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Date : 20141124


Dossier : T-1602-14

Référence : 2014 CF 1117

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 novembre 2014

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

DR FALK PHARMA GMBH

demanderesse

et

LE COMMISSAIRE AUX BREVETS

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande fondée sur l’article 52 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, dans laquelle la demanderesse, Dr Falk Pharma GMBH, cherche à obtenir une ordonnance en vue de modifier les inscriptions dans les registres du Bureau des brevets relativement à la paternité de l’invention d’un brevet canadien. Plus précisément, la demanderesse désire ajouter M. Peter Gruber à la liste d’inventeurs désignés dans le brevet canadien no 2297832 [le brevet no 832], dont il est le propriétaire.

[2]               Nul ne conteste la demande puisque l’intimé a décidé de ne pas comparaître dans les procédures.

II.                Contexte

[3]               La demanderesse affirme que M. Gruber n’apparaît pas actuellement sur la liste des inventeurs en raison d’une erreur d’écriture.

[4]               Tel qu’il ressort des affidavits du Dr Roland Greinwald et de M. Norbert Otterbeck, l’omission du nom de M. Gruber sur la liste des inventeurs s’est produite par inadvertance et était attribuable à une méconnaissance des différentes exigences en matière de paternité de l’invention sous le régime des lois allemandes et canadiennes.

[5]               Bien que M. Gruber ne soit pas un inventeur au sens des lois allemandes, on a récemment découvert que sa contribution suffit à lui donner droit à la paternité conjointe de l’invention sous le régime des lois canadiennes et américaines. À cet égard, la demanderesse a présenté une demande semblable au Bureau des brevets et des marques de commerce des États‑Unis pour corriger l’omission.

[6]               La demanderesse soutient également que l’omission du nom de M. Gruber sur la liste des inventeurs ne constituait pas une tentative de retarder la délivrance du brevet no 832.

III.             Dispositions de la loi

[7]               La compétence de la Cour pour rendre l’ordonnance sollicitée est énoncée dans la disposition suivante de la Loi sur les brevets :

Juridiction de la Cour fédérale

Jurisdiction of the Federal Court

52. La Cour fédérale est compétente, sur la demande du commissaire ou de toute personne intéressée, pour ordonner que toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet soit modifiée ou radiée.

52. The Federal Court has jurisdiction, on the application of the Commissioner or of any person interested, to order that any entry in the records of the Patent Office relating to the title to a patent be varied or expunged.

IV.             Analyse

[8]               La seule question à laquelle la Cour doit répondre est celle de savoir si la demanderesse a droit à l’ordonnance sollicitée en vue de modifier les inscriptions dans les registres du Bureau des brevets relativement à la paternité de l’invention du brevet no 832, une ordonnance à l’égard de laquelle notre Cour a compétence exclusive.

[9]               La demanderesse affirme que la preuve au dossier est conforme au raisonnement de madame la juge Carolyn Layden-Stevenson dans la décision Micromass UK Ltd. c Canada (Commissaire aux brevets), 2006 CF 117 [Micromass]. Dans cette décision, qui portait sur un cas semblable, la juge Layden‑Stevenson a conclu que l’article 52 de la Loi sur les brevets permet à la Cour d’ordonner la correction d’erreurs d’écriture qui apparaissent dans les brevets délivrés, y compris l’ajout de noms qui ont été omis par inadvertance de la liste des inventeurs :

[12]      Après la délivrance du brevet, le commissaire n’a aucun pouvoir discrétionnaire, en vertu de l’article 8 de la Loi ou d’une autre disposition, de modifier la paternité de l’invention d’un brevet qui a été délivré. Une telle mesure est du ressort exclusif de la Cour fédérale. Plus précisément, l’article 52 de la Loi prévoit que la Cour fédérale est compétente, sur la demande du commissaire ou de toute personne intéressée, pour ordonner que toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet soit modifiée ou radiée.

[13]      Le mot « titre » à l’article 52 de la Loi a un sens plus large que l’acquisition par cession et il englobe des questions qui concernent le titre originaire. La compétence de la Cour s’étend à la correction d’erreurs par inadvertance dans les noms des inventeurs d’un brevet délivré, y compris les erreurs d’écriture dans la transcription des noms des inventeurs : BF Goodrich c. Commissioner of Patents (1960), 32 C.P.R. 122 (SEC.I) (C. de l’É.).

[10]           Dans la décision Micromass, précitée, la Cour a accueilli la demande en vue de modifier toutes les inscriptions dans les registres du Bureau des brevets en ajoutant le nom d’une personne à la liste des inventeurs sur le fondement des éléments de preuve suivants : 1) la personne était co‑inventeur; 2) les inventeurs désignés dans le brevet reconnaissaient la contribution du co‑inventeur; 3) l’omission du nom du co‑inventeur s’est produite par inadvertance et; 4) le nom de la personne n’a pas été omis de la liste des inventeurs du brevet dans le but de retarder l’instruction de la demande (mémoire de la demanderesse, paragraphe 17).

[11]           La Cour estime que la preuve étaye la thèse de la demanderesse. Dans son affidavit, M. Norbert Otterbeck, qui est actuellement le seul inventeur désigné dans le brevet no 832, reconnaît que M. Gruber est un employé de Dr Falk Pharma GMBH dans le département de recherche et développement qui a contribué à l’invention désignée dans le brevet no 832. Plus précisément, M. Otterbeck indique que l’expertise de M. Gruber à l’égard de l’invention porte sur les techniques d’extrusion et de sphéronisation ainsi que sur l’élaboration d’une formulation de type pellet et que M. Gruber était chargé des travaux expérimentaux portant sur les matériaux et processus ayant contribué à la mise en œuvre de l’invention. Monsieur Otterbeck ajoute également que l’omission du nom de M. Gruber à titre de co‑inventeur s’est produite par inadvertance et ne visait pas à retarder la délivrance du brevet no 832. Les faits susmentionnés sont également corroborés par MM. Roland Greinwald et Peter Gruber dans leur affidavit.


V.                Conclusion

[12]           Compte tenu de la jurisprudence précitée, de la preuve présentée à l’appui de la contribution de M. Gruber et de l’inadvertance de l’erreur, qui a été commise de bonne foi, la Cour est convaincue que la demanderesse a droit à l’ordonnance sollicitée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.      Conformément à l’article 52 de la Loi sur les brevets, le commissaire des brevets modifie toutes les inscriptions dans les registres du Bureau des brevets relativement à la paternité de l’invention du brevet canadien no 2297832 par l’ajout de Peter Gruber à titre d’inventeur;

2.      Aucune ordonnance n’est rendue à l’égard des dépens.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1602-14

 

INTITULÉ :

DR FALK PHARMA GMBH c LE COMMISSAIRE DES BREVETS

 

CONTRÔLE JUDICIAIRE EFFECTUÉ PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 20 NOVEMBRE 2014 DEPUIS MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

MOTIFS ET JUGEment :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 NOVEMBRE 2014

 

OBSERVATIONS ORALES ET ÉCRITES :

Alain Y. Dussault

 

POUR La demanderesse

 

s.o.

 

POUR LE DÉFENDEUr

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goudreau Gage Dubuc, s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR La demanderesse

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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