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Date : 20141016


Dossier : T‑1735‑13

Référence : 2014 CF 994

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 16 octobre 2014

En présence de monsieur le juge Hughes

ENTRE :

GORDON TETI

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La présente affaire illustre bien les difficultés auxquelles sont exposées certaines personnes qui, issues de cultures très différentes, arrivent au Canada et tentent de s’adapter au contexte culturel canadien. Gordon Teti, le demandeur, est un homme de race noire originaire du Kenya qui est arrivé au Canada à l’âge adulte. Il a effectué des études universitaires de deuxième cycle à Winnipeg et sa femme et ses trois filles sont allées le rejoindre dans cette ville.

[2]               Comme je l’ai dit à M. Teti à la fin de l’audience, il est un homme respectable. Il a été exposé à un environnement culturel différent au Canada. Comme bien des personnes qui ne connaissent pas le domaine juridique, il a eu de la difficulté à s’y retrouver et à en comprendre les concepts. Je suis absolument certain que les expériences difficiles qu’il a vécues pendant qu’il travaillait pour une organisation gouvernementale canadienne ont eu des effets négatifs importants sur sa vie et sur celle des membres de sa famille. J’estime, après avoir examiné le dossier, que j’aurais rendu des décisions différentes de celles de l’arbitre, notamment en ce qui concerne la discrimination et le harcèlement. Cependant, étant donné qu’il s’agit en l’espèce d’une instance de contrôle judiciaire, je n’ai pas à me demander si j’aurais tiré une conclusion à partir des faits dont était saisi l’arbitre; je dois plutôt me demander si la décision de l’arbitre se situait à l’intérieur des limites acceptables de la raisonnabilité. C’est à regret que je conclus que je ne peux annuler cette décision vu que j’estime qu’elle se situe à l’intérieur des limites acceptables de la raisonnabilité.

[3]               Le demandeur (parfois appelé le fonctionnaire s’estimant lésé) a accepté une nomination pour une durée déterminée au sein de l’administration fédérale à titre d’agent de services aux citoyens (parfois appelé agent de programme ou AP) qui l’avait obligé à déménager à Toronto ‑ ce qu’il a fait ‑, mais sa famille était restée à Winnipeg. Sa nomination pour une durée déterminée a été renouvelée à plusieurs reprises, mais, à cause d’une série d’incidents, aucun autre renouvellement ne lui a été accordé. Le demandeur a déposé trois griefs différents sur lesquels s’est prononcé un arbitre exerçant ses fonctions en vertu des dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, c 22 [la LRTFP]. C’est la décision de cet arbitre, datée du 19 septembre 2013, dont la référence est 2013 CRTFP 112, qui fait l’objet du présent contrôle.

[4]               Depuis son arrivée au Canada, M. Teti a reçu bon nombre de prix et d’hommages, particulièrement en ce qui concerne son travail dans la fonction publique. Il a notamment fait partie de la délégation canadienne qui a supervisé les élections en Ukraine. Il a aussi reçu des commentaires positifs de clients qu’il a servis pendant la période où il a travaillé pour le gouvernement fédéral.

[5]               Par contre, la nomination de M. Teti n’a pas été renouvelée. Il en instance de divorce et son propriétaire a entamé une procédure visant à l’expulser de son logement. Il est à l’heure actuelle prestataire de l’aide sociale.

[6]               Monsieur Teti n’était pas représenté par avocat dans la présente instance. Il affirme que le syndicat, qui lui a offert les services d’un avocat pour le représenter à l’audience d’arbitrage, ne le soutiendra plus. Il ajoute qu’il n’a pas droit à l’aide juridique. Dans les documents qu’il a présentés en preuve, soit son propre affidavit et ses observations écrites, il mêle les assertions de fait et les arguments. Il a tenté de faire admettre en preuve de nouveaux documents dans la présente instance. Dans une ordonnance datée du 1er mai 2014, le protonotaire Milczynski a conclu que le demandeur ne pouvait pas déposer de nouveaux documents en preuve. Lorsque le demandeur renvoyait à ces documents ou à d’autres documents qui ne faisaient pas partie du dossier dont était saisi l’arbitre, je n’en ai pas tenu compte. L’affidavit et les observations écrites du demandeur reprennent des observations qui figurent dans les deux séries de documents. J’ai tenté de prendre en compte toutes les observations, peu importe les documents dans lesquels elles avaient été formulées.

[7]               Dès le début de l’audience, le demandeur a soulevé des points qu’il a qualifiés de préliminaires.

[8]               Il a d’abord expliqué qu’il était indigent et qu’il avait été incapable de se faire représenter par un avocat, que ce soit par l’intermédiaire du syndicat ou de l’aide juridique. Notre système prévoit un soutien limité, mais inadéquat, par l’intermédiaire d’organisations comme Pro Bono Law, les cliniques universitaires d’aide juridique ou des services bénévoles offerts par des avocats ou des bureaux d’avocats. Il est évident que ce genre de besoin n’est pas comblé. En ce qui concerne M. Teti, la Cour a l’impression que cette question aurait pu être soulevée, ou mieux présentée, au stade de l’arbitrage ou devant la Cour, mais qu’elle n’était pas suffisamment bien structurée et formulée.

[9]               Monsieur Teti a déclaré à plusieurs reprises, au cours de l’audience, que des éléments de preuve qu’il avait remis à son avocat dans le cadre de la procédure d’arbitrage n’avaient jamais été présentés. Or, l’instance que je préside n’est pas conçue de façon à permettre l’admission d’éléments de preuve qui « auraient dû » être présentés. Je dois examiner l’affaire telle qu’elle a été présentée. Cependant, ma remarque ne doit pas être interprétée comme une critique du travail de l’avocat de M. Teti lors de la procédure d’arbitrage.

[10]           De plus, au cours de l’audience, M. Teti a reconnu avoir rédigé certains courriels, mais il a précisé qu’il préférait ne pas en divulguer le contenu pour des raisons personnelles ou parce qu’il ne voulait pas [traduction] « causer des ennuis à personne ». Ces raisons personnelles ne font pas partie de la preuve dont je suis saisi et elles ne figuraient pas non plus dans le dossier dont était saisi l’arbitre. Il n’est donc pas possible d’en tenir compte.

[11]           Le demandeur a affirmé avoir demandé au tribunal d’arbitrage une transcription des témoignages qui y avaient été entendus et avoir appris qu’aucune transcription n’avait été effectuée. Il semble qu’aucune obligation légale n’exige la réalisation d’une transcription. L’avocat du défendeur a informé la Cour qu’à l’occasion, le tribunal d’arbitrage ou une partie peut demander une transcription à l’audience ou avant. Aucun élément du dossier ne me donne à penser qu’une telle demande a été faite. S’il aurait été souhaitable qu’une transcription soit effectuée, cette omission ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle.

I.                   GRIEFS ET ISSUE DE L’ARBITRAGE DES GRIEFS

[12]           L’arbitre a été saisi des trois griefs, dont il a résumé le contenu aux paragraphes 2 à 5 de sa décision :

2 Les événements ayant mené aux mesures prises par l’employeur le 29 mars 2012 sont à la base des trois griefs dont je suis saisi.

3 Le premier grief, daté du 23 mars 2012, contestait [traduction] « une politique soutenue et constante de harcèlement et de discrimination de la part de la chef d’équipe [du fonctionnaire], Carmen Varao‑Phillips (direction) à [son lieu de travail], en contravention du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique [le « Code d’éthique »] » (pièce U‑1, onglet 1 (dossier de la CRTFP 566‑02‑7450)). Le fonctionnaire est noir; il a émigré du Kenya il y a quelques années. Le grief ne prévoyait pas de mesure de redressement précise.

4 Le deuxième grief, daté du 27 mars 2012, contestait le fait qu’il avait [traduction] « fait l’objet de mesures disciplinaires injustes, en contravention des dispositions de la convention collective dans son ensemble et de toute politique pertinente » (pièce U‑1, onglet 2 (dossier de la CRTFP 566‑02‑7449)). En guise de redressement, ce grief demandait que la lettre disciplinaire datée du 26 mars 2012 soit retirée du dossier personnel du fonctionnaire, et que toute autre mesure corrective soit prise pour l’indemniser intégralement.

5 Dans son troisième grief, daté du 2 avril 2012, le fonctionnaire se plaignait du fait qu’il avait été [traduction] « licencié injustement, en contravention de la convention collective et de la Loi canadienne sur les droits de la personne » (pièce U‑1, onglet 3 (dossier de la CRTFP 566‑02‑7448)). Ce grief visait à ce que le fonctionnaire obtienne les mesures de redressement suivantes :

[traduction]

a.      Que l’employeur supprime de mon dossier les lettres de mesure disciplinaire et de licenciement du 29 mars;

b.      Que mon dossier soit épuré;

c.       Que l’on me propose une prolongation de ma nomination d’une durée déterminée en fonction de mes qualifications et des prolongations offertes à mes collègues;

d.      Que l’on m’accorde des dommages à la hauteur de mes droits en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne;

e.       Que l’on prenne toute autre mesure de redressement que l’arbitre de grief estime juste dans les circonstances.

[13]           La décision rendue par l’arbitre au sujet desdits griefs est résumée au paragraphe 156 de ses motifs et elle est exposée dans son ordonnance, qui se trouve à la fin de sa décision, aux paragraphes 159 à 161 :

156 Pour ces motifs, je suis convaincu que :

a.      j’ai compétence pour examiner l’allégation que le non‑renouvellement du contrat d’une durée déterminée du fonctionnaire ne relève pas de la mauvaise foi ou de la discrimination, ce qui ferait de cette décision en droit un « licenciement » au sens de l’alinéa 209(1)b) de la Loi;

b.      le fonctionnaire n’a pas réussi à établir qu’il y a eu mauvaise foi ou discrimination en vertu de la convention collective ou de la Loi canadienne sur les droits de la personne;

c.       le non‑renouvellement du contrat d’une durée déterminée du fonctionnaire n’était donc pas un « licenciement » au sens de l’alinéa 209(1)b) de la Loi ou un acte de discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[. . .]

IX. Ordonnances

159 Je n’ai pas la compétence pour entendre le grief sur la lettre de réprimande (dossier de la CRTFP 566‑02‑7449). J’ordonne la fermeture du dossier.

160 Le grief de harcèlement (dossier de la CRTFP 566‑02‑7450) est rejeté.

161 Bien que j’aie la compétence pour entendre le grief de licenciement (dossier de la CRTFP 566‑02‑7448), selon la preuve, la fin du contrat d’une durée déterminée du fonctionnaire n’était pas un licenciement au sens de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Je n’ai donc pas compétence et j’ordonne la fermeture du dossier.

II.                QUESTIONS EN LITIGE EN L’ESPÈCE

[14]           Le demandeur, dans son avis de demande déposé le 21 octobre 2013, constituait à titre de défendeurs plusieurs personnes, tous des fonctionnaires fédéraux, ainsi que l’administrateur général du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada. En conséquence, il demandait les réparations suivantes dans son avis :

[traduction]

Le demandeur sollicite ce qui suit :

1.      La remise du revenu perdu, sous forme de salaire et d’avantages sociaux, auquel il avait droit avant la date de son licenciement.

2.      Des dommages‑intérêts généraux dont le montant sera déterminé par la Cour d’appel fédérale.

3.      L’obligation pour l’employeur de réintégrer le demandeur dans son poste pour une durée indéterminée, dans une autre unité du même ministère.

4.      La suppression de toute mention de mesure disciplinaire dans le dossier du demandeur.

5.      L’obligation pour chaque gestionnaire de justifier ses agissements et d’en assumer la responsabilité.

[15]           Par la suite, l’intitulé de la cause a été modifié afin que les personnes et l’administrateur général du ministère soient mis hors de cause en tant que défendeurs. C’est maintenant le procureur général du Canada qui est constitué à titre de défendeur.

[16]           Le demandeur sollicite la réparation suivante à la page 13 de son mémoire des faits et du droit, daté du 27 juin 2014 :

[traduction]

Le demandeur prie respectueusement la Cour de rendre une ordonnance déclarant que la décision de l’arbitre est nulle et sans effet dans l’intérêt de la primauté du droit ainsi que de l’équité et de la justice pour tous.

[17]           Je dois donc trancher la question de savoir si le demandeur a établi un motif justifiant l’annulation de la décision de l’arbitre et le renvoi de l’affaire à un autre arbitre chargé de rendre une nouvelle décision.

III.             NORME DE CONTRÔLE

[18]           Le défendeur soutient, et je suis d’accord avec lui, que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, tant en ce qui concerne la question de la compétence que les conclusions de l’arbitre sur les questions mixtes de fait et de droit.

[19]           S’agissant des questions de compétence, nous renvoyons au jugement Chamberlain c Canada (Procureur général), 2012 CF 1027, aux paragraphes 28 à 47 ‑ particulièrement les paragraphes 45 à 47 – prononcé par le juge Gleason de notre Cour. Quant aux questions mixtes de fait et de droit, nous renvoyons au jugement Canada (Procureur général) c Bergeron, 2013 CF 365, au paragraphe 27, prononcé par le juge Boivin (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale).

[20]           Le demandeur n’a formulé aucune observation à cet égard. Comme je l’ai dit précédemment, il n’est pas représenté par avocat et il était assurément un peu dépassé par la nature de l’instance. Il s’agit en l’espèce d’un contrôle judiciaire dans le cadre duquel la Cour doit décider si la décision de l’arbitre était raisonnable, eu égard au dossier dont il était saisi. L’arbitre dispose d’une certaine latitude pour rendre sa décision. La Cour ne doit pas se demander si elle aurait rendu une décision différente. Elle doit plutôt décider si la décision se situait à l’intérieur des limites acceptables de la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47 [Dunsmuir]; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708, au paragraphe 17 [Newfoundland Nurses]).

[21]           Le demandeur doit aussi être conscient du fait qu’il ne s’agit en l’espèce ni d’un appel dans le cadre duquel la Cour pourrait rendre une décision différente à partir du dossier, ni d’une nouvelle audience dans laquelle d’autres éléments de preuve pourraient être ajoutés au dossier. Il s’agit plutôt, comme je l’ai expliqué précédemment, d’un contrôle judiciaire.

IV.             CONTEXTE FACTUEL

[22]           L’arbitre a commencé ses motifs par un résumé de l’affaire (au paragraphe 1) :

1 Le Conseil du Trésor (Services des programmes et de l’administration) (l’« employeur ») et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat ») sont les parties à une convention collective arrivant à échéance le 20 juin 2014 (la « convention collective »). Au début de 2012, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), Gordon Teti, profitait d’une série de nominations intérimaires de courte durée pour travailler à titre d’agent de programme (PM‑02) au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada (Services aux citoyens) au bureau de Toronto. Cette série de nominations a commencé le 1er avril 2011 (pièce E‑13). Les nominations ont été renouvelées six fois. Le 28 février 2012 est la date du dernier renouvellement, lorsque l’employeur a prolongé sa nomination du 30 mars 2012, date de fin qui était prévue jusque‑là, au 30 avril 2012 (pièce E‑19). Le 29 mars 2012, cependant, le fonctionnaire :

a.      a été mis en congé payé;

b.      a été escorté à l’extérieur des bureaux de l’employeur et avisé qu’il ne devait pas revenir sans remettre un préavis à l’employeur et sans la permission de ce dernier;

c.        a été avisé que son emploi auprès de l’employeur prendrait fin à la fermeture des bureaux le 30 avril 2012 et ne serait pas prolongé (pièce U‑1, onglet 18).

[23]           Aux paragraphes 18 à 70 de ses motifs, l’arbitre expose en détail les faits de l’affaire. Je ferai un bref résumé du contexte factuel.

A.                RESPONSABILITÉS DU DEMANDEUR

[24]           Au cours de la période d’emploi, le demandeur a travaillé à titre d’agent de programme (AP) dans un centre d’appels, où il répondait à des questions au sujet du Programme des aides familiaux résidants (PAFR) et du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), qui sont gérés par le gouvernement fédéral (l’employeur).

[25]           Le PAFR traitait les demandes d’employeurs qui voulaient faire autoriser l’entrée au Canada de travailleurs étrangers temporaires qui y venaient comme aides familiaux résidants. Quant au PTET lui‑même, il visait les demandes d’employeurs œuvrant dans divers secteurs d’activité qui voulaient faire autoriser l’entrée au Canada de travailleurs étrangers temporaires qui travailleraient pour ces employeurs. Après sa nomination à l’Unité des travailleurs étrangers temporaires en décembre 2010, le demandeur a été affecté exclusivement au PAFR.

B.                 CESSATION D’EMPLOI ET GRIEFS

[26]           Le 29 mars 2012, le demandeur a été mis en congé payé et a été escorté à l’extérieur des bureaux; il a été avisé qu’il ne devait pas y retourner sans remettre un préavis à l’employeur et sans avoir obtenu la permission de ce dernier. Le demandeur a été informé par son employeur que son emploi prendrait fin à la fermeture des bureaux le 30 avril 2012. L’employeur n’a pas renouvelé la nomination du demandeur après le 30 avril 2012, date à laquelle la dernière prolongation de sa nomination se terminait (la « cessation d’emploi »).

[27]           Par suite de la cessation d’emploi et des incidents décrits ci‑après, le demandeur a déposé trois griefs devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP) en vertu des alinéas 209(1)a) et b) de la LRTFP (les griefs).

1.                  Dossier de la CRTFP 566‑02‑7540 : En contravention du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique, la gestionnaire du demandeur, Carmen Varao‑Phillips, le harcelait constamment et lui réservait un traitement discriminatoire parce qu’il était de « race noire » et qu’il avait émigré du Kenya (le grief relatif au harcèlement).

2.                  Dossier de la CRTFP 566‑02 7449 : En contravention des dispositions de la convention collective dans son ensemble et de toute politique connexe, le demandeur avait fait l’objet de mesures disciplinaires injustes de la part de l’employeur. En guise de réparation, le demandeur sollicitait le retrait de la lettre disciplinaire du 26 mars 2012 de son dossier personnel et la prise de toute autre mesure corrective permettant une indemnisation intégrale (le grief relatif à la mesure disciplinaire).

3.                  Dossier de la CRTFP 566‑02‑7448 : Le demandeur a été licencié injustement, en contravention de la convention collective et de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP). Il demandait une indemnisation intégrale, le renouvellement de sa nomination et l’octroi de dommages‑intérêts sur le fondement de la LCDP.

[28]           Le demandeur a aussi déposé une plainte de discrimination devant la Commission canadienne des droits de la personne en vertu de la LCDP.

C.                 INCIDENTS À L’ORIGINE DU DÉPÔT DES GRIEFS

(1)               Heures supplémentaires

[29]           Madame Varao‑Phillips a refusé d’autoriser la demande de travail en heures supplémentaires du demandeur parce qu’il ne pouvait pas en effectuer en tant qu’employé récemment embauché qui était en stage de formation de quatre à six semaines. Le demandeur s’expliquait mal ce refus étant donné que d’autres personnes embauchées récemment avaient obtenu l’autorisation de faire du travail en heures supplémentaires, mais il n’a déposé aucun grief à ce sujet. En février 2011, le demandeur a encore demandé l’autorisation de faire des heures supplémentaires et l’employeur lui a accordé cette autorisation en mai 2011, soit à partir du moment où il a commencé à travailler de façon autonome, après sa période de formation.

(2)               Formation supplémentaire

[30]           En août 2011, pendant qu’il effectuait de façon autonome un travail relatif au PAFR provisoire, le demandeur a cherché à obtenir des précisions au sujet du critère du seuil de faible revenu à appliquer dans l’évaluation des demandes des employeurs. En guise de réponse à cette question, Mme Varao‑Phillips a donné à Bill Shena le rôle de mentor auprès du demandeur afin qu’il lui fournisse d’autres directives et conseils sur le PAFR. Le demandeur a d’abord réagi de façon positive à cet arrangement. Toutefois, il croyait qu’il aurait accès à un nouveau contenu, mais à sa grande déception le contenu était le même que pendant la formation qu’il avait reçue au début de son emploi.

(3)               Incident impliquant M. Shena

[31]           Le 7 septembre 2011, M. Shena s’est présenté au poste de travail modulaire du demandeur et, d’une voix forte, a remis en question la qualité de son travail, ce qui a attiré l’attention d’autres employés. Le demandeur s’est senti humilié. Avry Carty, une autre agente de programme, aussi déléguée syndicale, a été témoin de l’incident et a déclaré plus tard qu’à son avis la conduite de M. Shena avait été inacceptable et non professionnelle. À la suite de l’incident, une rencontre a été organisée en présence du demandeur, de Mme Varao‑Phillips, de Mme Hibberd, l’une des quatre gestionnaires de l’unité du demandeur, de Mme Carty et d’autres personnes; au cours de cette rencontre, le demandeur a remis en question la formation que lui donnait M. Shena ainsi que la manière dont celui-ci l’avait traité le 7 septembre 2011. Madame Varao‑Phillips a expliqué la décision de la direction, mais a convenu que la direction devrait examiner d’autres options visant la formation relative au poste d’AP; elle a aussi convenu que toute rétroaction devait être donnée en privé. Le demandeur et Mme Carty ont considéré qu’il s’agissait là d’excuses de la part de Mme Varao‑Phillips relativement à la façon dont la question de formation avait été réglée.

(4)               Deux incidents impliquant M. Rainville

[32]           Premièrement, au début novembre 2011, pour donner suite à la plainte d’une cliente en colère, le demandeur a omis de suivre la procédure habituelle et a communiqué avec une collègue au centre d’appels, Padmavathi Iyer, qui s’occupait du dossier de la cliente, malgré le fait qu’il savait que, normalement, il devait aiguiller la cliente vers le centre d’appels. Le 11 novembre 2011, ou vers cette date, son chef d’équipe, Jason Rainville, a déclaré que le demandeur n’était pas autorisé à donner ce genre de directives. Le demandeur a décrit comme hostile le comportement de M. Rainville. L’arbitre a souligné que le témoignage du demandeur « élud[ait] » plusieurs détails relatifs à cet événement, notamment le fait qu’il avait insisté pour rencontrer des membres de la direction, des représentants syndicaux ainsi que Mme Iyer « pour faire connaître son point de vue, puisqu’elle était au centre de cette affaire » (aux paragraphes 36 à 39). Cette rencontre a eu lieu le 7 novembre 2011, avant le premier incident impliquant M. Rainville.

[33]           Deuxièmement, le demandeur avait demandé à celui qui était son chef d’équipe avant l’arrivée de M. Rainville la permission de prendre des vacances en novembre et en décembre. Une fois en poste, M. Rainville a rejeté la demande. Cependant, Mme Hibberd, la gestionnaire de l’équipe, est intervenue et a autorisé sa demande de vacances.

(5)               Incident impliquant Mme Hibberd

[34]           Le 1er novembre 2011, le bâtiment où se trouvent les locaux de l’unité a été évacué. Le demandeur ne s’était pas rendu au point de rencontre obligatoire à l’extérieur du bâtiment où il aurait dû être présent, avec tous les autres employés, pour un dénombrement. Lorsqu’il est retourné dans le bâtiment, il a parlé à Mme Hibberd, la responsable du dénombrement; celle-ci s’est adressée à lui en criant et l’a menacé de sanctions disciplinaires. Cependant, plus tard le même jour, Mme Hibberd a présenté des excuses et a dit « qu’elle était comme un parent dans ce genre de situation, et que c’était la raison pour laquelle elle avait agi de la sorte » (au paragraphe 41).

(6)               Incident impliquant un avocat

[35]           Le 11 novembre, le demandeur a communiqué avec un client afin de lui demander une copie plus claire d’un document illisible envoyé par télécopieur. C’est l’avocat du client qui a communiqué avec le demandeur; il l’a traité d’incompétent et l’a informé qu’il s’était entretenu avec Mme Varao‑Phillips au sujet de l’incident. Celle-ci a déclaré au cours de son témoignage qu’« [i]l n’y avait, selon elle, rien de mal à ce qu’un agent de programme demande une copie plus claire » et qu’« [i]l n’y avait rien d’inhabituel à propos de cet appel » (au paragraphe 44).

(7)               Incident impliquant Sears

[36]           À la fin janvier 2012, le demandeur a traité une demande pour le compte de Sears Canada (Sears). Après avoir envoyé un courriel à Mme Ismat Mizra, vice‑présidente principale, Capacités commerciales et Ressources humaines à Sears, dans lequel il déclarait avoir autorisé la demande, il lui a téléphoné (l’appel téléphonique à Sears). Le jour suivant, soit le 24 janvier 2012, l’avocat de Sears a téléphoné à Mme Varao‑Phillips pour lui faire part de ses préoccupations concernant l’appel téléphonique à Sears. Madame Varao‑Phillips a ensuite parlé à Mme Mizra et à l’avocat de la société. Elle a résumé le contenu de ces conversations dans un courriel envoyé à Mme Hibberd. L’arbitre a souligné que le courriel contenait du ouï‑dire et peut‑être même du double ouï‑dire de même que des erreurs que Mme Varao‑Phillips et Mme Mizra ont relevées et qui ont été corrigées par la suite lors de l’enquête qui a suivi. Cependant, l’arbitre a tiré, au paragraphe 51 de sa décision, les conclusions de fait suivantes à l’égard des notes figurant dans le courriel sur lesquelles il n’y avait aucun désaccord (les conclusions de fait concernant Sears) :

1.                  Le demandeur a parlé avec Mme Mizra dans le cadre d’une demande relative au PTET dont le demandeur s’occupait.

2.                  Le demandeur a envoyé à Mme Mizra un hyperlien menant à un site Web qui mentionnait l’organisme de charité que lui‑même avait fondé au nom de sa mère décédée.

3.                  Ils ont parlé de la fille du demandeur qui cherchait du travail et de la possibilité que Sears ait des postes à combler.

4.                  Le demandeur a envoyé le curriculum vitæ de sa fille à Mme Mizra.

[37]           La réaction de l’employeur a été de mener une enquête. L’enquêteur a rédigé un rapport préliminaire qu’il a remis à Nicole Gowan, conseillère en relations de travail. Cette dernière a pressé l’enquêteur d’éliminer les « zones grises » de son rapport et d’en rédiger un qui serait exempt de toute équivoque et qui comporterait des conclusions précises. La version définitive du rapport, produite le 22 mars 2012, concluait que le demandeur avait enfreint le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique en profitant de son poste pour communiquer avec une vice‑présidente de Sears Canada à des fins personnelles (le rapport).

[38]           Vu que le rapport concluait à l’existence d’un conflit d’intérêts, la direction a décidé de ne pas renouveler la nomination du demandeur.

(8)               Courriel envoyé au syndicat

[39]           Le 20 mars 2012, le syndicat a organisé une élection pour la nomination des dirigeants de sa section locale. Le 21 mars 2012, le demandeur a envoyé un courriel aux nouveaux dirigeants pour les féliciter de leur victoire : « Il y avançait que les dirigeants précédents étaient de connivence avec la direction, ajoutant qu’il était [traduction] “extrêmement heureux de constater que Ken Horsford ne s’était pas présenté pour être réélu, car son leadership était une honte” » (le courriel envoyé au syndicat) (au paragraphe 57). Il a envoyé le courriel au syndicat par le réseau interne de courrier électronique de l’employeur, et non par celui du syndicat, et il avait aussi mis en copie tant des membres du syndicat que des non‑membres, comme Mme Gowan.

[40]           Monsieur Horsford, un collègue du demandeur, s’en est plaint à la direction. Le 26 mars 2012, le directeur, M. Azouz, a remis une lettre disciplinaire au demandeur relativement au courriel envoyé au syndicat (la lettre disciplinaire). Il y était précisé que le comportement du demandeur était déplacé et qu’il justifiait la prise d’une mesure disciplinaire; la lettre devait demeurer dans son dossier pendant deux ans.

V.                DÉCISION À L’EXAMEN

A.                CONCLUSIONS RELATIVES À CHAQUE GRIEF

[41]           Voici les conclusions de l’arbitre concernant chacun des griefs :

1.                  Grief relatif à la mesure disciplinaire : L’arbitre n’avait pas compétence pour examiner le grief et il a ordonné la fermeture du dossier.

2.                  Grief relatif au harcèlement : L’arbitre avait compétence, mais il a conclu que le demandeur n’avait pas prouvé ses allégations contre Mme Varao‑Phillips; par conséquent, il a rejeté le grief.

3.                  Grief relatif au licenciement : Malgré la compétence de l’arbitre pour examiner ce grief, le demandeur n’a pas établi qu’il s’agissait d’un licenciement au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP; l’arbitre n’avait donc plus compétence et il a conclu que le dossier devait être fermé.

B.                 GRIEF RELATIF À LA MESURE DISCIPLINAIRE

[42]           S’appuyant sur ses conclusions de fait, l’arbitre a reconnu que la lettre disciplinaire constituait bien une mesure disciplinaire, mais il a constaté qu’elle n’avait pas entraîné de licenciement, de rétrogradation, de suspension ou de sanction pécuniaire. L’employeur a simplement mis la lettre disciplinaire au dossier du demandeur pour une période de deux ans. Par conséquent, l’arbitre a conclu que l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP ne lui octroyait pas le pouvoir d’examiner le grief. Il a donc ordonné la fermeture de ce dossier.

[43]           L’arbitre a ajouté qu’il pouvait tenir compte des faits qui avaient mené à la mesure disciplinaire ou de cette mesure elle‑même dans le cadre de l’examen des autres griefs.

C.                 GRIEF RELATIF AU HARCÈLEMENT

[44]           Même en supposant qu’il avait compétence pour examiner ce grief, l’arbitre a conclu que le demandeur (le fonctionnaire s’estimant lésé) n’avait pas prouvé ses allégations contre Mme Varao‑Phillips.

[45]           L’arbitre a effectué un examen détaillé de chacun des incidents décrits précédemment qui avait un lien avec l’allégation contre Mme Varao‑Phillips (les incidents de harcèlement). Il a conclu qu’aucun de ces faits « pris ensemble ou isolément » ne permettait de prouver le bien‑fondé de l’allégation grave contenue dans le grief. L’arbitre soulignait aussi la diversité des effectifs et ajoutait que le demandeur « devrait évoquer plus que le simple fait qu’il était noir ou venait du Kenya pour établir que Mme Varao‑Phillips a fait preuve de discrimination contre lui dans l’exercice de ses fonctions de gestionnaire » (au paragraphe 115).

[46]           Voici l’examen détaillé des incidents de harcèlement effectué par l’arbitre :

                     Heures supplémentaires : Il était logique sur le plan opérationnel que le demandeur ne fasse des heures supplémentaires qu’à partir du moment où il commençait à travailler de façon autonome. La preuve du demandeur selon laquelle plusieurs de ses collègues avaient été autorisés à faire des heures supplémentaires ne suffit pas à elle seule à établir que Mme Varao‑Phillips a commis un acte répréhensible. Même si Mme Varao‑Phillips avait pris une décision injustifiée en refusant d’accorder du travail en heures supplémentaires au demandeur, « on peut se demander pourquoi elle a changé d’avis et a accepté que le fonctionnaire fasse des heures supplémentaires la deuxième fois » (au paragraphe 105).

                     Formation : Pour ce qui est de la formation supplémentaire, le témoignage du demandeur lui‑même démontre qu’il a d’abord accueilli favorablement cette occasion. Le fait de recevoir la même formation une deuxième fois ne constitue pas du harcèlement; au pire, l’employeur a mal compris ce qu’il devait faire ou n’a pas donné correctement la formation.

                     Incident impliquant M. Shena : Madame Varao‑Phillips a bien répondu aux préoccupations du demandeur et a pris une décision valable en ne prenant pas de mesures disciplinaires contre M. Shena. Ce genre de décision ne constitue pas un acte discriminatoire dirigé contre le demandeur.

                     Incident impliquant l’avocat : On ne saurait attribuer à Mme Varao‑Phillips la responsabilité du comportement arrogant et déplacé de l’avocat. De plus, l’arbitre a tenu compte du fait « que les télécopies, particulièrement celles de formulaires remplis, sont souvent difficiles à lire, voire complètement illisibles » (paragraphe 108). C’est pourquoi en déclarant qu’elle ne voyait pas ce qu’il y avait de mal à chercher à obtenir une autre copie d’une demande, Mme Varao‑Phillips n’a pas critiqué le demandeur. En outre, vu que les commentaires de l’avocat constituaient du ouï‑dire, rien dans la preuve ne tend à indiquer que Mme Varao‑Phillips a tenu les propos rapportés par l’avocat.

                     Comportement de M. Rainville : Rien ne démontrait que M. Rainville ait été plus brusque avec les autres employés qu’avec le demandeur. De plus, lorsque le demandeur s’est adressé à Mme Hibberd au sujet de ses vacances, c’est sa position qui a été retenue.

                     Lettre disciplinaire : La réprimande écrite relative au courriel envoyé au syndicat « montre tout au plus que l’employeur a fait preuve de discrimination fondée sur le contenu, et non sur la race ou l’origine nationale » (au paragraphe 111).

                     Incident impliquant Sears : Les conclusions de fait relatives à Sears figuraient dans le rapport de l’enquêteur sur lequel reposait la décision de ne pas renouveler la nomination du demandeur. Ce rapport ne comportait aucun élément discriminatoire. J’aborderai plus loin les répercussions des conclusions de fait relatives à Sears.

                     Licenciement : Madame Varao‑Phillips n’a pas pris la décision.

D.                GRIEF RELATIF AU LICENCIEMENT

[47]           L’arbitre a tiré les conclusions suivantes :

1.                  Il avait la compétence requise pour examiner l’allégation selon laquelle la décision de l’employeur de ne pas renouveler le contrat d’une durée déterminée du demandeur était entachée de mauvaise foi ou était discriminatoire, ce qui, en droit, aurait fait du non‑renouvellement un « licenciement » au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP;

2.                  Le demandeur n’a pas démontré l’existence de mauvaise foi ou de discrimination, dans le contexte de la convention collective ou de la LCDP;

3.                  Par conséquent, le non‑renouvellement de son contrat pour une durée déterminée n’était ni un « licenciement » au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP ni un acte discriminatoire au sens de la LCDP.

[48]           Voici le raisonnement de l’arbitre sur lequel reposait cette conclusion :

1.                  Il a donné une interprétation différente de la jurisprudence sur les licenciements dans le contexte de la cessation d’un emploi pour une durée déterminée;

2.                  Il a appliqué cette interprétation aux faits de l’affaire.

(1)               Interprétation du licenciement

[49]           Avant d’appliquer le droit aux faits de l’espèce sur cette question, l’arbitre a déclaré qu’il devait d’abord trancher la question de droit suivante : soit celle de savoir si le fait de mettre fin à un contrat de travail à durée déterminée dans le respect de ses modalités signifie qu’il y a absence de licenciement.

[50]           L’arbitre n’a pas retenu les jugements invoqués, dans lesquels l’arrêt Mireille Dansereau c l’Office national du film, [1979] 1 CF 100, 90 DLR (3d) 478 (CA), avait été appliqué, pour affirmer que le fait de mettre fin à un contrat de travail à durée déterminée dans le respect de ses modalités signifie qu’il y a absence de licenciement. Ces affaires sont trop formalistes dans le contexte du renouvellement automatique de nominations pour une durée déterminée.

[51]           Dans ces cas comme celui de l’espèce, l’arbitre a décidé que l’employeur peut prendre une mesure précise pour interrompre le renouvellement périodique d’un emploi d’une durée déterminée. Si l’employeur prend cette mesure en faisant preuve de mauvaise foi ou pour un motif de distinction illicite, cette mesure pourrait équivaloir à un licenciement au sens du paragraphe 209(1) de la LRTFP. Si le non‑renouvellement de la nomination équivaut à un licenciement, l’arbitre pourrait accorder des dommages‑intérêts dans un contexte où il est mis fin à un contrat de travail à durée déterminée.

[52]           Par conséquent, l’arbitre a conclu que, même dans un cas de cessation d’emploi, il avait compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP pour décider si, au vu des faits qui lui ont été présentés, la cessation d’emploi à la fin d’un contrat d’une durée déterminée constituait un licenciement au sens de cet alinéa et, le cas échéant, pour examiner la possibilité d’accorder une indemnité au titre du revenu perdu après la date de cessation d’emploi. Plus précisément, l’arbitre a compétence pour examiner les circonstances se rattachant à la fin d’un contrat d’une durée déterminée lorsqu’il est allégué qu’un agissement de mauvaise foi ou une autre inconduite de la part de l’employeur a mené au non‑renouvellement du contrat, contrat qui aurait normalement été renouvelé.

Pour appliquer cette interprétation au grief relatif au licenciement, il fallait répondre à deux questions :

1.                  Le fait pour l’employeur de dire au demandeur, le 29 mars 2012, de partir et de ne plus revenir constituait-il un licenciement?

2.                  L’employeur a‑t‑il agi de mauvaise foi en décidant de ne pas renouveler le contrat du demandeur en raison de ce qu’il considérait être une violation du Code d’éthique? Si l’employeur a agi de mauvaise foi, ladite cessation d’emploi équivaudrait à un licenciement au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

[53]           S’agissant de la première question, l’arbitre a conclu qu’il n’y avait pas eu de licenciement : le demandeur est demeuré un employé jusqu’à la fin de son contrat d’une durée déterminée parce qu’il avait continué à recevoir son salaire et ses avantages sociaux habituels jusqu’à la fin de la période du contrat. De plus, il a conclu que l’incident du 29 mars 2012 était de la nature d’une suspension avec traitement dans l’attente des résultats d’une enquête sur les actes répréhensibles reprochés. « Cet employé demeure un employé pendant l’enquête, qu’on lui demande ou non de quitter le lieu de travail. » (Au paragraphe 150)

[54]           S’agissant de la seconde question, l’arbitre a conclu que le demandeur n’avait pas établi que l’employeur avait agi de mauvaise foi en décidant de ne pas renouveler le contrat d’une durée déterminée. L’employeur était fondé à croire que le demandeur avait violé le Code d’éthique « en agissant de manière à soulever un conflit d’intérêts apparent, sinon réel » (au paragraphe 152). L’arbitre a ensuite décrit en détail les faits qui ont donné lieu à cette apparence de conflit d’intérêts. L’arbitre a estimé que, selon les faits en question, l’employeur avait pris de bonne foi la décision de ne pas renouveler le contrat du fonctionnaire s’estimant lésé.

[55]           L’arbitre a conclu que le demandeur n’avait pas présenté des arguments qui parassent suffisamment solides pour démontrer que l’employeur avait fondé sa décision sur un motif de distinction illicite au sens de la LCDP :

155 Je n’accepte pas non plus l’argument du fonctionnaire que la décision de ne pas renouveler la nomination d’une durée déterminée en raison de l’infraction au Code d’éthique était de quelque façon que ce soit un acte de discrimination déguisé. Je crois qu’il est important de noter que le fonctionnaire n’a pas établi le moindre soupçon de discrimination fondée sur la race ou la nationalité d’origine.

[56]           J’ai examiné avec soin les conclusions et la décision de l’arbitre. Je conclus, comme je l’ai déjà indiqué, malgré le fait que j’aurais probablement tiré une conclusion différente eu égard à la question de la discrimination et du harcèlement, que la décision de l’arbitre se situait à l’intérieur des limites acceptables de la raisonnabilité définies par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir, aux paragraphes 47 à 49, et dans l’arrêt Newfoundland Nurses, aux paragraphes 12 à 18.

[57]           Par conséquent, la présente demande sera rejetée. Étant donné l’indigence dans laquelle se trouve le demandeur, aucune ordonnance relative aux dépens ne sera rendue.

 


JUGEMENT

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS :

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens.

« Roger T. Hughes »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1735‑13

INTITULÉ :

GORDON TETI c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 OCTOBRE 2014

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE HUGHES

DATE DES MOTIFS :

LE 16 OCTOBRE 2014

COMPARUTIONS :

Gordon Teti

LE DEMANDEUR, POUR SON PROPRE COMPTE

Pierre Marc Champagne

POUR LE Défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gordon Teti

Toronto (Ontario)

LE DEMANDEUR, POUR SON PROPRE COMPTE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE  Défendeur

 

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