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Date : 20141024


Dossier : T–1383–13

Référence : 2014 CF 1014

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 octobre 2014

En présence de monsieur le juge S. Noël

ENTRE :

SOURCE MEDIA GROUP CORP.

demanderesse

et

BLACK PRESS GROUP LTD.

ET LISA FARQUHARSON

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une requête en jugement par défaut par laquelle la demanderesse sollicite une réparation en vertu de la Loi sur les marques de commerce, LRC, 1985 c T–13 (la Loi) par suite de l’usurpation de la marque de commerce déposée de la demanderesse NEW HOME LIVING (numéro d’enregistrement LMC693289) par suite de l’emploi non autorisé de la marque de commerce NEW HOME LIVING par les défenderesses. Aux termes de l’ordonnance rendue le 11 août 2014 par le protonotaire Lafrenière, les défenderesses ont obtenu à la dernière minute une prorogation du délai qui leur était imparti pour déposer leur dossier de requête en réponse, ce qu’elles ont fait. Le 7 octobre 2014, l’avocat de la demanderesse a déposé une requête en vue d’obtenir, en vertu de l’article 312 des Règles des Cours fédérales, DORS/98–106, une ordonnance l’autorisant à déposer l’affidavit souscrit le 29 août 2014 par Richard MacQuarrie et de faire considérer cet affidavit comme des observations en réponse. Les défenderesses n’ont soumis aucun document en réponse. Après avoir examiné les observations, la Cour accueille la requête. Il convient de signaler que les défenderesses n’ont pas déposé de défense en réponse à la déclaration modifiée et que la Cour a jugé la requête sur dossier sans comparution des avocats.

II.                Faits généraux et résumé des observations des parties

[2]               La demanderesse, Source Media Group Corp. (Source Media), est propriétaire de la marque NEW HOME LIVING. La demanderesse utilise cette marque de commerce sans interruption au Canada depuis janvier 2006. Cette marque a été enregistrée le 2 août 2007 et la demanderesse en fait la promotion sur son site Web « newhomelivingonline.com » depuis le début de 2008. Ce nom de domaine a été enregistré le 18 juillet 2007. La demanderesse a été mise au courant de l’utilisation, par les défenderesses, de la publication en ligne « newhomelivingbc.com » et de sa publication imprimée « New Home Living » en 2012.

[3]               La défenderesse, Black Press Group (BPG), est une grande maison d’édition qui utilise l’appellation « New Home Living BC ». La défenderesse, BPG, et son éditrice, Lisa Farquharson, ont commencé à employer NEW HOME LIVING dans une publication écrite et dans une publication en ligne en août 2011 après que la demanderesse eut adopté et enregistré la marque NEW HOME LIVING et que la demanderesse eut utilisé le nom de domaine sur son site Web « newhomelivingonline.com ». Les défenderesses ont également créé des comptes Twitter et Facebook mentionnant « New Home Living BC ».

[4]               La demanderesse n’a jamais autorisé les défenderesses à utiliser sa marque de commerce déposée ou des marques semblables au point de créer de la confusion. La demanderesse est d’avis que l’expression « New Home Living BC » et le site Web des défenderesses créent de la confusion avec la marque de commerce NEW HOME LIVING de Source Media. Par exemple, la demanderesse a été contactée par des représentants en marketing média de la Colombie‑Britannique qui cherchaient à savoir si la publication de New Home Living était maintenant distribuée dans la région de Vancouver.

[5]               Les marchandises et les services de la demanderesse concernent un magazine publié en anglais et traitant principalement d’achat de maisons neuves et d’immobilier, de décoration, de style, d’aménagement, d’entretien, d’investissement, de construction, d’aménagement paysager et de jardinage, ainsi que de services tels que la publicité. La demanderesse concentre ses activités en Alberta, et en particulier à Calgary, et cherche à les étendre en Colombie‑Britannique.

[6]               Le magazine des défenderesses est imprimé surtout en chinois et se définit comme un magazine mensuel portant sur l’art de vivre et l’immobilier, ainsi que sur la mode, le luxe et les restaurants. Il est distribué dans la région du Grand Vancouver, mais son site Web vise un marché beaucoup plus vaste. Il cible les immigrants chinois nouvellement arrivés ainsi que les immigrants chinois déjà établis. Bien que le chinois soit la langue qu’elles emploient dans leurs publications, les défenderesses utilisent également bien en vue la reproduction exacte de la marque déposée de la demanderesse NEW HOME LIVING en anglais.

[7]               Il est allégué que les défenderesses auraient appelé l’attention du public sur leurs publications, marchandises, services et entreprise Black Press Group de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre leurs marchandises, leurs services ou leur entreprise et ceux de la demanderesse, en violation de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce. Il est également allégué que les défenderesses auraient employé une marque de commerce qui crée de la confusion avec la marque de commerce de la demanderesse. Il est allégué que les défenderesses auraient violé le droit de la demanderesse à l’emploi exclusif de sa marque de commerce déposée, en violation de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce. De plus, il est allégué que les défenderesses auraient également fait passer leurs marchandises et leurs services pour ceux de la demanderesse et se seraient approprié l’achalandage attaché à la marque de commerce déposée de la demanderesse, en violation de l’article 22 de la Loi.

[8]               La demanderesse affirme qu’en raison de ces activités, elle a subi un préjudice et des dommages, et notamment, une concurrence déloyale, une diminution de son chiffre d’affaires, une atteinte à sa réputation, une perte du caractère distinctif de sa marque de commerce et une perte de l’achalandage attaché à sa marque de commerce. Elle affirme également que le comportement des défenderesses démontre de leur part une intention délibérée, consciente et volontaire de faire une utilisation illicite de sa marque de commerce ou, à titre subsidiaire, un mépris de ses droits. Enfin, la demanderesse affirme que les défenderesses n’ont tenu compte ni des mises en demeure qui leur ont été adressées ni de la présente instance et qu’elles ont également révélé de façon irrégulière des discussions visant à arriver à un règlement qui étaient protégées par le secret professionnel. Par conséquent, la demanderesse réclame au total des dommages–intérêts de l’ordre de 15 000 $ à 25 000 $, ainsi que les dépens sur la base d’une indemnisation complète.

III.             Questions en litige

[9]               Voici les questions soulevées dans la présente instance :

1.      Les défenderesses :

a)      ont–elles usurpé la marque de commerce déposée NEW HOME LIVING de la demanderesse, en violation des articles 19 et 20 de la Loi?

b)      ont–elles appelé l’attention du public sur leurs marchandises, leurs services ou leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’elles ont commencé à y appeler ainsi l’attention, entre leurs marchandises, leurs services ou leur entreprise et ceux d’un autre, en violation de l’alinéa 7b) de la Loi?

c)      ont–elles employé la marque de commerce déposée NEW HOME LIVING de la demanderesse d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce, en violation du paragraphe 22(1) de la Loi?

d)     sont–elles tenues de payer à la demanderesse des dommages–intérêts et les dépens et, dans l’affirmative, pour quel montant?

IV.             Analyse

[10]           L’affidavit de la défenderesse Lisa Farquharson, directrice des comptes (la directrice) de l’autre défenderesse, BPG, est révélateur. Au nom de BPG, la directrice, qui était personnellement au courant des faits et des questions en cause dans la présente procédure, a fait les admissions et observations suivantes :

1.      BPG a lancé la publication de New Home Living en format papier et en ligne sur son site Web : www.newhomelivingbc.com;

2.      Les publications New Home Living, qui sont en chinois, portent sur l’immobilier et le nouveau style de vie et s’adressent aux immigrants nouvellement arrivés de Vancouver et de la vallée du bas Fraser, en Colombie‑Britannique, ainsi qu’à ceux qui y sont déjà établis;

3.      Le magazine New Home Living de la demanderesse est publié en anglais et porte sur les propriétés immobilières (voir pièce A de l’affidavit) de la région de Calgary;

4.      BPG n’a pris connaissance de l’existence de la marque de commerce déposée NEW HOME LIVING de la demanderesse que lorsqu’elle a reçu la lettre du 15 novembre 2012 de l’avocat de la demanderesse;

5.      À la suite de la réception de cette lettre, BPG a continué à publier en chinois sous un nom différent (Enjoy living – Vancouver style), mais a continué à mentionner le même site Web, www.newhomelivingbc.com, dans sa publication. Elle a cessé d’utiliser ce site Web en janvier 2014.

6.      BPG a donné pour instructions à son avocat, le 14 novembre 2014, de tenter de régler la poursuite et elle a fait trois offres de règlement sans succès.

[11]           La demanderesse possède un enregistrement valide de la marque de commerce NEW HOME LIVING depuis août 2007 pour ses marchandises et services en liaison avec un magazine sur l’immobilier dont elle a fait la promotion en ligne sur le site « newhomelingonline.com ».

[12]           Le critère applicable en matière d’usurpation et de commercialisation trompeuse est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du « consommateur ordinaire plutôt pressé » la vue de la marque de commerce du défendeur alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de commerce déposée du demandeur et qu’il estime que les marchandises ou les services du défendeur appartiennent à la même catégorie (Masterpiece Inc. C Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, aux paragraphes 39 à 45). Pour analyser la question, le tribunal doit tenir compte des circonstances pertinentes prévues au paragraphe 6(5) de la Loi :

1.      le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues;

2.      la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage;

3.      le genre de marchandises, services ou entreprises;

4.      la nature du commerce;

5.      le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[13]           Comme nous l’avons déjà vu, les défenderesses admettent avoir employé une marque de commerce identique à la marque de commerce déposée par la demanderesse, et ce, à compter d’août 2011 lorsque BPG a lancé la publication de New Home Living en format papier et en ligne sur son site Internet « www.newhomelivingbc.com ». La directrice admet également que BPG a lancé New Home Living sous forme de magazine portant sur l’immobilier et le nouveau style de vie. Les défenderesses admettent avoir utilisé la même marque de commerce déposée que celle de la demanderesse, NEW HOME LIVING, jusqu’en décembre 2012, en liaison avec certains des mêmes marchandises et services, en l’occurrence, un magazine portant sur les maisons et l’immobilier.

[14]           La directrice admet également qu’en décembre 2012, ou vers cette date, les défenderesses ont cessé d’utiliser l’appellation « New Home Living » dans leurs publications (pour la remplacer par celle de « Enjoy living – Vancouver style), mais qu’elles ont continué à la mentionner sur leur site Web www.newhomelivingbc.com, et qu’elles ont cessé de l’utiliser sur leur site Web en janvier 2014. La demanderesse a présenté des éléments de preuve tendant à démontrer que les défenderesses avaient continué à utiliser cette adresse pour rediriger le visiteur vers un autre site Internet qui porte sur certaines des mêmes catégories de marchandises et de services que celles visées par la marque de commerce déposée de la demanderesse (voir l’affidavit souscrit par Richard MacQuarrie le 29 août 2014). Il va sans dire que l’ajout de la mention « BC » au nom de domaine ne rend pas la marque distincte de celle qui est déposée et qu’elle ne fait qu’ajouter à la confusion qui existe entre la marque de commerce déposée de la demanderesse et le nom de domaine utilisé. De plus, le fait que la marque de commerce de la demanderesse soit déposée fait que son emploi vaut partout au Canada (depuis août 2007 et elle est utilisée de façon active depuis le début de 2006), comme le précise bien l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce et ainsi que la Cour suprême du Canada l’a expliqué dans l’arrêt Masterpiece Inc., précité, et ce, peu importe le lieu où la marque de commerce est employée au Canada.

[15]           Il importe de signaler que les défenderesses continuent à utiliser un nom de domaine qui ressemble à celui de la demanderesse, « newhomelivingbc.com », au point de créer de la confusion, et que cette adresse redirige le visiteur vers une autre publication des défenderesses, Vancouver Boulevard, qui concerne les mêmes marchandises et services que ceux visés par la marque de commerce déposée de la demanderesse. En fait, les défenderesses n’ont pas cessé d’utiliser le nom du domaine « newhomelivingbc.com » en 2012 après avoir reçu les mises en demeure de la demanderesse, mais ont renouvelé le nom de domaine le 1er juin 2013. Les défenderesses ont par conséquent continué à perpétuer la confusion avec la marque de commerce de la demanderesse au moins jusqu’en janvier 2014. Par conséquent, les défenderesses ont usurpé, comme elles l’ont admis, la marque de commerce de la demanderesse en lien avec certains des mêmes marchandises et services jusqu’en décembre 2012 pour ce qui est de la publication et ont continué à utiliser le nom de domaine comme référence au moins jusqu’en janvier 2014. De plus, les défenderesses ont fait passer leur publication, tant en format papier qu’en ligne, comme étant associée ou liée à la marque de commerce de la demanderesse.

[16]           À titre de commentaire final sur ces questions, signalons que le fait que la publication et le site Internet des défenderesses soient en chinois ne diminue pas la prédominance que les défenderesses ont donnée à l’anglais dans leur marque de commerce déposée.

[17]           La demanderesse soutient également que les défenderesses n’auraient pas dû mentionner les pourparlers en vue d’un règlement dans leurs observations étant donné que ces discussions étaient protégées par le secret professionnel. Plus précisément, Richard MacQuarrie affirme, dans un affidavit déposé par la demanderesse, que les parties avaient entamé des pourparlers en vue d’un règlement et, sans révéler la teneur de ces pourparlers, il mentionne que les parties n’avaient pas réussi à trouver une solution acceptable (affidavit de Richard MacQuarrie, page 5, paragraphe 34). Dans son affidavit, la directrice affirme que BPG avait donné pour instruction à ses conseillers juridiques d’entamer des pourparlers en vue d’un règlement, et qu’ils l’ont fait. Les défenderesses ont également soumis une lettre (par courriel) de l’avocat de la demanderesse dans laquelle il était question d’une offre faite par les défenderesses. L’affidavit de la directrice mentionne également trois (3) offres qui ont été faites (affidavit de Lisa Farquharson, page 2, aux paragraphes 11 à 13).

[18]           C’est un principe bien connu que les renseignements se rapportant aux pourparlers en vue d’un règlement sont protégés par le privilège relatif aux règlements. Les communications échangées en vue d’un règlement sont importantes pour le processus judiciaire et doivent être protégées à moins qu’un intérêt public supérieur puisse être invoqué. Voici comment la jurisprudence définit le privilège de règlement :

Le privilège de règlement existe pour soutenir l’intérêt du public à encourager les parties à résoudre leurs différends sans avoir recours aux tribunaux. Le privilège protège les renseignements, plus particulièrement les aveux, que les parties se communiquent au cours des négociations. Il existe des exceptions restreintes au privilège de règlement, y compris dans les cas où la communication est nécessaire aux fins d’un intérêt public prépondérant. (Mohawks of the Bayof Quinte c. Canada (Affaires indiennes et Nord canadien), 2013 CF 669, [2013] 4 C.N.L.R. 196)

[19]           Dans le cas qui nous occupe, il n’y a pas d’intérêt public prépondérant qui justifierait la divulgation et, qui plus est, la demanderesse n’a pas renoncé au privilège. Les défenderesses ont communiqué des renseignements se rapportant aux discussions échangées en vue d’un règlement pour démontrer qu’elles avaient participé à l’instance. Elles n’avaient pas à divulguer en partie la teneur des discussions échangées en vue du règlement pour démontrer leur participation. Elles auraient pu limiter leurs commentaires au fait qu’elles avaient participé à de telles discussions. La divulgation faite par les défenderesses en l’espèce porte atteinte au privilège relatif aux règlements et ne devrait pas être encouragée.

[20]           Quant à la dépréciation de l’achalandage au sens de l’article 22 de la Loi, la preuve ne me permet pas de conclure à l’existence d’une telle dépréciation. Je ne dispose d’aucun élément de preuve sur la valeur des ventes ou sur la valeur marchande qui pourrait m’aider à trancher la question (Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23).

[21]           Pour tous ces motifs, la Cour conclut que les défenderesses ont effectivement usurpé la marque de commerce de la demanderesse au sens des articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce et qu’elles ont fait passer leur entreprise et leurs marchandises comme étant d’une certaine manière liées ou associées à l’entreprise et aux marchandises de la demanderesse, en violation de l’alinéa 7b) de la Loi. Aucune conclusion ne peut être tirée au sujet de la dépréciation de l’achalandage pour les motifs susmentionnés.

V.                Dommages–intérêts

[22]           La demanderesse n’a pas soumis d’éléments de preuve qui justifieraient l’octroi de dommages–intérêts pour cause de préjudice grave. La demanderesse s’est limitée à une démonstration factuelle de l’usurpation, de la confusion créée et de la commercialisation trompeuse, mais elle n’a pas présenté d’éléments de preuve démontrant qu’elle avait perdu des revenus, des profits ou des clients, sauf en ce qui concerne les communications qu’elle avait reçues des représentants en marketing média et d’un porte–parole d’un client pour dire que la demanderesse étendait ses activités dans la région de Vancouver après avoir vu les publications des défenderesses.

[23]           Cela étant dit, on sait maintenant qu’en tant qu’éditeurs professionnels, les défenderesses ont usurpé la marque de commerce de la demanderesse en la publiant pendant un peu plus de deux ans et qu’elles ont continué à utiliser cette marque de commerce en ligne sur le site Web www.newhomelivingbc.com jusqu’en janvier 2014. En employant et en insistant pour employer ladite marque de commerce, les défenderesses ont fait preuve d’une attitude répréhensible. Ce comportement ne peut qu’alourdir le montant des dommages réclamés pour la contrefaçon. La question est de savoir quel montant devrait être accordé compte tenu du peu d’éléments de preuve sur la question. Comme nous l’avons déjà signalé, aucun élément de preuve n’a été présenté au sujet des pertes et de l’achalandage.

[24]           La demanderesse affirme que des dommages–intérêts de l’ordre de 15 000 $ à 25 000 $ seraient appropriés et elle cite à l’appui les jugements Aquasmart Tecchnologies Inc. c Robert Klassen, 2011 CF 212, [2011] ACF no 256 [Aquasmart] et Trans–High Corporation c Hightimes Smokeshop and Gifts Inc., 2013 CF 1190, [2013] ACF no 1306 [Hightimes]. Dans l’affaire Aquasmart, la demanderesse avait commencé à utiliser sa marque en 1991 et l’avait enregistrée en 1994. De plus, la Cour avait conclu que les pratiques commerciales du défendeur étaient répréhensibles et qu’elles avaient diminué la valeur de l’achalandage de la demanderesse. Le juge Shore a condamné le défendeur à verser 15 597,35 $ à titre de dommages–intérêts à la demanderesse. Dans le jugement Hightimes, le juge Manson a conclu que la défenderesse avait usurpé la marque de commerce de la demanderesse en violation des articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce en plus d’agir en violation de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce et il l’avait condamnée à des dommages–intérêts de 25 000 $. Dans cette affaire, il y avait une usurpation apparemment volontaire de la marque par la défenderesse et un refus par cette dernière de même reconnaître les droits de la demanderesse à sa marque de commerce. Dans le cas qui nous occupe, lorsqu’on a demandé aux défenderesses de cesser d’employer la marque de commerce dans leurs publications, elles ont obtempéré. Quant à l’adresse Internet, la marque de commerce déposée a été utilisée jusqu’en janvier 2014. Comme j’ai déjà fait observer que la demanderesse n’avait pas présenté d’éléments de preuve factuels pour justifier le montant des dommages–intérêts qu’elle réclame, je dois également tenir compte de l’attitude des défenderesses, qui ont continué à employer la marque de commerce déposée. Je conclus donc qu’un montant de 15 000 $ à titre de dommages–intérêts est raisonnable.

[25]           Comme nous l’avons déjà vu, la demanderesse affirme également que les défenderesses ont agi de façon irrégulière en produisant des documents concernant des discussions échangées en vue d’un règlement et que cette attitude devrait se traduire par une condamnation aux dépens. Dans l’affaire Trevor Nicholas Construction Co. C Canada (Ministre des Travaux publics), 2005 CF 1201, citée par la demanderesse, le juge Von Finckenstein déclare ce qui suit, dans son ordonnance : [traduction] « Il est interdit à la demanderesse de mentionner les modalités du règlement [...] dans le cadre de toute autre instance à venir sans avoir d’abord obtenu l’autorisation de la Cour ». Aucune condamnation aux dépens n’a été prononcée. Bien que je sois d’accord avec la demanderesse pour dire que les agissements des défenderesses étaient déplacés, je ne crois pas que la conduite des défenderesses soit suffisamment grave pour justifier une condamnation aux dépens. Il se peut que les défenderesses en aient trop dit au sujet de la teneur des discussions tenues en vue d’un règlement pour montrer qu’elles avaient sérieusement participé à l’instance. Nous en dirons plus à ce sujet dans le paragraphe qui suit.

VI.             Dépens

[26]           Pour ce qui est des dépens, la demanderesse réclame les dépens prévus par la loi sur la base d’une indemnisation complète. À la lumière de l’article 400 et du paragraphe 400(4) des Règles des Cours fédérales, j’estime, en plus des conclusions que j’ai déjà tirées contre les défenderesses, que celles–ci n’ont pas participé de façon sérieuse à l’instance. Elles se sont limitées à des discussions en vue d’un règlement. Elles n’ont pas déposé de défense en réponse à la déclaration modifiée et elles ont obtenu à la dernière minute, à titre exceptionnel, l’autorisation de déposer un dossier de requête. La présente instance n’aurait pas dû se rendre aussi loin. Comme nous l’avons déjà vu, dès réception de la mise en demeure, les défenderesses ont, en décembre 2012, cessé d’utiliser la marque de commerce déposée dans leur publication, mais elles ont continué à la mentionner au moins jusqu’en janvier 2014. Par conséquent, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré, j’accorde à titre de dépens un montant forfaitaire de 13 000 $ en faveur de la demanderesse.

[27]           Quant aux intérêts avant jugement et aux intérêts après jugement, aucune observation précise n’a été formulée. Je vais par conséquent n’accorder que les intérêts après jugement au taux de cinq pour cent, non composés, conformément à l’article 4 de la Loi sur l’intérêt, LRC, 1985, c I–15, (Loi sur l’intérêt).


JUGEMENT

LA COUR :

  1. AUTORISE le dépôt de l’affidavit souscrit le 29 août 2014 par Richard MacQuarrie pour qu’il soit utilisé comme observations en réponse;
  2. DÉCLARE que les défenderesses, Black Press Group et Lisa Furgharson (les défenderesses), ont usurpé la marque de commerce NEW HOME LIVING de la demanderesse (numéro d’enregistrement LMC693289) en violation de l’article 20 de la Loi sur les marques de commerce;
  3. DÉCLARE que les défenderesses ont appelé l’attention du public sur leurs publications, marchandises, services et entreprise Black Press Group de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre les marchandises et les services Black Press Group des défenderesses et ceux de la demanderesse, en violation de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce;
  4. DÉCLARE que les défenderesses ont fait passer leurs marchandises et leurs services pour ceux de la demanderesse, en violation de l’alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce;

LA COUR :

  1. ORDONNE aux défenderesses de transférer à la demanderesse la propriété du nom de domaine « newhomelivingbc.com », et tous les droits d’accès, d’administration et de contrôle y afférents, ainsi que la propriété de tout autre nom de domaine, page Facebook, compte Twitter enregistré au nom des défenderesses et contenant l’appellation NEW NEW HOME LIVING ou de toute autre marque de commerce similaire au point de créer de la confusion;
  2. ORDONNE sans délai aux défenderesses, sous serment et sous la supervision de la Cour, de remettre à la demanderesse tous les documents commerciaux et matériels de promotion ainsi que tous les autres documents, affiches et objets se trouvant en leur possession, sous leur contrôle ou en leur pouvoir qui arborent l’image NEW HOME LIVING, soit comme marque de commerce, appellation commerciale, logo, nom commercial ou nom de domaine ou toute autre marque de commerce, appellation commerciale, logo, nom commercial ou nom de domaine semblable à la marque de commerce déposée NEW HOME LIVING de la demanderesse au point de créer de la confusion;
  3. INTERDIT aux défenderesses d’afficher la marque de commerce NEW HOME LIVING de la demanderesse ou toute autre marque de commerce, appellation commerciale, logo, nom commercial ou nom de domaine semblable à la propriété intellectuelle de la demanderesse au point de créer de la confusion en liaison avec tout magazine, bulletin d’information, site Web, nom de domaine, carte professionnelle, affiche, brochure, panneau, facture, bon de commande ou matériel de vente qui illustre, montre, utilise ou annonce des marchandises ou des services décrits dans la marque de commerce déposée NEW HOME LIVING de la demanderesse;
  4. CONDAMNE les défenderesses à verser à Source Media Group, dans les 30 jours du présent jugement :

a)      la somme de 15 000 $ à titre de dommages–intérêts pour usurpation de la marque de commerce de la demanderesse et commercialisation trompeuse;

b)      la somme de 13 000 $ à titre de dépens dans la présente action;

c)      les intérêts après jugement au taux de cinq pour cent, non composés, conformément à l’article 4 de la Loi sur l’intérêt.

« Simon Noël »

Juge

Traduction certifiée conforme
Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T–1383–13

 

INTITULÉ :

SOURCE MEDIA GROUP CORP. C BLACK PRESS GROUP LTD. et LISA FARQUHARSON

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER EXAMINÉE À :

 

OTTAWA (ONTARIO)

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge S. nOËl

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 OCTOBRE 2014

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Shaun B. Cody

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Paul Adams

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

New Horizon Law

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Patterson Adams, LLP

Victoria (C.–B.)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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