Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20141201


Dossier : IMM-1441-14

Référence : 2014 CF 1156

Ottawa (Ontario), le 1 décembre 2014

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

SOUMAYA AKHROUF YAHIA AISSA, MERIEM MARIA AKHROUF, et
MOHAMED DJAOUED AKROUF

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72 (1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, SC 2001, c 27 (LIPR), de la décision rendue le 30 janvier 2014 par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, rejetant la demande d’asile des demandeurs et concluant que ceux-ci n’ont pas la qualité de « réfugiés au sens de la Convention » ni celle de « personnes à protéger », aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR.

[2]               Pour les motifs indiqués ci-dessous, je suis d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

II.                Faits allégués

[3]               La demanderesse d’asile principale, Soumaya Akhrouf Yahia Aissa (la demanderesse), et ses enfants sont de citoyenneté algérienne. La demanderesse a été nommée représentante désignée de ses deux enfants mineurs.

[4]               En février 2002, la demanderesse a divorcé de son premier mari, en Algérie, après que ce dernier eut été condamné pour une infraction criminelle et emprisonné.

[5]               Le 18 décembre 2003, elle a épousé Abdel Moumene Akhrouf (le mari). Leur mariage fut heureux jusqu’à ce que la demanderesse tombe enceinte en 2004. Le mari ne souhaitait pas avoir d’enfants et a tenté de la faire avorter. Cependant, la demanderesse a refusé l’avortement.

[6]               Alors que la demanderesse était enceinte de 6 mois, son mari lui annonça qu’il souhaitait épouser une seconde épouse. Suivant cette annonce, la demanderesse a quitté son domicile conjugal pour aller chez ses parents. Cependant, les parents de la demanderesse l’ont incité à retourner auprès de son mari; un deuxième divorce représentant un trop grand déshonneur pour leur famille. Sous la pression, la demanderesse retourna auprès de son mari.

[7]               Par la suite, le mari épousa sa deuxième épouse et la demanderesse allègue qu’à la suite de son accouchement le mari n’allait la voir que sporadiquement afin de lui donner de l’argent.

[8]               En 2007, la demanderesse tombe de nouveau enceinte et son mari l’aurait incité à se faire avorter. Lorsque la demanderesse refusa l’avortement, le mari l’aurait abandonné pendant plusieurs mois. La demanderesse affirme avoir alors demandé le divorce, ce que le mari aurait refusé.

[9]               La demanderesse soutient que les violences à son endroit ont débuté quelques mois plus tard. La demanderesse allègue que son mari l’a battu, l’a insulté, l’a forcé à porter le hijab et l’empêchait d’aller porter ses enfants à l’école ou chez le docteur. La demanderesse soutient que les abus à son endroit ont augmenté au cours des années.

[10]           Lorsque la demanderesse tomba enceinte pour une troisième fois, son mari et le frère de celui-ci l’auraient forcé à se faire avorter. Pour se faire, les deux hommes lui auraient administré des médicaments par injection.

[11]           Entre 2005 et 2010, le mari a amené la demanderesse en voyage à quatre reprises, soit : au Maroc (2005), en Tunisie (2008), en Espagne (2009) et en Italie (2010). De plus, en mai 2010, le mari suggéra à la demanderesse d’aller visiter le frère de cette dernière à Montréal avec les enfants, affirmant qu’il la rejoindrait par la suite. Cependant, le mari ne rejoignit pas la demanderesse et, pour cette raison, celle-ci crut qu’il souhaitait se débarrasser d’elle. Après avoir passé deux mois au Canada, la demanderesse demanda à son mari de lui payer des billets de retour, ce qu’il ne fit que sous la pression de la famille de la demanderesse.

[12]           La demanderesse soutient qu’à son retour en Algérie, les mauvais traitements subis aux mains de son mari ont augmenté. Celle-ci allègue avoir été séquestrée, traitée de tous les noms et giflée. De plus, son mari lui aurait retiré sa voiture.

[13]           Lors d’une visite de la demanderesse chez ses parents, son mari aurait changé les serrures de sa maison et informé la demanderesse qu’elle serait forcée d’aller vivre dans un cartier dangereux pour les femmes. La demanderesse a refusé ce déménagement et, suite à l’intervention de la sœur de son mari, son mari est revenu sur sa décision. La demanderesse aurait alors demandé le divorce, mais soutient que l’ensemble de son entourage était contre cette idée. Elle allègue avoir consulté un avocat concernant son désir de divorcer, mais celui-ci l’aurait informé qu’elle n’avait pas de motifs pour se divorcer.

[14]           Suite à ces événements, la demanderesse a décidé de quitter son pays pour le Canada.

[15]           La demanderesse est ses deux enfants sont arrivés à Montréal le 10 décembre 2010.

[16]           Le 11 décembre 2010, les parents de la demanderesse l’auraient informé par téléphone que son mari les aurait menacés et les aurait informés qu’il utiliserait ses contacts afin de venir à Montréal pour la ramener en Algérie.

[17]           Le 25 janvier 2011, la demanderesse et ses deux enfants ont revendiqué le statut de réfugiés et de personnes à protéger auprès du bureau de Citoyenneté et Immigration Canada.

[18]           Le 29 avril 2011, la demanderesse a intenté une demande en séparation de corps ainsi qu’une demande de garde de ses deux enfants mineurs devant la Cour supérieure du Québec. De son côté, le mari de la demanderesse a intenté une requête en exception déclinatoire afin de contester la compétence de la Cour supérieure du Québec. Le 21 novembre 2011, la Cour supérieure du Québec a rendu un jugement déclarant qu’elle avait compétence pour statuer sur le fond de la requête. Le 14 mai 2013, sous la plume de la juge Bich, la Cour d’appel du Québec infirma à l’unanimité cette décision de la Cour supérieure du Québec (Droit de la famille – 131294, 2013 QCCA 883).

[19]           Le 30 mai 2011, un jugement par défaut ordonnant à la demanderesse de retourner au domicile du mariage a été rendu par le Tribunal de la famille algérien.

[20]           Le 26 mai 2011, un tribunal pénal algérien a rendu une décision condamnant la demanderesse à une peine d’emprisonnement de deux mois et à une amende de 50,000 dinars. Celle-ci a été condamnée pour délit d’abandon du domicile conjugal.

[21]           Le 20 janvier 2013, le Tribunal algérien Al-Harrach rendit une autre décision condamnant la demanderesse à une peine d’emprisonnement d’un an et à une amende de 600,000 dinars.

[22]           La demanderesse demande le statut de réfugié pour éviter les représailles et les mauvais traitements à son endroit de la part de son mari et des frères de celui-ci. Elle affirme vouloir fuir une mentalité extrémiste basée sur le port du hijab, le respect de la charia et la soumission de la femme à l’autorité de son mari et de sa famille.

III.             Décision

[23]           Le cœur de la décision de la SPR repose sur l’absence de crédibilité de la demanderesse et sur l’absence de possibilités raisonnables ou sérieuses que la demanderesse et ses enfants soient persécutés à leur retour en Algérie.

[24]           Afin d’évaluer la crédibilité de la demanderesse, la SPR a considéré les décisions rendues devant par la Cour supérieure du Québec et la Cour d’appel du Québec de même que les dossiers y étant associés.

[25]           La SPR tire des conclusions négatives relativement à la crédibilité de la demanderesse en raison (i) de contradictions entre son témoignage et son Formulaire de renseignements personnels (FRP); (ii) des incohérences entre certains faits expliqués par la demanderesse durant son témoignage; (iii) des incohérences entre le témoignage de la demanderesse et le rapport de son témoin expert; (iv) des incohérences entre les pièces soumises par la demanderesse et son témoignage; et (v) du fait que le jugement de la Cour d’appel du Québec contredit le témoignage de la demanderesse. Essentiellement, la SPR doute du témoignage la demanderesse quant à la relation conflictuelle entre son mari et celle-ci. La SPR a conclu que la demanderesse n’était pas victime de mauvais traitements aux mains de son mari, tel que celle-ci l’allègue. L’ensemble des inférences négatives soulevées par la SPR a été considéré dans le présent jugement et est résumé à l’Annexe « A ».

[26]           La SPR a également analysé le risque de persécution qui attendrait la demanderesse à son retour en Algérie.

[27]           Suite à l’analyse du profil du témoin expert, la SPR constate que celle-ci est une experte du droit législatif algérien relativement aux familles. Cependant, la SPR note qu’elle n’est pas une experte des questions relatives à la torture.

[28]           La SPR a considéré l’analyse du témoin expert, mais conclut que bien que la demanderesse subira les fouges de la justice à son retour en Algérie, rien n’indique que celle-ci sera victime de persécution, de discrimination ou d’atteinte à ses droits fondamentaux. Selon la SPR, la sanction qui consiste à purger une peine d’emprisonnement ne constitue pas une menace à la vie ou un risque de traitement ou de peines cruelles et inusitées au sens de l’article 97 da la LIPR. Au soutien de sa réflexion, la SPR mentionne que l’article 283 du Code criminel, LRC (1985), ch C-46 prévoit qu’enlever des enfants à leur père est passible d’une peine maximale de 10 ans de prison.

[29]           Qui plus est, la SPR rejette la compréhension et l’application que fait le témoin expert de la demanderesse de la notion de torture. Premièrement, la SPR considère que la crédibilité chancelante de la demanderesse ne permet pas de croire qu’elle fut victime d’acte de violence. Deuxièmement, contrairement aux soumissions du témoin expert, la SPR est d’avis que la demanderesse ne serait pas torturée et détenue à son arrivée à l’aéroport. Finalement, la SPR considère que l’incarcération de la demanderesse dans l’aile des femmes d’une prison d’homme, conformément aux conditions de détention qui prévalent en Algérie, ne constituerait pas de la torture ou de la persécution. La SPR reconnaît néanmoins que de telles conditions de détention ne sont pas conformes aux normes internationales. La SPR note que selon la preuve documentaire fournie, les conditions de détention des femmes algériennes sont meilleures que celles des hommes.

[30]           Par ailleurs, la SPR note qu’il est possible que la peine d’emprisonnement soit commuée ou réduite puisque l’affidavit soumis par le mari à l’appui de sa requête en exception déclinatoire indique qu’il abandonnera les procédures intentées en Algérie si la demanderesse revient au domicile conjugal. De plus, selon la SPR la volonté du gouvernement algérien de substituer les peines imposées aux délinquants et le fait que l’époux de la demanderesse d’asile appuierait une rétractation de jugement pourraient faire en sorte que la demanderesse ne serait pas forcée à purger sa peine.

[31]           Finalement, la SPR considère que les procédures intentées par le mari pour retrouver ses enfants indiquent qu’il est attaché à ces derniers et que ses enfants ne seront pas maltraités à leur retour en Algérie.

IV.             Questions en litige

[32]           Il y a trois questions en litige :

  1. La SPR a-t-elle erré dans son évaluation de la crédibilité de la demanderesse?
  2. La SPR a-t-elle erré dans son évaluation des risques de persécution et de traitements ou de peines cruelles et inusitées?
  3. La SPR a-t-elle erré dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants?

V.                Observations des parties

A.                Observations des demandeurs

(1)               Les conclusions relatives à la crédibilité

[33]           La demanderesse soumet que la SPR a erré dans l’évaluation de sa crédibilité pour les raisons suivantes :

  1. Les conclusions de la SPR voulant que la demanderesse ait implicitement accepté le second mariage de son mari sous la pression de ses parents ne changent rien au fait qu’il s’agissait d’une situation forcée pour celle-ci.
  2. La SPR a déraisonnablement conclu qu’il est invraisemblable qu’un deuxième divorce soit une source de déshonneur pour les parents de la demanderesse, car elle se devait d’apprécier les normes culturelles avec une extrême prudence (Giron v Canada (Ministre de l’Emploi et de l’immigration), [1992] ACF no 481 (CAF) (QL)).
  3. La SPR omet de se fonder sur des invraisemblances réelles et non illusoires (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’immigration), [1993] ACF no 732 (CAF) (QL) [Aguebor]) en concluant que l’explication du divorce religieux ne suffit pas à rendre vraisemblable le fait que la demanderesse a demandé le divorce à son mari en 2007.
  4. L’explication de la demanderesse visant à justifier qu’elle a continué à avoir des relations intimes avec son mari est raisonnable et n’aurait pas dû être écartée sur la base des conjonctures tirées par la Cour d’appel du Québec.
  5. La SPR n’a pas considéré l’ensemble des explications de la demanderesse en concluant que celle-ci n’a pas subi de mauvais traitements à la suite de son refus de se faire avorter en 2007, tel que le fait qu’elle a été forcée porter une casquette sur sa tête plutôt qu’un hijab lors de ses voyages.
  6. La SPR a déraisonnablement tiré des inférences négatives du retour de la demanderesse en Algérie en septembre 2010.

[34]           De plus, la demanderesse soumet que les inférences négatives à l’encontre de la crédibilité de la demanderesse n’étaient pas fondées sur toute la preuve dont la SPR disposait. La SPR aurait ignoré la bigamie du mari, les possibles manipulations du registre de l’État soulevé par le témoin expert et visant à permettre le second mariage du mari, les menaces des frères du mari et la violence domestique.

[35]           La demanderesse argumente que la SPR a erré dans son application des Directives no 4 du président - Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécuté en raison de leur sexe (Directives no 4). Suivant ces directives, la SPR devait considérer l’impact de la violence conjugale sur le comportement de la demanderesse. Bien qu’il faut faire preuve de déférence devant les conclusions relatives à la crédibilité, l’absence de prise en compte des Directives no 4 constitue une erreur manifeste (Njeri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 291 [Njeri]).

[36]           La demanderesse soutient également que la SPR a accordé une trop grande importance aux conclusions de la Cour d’appel du Québec et au dossier de la Cour supérieure du Québec.

(2)               La persécution et les risques de traitement ou de peine cruelles et inusitées

[37]           Premièrement, la demanderesse rappelle que le témoin expert a conclu qu’un retour en Algérie la priverait de ses enfants, de ses droits civils, civiques et de sa famille.

[38]           La demanderesse soumet également que la SPR a erré en concluant sommairement à la culpabilité de la demanderesse sans que celle-ci n’ait jamais été accusée et que le risque d’emprisonnement est occasionné par des sanctions légitimes.

[39]           Par ailleurs, la demanderesse critique la logique de la SPR voulant que la demanderesse ne soit pas victime d’une peine cruelle puisque l’enlèvement d’un enfant par un parent dans l’intention de priver de la possession de celui-ci l’autre parent qui a la garde ou la charge légale de l’enfant est passible d’une peine de 10 ans de prison au Canada. La demanderesse souligne qu’elle n’a pas été condamnée pour « enlèvement d’enfant », mais pour « abandon de famille » et « négligence familiale ». De plus, la demanderesse argumente que la SPR a omis d’analyser les peines imposées en Algérie à la lumière du droit international et s’est contentée d’analyser la conformité des normes de détention avec le droit international.

[40]           La demanderesse argumente que la SPR n’aurait pas dû considérer le témoignage de son mari afin de déterminer les raisons qui ont poussé la demanderesse à retourner en Algérie en 2010, car l’explication de ce dernier n’est pas plus raisonnable que celui de la demanderesse. Qui plus est, la demanderesse souligne que son mari n’a pas été entendu par le tribunal et n’a donc pas été contre-interrogé par la demanderesse et son procureur.

(3)               Les motifs à l’égard des revendications des enfants

[41]           La demanderesse argumente que le tribunal aurait dû considérer la preuve non contredite à l’effet que le mari est un père absent qui ne s’occupait pas de ses enfants.

[42]           De plus, la demanderesse soumet que la SPR a erré en concluant que les procédures intentées par le mari en Algérie indiquent que ses enfants lui sont précieux.

[43]           La demanderesse soutient également que le tribunal se devait de suivre l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, en mettant un plus grand accent sur le meilleur intérêt de l’enfant, en conformité avec les conventions internationales signées par le Canada. Qui plus est, la demanderesse soumet que suivant les Directives numéro 3 du président : Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié (Directives no 3), la SPR doit considérer les facteurs objectifs quand un enfant est trop jeune pour témoigner. Or, la demanderesse soutient que la SPR a contrevenu à ces normes en ignorant le fait que les enfants seront privés de leur mère à leur retour en Algérie.

B.                 Observations du défendeur

[44]           Le défendeur débute par l’analyse du comportement de la demanderesse relativement à son premier divorce en Algérie. Le défendeur souligne que bien que la demanderesse a affirmé que son premier époux a demandé le divorce, le témoin expert produit par la demanderesse soutient que le premier mari de la demanderesse n’aurait pas pu exercer ses droits civils alors qu’il était détenu. Il était donc légitime pour la SPR de conclure que la demanderesse a elle-même demandé le divorce et qu’elle ne craignait pas d’être stigmatisée au sein de la société algérienne.

[45]           Le défendeur souligne les contradictions factuelles dans les soumissions de la demanderesse quant à ses demandes de divorce. Dans son affidavit et dans son FRP, la demanderesse indique avoir demandé le divorce à son mari en 2007 bien qu’elle eût témoigné avoir demandé le divorce en 2010. Le défendeur rappelle que la demanderesse affirma avoir demandé un divorce religieux en 2007, mais avoir abandonné l’idée après le refus de son mari. Le défendeur soutient que cette explication de la demanderesse est en contradiction avec l’opinion de son témoin expert précisant que ce n’est pas l’époux qui détermine si un divorce doit être prononcé, mais le juge.

[46]           Le défendeur argumente également que la demanderesse a fait preuve d’incohérence en affirmant, devant la Cour d’appel, avoir appris le deuxième mariage de son mari trois mois après sa célébration alors qu’elle affirmait dans son FRP que son époux lui avait fait cette annonce avant le mariage.

[47]           Le défendeur soutient qu’il y a contradiction entre le fait que le mari de la demanderesse aurait insisté pour qu’elle subisse un avortement en 2004, en 2007 et en 2009 et le fait que cette dernière a continué d’avoir des relations intimes avec ce dernier afin d’avoir des enfants.

[48]           Le défendeur soutient qu’il y a contradiction entre le fait que la demanderesse allègue être victime de mauvais traitement et le fait qu’elle ait voyagé avec son époux au Maroc en 2005, en Tunisie en 2008, en Espagne en 2009 et en Italie en 2010, et sans son époux au Canada en 2010. Voyages au cours desquels, souligne le défendeur, la demanderesse ne portait pas le
hijab.

[49]           Qui plus est, le défendeur souligne que la demanderesse possédait une carte de crédit et une voiture jusqu’à l’été 2010, ce qui indique que le mari n’a pas exercé de contrôle excessif sur la demanderesse.

[50]           Le défendeur soutient que la SPR a raisonnablement conclu que le retour de la demanderesse en Algérie en 2010 était contradictoire avec sa version des faits.

[51]           Le défendeur argumente que la demanderesse s’est contentée de mentionner les Directives no 4 sans indiquer en quoi la SPR a erré. Le défendeur soutient que les Directives no 4 ne sont pas de nature à redonner à la demanderesse sa crédibilité (Gyorgyjakab c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 1119, au para 13).

[52]           Le défendeur soutient que les sanctions imposées à la demanderesse par les tribunaux algériens ne peuvent être considérées comme de la persécution ou un risque permettant de conférer l’asile, les sanctions étant prévues par une loi d’application générale (Zolfagharkhani c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 3 RCF 540 (CAF) [Zolfagarkhani]). Qui plus est, le défendeur soutient que la SPR a adéquatement considéré l’ensemble des risques associés au retour de la demanderesse en Algérie.

[53]           De plus, le défendeur argumente que le témoin expert ne pouvait associer la violence conjugale à la torture dans la mesure où les allégations de violence conjugale ne furent pas jugées crédibles par la SPR.

[54]           Relativement aux conditions de détention en Algérie, le défendeur reprend l’argument de la SPR selon lequel les conditions de détention des femmes sont meilleures que celles des hommes.

[55]           Finalement, le défendeur mentionne que rien n’indique que les enfants seraient victimes de mauvais traitement à leur retour en Algérie puisque le mari démontre un intérêt pour ceux-ci par le biais des nombreuses procédures judiciaires prises afin de les revoir. De plus, le défendeur soutient que considérer « l’intérêt supérieur de l’enfant » tel que le soumet la demanderesse est contraire à l’économie générale de la LIPR, car la présente demande n’est pas une demande pour motifs humanitaires.

VI.             Analyse

A.                La norme de contrôle

[56]           La norme de la décision raisonnable s’applique à l’appréciation de la crédibilité (Baksh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1500, au para 16). Lorsque les Directives no 3 et Directives no 4 sont utilisées afin d’évaluer la crédibilité d’un demandeur d’asile, la norme de la décision raisonnable s’applique à la prise en compte de ces directives (Hernandez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 106, au para 13 ; Correa Juarez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 890, au para 12 [Juarez]; Manege v Canada (Citizenship and Immigration), 2014 FC 374, aux paras 12-14 [Manege]).

[57]           En l’espèce, la norme de la décision raisonnable s’applique également aux conclusions de la SPR concernant les risques de traitements ou de peines cruels, car il s’agit d’une question mixte de faits et de droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au para 53 [Dunsmuir]).

[58]           Tel que le mentionne la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir, au para 47 :

Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

B.                 L’analyse de la crédibilité

[59]           Le rôle de notre Cour est limité relativement à la révision des conclusions de la SPR relativement à la crédibilité d’un demandeur d’asile puisque celle-ci est en meilleure position pour interpréter les réponses, le comportement et les agissements du demandeur durant son audience (Aguebor, au para 4; Rahal, au para 42).

[60]           Notre Cour doit faire preuve d’une grande retenue lorsque vient le temps d’évaluer la crédibilité d’un demandeur d’asile (Njeri, au para 11). En raison des allégations de la demanderesse, cette Cour doit également considérer si la SPR a adéquatement considéré les Directives no 4. Dans la mesure où une demanderesse dépose une demande d’asile sur la base d’un motif de persécution fondée sur le sexe, la SPR se doit d’être particulièrement sensible aux difficultés que peut éprouver celle-ci lors de son témoignage, bien que les Directives no 4 ne soient pas « conçues pour corriger les lacunes que comporte la demande ou la preuve » (Karanja c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 574, au para 5). Ces directives s’appliquent notamment aux femmes qui craignent d’être persécutées pour avoir violé certaines coutumes, lois et pratiques religieuses discriminatoires à l’endroit des femmes dans leur pays d’origine.

[61]           Bien que la mention des Directives no 4 dans une décision n’est pas obligatoire et que ces directives n’ont pas force de loi, il doit transparaitre de sa décision qu’elles furent considérées (Manege, au para 26). Cependant, l’omission de considérer ou même d’appliquer les Directives no 4 n’est pas en soit fatale lorsque vient le temps de déterminer si la décision était raisonnable (Manege, au para 27; Henry c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1084, au para 50). Selon le juge Pelletier dans Newton c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2000] ACF no 738 (QL), au para 17, il faut se demander si « le tribunal était sensible aux facteurs susceptibles d’influencer le témoignage des femmes victimes de persécution » afin de déterminer si le manquement de considérer les Directives no 4 est fatal.

[62]           Finalement, l’analyse de la juge Kane dans Manege, au para 33, est susceptible d’apporter un éclairage à la portée qui doit être attribuée à la prise en compte des Directives no 4 :

In the present case, unlike Diallo, the Board did not state that it did not have to consider the Guidelines. However, as noted, I have no indication whether or not the Board did consider the Guidelines. I have a similar concern about the circular nature of the argument that the application of the Guidelines can not cure a credibility finding. In my view, if the credibility finding is made without regard to the Guidelines, or to the relevant context or circumstances, then the finding may not be reasonable. It is not a matter of curing the finding, but of examining whether the finding is reasonably made and if the appropriate youth or the gender-based considerations had been taken into account.

[Soulignements ajoutés]

[63]           En l’espèce, la demanderesse affirme être dans une position vulnérable vis-à-vis son mari et soutient vivre dans un milieu au sein duquel sa liberté est brime. Elle affirme avoir été séquestrée, violentée et insultée. Elle affirme avoir été forcée à porter le hijab contre sa volonté et, bien que le défendeur soutienne qu’elle ne portait pas le hijab lors de ses voyages, les preuves photographiques révèlent qu’elle portait une casquette et qu’elle se couvrait donc la tête en voyage.

[64]           Bien que l’adhérence forcée aux règles religieuses islamiques peut être une forme de « persécution » au sens de l’article 96 de la LIPR ou de « traitements cruels » au sens de l’article 97 de la LIPR (Ghulam Redha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 373, au para 16), les nombreuses incohérences dans le témoignage de la demanderesse indiquent que cela n’est pas le cas en l’espèce. De plus, la décision révèle que la SPR a traité avec considération et sensibilité les soumissions de la demanderesse. De surcroit, la mention explicite des Directives no 4 par la SPR n’est pas obligatoire, mais préférable et le grand nombre d’incohérences et de lacunes dans la preuve qui entachent le dossier de la demanderesse ne peut pas être corrigé par la prise en compte des Directives no 4.

[65]           Je note que la SPR tire des inférences négatives du fait que la demanderesse fournit une version contradictoire en alléguant dans son FRP et dans son affidavit avoir demandé le divorce en 2007 pour ensuite affirmer, lors de son interrogatoire, qu’elle avait demandé le divorce en 2010. Durant son témoignage la demanderesse a plutôt soutenu avoir demandé le divorce à son mari à plusieurs reprises, mais affirme que c’est en 2010, à son retour du Canada, qu’elle a affirmé de façon plus ferme sa volonté de se divorcer. D’une part, les incohérences dans la version des faits d’un demandeur d’asile peuvent permettre à la SPR de tirer des inférences négatives quant à sa crédibilité (Su c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 518, au para 8). D’autre part, la SPR interroge les demandeurs d’asile et est dans une position privilégiée pour leurs témoignages. Je suis d’avis qu’il ne m’appartient pas de substituer mon jugement au sien qui, somme toute, s’avère raisonnable.

[66]           Par ailleurs, pourquoi la demanderesse est-elle retournée auprès de son mari en 2010 alors qu’elle se trouvait au Canada si, comme elle l’allègue, son mari était violent au point de l’inciter à le fuir? Il s’agit là certainement d’un comportement qu’on ne peut logiquement expliquer. Considérant que le retour d’un demandeur d’asile dans le pays qu’il craint permet à la SPR de tirer des inférences négatives quant à la peur subjective du demandeur (Bromberg c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2002] ACF no 1217 (QL), aux paras 23-24), je suis d’avis que la SPR a raisonnablement tiré des inférences négatives de cette partie du témoignage de la demanderesse. Encore une fois, je ne crois pas que la prise en compte des directives peut pallier aux lacunes relatives aux allégations de la demanderesse sur ce point.

[67]           La demanderesse affirme également être retournée en Algérie en 2010 pour que ses enfants puissent débuter leurs classes (procès-verbal d’audience, page 19). Or, la demanderesse soutient également que ses enfants seraient maltraités en cas de retour en Algérie. Ces deux versions me semblent difficilement conciliables. De plus, la demanderesse n’a soumis aucune preuve convaincante de traitements cruels à l’égard des enfants.

[68]           La SPR conclut qu’il est contradictoire que la demanderesse affirme à la fois avoir été forcée à se faire avorter et avoir eu, par la suite, des relations intimes avec son mari dans le but d’avoir des enfants. Si, comme l’affirme la demanderesse, l’emprise qu’avait son mari sur elle était telle qu’il avait le pouvoir de la forcer à se faire avorter, pourquoi espérait-elle avoir des enfants avec ce dernier? Lors de son interrogatoire, la demanderesse indique que puisqu’elle ne pouvait se divorcer une deuxième fois elle était contrainte d’avoir des enfants avec un homme qui la violentait. Il en résulte donc que la demanderesse souhaitait avoir des enfants avec un homme qu’elle ne pouvait pas fuir pour ensuite fuir cet homme afin de protéger les enfants qu’il ne souhaitait pas avoir.

[69]           De plus, il me semble incohérent que le mari qui, selon la demanderesse, ne souhaitait pas avoir d’enfants ait eu deux enfants avec sa seconde épouse.

[70]           Prises isolément, ces lacunes dans le témoignage de la demanderesse pourraient, possiblement, être expliquées à la lumière des Directives no 4. Cependant, en considérant l’ensemble du dossier, je suis d’avis que la décision de la SPR est raisonnable et peut se justifier au regard des faits et du droit.

[71]           Finalement, il me semble que l’un des aspects les plus chancelants du témoignage de la demanderesse concerne le contrôle qu’exerçait son mari sur elle. D’une part, la demanderesse décrit son mari comme un homme absent, qui ne se présente chez elle que deux weekends par mois, qui souhaite se débarrasser d’elle en l’envoyant au Canada et qui ne s’occupe pas de ses enfants. D’autre part, la demanderesse affirme que son mari exerce un contrôle excessif sur elle, qu’elle ne pouvait pas écouter de la musique, qu’elle ne pouvait sortir, qu’elle devait porter le hijab, qu’elle ne pouvait aller porter ses enfants à l’école ou chez le médecin. Même en tentant de concilier ces différentes versions, je suis d’avis que la décision de la SPR est raisonnable.

[72]           Somme toute, il semble que la relation entre la demanderesse et son mari est extrêmement conflictuelle. Or, il n’en demeure pas moins que celle-ci n’est pas parvenue à démontrer que les conditions de vie que son mari lui impose justifient une demande d’asile sous les articles 96 ou 97 de la LIPR. La demanderesse a eu la possibilité de fournir des rapports psychologiques décrivant son état afin d’étoffer son dossier, mais elle ne l’a pas fait. Elle a eu la possibilité de fournir des lettres de ses proches corroborant sa version, mais elle ne l’a pas fait. De fait, la demanderesse a fourni un témoignage contradictoire qui ne permet pas d’établir que celle-ci était effectivement victime de violence ou mauvais traitement.

[73]           La demanderesse soutient par ailleurs que la SPR n’aurait pas dû baser ses conclusions sur la décision de la Cour d’appel, car le débat devant la Cour supérieure ne portait pas sur le fond du litige. Dans Kovacs c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 1473, au para 10, Madame la juge Snider mentionne ce qui suit :

Je dirais pareillement, en l'espèce, que la décision de la CSJO ne lie pas la Commission, mais qu'elle constitue néanmoins une preuve utile et importante pouvant donner une meilleure idée de la situation des demandeurs. La Commission a le droit de prendre les conclusions de la CSJO en considération et, de fait, elle devrait le faire lorsque ces conclusions se rapportent directement aux faits qui lui sont présentés. Toutefois, la Commission doit effectuer sa propre analyse et tirer ses propres conclusions; elle ne peut être liée par les décisions de la CSJO, en particulier lorsque les questions diffèrent.

[Soulignements ajoutés]

En l’espèce, je suis d’avis que la SPR a fait sa propre analyse et a considéré l’ensemble de la preuve du dossier, dont la décision de la Cour d’appel. D’une part, le procès-verbal d’audience révèle que la SPR a confronté les conclusions de la Cour d’appel en considérant la version de la défenderesse. D’autre part, les jugements des cours provinciales constituent des preuves utiles et importantes que la SPR se devait de considérer : Pacificador c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2003 CF 1462, au para 83.

C.                 La persécution et les risques de traitements ou de peines cruels et inusités

[74]           Dans un premier temps, j’accepte, comme le soulève les demandeurs que l’analyse de la SPR basée sur l’article 283 du Code criminel est douteuse. La demanderesse n’est pas accusée d’enlèvement d’enfant en Algérie et il en résulte donc que la SPR n’aurait pas dû comparer la peine de dix ans prévue à l’article à l’article 283 du Code criminel à la peine à laquelle la demanderesse a été condamnée pour abandon de domicile conjugal et négligence familiale. Or, cela n’indique pas pour autant que la peine imposée à la demanderesse est cruelle et inusitée.

[75]           Selon le témoignage du témoin expert présenté devant la SPR, la demanderesse subira à son retour en Algérie :

  1. Une arrestation à l’aéroport.
  2. La perte de la garde des enfants à son arrivée et une difficulté à réobtenir la garde des enfants en raison du crime commis.
  3. Une privation de liberté durant une période de deux mois.
  4. Une difficulté de se désengager de sa relation matrimoniale.

[76]           Il m’apparaît que les traitements judiciaires que la demanderesse subira à son retour en Algérie sont durs. Nulle personne consciente de l’importance d’une famille unie ne veut voir une mère potentiellement privée de la garde de ses enfants. Or, puisque la demanderesse n’est pas parvenue à établir qu’elle était victime de mauvais traitement aux mains de son mari, force est de constater qu’elle s’est elle-même exposée aux lois d’application générale algérienne en quittant pour le Canada et en refusant de retourner dans son pays. Je ne crois pas qu’il soit déraisonnable de conclure, comme la SPR l’a fait, que la peine à laquelle elle s’est exposée n’est pas excessive.

[77]           De plus, je suis d’avis que la SPR a correctement analysé la preuve qui était devant elle quant aux conditions de détention en Algérie. Je suis également d’avis que le témoignage du témoin expert fut adéquatement considéré quant à l’évaluation des risques de tortures auxquels la demanderesse serait exposée. Ainsi, malgré cette comparaison, la conclusion de la SPR « qu’aucune de ces conséquences que la demandeur d’asile devrait subir à son retour en Algérie ne constitue de la persécution, de la discrimination ou une menace à ses droits fondamentaux de la personne de manière fondamentale » m’apparait raisonnable au regard des faits et du droit.

D.                Le meilleur intérêt des enfants

[78]           À mon avis, il est tout à fait raisonnable que les multiples procédures intentées par le mari en Algérie et au Canada indiquent que les enfants sont précieux pour lui.

[79]           Quant à la prise en compte du meilleur intérêt des enfants de la demanderesse, la Cour d’appel fédérale, dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Varga, 2006 CAF 394, au para 13 [Varga], indique ce qui suit :

Ni la Charte ni la Convention relative aux droits de l'enfant n'exigent que l'intérêt des enfants touchés soit examiné dans le cadre de toutes les dispositions de la LIPR: de Guzman v. Canada (Minister of Citizenship & Immigration) 2005 FCA 436 (F.C.A.), au paragraphe 105. Si une loi fournit une possibilité réelle d'examiner l'intérêt des enfants touchés, y compris ceux nés au Canada, comme le fait la LIPR en son paragraphe 25(1), cet intérêt n'a pas à être pris en compte dans chaque décision qui peut les toucher défavorablement. Par conséquent, le juge qui a entendu la demande a commis une erreur en interprétant trop largement les dispositions définissant la portée de la tâche incombant à l'agent d'ERAR de manière à y inclure l'obligation de prendre également en compte l'intérêt des enfants nés au Canada des intimés adultes.

La jurisprudence établit que les enseignements de Varga s’appliquent aux articles 96 et 97 de la LIPR (Kim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 149 [Kim] ; Hernandez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 703, au para 43). Ainsi, tel que le mentionne le juge Shore dans Kim au para 76 :

Le régime d’immigration canadien prévoit plusieurs façons d’entrer au Canada; une de ces façons réside dans la présentation d’une demande d’asile par une personne ayant qualité de réfugié au sens de l’article 96. Il s’agit là d’une définition stricte et, si le demandeur la respecte, il pourra peut-être entrer au Canada en qualité de réfugié. Dans le cas contraire, le demandeur ne pourra entrer au Canada conformément à l’article 96, mais d’autres options seront possibles pour lui. Une des options qui restent est celle de l’article 25 […] C’est en application de l’article 25 qu’une analyse de fond minutieuse de l’intérêt supérieur de l’enfant est menée. Au stade de la demande fondée sur l’article 96, il suffit de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant au plan de la procédure, ainsi que le prévoient les Directives. La Cour doit rappeler que l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut constituer le fondement d’une application de l’article 96 favorable au demandeur d’asile enfant dans les cas où celui-ci verrait par ailleurs sa demande rejetée, mais qu’il peut influencer le processus qui mène à cette décision.

[80]           En l’espèce, je suis d’avis que l’intérêt supérieur des enfants de la demanderesse aux termes de l’application des articles 96 et 97 de la LIPR et des Directives no 3 a été adéquatement pris en compte. La SPR a considéré les allégations de la demanderesse quant au fait qu’elle serait possiblement séparée de ses enfants une fois de retour en Algérie, mais a conclu que les deux enfants sont également précieux pour leur père.

[81]           Par ailleurs, c’est en vertu de l’article 25 de la LIPR qu’une analyse exhaustive et complète de l’intérêt supérieur des deux enfants de la demanderesse peut être menée.

VII.          Conclusion

[82]           Je conclus que la présente demande d’autorisation de contrôle judiciaire doit être rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« George R. Locke »

Juge
Annexe « A »

Du témoignage de la demanderesse, la SPR tire les inférences négatives suivantes :

1.                  La demanderesse a mentionné à l’audience du 15 novembre 2011 que son époux l’avait informé du second mariage trois mois après le fait, pourtant celle-ci a indiqué dans son FRP que son mari l’a informé du mariage avant qu’il n’ait lieu. Selon la décision de la Cour d’appel du Québec du 14 mai 2013, l’époux a signifié à la demanderesse, par huissier, un avis indiquant qu’il avait contracté un mariage avec une seconde épouse.

2.                  Le fait de ne pas s’opposer au mariage de son époux à la demande de ses parents équivalait à l’accepter.

3.                  La demanderesse a mentionné que pour ses parents un divorce serait une source de déshonneur, bien que celle-ci a déjà divorcé de son premier époux parce qu’il était emprisonné.

4.                  La demanderesse a affirmé que son premier époux avait demandé le divorce alors qu’il était en prison. Pourtant, selon Me Samia Amor (le témoin expert de la demanderesse), ce dernier n’aurait pu exercer ses droits civils alors qu’il était incarcéré.

5.                  La demanderesse a d’abord déclaré qu’elle avait demandé le divorce pour la première fois en septembre 2010. Par contre, au paragraphe 19 de son affidavit détaillé de même que dans son exposé circonstancié, elle affirme avoir demandé le divorce en 2007 après que son mari eu tenté de la forcer à se faire avorter. Pour expliquer cette contradiction, la demanderesse a soutenu qu’en 2007 elle demanda à son époux un divorce religieux ce qu’il a refusé et elle n’a donc pas intenté de procédure de divorce. Pourtant, selon l’expert de la demanderesse, il ne revient pas à l’époux de décider si le divorce religieux sera accordé ou non.

6.                  Le témoignage de la demanderesse relativement à la tentative de son époux de la forcer à se faire avorté manque de crédibilité puisque cette dernière dit avoir continué à avoir des relations intimes avec ce dernier afin d’avoir des enfants. Qui plus est, la demanderesse allègue que son époux n’a jamais voulu avoir d’enfants avec elle.

7.                  La demanderesse prétend que suite à son refus de se faire avorter en 2007, son mari a commencé à la maltraité physiquement et en lui imposant : 1) une interdiction de sortie 2) le port de l’hijab 3) une interdiction d’écouter de la musique 4) une interdiction d’amener ses enfants chez le docteur ou à l’école. Ces affirmations sont en contradiction avec plusieurs autres éléments factuels. Premièrement, la demanderesse ne porte pas l’hijab sur les photos de familles prises à Venise et en Italie en 2009, sur ses pièces d’identité et sur ses documents d’immigration. Deuxièmement, puisque la demanderesse affirme que son époux ne lui rendait visite que sporadiquement il est peu probable qu’il ait pu restreindre sa liberté. Troisièmement, son époux affirme qu’elle disposait d’une voiture et d’une carte de crédit. Finalement, selon la demanderesse, elle a participé à 5 voyages familiaux à l’étranger de 2005 à 2010.

8.                  Bien que la demanderesse affirme que son mari l’a incité à aller au Canada pour se débarrasser d’elle, elle a imploré ce dernier de lui permettre de retourner en Algérie, auprès de lui, deux mois plus tard. Ainsi, malgré les sévices que la demanderesse affirme avoir subis aux mains de son mari, celle-ci le supplia de lui permettre de retourner en Algérie pour finalement fuir au Canada 4 mois plus tard.

9.                  La demanderesse affirme être retournée en Algérie afin de confronter son mari et déterminer pour quelles raisons ce dernier n’était pas venu la rejoindre au Canada. Dans sa décision, la SPR soutient que la demanderesse aurait pu confronter son époux par téléphone. De plus, la SPR souligne que selon la décision de Cour d’appel du Québec, le mari affirme que la demanderesse aurait tenté à plusieurs reprises de le convaincre de s’installer au Canada, ce qu’il a refusé. De son côté, la demanderesse ni avoir demandé à son mari de s’installer au Canada.

10.              Dans son exposé circonstancié, la demanderesse affirme avoir demandé l’aide du système judiciaire à son retour en Algérie en 2010, mais que ses plaintes n’ont pas été prises au sérieux. Or, lors de son audience, la demanderesse a admis ne pas avoir demandé l’aide du système judiciaire, mais plutôt l’aide d’un avocat.

11.              La demanderesse a affirmé que son mari lui aurait dit de faire ce qu’il lui convenait et d’amener les enfants avec elle lorsque celle-ci l’a menacé de partir au Canada s’il lui refusait le divorce.

12.              La demanderesse a affirmé avoir laissé une note à son mari avant de quitter pour le Canada. Or, si cela avait été le cas, le mari de la demanderesse n’aurait pas harcelé les parents de cette dernière afin de savoir où étaient partis son épouse et ses enfants.

13.              Les preuves soumises ne viennent pas supporter les dires de la demanderesse voulant qu’elle fût victime de violences physiques est psychologiques.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1441-14

 

INTITULÉ :

SOUMAYA AKHROUF YAHIA AISSA, MERIEM MARIA AKHROUF, ET MOHAMED DJAOUED AKROUF c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 septembre 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1 DÉCEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Me Jacques Beauchemin

 

Pour les demandeurs

 

Me Daniel Latulippe

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Beauchemin, Brisson

Avocats

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.