à la Commission des oppositions, la Cour possède un pouvoir discrétionnaire absolu d’apprécier l’affaire et de tirer sa propre conclusion quant au bien-fondé de la décision de la Commission des oppositions, si les nouveaux éléments de preuve sont importants au point d’avoir une incidence réelle sur la décision initiale (Bojangles’ International, LLC c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657 [Bojangles]; Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, aux paragraphes 35 et 37).

15 Toutefois, lorsque de nouveaux éléments de preuve importants sont ajoutés en appel, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable simpliciter (Brasseries Molson c John Labatt Ltée, [2000] ACF no 159, [2000] 3 CF 145; Novopharm Ltd c AstraZeneca AB, 2001 CAF 296).

16 Ainsi, la question concrète pour la Cour est d’apprécier la nature et la qualité des nouveaux éléments de preuve et de déterminer s’ils ont une incidence prépondérante sur la décision, auquel cas la norme de contrôle est la décision correcte, ou s’ils ne sont pas importants et n’ont pas d’effet sur la décision visée par l’appel, auquel cas la norme de contrôle est la raison et il convient de faire preuve d’une déférence considérable à l’égard de la décision visée par l’appel (Telus Corp c. Orange Personal Communications Services Ltd, 2005 CF 590, au paragraphe 397; confirmé par 2006 CAF 6 (CAF)).

[23]           Comme le souligne l’appelante, la jurisprudence utilise les termes « décision correcte » et  examen « de novo », mais a clairement démontré que lorsque la Cour juge que les nouveaux éléments de preuve auraient eu une incidence prépondérante sur la décision de la COMC, la Cour doit procéder à un examen de novo et il n’est pas question de renvoyer l’affaire devant la COMC pour nouvel examen (Molson, précité, aux paragraphes 24 à 29; Advance Magazine Publishers Inc c Wise Gourmet Inc, 2009 CF 1208, 356 FTR 270 [Advance], aux paragraphes 36 à 39; London Drugs Ltd c International Clothiers Inc, 2014 CF 223, 238 ACWS (3d) 203 [London Drugs], au paragraphe 34; CEG, précitée, au paragraphe 14).

[24]           D’un autre côté, lorsque la Cour conclut que les nouveaux éléments de preuve n’auraient pas eu d’incidence sur la décision de la COMC, cette dernière est examinée en utilisant la norme de la décision raisonnable et il faut faire preuve de déférence. Lorsque la décision est justifiée, transparente et intelligible et que le résultat fait partie d’une gamme de résultats possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, la décision ne devrait pas être modifiée.

Le critère pour les nouveaux éléments de preuve

[25]           Afin de déterminer si les nouveaux éléments de preuve auraient eu une incidence prédominante sur la décision de la Commission, la Cour doit examiner la nature et la qualité des éléments de preuve en prenant en compte leur importance, leur valeur probante et leur fiabilité (Bojangles’ International LLC et al c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 293 FTR 234 [Bojangles], au paragraphe 10; CEG, précitée, aux paragraphes 16 et 20). Il s’agit d’un critère de qualité et non de quantité (London Drugs, précitée, au paragraphe 35; Bojangles, précitée, au paragraphe 15; Hawke & Company Outfitters LLC c Retail Royalty Co, 2012 CF 1539, 424 FTR 164 [Hawke], au paragraphe 31); les nouveaux éléments probants ne peuvent être simplement une répétition ou un complément des documents déjà présentés à la Commission. Ils doivent plutôt ajouter un élément important et améliorer le bien-fondé des documents déjà présentés (Telus Corp c Orange Personal Communications Services Ltd, 2005 CF 590, 273 FTR 228, au paragraphe 33; Rothmans, Benson & Hedges, Inc c Imperial Tobacco Products Ltd, 2014 CF 300, 239 ACWS (3d) 473, au paragraphe 34, citant Vivat Holdings Ltd c Levi Strauss & Co, 2005 CF 707, 139 ACWS (3d) 93, au paragraphe 27; Advance, précitée, aux paragraphes 38 et 41; Prince c Orange Cove-Sanger Citrus Assn, 2007 CF 1229, 322 FTR 212, au paragraphe 9; Chamberlain Group, Inc c Lynx Industries Inc, 2010 CF 1287, 379 FTR 270 [Chamberlain Group], au paragraphe 31).

La position générale de l’appelante

[26]           L’appelante affirme que les nouveaux éléments de preuve comblent les lacunes soulignées par la COMC, en particulier relativement à l’utilisation et à la réputation de la marque de commerce GIA, à la part du marché que GIA détient au Canada et au consommateur final. L’appelante indique que la COMC s’est concentrée sur la nature fondamentalement faible de la marque, mais a reconnu qu’une marque de commerce peut acquérir un caractère distinctif en fonction de son utilisation. La marque GIA a acquis un caractère distinctif; les éléments probants nouveaux et à jour ou améliorés indiquent que cette marque est utilisée depuis des décennies et est bien connue, y compris au Canada.

[27]           L’appelante soutient que si la COMC avait conclu que sa marque de commerce est bien connue, ce que démontrent les nouveaux éléments de preuve, le point de départ n’aurait pas été une comparaison entre deux marques faibles et l’analyse de la ressemblance aurait été différente.

[28]           Ces éléments de preuve quant à l’utilisation et la réputation, ainsi que d’autres éléments probants à savoir que le client est le grossiste, le détaillant et en fin de compte, le consommateur final, auraient modifié l’analyse globale du risque de confusion.

[29]           L’appelante a aussi soutenu qu’elle a soumis de nouveaux éléments de preuve indiquant de la mauvaise fois de la part de l’intimée GHI, car elle semble avoir choisi un sigle semblable de trois lettres afin de profiter de la renommée de la marque de commerce GIA et n’a fourni aucune preuve quant à la façon dont le nom a été choisi.

[30]           L’appelante conteste la critique des nouveaux éléments de preuve par l’intimée. Elle affirme que cette critique est fondée sur des déclarations isolées des souscripteurs d’affidavit et leurs réponses au cours du contre-interrogatoire, prises hors contexte, qui ont eu pour conséquence que les souscripteurs n’ont pas pu répondre à des questions pertinentes ou présenter des éléments de preuve en particulier. L’appelante soutient plutôt que les souscripteurs ont traité de la question de l’utilisation et de la réputation en fonction de leurs propres connaissances, expériences et expertises et qu’ensemble, les nouvelles preuves établissent l’utilisation et la réputation de la marque GIA par les grossistes, les détaillants et, dans une certaine mesure, les consommateurs finaux. L’appelante reconnaît que certains chiffres des ventes critiqués par l’intimée et mis à jour ne sont pas très différents. Toutefois, l’ensemble de tous les autres nouveaux éléments de preuve aurait eu une grande incidence sur la décision.

[31]           L’appelante affirme donc que la Cour doit réaliser un examen de novo et évaluer la question de la confusion en fonction des facteurs énoncés à l’article 6 de la Loi.

[32]           En ce qui concerne un examen de novo, l’appelante affirme que le principal problème est la ressemblance ou la similitude des marques de commerce et l’application appropriée du critère de la confusion, qui est fondé sur la première impression et les souvenirs imparfaits. Ce critère repose sur le fait que le consommateur aurait déjà vu la marque GIA ou en aurait entendu parler.

La position générale de l’intimée

[33]           L’intimée fait valoir que les éléments de preuve soumis en appel n’apportent rien de nouveau et que même s’ils sont plus volumineux, ils ne sont pas d’assez grande qualité pour faire une différence quant à la décision de la COMC. La Cour ne devrait pas effectuer un examen de novo. La décision de la COMC est raisonnable et ne devrait pas être contestée.

[34]           La COMC a conclu que la marque était fondamentalement faible et que les nouveaux éléments probants ne concernent pas cette faiblesse fondamentale et ne prouvent pas que la marque est suffisamment connue. La COMC a raisonnablement jugé qu’il y avait des différences importantes entre les deux marques et qu’il n’y aurait pas de confusion, peu importe que le consommateur soit un grossiste, un détaillant ou l’acheteur final.

[35]           L’intimée met en évidence les défauts des nouveaux éléments de preuve soumis par l’appelante, notamment qu’ils ne démontrent pas l’utilisation de la marque GIA au Canada, que les preuves d’utilisation concernent principalement l’utilisation du sigle GIA avec le nom complet et qu’il n’y a pas de preuve provenant d’un consommateur final de diamants démontrant sa connaissance de la marque de commerce GIA. L’intimée souligne aussi qu’il n’existe pas de sondage pour démontrer l’utilisation ou la connaissance de la marque GIA. De plus, le marché ciblé est celui des grossistes ou des détaillants, des consommateurs beaucoup plus sophistiqués et informés qui ne seraient pas embrouillés du tout.

Les nouveaux éléments de preuve soumis en appel par l’appelante auraient-ils grandement influencé les conclusions de fait de la COMC ou l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?

La position de l’appelante

[36]           L’appelante souligne que la COMC a ciblé certaines conclusions et lacunes importantes, notamment : le fait que la marque GIA ne soit pas bien connue; qu’il y a de grandes différences entre les deux marques faibles; que la marque GIA n’est utilisée que depuis 2003; et qu’il y a peu de différences entre les groupes de consommateurs relativement à l’évaluation du risque de confusion.

[37]           L’appelante affirme que les nouveaux éléments de preuve traitent des conclusions et lacunes importantes citées dans la décision de la Commission. Plus précisément, ils montrent : que la marque GIA a acquis un caractère distinctif grâce à son utilisation et à sa réputation au Canada; que l’acheteur final fait partie des consommateurs ou des marchés concernés; et que l’intimée tente de profiter de la renommée de la marque de commerce de l’appelante GIA.

[38]           L’appelante soutient qu’après l’examen des nouveaux éléments probants, les fondements factuels changeront et que la décision sera entièrement différente.

[39]           Les nouveaux éléments de preuve comprennent quatre affidavits additionnels de : Mme Kim Cino [affidavit de Mme Cino], la directrice de l’administration pour GIA; Mme Grace Reagh [affidavit de Mme Reagh], employée depuis 40 ans chez Birks [Birks & Mayors Inc] à Vancouver, assumant diverses tâches comme la vente au détail, la gestion de magasin, l’évaluation de bijoux et l’achat de bijoux; M. Robert Frank [affidavit de M. Frank], un chercheur dans le domaine des marques de commerce ayant de l’expérience dans la réalisation et l’examen de recherches dans des bases de données et sur Internet; et M. Frank Hawthorne [affidavit de M. Hawthorne], professeur de minéralogie à l’Université du Manitoba. Tous ces souscripteurs d’affidavit, sauf M. Hawthorne, ont été contre-interrogés.

[40]           L’affidavit de Mme Cino est axé sur l’utilisation, la réputation et la part du marché au Canada. L’affidavit de Mme Reagh se concentre sur la renommée et la réputation de la marque GIA auprès des détaillants et des consommateurs du Canada. L’affidavit de M. Frank présente les résultats de recherches dans les médias et Internet indiquant si la marque GIA est associée à l’appelante et si la marque GHI est associée à l’intimée. M. Frank conclut que la marque GIA est grandement associée à l’appelante dans le domaine de la gemmologie au Canada et à l’échelle mondiale. L’affidavit de M. Hawthorne indique sa confiance en GIA à titre d’autorité d’après son point de vue en tant que professeur de minéralogie depuis plus de 40 ans.

[41]           Les nouveaux éléments de preuve traitent aussi de la conclusion de la COMC à savoir qu’il y avait peu de preuves concernant le marché des particuliers ou des consommateurs finaux. L’appelante souligne que les particuliers forment le groupe où la probabilité de confusion est la plus grande en ce qui a trait à la première impression lorsqu’ils croisent la marque GHI de l’intimée avec en tête un souvenir imparfait de la marque GIA, bien que d’autres consommateurs de l’industrie soient susceptibles d’être embrouillés.

[42]           L’appelante affirme aussi que les nouveaux éléments probants concernant la motivation de l’intimée à profiter de la renommée du nom GIA démontrent une circonstance additionnelle qui aurait également eu une incidence importante sur la conclusion de la Commission. L’affidavit de Mme Cino explique que M. Nachum Krasnianski est propriétaire de l’intimée et d’un autre concurrent, EGL USA, et que les actions de M. Krasnianski à l’échelle mondiale et au Canada laissent entendre qu’il cherche à enregistrer d’autres marques semblables à GIA (p. ex. GIH et GHI) pour profiter de la renommée de la marque GIA.

[43]           L’appelante conteste les critiques de l’intimée quant aux nouvelles preuves en soulignant qu’aucun de ses souscripteurs d’affidavit n’a été ébranlé pendant le contre-interrogatoire et qu’en somme, les nouveaux éléments de preuve traitent de l’utilisation et de la réputation de la marque GIA, ainsi que des marchés concernés.

[44]           L’appelante souligne que Mme Cino ne traite pas avec les clients et que par conséquent, l’accent mis par l’intimée sur le fait qu’elle n’a jamais fourni un certificat de classification à un consommateur ou été témoin de cette interaction est dénué de sens.

[45]           De plus, Mme Cino n’était pas embrouillée quant aux données du graphique d’IDEX; elle a noté l’erreur typographique évidente dans le texte, mais a fait référence au diagramme à secteurs qui décrivait avec précision la part du marché mondial fixée à 64 %. Elle a expliqué que, d’après son expérience, la part mondiale correspond à la part canadienne et que même s’il n’y avait pas de données relatives au Canada, elle pouvait extrapoler à partir des chiffres mondiaux.

[46]           En réponse à la critique répétée de l’intimée à savoir qu’aucun sondage ne traite de l’utilisation et de la réputation de la marque GIA, l’appelante indique que les sondages ne sont pas nécessaires (Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, [2011] 2 RCS 387 [Masterpiece], aux paragraphes 93 à 101).

[47]           L’appelante répond aussi qu’un affidavit d’un acheteur d’un diamant n’établirait pas l’utilisation ou la réputation de la marque GIA. Un tel élément de preuve serait probablement critiqué par l’intimée parce qu’il ne concernerait que l’expérience d’un seul consommateur et ne serait donc pas représentatif.

La position de l’intimée

[48]           Comme il l’a été noté, l’intimée affirme que les nouveaux éléments de preuve présentés par l’appelante ne traitent pas des questions déterminantes, n’ont pas une qualité ou une valeur probante suffisante et n’auraient pas grandement influencé la décision de la COMC et que la norme de contrôle devrait donc demeurer la décision raisonnable.

[49]           L’intimée soutient que les conclusions de la COMC étaient fondées sur les différences importantes entre les marques elles-mêmes et la nature fondamentalement faible des sigles à titre de marques de commerce. Les nouvelles preuves ne concernent aucune de ces conclusions. Elles traitent plutôt de la réputation de la marque GIA au Canada, de l’utilisation d’autres sigles comme marques de commerce dans le domaine de la gemmologie au Canada et des circuits commerciaux dans lesquels circulent les biens et les services gemmologiques. L’intimée affirme aussi que même si la Cour accepte les nouveaux éléments de preuve, leur qualité et leur valeur probante ne suffisent pas pour démontrer que la marque GIA est bien connue et que la COMC aurait dû tirer des conclusions différentes (Bojangles).

[50]           L’intimée critique les nouvelles preuves relatives à la renommée de la marque GIA au Canada et soutient qu’elles sont fondées sur des ouï‑dire, des opinions sans soutien factuel et des recherches informatiques sans fondement d’un témoin spécialiste situé aux États‑Unis (c’est‑à‑dire M. Frank). L’intimée indique que M. Frank n’est pas un avocat spécialisé en propriété intellectuelle ni un agent de brevets et qu’il ne possède aucune connaissance apparente du droit canadien. Il n’a effectué aucun sondage concernant les impressions du consommateur. Le nombre de résultats dans ses recherches sur Internet ne constitue pas une preuve que la marque GIA est bien connue.

[51]           L’intimée affirme qu’il n’y a pas d’éléments probants supplémentaires quant à l’utilisation réelle de la marque de l’appelante au Canada, sauf en ce qui concerne le volume des ventes et les revenus indiqués dans l’affidavit de Mme Cino, qui sont égaux aux éléments déjà présentés. L’intimée soutient que les publicités de magazines fournies par l’appelante ne devraient pas être prises en compte en raison du manque de chiffres de tirage.

[52]           L’intimée tente aussi de discréditer la preuve de Mme Cino; elle n’était au courant d’aucun sondage auprès de consommateurs finaux et elle n’a jamais été témoin de la délivrance d’un certificat de GIA à un consommateur final. L’intimée indique que même si Mme Cino affirme maintenant que les services de GIA sont à l’avantage du consommateur final, elle a d’abord affirmé que la majorité de ses services s’adressent aux détaillants.

[53]           L’intimée souligne aussi que Mme Cino est directrice de l’administration de GIA, non une avocate spécialisée dans les marques de commerce ou une agente de brevets, qu’elle ne possède aucune formation juridique et qu’elle a reçu l’aide d’un avocat pour préparer son affidavit.

[54]           L’intimée indique aussi que Mme Reagh a admis que les références affichées chez Birks sont généralement présentes dans les petits salons et que les consommateurs peuvent apprendre les quatre critères d’évaluation de la qualité du diamant (la couleur, la pureté, la taille et le poids en carats) d’autres laboratoires de classification, plutôt que de l’appelante. Mme Reagh ne pouvait pas fournir le nombre de clients qui ont précisément demandé des certificats de GIA. Elle n’avait jamais interrogé ou sondé des consommateurs, affirmant que cela n’était pas nécessaire.

[55]           L’intimée prétend que les éléments probants n’appuient pas l’affirmation à savoir que le détaillant en ligne Blue Nile utilise les certificats de GIA. Le site Web de cette entreprise comprend des références de plusieurs autres laboratoires de classification et ne favorise pas les certificats de classification de l’appelante.

[56]           L’intimée fait aussi valoir qu’il n’y a pas d’explication quant à la manière dont l’expertise professionnelle de M. Hawthorne lui permet de commenter la perception de l’appelante par d’autres membres du domaine de la gemmologie. Même s’il est un spécialiste, il ne constitue qu’une opinion et ne peut démontrer la renommée de la marque.

[57]           De façon plus générale, l’intimée affirme que les éléments de preuve n’apportent rien de nouveau. Elle affirme à répétition qu’aucun des souscripteurs d’affidavit ne peut nommer de sondages auprès de consommateurs canadiens pour déterminer l’opinion réelle des consommateurs quant à la marque de commerce GIA. Il n’y a pas de preuve quant à la façon dont les consommateurs finaux perçoivent GIA même s’il eût été facile d’en fournir, par exemple, au moyen de l’affidavit d’un consommateur.

[58]           Même si les éléments probants démontrent que la marque GIA de l’appelante est bien connue, l’intimée soutient que cela n’aurait pas eu une incidence prépondérante sur la décision globale de la COMC, qui était fondée sur les différences importantes entre les deux marques faibles.

[59]           L’intimée fait valoir que les nouveaux éléments probants ne montrent pas que les particuliers sont le marché final ciblé des certificats de classification et des services de l’appelante. Le témoignage de Mme Cino à savoir que les certificats de classification sont transmis aux consommateurs finaux et utilisés par ceux-ci repose sur des ouï‑dire et est fondé uniquement sur des conversations avec des détaillants. L’intimée soutient que les particuliers consommateurs de bijoux ne sont pas le marché final ciblé des certificats et des services de classification. Les détaillants et les grossistes sont les acquéreurs des certificats de classification et ils ne se laissent pas embrouiller.

[60]           Toutefois, même si les consommateurs concernés sont les consommateurs finaux, l’intimée affirme que la décision n’aurait pas été différente, puisque la COMC a jugé qu’aucun consommateur ne serait embrouillé en raison des différences importantes entre les deux marques fondamentalement faibles.

[61]           L’intimée conteste, mais n’aborde pas, les allégations de mauvaise foi relativement à l’enregistrement de sa propre marque GHI et réplique que l’appelante tente simplement de faire disparaître un concurrent plus petit.

Les nouveaux éléments de preuve auraient grandement influencé les conclusions de fait de la COMC ou l’exercice de son pouvoir discrétionnaire

[62]           La Cour doit se mettre à la place de la COMC pour évaluer si les nouveaux éléments probants – s’ils avaient été soumis à l’agente d’audience – auraient pu entraîner un résultat différent. La question reste à savoir si les nouveaux éléments de preuve comblent les lacunes ciblées par la COMC qui ont justifié ses conclusions et si ces preuves ont suffisamment d’importance ou de valeur probante pour modifier le fondement factuel de la décision ou avoir autrement une incidence prépondérante sur la décision.

[63]           La COMC a constaté des lacunes dans les éléments de preuve initiaux concernant la question à savoir si la marque de commerce GIA est bien connue et qui est le consommateur final, même si la COMC a affirmé que le résultat aurait été le même peu importe l’identité du consommateur. La COMC a aussi souligné qu’une marque de commerce pourrait acquérir un caractère plus distinctif grâce à son utilisation, mais la COMC n’a pas convenu que c’était le cas dans cette affaire.

[64]           Les nouveaux éléments probants traitent de la question de l’acquisition d’un caractère distinctif. La COMC a jugé que la marque GIA n’avait pas acquis un caractère distinctif et qu’elle était fondamentalement faible, de petites différences suffisant à éviter la confusion, d’après sa conclusion à savoir que la marque est un sigle à trois lettres et qu’elle n’est pas très connue.

[65]           Cette conclusion quant à la faiblesse fondamentale a influencé l’analyse du degré de ressemblance, comme indiqué dans la référence de l’agente à la décision GSW, et sa conclusion au sujet de la confusion. Les nouveaux éléments de preuve démontrent que la marque GIA est beaucoup plus connue et que chez les détaillants, elle est très connue. Les nouveaux éléments de preuve auraient donc changé le point de départ de l’analyse de la ressemblance.

[66]           L’affidavit de Mme Cino fournit une preuve de l’utilisation, de la commercialisation, de la réputation et de la part du marché au Canada pour montrer que la marque GIA de l’appelante était bien connue au Canada à toutes les dates pertinentes. Par exemple, l’affidavit de Mme Cino fournit des preuves de l’utilisation des certificats par des marchands de diamants et de bijoux et par des consommateurs finaux. Il présente aussi des chiffres de ventes au Canada, qui, même s’ils ne diffèrent pas beaucoup des éléments de preuve déjà présentés, comprennent une explication indiquant qu’ils n’incluent pas les ventes au Canada par des intermédiaires américains. L’affidavit de Mme Cino fournit aussi la preuve de la part du marché mondial occupée par GIA, comme indiqué dans le rapport d’IDEX, et l’opinion de la souscriptrice de l’affidavit, fondé sur ses connaissances et son expérience, à savoir que la part du marché canadien de la marque de commerce est très similaire. Cet affidavit traite aussi de ce qui suit : les services offerts à la police et aux musées; les initiatives éducatives de GIA tenues ou offertes en collaboration avec des universités canadiennes, y compris la formation à distance pour laquelle des chiffres relatifs aux inscriptions remontent aux années 1970 (indiquant un total de 5 000 étudiants et 2 500 anciens élèves abonnés à sa liste d’envoi); des renseignements sur le nombre d’utilisateurs du site Web et de l’application mobile pour le Canada et à l’échelle mondiale; des chiffres sur la participation à des salons professionnels; et de la publicité de GIA remontant aux années 1970.

[67]           L’article d’IDEX cité par la souscriptrice, qui présente la part du marché mondial des certificats de classification de GIA, a été critiqué par l’intimée, qui a soutenu que les chiffres additionnés donnent un total supérieur à 100 %. Toutefois, Mme Cino avait souligné de façon proactive qu’il s’agissait d’une erreur typographique et la représentation graphique indique très clairement que la part du marché mondial de GIA était de 64 %, soit plus que toutes les autres parts combinées.

[68]           L’affidavit de Mme Reagh fournit des éléments probants additionnels quant à la réputation de la marque GIA chez les détaillants et les consommateurs du Canada du point de vue de Mme Reagh, qui travaille depuis 39 ans chez Birks et dans l’industrie des diamants et des bijoux, notamment : l’utilisation presque exclusive de certificats de classification des diamants de l’appelante par Birks depuis 1981; la pratique de discuter des quatre critères d’évaluation de la qualité du diamant avec les clients dans le cadre de la démarche et des arguments de vente; et les demandes concernant les certificats de classification de l’appelante de la part de clients.

[69]           Mme Reagh a aussi fait valoir que les références de GIA sont les plus réputées et recherchées et qu’elles sont affichées dans les magasins de Birks. Elle a indiqué que la plupart des bijoux en diamants sont vendus avec un certificat de classification et que les certificats de GIA sont les plus dignes de confiance. Elle a affirmé que tout le monde dans le milieu du commerce connaît GIA, ses services et son excellente réputation.

[70]           Relativement à la confiance du détaillant en ligne Blue Nile en GIA, la preuve documentaire (c’est‑à‑dire les imprimés provenant de son site Web) montre beaucoup de références à GIA, et à d’autres services. Le fait que Blue Nile fasse aussi appel à d’autres laboratoires ou services de classification n’enlève rien au fait qu’elle utilise les services de GIA.

[71]           L’affidavit de M. Frank fournit de nouvelles preuves provenant de recherches de résultats sur des bases de données médiatiques et sur Internet indiquant que la marque GIA est associée à l’appelante dans le domaine de la gemmologie, autant au Canada qu’à l’échelle mondiale. Le témoignage de M. Frank a résisté à l’examen rigoureux de l’intimée, qui a contesté ses titres de compétence, sa méthodologie et le fait que ses résultats ne démontrent pas vraiment l’utilisation de la marque de commerce.

[72]           M. Frank a reconnu qu’il n’a pas de formation juridique, mais a certifié qu’il possède une vaste expérience et que grâce à une lecture approfondie de la jurisprudence, il a acquis des connaissances en ce qui a trait au droit canadien des marques relativement aux marques de commerce célèbres.

[73]           Pour ce qui est de la critique de l’intimée concernant certaines de ses bases de données, M. Frank a indiqué que toutes les inexactitudes dans l’information extraite d’Infomart sont dues à des inexactitudes dans les versions originales qui ont été affichées électroniquement et que la base de données elle-même est fiable.

[74]           M. Frank a expliqué que le but des recherches sur Internet au moyen d’engins comme Yahoo et Google est de déterminer l’ampleur, la fréquence et le type de visibilité qu’un mot ou une phrase en particulier a pour les membres de la population qui cherchent des renseignements sur Internet. Il a expliqué son approche de façon globale – essayer de reproduire les comportements d’un consommateur qui serait habitué à « GIA » et qui essaierait de trouver des renseignements concernant GIA ou le Gemological Institute of America.

[75]           M. Frank a affirmé que les recherches dans les bases de données ne démontrent pas de façon concluante ce que le consommateur a à l’esprit relativement à la source et à l’origine de la marque de commerce. Les résultats sont factuels; ils ne sont pas subjectifs et n’ont pas pour but de l’être.

[76]           En réponse à la critique de l’intimée à savoir que le nombre de résultats ne constitue pas une preuve que la marque GIA est bien connue, M. Frank a précisé que les articles qu’il a présentés ne sont qu’un échantillon et qu’il y avait 4 600 documents. Il a expliqué que le but était de fournir un échantillon représentatif permettant de tirer des conclusions raisonnables. Lorsqu’on lui a demandé combien de références à une marque de commerce et une expression dans les médias en général démontrent une « reconnaissance mondiale », M. Frank a affirmé qu’il n’y a pas de nombre exact, mais que 15 exemples de l’utilisation par un tiers constitueraient probablement une preuve appropriée. Il a exprimé l’opinion selon laquelle ses résultats démontrent que GIA est une marque bien connue et reconnue et qu’elle est associée au Gemological Institute of America au Canada.

[77]           Il a ajouté que, d’après ses années de recherche et la validation de l’exactitude de la base de données (Dialog), il est très confiant que le terme GIA, sauf lorsqu’il est utilisé comme nom de personne (soit un très très petit pourcentage des résultats), est presque toujours associé au Gemological Institute of America dans l’industrie de la bijouterie.

[78]           Relativement aux consommateurs concernés, les nouveaux éléments de preuve indiquent que les particuliers sont le marché final ciblé pour les certificats de classification de l’appelante. Les nouvelles preuves présentées par l’appelante sont plus que le [traduction] « peu d’éléments probants concernant cette portion du marché et de la clientèle des parties » comme l’a conclu la COMC.

[79]           L’affidavit de Mme Cino confirme ce fait, alors que les clients directs de l’appelante intéressés par les certificats de classification des diamants sont surtout des membres de l’industrie du diamant et de la bijouterie, chaque certificat de classification est à l’avantage et à l’usage du consommateur final (c’est‑à‑dire le propriétaire du bijou). Mme Cino a confirmé en contre-interrogatoire que les décisions d’affaires prennent toutes en compte le consommateur final. Elle n’a pas contredit les autres souscripteurs d’affidavit; elle a confirmé que le marché direct plus important est l’industrie, mais a déclaré que celle-ci comprend aussi le consommateur final.

[80]           Mme Cino a indiqué en contre-interrogatoire qu’elle n’a jamais été témoin de la délivrance d’un certificat à un consommateur final. Toutefois, elle ne travaille pas dans des magasins de détail et on ne s’attend pas à ce que ce soit le cas. Le témoignage de Mme Reagh traite de cette question. Elle a affirmé que les certificats sont transmis aux consommateurs finaux et a parlé de sa vaste expérience avec des consommateurs finaux pendant ses 39 années au service de Birks.

[81]           L’intimée a examiné attentivement les nouveaux éléments probants pour soutenir qu’ils n’ajoutent rien aux éléments dont la COMC était saisie et que, dans la mesure où il y a certains nouveaux éléments, ceux-ci ne sont pas probants. Cependant, beaucoup de lacunes et de critiques soulignées par l’intimée, fondées sur les affidavits et les contre-interrogatoires de Mme Cino, de Mme Reagh et de M. Frank, ont été sorties de leur contexte et en prenant en compte des attentes élevées quant à ce que devrait être un élément de preuve idéal. Je suis d’avis que, lorsqu’ils sont examinés dans leur ensemble et dans le contexte approprié, les nouveaux éléments probants auraient eu une incidence prépondérante sur la décision de la COMC.

[82]           Les nouveaux éléments de preuve quant à l’utilisation de la marque de commerce et à la réputation de GIA sont plus importants que les preuves soumises à la COMC et différents à plusieurs égards. La COMC aurait approché l’analyse de la force générale de la marque et de la ressemblance avec GHI différemment si elle avait reconnu la réputation de la marque GIA.

[83]           En outre, bien que le consommateur final ne soit pas nécessairement le principal marché cible pour toute la gamme des produits et services de l’appelante, les nouveaux éléments probants démontrent suffisamment que le consommateur final des gemmes ou des bijoux occupe une part importante du marché. Selon moi, c’est aussi une question de bon sens. Un grossiste ou un détaillant ne compte pas sur les produits et services de l’appelante uniquement pour son propre profit sans prendre en compte le consommateur final. Les grossistes et les détaillants de bijoux n’accumulent pas les diamants et les autres gemmes autrement que dans le but final de les vendre à un consommateur. Le particulier doit être considéré comme faisant partie intégrante du marché et l’analyse du risque de confusion ne peut ignorer cet aspect.

[84]           L’intimée prétend que les grossistes et les détaillants constituent le marché principal et qu’ils ne seraient pas embrouillés. C’est peut-être vrai pour les grossistes et les détaillants qui font affaire depuis longtemps avec l’appelante et croisent ensuite la marque de l’intimée, en particulier compte tenu de la réputation de l’appelante depuis des décennies et de l’utilisation de nombreux sigles au sein de l’industrie. Toutefois, le critère de la confusion dépend de la première impression fondée sur des souvenirs imparfaits. Certains détaillants seraient probablement embrouillés à la première impression s’ils ne font pas affaire avec l’appelante depuis longtemps.

[85]           En outre, le risque de confusion est évalué du point de vue du client ou du consommateur mythique (Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22, [2006] 1 RCS 772 [Mattel], aux paragraphes 56 à 58; ce consommateur englobe tout le monde, que ce soient les plus importants grossistes, les bijoutiers, les grands et petits détaillants ou finalement, le consommateur final.

[86]           L’intimée soutient que les nouveaux éléments de preuve sont analogues, dans une certaine mesure, à ceux dans la décision Hawke, précitée, parce que Mme Cino a indiqué que son affidavit « complète » les trois affidavits originaux. Peu importe la façon dont Mme Cino a caractérisé son nouvel affidavit, son contenu et son témoignage en contre-interrogatoire appuient la conclusion à savoir qu’il y a suffisamment de nouvelles preuves d’une meilleure qualité pour demander un examen de novo.

[87]           Dans la décision Hawke, le juge de Montigny a conclu qu’un des nouveaux affidavits corrigeait simplement des références erronées concernant la nature des produits et fournissait de l’information plus récente que les dates concernées par l’analyse du risque de confusion. L’autre nouvel affidavit ne traitait pas des préoccupations de l’agent ou des conclusions les plus primordiales.

[88]           La situation est différente ici. Dans le cas présent, de nouveaux éléments de preuve ont été soumis par l’appelante et ils influencent les fondements des conclusions clés du registraire – notamment, l’utilisation et la réputation de la marque – et, par conséquent, l’analyse du risque de confusion.

[89]           Il n’est pas nécessaire de traiter de l’affirmation de l’appelante à savoir que les nouveaux éléments probants démontrent la mauvaise foi de l’intimée, puisque les autres preuves suffisent pour déterminer que la décision de la COMC aurait été grandement influencée. De plus, comme il l’a été expliqué dans la décision Chamberlain Group, précitée, au paragraphe 53, une analyse du risque de confusion ne serait pas influencée d’une façon ou d’une autre par une preuve de mauvaise foi.

Examen de novo; d’après les premiers éléments de preuve et les nouveaux, l’intimée a-t-elle démontré qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre sa marque GHI et la marque de l’appelante GIA?

La position de l’appelante

[90]           L’appelante rappelle les arguments avancés pour démontrer que les nouveaux éléments probants auraient eu une incidence prépondérante sur la décision de la COMC et souligne des aspects particuliers des preuves. Elle fait valoir que l’intimée ne s’est pas acquittée de son fardeau consistant à démontrer qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques. L’application appropriée du critère de la confusion entraînerait la conclusion à savoir que le client serait probablement embrouillé.

[91]           L’appelante fait valoir qu’il n’est pas nécessaire que tout le monde soit embrouillé et que le critère n’est pas de savoir si certaines ou même plusieurs personnes sont embrouillées. L’appelante mentionne la décision Canada Post Corp c Paxton Developments Inc (2000), 198 FTR 72, 101 ACWS (3d) 1160 [Canada Post], au paragraphe 12, où la Cour fédérale conclut qu’il n’est pas nécessaire de prouver qu’une majorité de consommateurs se méprendraient, mais plutôt un nombre suffisant pour satisfaire à toute règle de minimis. Le « consommateur moyen » ne signifie pas une majorité de consommateurs. Dans la décision Canada Post, la Cour s’est fiée aux renseignements d’un sondage indiquant que 9 % des personnes sondées étaient embrouillées, et a pourtant jugé que cette preuve suffisait à prouver l’existence d’une confusion réelle chez un nombre substantiel de consommateurs (précitée, au paragraphe 21).

[92]           L’appelante reconnaît que les sigles, comme les deux marques en question, ont un faible degré de distinction intrinsèque. Cependant, le caractère distinctif peut être acquis grâce à l’utilisation et à la réputation (GSW, précitée, au paragraphe 51; Lee Canada Inc c Jones Investments Co (2008), 71 CPR (4th) 112 (COMC), aux paragraphes 25 et 32). Les nouveaux éléments de preuve démontrent une utilisation importante et à long terme de la marque GIA au Canada dans le domaine de la gemmologie (y compris les services de laboratoire, l’enseignement et la recherche), indiquant qu’elle est bien connue. En ce qui concerne les certificats de classification des diamants, il s’agit de la marque la plus ancienne et la plus renommée de l’industrie, et elle possède la plus importante part du marché mondial et canadien.

[93]           L’appelante soutient que dans son ensemble, la marque GIA possède un caractère distinctif acquis plus grand que ce qu’a compris la COMC et qu’elle n’est pas faible. Il n’y a pas de preuve de l’utilisation ou de la réputation de la marque de l’intimée, GHI, au Canada sauf quelques rares résultats obtenus par le Dr Frank. Par conséquent, ce facteur favorise grandement l’appelante.

[94]           L’appelante affirme que la marque GIA est utilisée depuis plus longtemps que 2003, contrairement à ce qu’a conclu la COMC. Bien que la COMC ait conclu que le facteur de la durée d’utilisation favorisait GIA, puisque la marque GHI n’était pas utilisée, l’appelante soutient que les décennies d’utilisation de GIA sont pertinentes pour juger de sa réputation.

[95]           Pour ce qui est du degré de ressemblance, l’appelante dit que les deux marques sont plus semblables que différentes. Considérées dans leur ensemble, du point de vue du consommateur moyen dont les souvenirs sont imparfaits, les marques partagent un degré élevé de ressemblance et le consommateur serait probablement embrouillé.

[96]           L’appelante reconnaît que la mauvaise fois ne ferait pas pencher la balance dans l’analyse du risque de confusion, mais indique que, lorsqu’il existe une marque, il incombe au nouvel arrivant de prendre soin de ne pas adopter une marque semblable qui peut créer de la confusion. Elle ajoute qu’il y avait suffisamment d’autres noms d’entreprise et de sigles connexes disponibles, même en conservant le mot « Gemological » et l’utilisation du « G ».

La position de l’intimée

[97]           L’intimée ne répond pas directement aux nouveaux éléments probants dans le contexte d’un examen de novo parce qu’elle refuse d’admettre que les nouvelles preuves présentées en appel auraient eu une incidence prépondérante sur la décision de la COMC et affirme que la décision raisonnable demeure la norme de contrôle.

[98]           Toutefois, les arguments de l’intimée concernant le caractère inadéquat des nouveaux éléments probants et le caractère raisonnable de la décision ont été pris en compte pour évaluer si, dans le cadre d’une analyse de novo, elle s’est acquittée de son fardeau consistant à démontrer que le consommateur ne serait probablement pas embrouillé.

[99]           Comme mentionné précédemment, l’intimée prétend que les nouveaux éléments de preuve de l’appelante n’ont pas une grande valeur probante, qu’ils sont insuffisants et qu’ils sont contredits par les propres affidavits de l’appelante, qui montrent que peu de clients réclament une entreprise en particulier pour la classification et que beaucoup de laboratoires de classification de diamants et de pierres précieuses utilisent des sigles de trois lettres.

[100]       L’intimée a soumis des affidavits des personnes suivantes : M. Barry Katzen, distributeur de diamants, qui explique entre autres que seul environ 1 % des clients demandent une entreprise précise pour la classification; Trish Haley, chercheuse en entreprise, qui présente des copies imprimées de pages Web de laboratoires de classification de diamants et de pierres précieuses tiers, dont plusieurs utilisent des sigles à trois lettres; et M. Shalyshkin, gestionnaire au bureau d’EGL Canada à Vancouver, un concurrent, qui précise qu’EGL est très bien connue au Canada et qu’elle partage le marché avec beaucoup d’autres concurrents, dont plusieurs possèdent une marque de commerce ou un nom commercial prenant la forme d’un sigle de trois lettres.

La jurisprudence pertinente concernant le risque de confusion

[101]       La jurisprudence a démontré que c’est à la partie qui demande l’enregistrement d’une marque de commerce (en l’occurrence l’intimée) de prouver, suivant la prépondérance de la preuve, qu’aucune confusion n’est susceptible de survenir (arrêt Mattel, précité, au paragraphe 54). C’est aussi le cas dans le cadre d’un examen de novo lorsque de nouveaux éléments de preuve sont acceptés.

[102]        Dans la décision Chamberlaine Group, précitée, au paragraphe 38, le juge Hughes a indiqué que la question consiste à déterminer si la confusion est « probable ».

[103]       Dans la décision GSW, la Cour établit deux principes. La COMC se fiait au principe concernant les sigles, citant GSW au paragraphe 31 :

31 En bref, lorsqu’un commerçant s’approprie des lettres de l’alphabet comme dessin-marque sans autre signe distinctif et tente d’empêcher d’autres commerçants de faire de même, la protection à donner à ce commerçant doit être plus réduite que dans le cas d’une marque de commerce unique et des différences relativement minimes suffisent à éviter la confusion. On s’attend normalement, dans ces circonstances, à ce que le public manifeste beaucoup plus de discernement. (Voir les observations de Lord Simon au sujet des noms commerciaux dans l’affaire Office Cleaning Services Ltd. c. Westminster Office Cleaning Assn. (1944), 61 R.P.C. 133 (C.A. de l’Angleterre) à la p. 135.)

[104]       Toutefois, au paragraphe 51 de la décision GSW, la Cour a ajouté qu’une marque faible peut acquérir un caractère distinctif grâce à son utilisation :

51 En se prononçant de la sorte, le registraire appliquait le principe que j’ai rappelé plus haut et selon lequel puisque des initiales n’ont pas un caractère distinctif inhérent, elles constituent une marque "faible" et, de ce fait, on peut accepter qu’une marque se distingue d’une autre par des différences minimes. Toutefois une marque "faible" peut acquérir un caractère distinctif par un usage intense et prolongé […]

[105]       Comme le soulignait le juge Mainville au paragraphe 48 de la décision Advance, après avoir cité le critère dans l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 RCS 824, au paragraphe 20 : « La question principale est celle de savoir si « les consommateurs occasionnels ordinaires plutôt pressés sont susceptibles de se méprendre sur l’origine des marchandises ou des services » (arrêt Mattel, précité, au paragraphe 58) ».

[106]       Dans l’arrêt Mattel, aux paragraphes 56 à 58, le juge Binnie donne des détails concernant la notion de consommateur ordinaire mythique en précisant que cette personne n’est pas un acheteur prudent et diligent, ni un « crétin pressé », mais plutôt un consommateur se situant quelque part entre les deux, qui n’est pas complètement dénué d’intelligence ou de mémoire. Le juge Binnie affirme aussi qu’un consommateur ne prend pas chacune de ses décisions d’achat avec la même attention et laisse entendre qu’il prend naturellement plus de précautions lors d’achats plus importants et coûteux, même si dans tous les cas, le critère demeure le même. Il indique ce qui suit au paragraphe 58 :

Pour ces consommateurs mythiques, l’existence des marques de commerce ou des noms commerciaux accélère et facilite les décisions d’achat. Le droit reconnaît que, lorsque la nouvelle marque de commerce accroche leur regard, ils n’ont qu’un souvenir général et assez vague de la marque antérieure, aussi célèbre soit‑elle ou, ainsi qu’il est dit dans Coca‑Cola Co. of Canada Ltd. c. Pepsi‑Cola Co. of Canada Ltd., [1942] 2 D.L.R. 657 (C.P.), ils s’en souviennent comme le ferait [traduction] « une personne dont la mémoire n’est ni bonne ni mauvaise, avec ses imperfections habituelles » (p. 661). La norme applicable n’est pas celle des personnes [TRADUCTION] « qui ne remarquent jamais rien », mais celle des personnes qui ne prêtent rien de plus qu’une [traduction] « attention ordinaire à ce qui leur saute aux yeux » : Coombe c. Mendit Ld. (1913), 30 R.P.C. 709 (Ch. D.), p. 717. Or, si ces consommateurs occasionnels ordinaires plutôt pressés sont susceptibles de se méprendre sur l’origine des marchandises ou des services, le critère prévu par la loi est rempli.

[107]       Dans l’arrêt Masterpiece, le juge Rothstein traite du critère de la confusion dans le contexte de la radiation d’une marque de commerce. Du point de vue du consommateur mythique, la Cour suprême précise que le critère doit être appliqué dans toutes les situations, mais qu’il est assez flexible pour être adapté au contexte et que le point de vue demeure principalement le même, peu importe les produits, les services ou les marchandises achetées. Au paragraphe 69, le juge Rothstein soutient que le critère est fondé sur la façon dont le consommateur approche l’achat et la marque de commerce, non sur la recherche qu’il peut faire après avoir complété son achat. En outre, bien que le consommateur de produits onéreux puisse être plus attentif, c’est tout de même sa première impression et son vague souvenir de la marque de commerce qui sont importants (au paragraphe 70).

[108]       Au paragraphe 72, le juge Rothstein indique ce qui suit :

[72] Cette distinction est importante car, malgré ce degré d’attention accru, il peut tout de même subsister la probabilité que des marques de commerce créent de la confusion chez le consommateur à la recherche de biens et de services onéreux. Cela dit, une telle confusion peut se dissiper après mûre réflexion au terme de recherches approfondies. Toutefois, cela ne veut pas dire que le consommateur de biens onéreux ne peut bénéficier de la protection du régime des marques de commerce parce qu’il fait preuve de prudence et de méfiance. Ce qui compte, c’est la confusion qui naît dans son esprit lorsqu’il voit les marques de commerce. Il ne faut pas déduire de la dissipation ultérieure de la confusion au terme de recherches approfondies qu’elle n’a jamais existé ou qu’elle cessera de subsister dans l’esprit du consommateur qui n’a pas fait de telles recherches.

[109]       Et plus loin, au paragraphe 73, il ajoute ceci : « Les consommateurs de marchandises ou de services onéreux et les propriétaires des marques de commerce qui y sont associées ont autant droit de bénéficier du régime des marques de commerce, notamment en matière de protection, que ceux qui achètent ou vendent des marchandises ou des services peu coûteux. »

Application du critère prévu par la loi; l’intimée n’a pas prouvé qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la marque GHI et la marque de l’appelante GIA

[110]       J’ai examiné attentivement toutes les preuves, y compris les transcriptions des contre‑interrogatoires des souscripteurs d’affidavits, et j’ai pris en compte les facteurs établis au paragraphe 6(5) à la lumière des nouveaux éléments probants.

[111]       En ce qui concerne le caractère distinctif inhérent à la marque de commerce GIA et la mesure dans laquelle elle est devenue connue, les éléments de preuve démontrent, dans l’ensemble, que la marque GIA a acquis un caractère distinctif élevé en raison de son utilisation et parce qu’elle a une solide réputation. Il n’y a aucune preuve de l’utilisation ou de la réputation de la marque de l’intimée, GHI, au Canada sauf quelques résultats obtenus dans le cadre de la recherche de M. Frank.

[112]       Relativement à la durée d’utilisation, les preuves démontrent que la marque GIA est utilisée depuis beaucoup plus longtemps que 2003, contrairement à ce qu’a conclu la Commission. La COMC a reconnu que GIA a été fondée en 1931, mais a noté que les preuves d’utilisation de la marque fournies étaient plus récentes. Les nouveaux éléments probants démontrent toutefois que la marque GIA est utilisée au Canada depuis plusieurs décennies.

[113]       Par exemple, une réédition d’un article spécialisé joint à l’affidavit de Mme Cino comprend un extrait d’une publication de 1955 mentionnant l’utilisation de GIA au Canada dans le domaine du commerce de détail de bijoux depuis de nombreuses années. De plus, son affidavit confirme que des services d’enseignement sont offerts par GIA au Canada depuis au moins 1969 et que GIA fait de la publicité au Canada depuis les années 1970. En outre, la première déclaration d’utilisation de la marque GIA & Design au Canada était en 1949.

[114]       En ce qui concerne la réputation de la marque GIA de façon plus générale, les connaissances personnelles de Mme Reagh, d’après ses 39 années d’expérience, et sa solide déclaration quant à la réputation de GIA au Canada chez les détaillants, appuient la conclusion à savoir que GIA est une marque bien connue et qu’elle a une solide réputation, particulièrement au sein de l’industrie, qui dure depuis de nombreuses années. Comme elle le mentionnait dans son contre-interrogatoire, tout le monde dans le domaine connaît très bien GIA, ses services et sa bonne réputation.

[115]       L’affidavit de M. Hawthorne, malgré les critiques de l’intimée, confirme la réputation de GIA de son point de vue de chercheur.

[116]       Pour ce qui est de la nature des marchandises, des services, des affaires et des échanges des parties, il n’y a aucun litige à savoir s’ils sont semblables ou s’ils se chevauchent directement.

[117]       Relativement au degré de ressemblance, je trouve que les deux marques sont très semblables; les deux sont des sigles de trois lettres, ayant en commun deux lettres identiques et commençant par la lettre « G ». Même si le « G » sert à déterminer la marchandise (gemological/gemmologique), il n’est pas nécessaire que ce soit le premier mot du nom ou la première lettre si une entreprise semblable cherche à acquérir un caractère distinctif. Les deux marques contiennent un « I ». Même si « A » et « H » ne sont pas des lettres similaires à l’écrit, elles peuvent sonner pareilles. En outre, comme la marque GIA, autrement faible, a acquis un caractère distinctif grâce à son utilisation et sa réputation, elle mérite d’être protégée et les petites différences avec les marques des autres ne suffiront plus à éviter la confusion.

[118]       Bien que l’appelante ait ciblé trois nouvelles circonstances de l’espèce, les plus pertinentes concernent le marché de consommation. Comme susmentionné, les nouveaux éléments de preuve démontrent que les particuliers qui achètent des diamants forment un marché pertinent et important à prendre en considération. Ce groupe est un marché cible pour les certificats de classification de GIA, même s’il n’est peut-être pas un marché clé, et le mandat de l’appelante comprend l’éducation de la population (p. ex. au sujet des quatre critères d’évaluation de la qualité du diamant) et l’obtention de la confiance de la population (p. ex. en fournissant des certificats de classification pour les transmettre aux consommateurs). Comme indiqué plus haut, le consommateur final ne peut être écarté comme faisant partie intégrante du marché. Les grossistes et les détaillants font des affaires pour vendre à un consommateur final – la personne qui portera le bijou.

[119]       Les membres de ce groupe de consommateurs sont plus susceptibles de se méprendre en raison de leur première impression fondée sur des souvenirs imparfaits lorsqu’ils rencontrent la marque de l’intimée : même si le consommateur peut avoir entendu parler de GIA, ou vu cette marque, il ne la distinguerait pas automatiquement des autres marques de commerce, en particulier des autres sigles à trois lettres.

[120]       Aussi, le point de vue du consommateur demeure essentiellement le même, dans ce contexte. L’acheteur peut être plus attentif lorsqu’il fait un achat peu fréquent et dispendieux.

[121]       Il est possible que le consommateur fasse un peu de navigation en ligne avant de se rendre dans une bijouterie ou une recherche préliminaire en magasin avant de restreindre ses choix. Le consommateur peut aussi discuter avec des amis ou d’autres personnes qui ont fait des achats semblables et demander des conseils. Il peut aussi voir de la publicité dans des magazines, des circulaires ou ailleurs. Une certaine exposition à la marque GIA est possible si le consommateur envisage d’acheter un bijou ou les observe simplement. En approchant un détaillant dans l’intention de faire un achat, le consommateur peut rencontrer la marque GHI au lieu de la marque GIA à laquelle il a déjà été exposé. La première impression du consommateur fondée sur des souvenirs imparfaits entraînerait probablement de la confusion et il pourrait croire qu’il s’agit de la même marque.

[122]       Le fait qu’après un examen, une recherche ou une comparaison le consommateur réalise que les marques sont différentes ne change rien à la première impression.

[123]       Comme indiqué précédemment, les petits détaillants nouvellement arrivés dans l’industrie et n’ayant jamais eu de relations avec les produits et les services de GIA et la marque de commerce pourraient aussi être embrouillés.

[124]       Tous les facteurs et les circonstances en l’espèce favorisent l’appelante. Le degré de ressemblance est élevé et, dans le cas d’une première impression, je suis d’avis que les différences entre les deux marques ne suffisent pas pour éviter la confusion.

[125]       Les nouveaux éléments probants de l’intimée et son examen minutieux des nouvelles preuves de l’appelante n’ont pas porté atteinte aux preuves de l’appelante ou à leur appui aux facteurs importants. L’intimée ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait de démontrer que selon la prépondérance des probabilités, il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre les deux marques.

Conclusion

[126]       Même si la marque de commerce GIA n’a pas un caractère fondamentalement distinctif, elle est utilisée depuis un bon moment au Canada, ce qui a amélioré sa réputation au sein de l’industrie et sur le marché de consommation du Canada.

[127]       Les nouveaux éléments de preuve démontrent que la marque de commerce GIA est bien connue et que le marché de consommation visé comprend les grossistes, les détaillants et les consommateurs finaux. Avec ces nouvelles preuves, la COMC aurait approché différemment l’analyse du risque de confusion – plutôt qu’en décidant de comparer deux marques fondamentalement faibles.

[128]       Dans l’examen de novo, ces mêmes éléments de preuve ont été analysés attentivement, tout comme les critiques de l’intimée à cet égard et les propres éléments probants de l’intimée. Tous les facteurs importants du paragraphe 6(5) de la Loi et les circonstances en l’espèce favorisent l’appelante. Je conclus que l’intimée ne s’est pas acquittée de son fardeau consistant à prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la marque de l’intimée, GHI, et la marque de commerce enregistrée GIA.

[129]       Par conséquent, la Cour accueille l’appel, avec dépens, et rejette la demande d’enregistrement de la marque GHI de l’intimée (demande no 1,289,031).


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         Il est fait droit à l’appel;

2.         La demande de l’intimée (demande no 1,289,031) en vertu de la Loi sur les marques de commerce pour la marque de commerce GHI est rejetée;

3.         L’appelante a droit à ses dépens.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2212-12

 

INTITULÉ :

GEMOLOGICAL INSTITUTE OF AMERICA c GEMOLOGY HEADQUARTERS INTERNATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 octobre 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 DÉCEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Daniel M. Anthony

 

POUR L’APPELANTE

 

 

Janet M. Fuhrer

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

 

Ridout & Maybee LLP

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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