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Date : 20130710

Dossier : T-2240-12

Référence : 2013 CF 759

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

BARBARA DUNKLEY-CHIEFFALLO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               Madame Barbara Dunkley-Chieffallo travaille au sein de la Société canadienne des postes (la SCP) depuis 2000. En 2009, elle a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) concernant un traitement discriminatoire dont elle a été victime à la SCP au fil des ans. Elle a invoqué un traitement différentiel fondé sur sa race, ses origines nationale et ethnique et ses déficiences. En particulier, elle a affirmé que l’un de ses supérieurs l’a agressée et qu’un autre l’a injustement réprimandée pour avoir pris un congé prolongé. Elle a également affirmé qu’un collègue a refusé de ramasser le courrier qu’elle avait trié. Enfin, elle a soutenu qu’un agent des ressources humaines l’a réprimandée à tort pour son absentéisme lorsqu’elle est revenue au travail après son congé lié au stress.

 

[2]               La CCDP a nommé une enquêtrice chargée d’examiner la plainte de Mme Dunkley‑Chieffallo. L’enquêtrice a examiné les observations écrites de Mme Dunkley‑Chieffallo et de la SCP et a parlé au superviseur de Mme Dunkley‑Chieffallo. Elle a conclu que la SCP n’avait pas fait preuve de discrimination envers Mme Dunkley‑Chieffallo. L’employeur ne l’a pas traitée différemment; en effet, il avait le droit de noter le fait qu’elle avait pris un congé prolongé sans en aviser son superviseur et d’encourager une meilleure assiduité au travail en rencontrant une employée qui revenait d’un congé. Le superviseur avait donné instruction à d’autres employés de veiller à ramasser le courrier que Mme Dunkley‑Chieffallo avait trié.

 

[3]               L’enquêtrice a recommandé à la CCDP de rejeter la plainte de Mme Dunkley‑Chieffallo parce qu’elle ne méritait pas d’être examinée davantage par un tribunal. La SCP et Mme Dunkley‑Chieffallo ont présenté d’autres observations à la CCDP en réponse au rapport de l’enquêtrice.

[4]               Pour sa part, la CCDP a nommé un conciliateur pour tenter de régler le différend. Toutefois, les parties n’ont pas réussi à s’entendre. La SCP a offert à Mme Dunkley-Chieffallo de l’aider à se trouver un autre poste, mais a refusé de lui accorder les autres réparations qu’elle demandait – une excuse, un remboursement de son congé de maladie et des dommages pécuniaires importants. Les parties ont présenté d’autres observations à la CCDP pour accompagner le rapport du conciliateur.

 

[5]               En 2012, après avoir examiné le rapport de l’enquêtrice, les observations des parties, le rapport du conciliateur et l’offre de la SCP de trouver un autre emploi à Mme Dunkley‑Chieffallo, la CCDP a décidé de rejeter la plainte de Mme Dunkley‑Chieffallo parce que, [traduction] « compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci [n’était] pas justifié » (s’appuyant sur le sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, ch. H-6; voir l’annexe).

 

[6]               Madame Dunkley‑Chieffallo prétend que la CCDP l’a traitée de façon inéquitable et n’a pas pris en compte la preuve en sa faveur. Elle me demande d’annuler la décision de la CCDP et de lui ordonner d’examiner de nouveau sa plainte.

 

[7]               Rien ne me permet d’infirmer la décision de la CCDP. À mon sens, la CCDP a donné à Mme Dunkley-Chieffallo la possibilité de participer au processus menant à sa décision. Elle a présenté de nombreuses observations détaillées et a formulé des commentaires tant sur le rapport de l’enquêtrice que sur celui du conciliateur. La CCDP a tenu compte de ces observations avant de rendre sa décision.

 

[8]               En outre, la CCDP a fondé sa conclusion en grande partie sur les recommandations de l’enquêtrice. Le rapport de l’enquêtrice démontre qu’elle a tenu compte des éléments de preuve et des observations de manière minutieuse et équilibrée et justifie adéquatement la conclusion de la CCDP.

 

[9]               Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 

[10]           L’espèce soulève deux questions :

 

            1.         La CCDP a‑t‑elle traité Mme Dunkley-Chieffallo de manière inéquitable?

            2.         La décision de la CCDP était‑elle déraisonnable?

 

II.        Première question – La CCDP a‑t‑elle traité Mme Dunkley-Chieffallo de manière inéquitable?

 

[11]           Madame Dunkley-Chieffallo soutient que le rapport de l’enquêtrice était inégal et injuste. Elle prétend également que la décision de la CCDP ne justifie pas pourquoi elle a rejeté sa plainte.

 

[12]           Je ne suis pas d’accord.

 

[13]           La CCDP a l’obligation de s’assurer que le rapport de l’enquêteur est neutre et exhaustif, de communiquer aux parties l’essence des éléments de preuve obtenus par l’enquêteur, de donner aux parties la possibilité de répliquer au rapport de l’enquêteur et d’examiner les observations des parties (Slattery c Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1996] A.C.F. no 385 (CA), aux paragraphes 1-2).

 

[14]           En l’espèce, l’enquêtrice a examiné toutes les allégations de Mme Dunkley-Chieffallo et est arrivée à une conclusion fondée sur les éléments de preuve. Elle a examiné les éléments de preuve présentés par les parties; je ne vois rien qui indique un parti pris contre Mme Dunkley‑Chieffallo ou en faveur de la SCP.

 

[15]           De plus, la CCDP a remis le rapport de l’enquêtrice aux parties et les a invitées à présenter leurs observations à cet égard. Elles ont également eu la possibilité de commenter leurs représentations respectives.

 

[16]           Bien que Mme Dunkley‑Chieffallo n’était pas d’accord avec certaines conclusions de l’enquêtrice, elle n’a relevé aucune omission ou erreur importante dans le rapport. Par conséquent, la CCDP n’avait aucune obligation de commenter explicitement ses observations (Herbert c Canada (Procureur général), 2008 CF 969, paragraphe 26).

 

[17]           Enfin, puisque Mme Dunkley‑Chieffallo a participé étroitement au processus ayant mené à la décision de la CCDP, elle aurait dû savoir que la décision de la CCDP était fondée sur les conclusions de l’enquêtrice et aurait dû comprendre le motif de sa décision (Gardner c Canada (Procureur général), 2005 CAF 284, paragraphe 28). Par conséquent, bien que la CCDP donne peu de raisons explicites pour justifier sa décision, sa raison d’être est clairement énoncée dans le dossier.

 

[18]           J’estime que la CCDP a traité Mme Dunkley-Chieffallo équitablement et a justifié adéquatement sa conclusion.

 

III.       Deuxième question – La décision de la CCDP était‑elle déraisonnable?

 

[19]           Madame Dunkley‑Chieffallo a soulevé les préoccupations suivantes au sujet de la décision de la CCDP :

 

            •           Il était déraisonnable pour la CCDP de se fonder sur le rapport de l’enquêtrice pour rendre sa décision puisque, après avoir reçu le rapport, elle a renvoyé l’affaire à un conciliateur; il est évident que la CCDP n’a pas trouvé le rapport convaincant.

 

            •           L’enquêtrice et, à son tour, la CCDP ont conclu que la conduite de la SCP envers elle n’équivalait pas à un traitement différentiel. Toutefois, l’enquêtrice s’est fondée sur les politiques d’emploi de la SCP au lieu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

            •           La CCDP s’est fondée sur l’offre de la SCP de trouver un autre poste à Mme Dunkley-Chieffallo; pourtant, elle n’a imposé aucun délai à la SCP. En fin de compte, la SCP ne lui a toujours pas trouvé un autre poste et lui a donné des renseignements contradictoires concernant la façon de demander un transfert.

 

[20]           La CCDP doit agir de bonne foi, examiner la preuve dont elle dispose et écarter les considérations dépourvues de pertinence et les motifs injustifiés (Slattery c Canada (Commission des droits de la personne), [1994] ACF no 181 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 81). Rien ne me permet de conclure que la CCDP a violé ces exigences.

 

[21]           S’agissant des allégations précises de Mme Dunkley‑Chieffallo, le fait que la CCDP a renvoyé sa plainte à un conciliateur ne devrait pas être interprété comme un manque de confiance envers le rapport de l’enquêtrice. La CCDP a le pouvoir explicite de promouvoir la conciliation des plaintes (article 47). Ces efforts à cet égard n’ont pas forcément d’incidence sur la force ou la faiblesse de la plainte.

 

[22]           L’enquêtrice a indiqué que Mme Dunkley-Chieffallo avait pris un congé autorisé, sous la forme d’un congé prolongé, en contravention du guide des relations de travail de la SCP. Elle a conclu que le superviseur de Mme Dunkley-Chieffallo ne l’avait pas traitée différemment lorsqu’il a pris son absence en note puisque les lignes directrices de la SCP sont neutres; elles s’appliquent à tous les employés. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette conclusion. Rien n’indique que la SCP a appliqué les lignes directrices d’une manière discriminatoire.

 

[23]           Rien ne me permet de conclure que la décision de la CCDP était déraisonnable. Toutefois, je conviens avec Mme Dunkley-Chieffallo que l’offre de la SCP de lui trouver un autre poste figurait dans la décision de la CCDP de rejeter sa plainte. Je présume que cette offre demeure valide. À tout le moins, si la SCP ne l’a pas déjà fait, je m’attendrais à ce qu’elle fournisse à Mme Dunkley‑Chieffallo des directives claires sur la façon d’organiser son transfert.

IV.       Conclusion et disposition

 

[24]           La CCDP a traité Mme Dunkley-Chieffallo équitablement tout au long des divers stades d’examen de sa plainte. Elle a eu la possibilité de faire valoir son point de vue et de répondre aux autres éléments dont disposait la CCDP. De plus, la décision de la CCDP de ne pas renvoyer sa plainte à un tribunal pouvait se justifier au regard des faits et du droit. Elle n’était pas déraisonnable. Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 

[25]           La SCP a demandé les dépens figurant au milieu de la fourchette du tarif B. Avant d’adjuger les dépens, je demanderais à la SCP de signifier et de déposer un mémoire de frais ou une déclaration exposant des dépens d’un montant fixe dans les 10 jours suivant le présent jugement.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  La Société canadienne des postes est priée de signifier et de déposer un mémoire de frais ou une déclaration exposant des dépens d’un montant fixe dans les 10 jours suivant le présent jugement.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.

 

 


Annexe

Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC, 1985, ch. H-6

 

Rapport

  44. (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

 

 

[...]

 

Idem

  (3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

 

[…]

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

 

 

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié.

 

 

Nomination du conciliateur

 

  47. (1) Sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut charger un conciliateur d’en arriver à un règlement de la plainte, soit dès le dépôt de celle-ci, soit ultérieurement dans l’un des cas suivants :

 

a) l’enquête ne mène pas à un règlement;

 

b) la plainte n’est pas renvoyée ni rejetée en vertu des paragraphes 44(2) ou (3) ou des alinéas 45(2)a) ou 46(2)a);

 

c) la plainte n’est pas réglée après réception par les parties de l’avis prévu au paragraphe 44(4).

 

 

 

Incompatibilité

  (2) Pour une plainte donnée, les fonctions d’enquêteur et de conciliateur sont incompatibles.

 

 

Renseignements confidentiels

(3) Les renseignements recueillis par le conciliateur sont confidentiels et ne peuvent être divulgués sans le consentement de la personne qui les a fournis.

Canadian Human Rights Act, RSC, 1985, c H-6

 

 

Report

  44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.



Idem

  (3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

 



(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

 

(i)                 that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted.

 

Appointment of conciliator

 

  47. (1) Subject to subsection (2), the Commission may, on the filing of a complaint, or if the complaint has not been

 

(a) settled in the course of investigation by an investigator,

 

(b) referred or dismissed under subsection 44(2) or (3) or paragraph 45(2)(a) or 46(2)(a), or

 

(c) settled after receipt by the parties of the notice referred to in subsection 44(4),

 

appoint a person, in this Part referred to as a “conciliator”, for the purpose of attempting to bring about a settlement of the complaint.

 

Eligibility

  (2) A person is not eligible to act as a conciliator in respect of a complaint if that person has already acted as an investigator in respect of that complaint.

 

Confidentiality

(3) Any information received by a conciliator in the course of attempting to reach a settlement of a complaint is confidential and may not be disclosed except with the consent of the person who gave the information.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2240-12

 

INTITULÉ :                                      BARBARA DUNKLEY-CHIEFFALLO

                                                            c

                                                            LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 3 juillet 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 10 juillet 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Barbara Dunkley-Chieffallo

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Caroline Richard

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Barbara Dunkley-Chieffallo

Manotick (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Bird Richard

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

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