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Date : 20141114

Dossier : IMM-2337-13

Référence : 2014 CF 1060

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 novembre 2014

En présence de monsieur le juge O’Keefe

ENTRE :

WEILI ZENG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Le demandeur a présenté une demande d’asile qui a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission).  Le demandeur sollicite maintenant auprès de la Cour le contrôle judiciaire de cette décision en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[2]               Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision défavorable et renvoyant l’affaire à un autre tribunal de la Commission.

I.                   Contexte

[3]               Weili Zeng (le demandeur) est citoyen chinois. Il est arrivé au Canada le 27 février 2012 et a demandé l’asile dans le mois qui a suivi. Adepte du Falun Gong, il prétend craindre d’être persécuté depuis que son groupe a fait l’objet d’une descente par le Bureau de la sécurité publique (BSP).

II.                Décision faisant l’objet du contrôle

[4]               La Commission a rejeté la demande le 20 février 2013.

[5]               Essentiellement, la Commission a déterminé que le demandeur avait menti au sujet des événements qui l’ont mené à fuir la Chine. Voici les treize motifs suivants qui l’ont conduit à mettre en doute le récit du demandeur :

                    i.                        Il a indiqué dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) qu’il avait été initié au Falun Gong par son ami Tang en août 2010 et qu’il s’était mis à pratiquer le Falun Gong immédiatement. Il a plus tard témoigné qu’il avait plutôt été initié à cette discipline en juin 2010 et qu’il avait commencé à la pratiquer seulement en août 2010.

                  ii.                        Malgré une demande à cet effet, le demandeur n’en a jamais fourni de relevés de notes en vue d’établir que la pratique du Falon Gong lui avait permis d’améliorer ses résultats.

                iii.                        Le demandeur a affirmé que le groupe se réunissait toujours de 20 h à 21 h 30 pour pratiquer et que le guet était assuré par une femme qui tricotait à l’extérieur. À l’hiver, elle s’assoyait près des petits magasins en raison de la noirceur. La Commission a trouvé curieux que le demandeur n’ait pas mentionné les petits magasins dès le départ. De plus, elle a estimé qu’une personne faisant le guet ne resterait pas si longtemps sur place de peur d’attirer l’attention.

                iv.                        Le demandeur a affirmé qu’après la descente alléguée, il a habité trois mois chez son ami, âgé de 18 ans, pour se cacher du BSP. Il a déclaré que les parents de son ami habitaient à une distance de deux à trois heures de route de chez lui, et qu’ils ne sont jamais venus prendre des nouvelles de leur fils ou vérifier l’état de leur propriété. Le Commission a estimé ce scénario peu probable.

                  v.                        Dans son FRP, le demandeur a indiqué que son instructeur et d’autres membres de son groupe avaient été arrêtés. Cependant, il a mentionné que son ami Tang était du lot seulement à l’audience. La Commission s’est dite d’avis que le demandeur aurait désigné Tang par son nom dans le formulaire étant donné que c’est lui qui l’a initié au Falun Gong.

                vi.                        Bien qu’on lui ait demandé de le faire, le demandeur n’a jamais produit de documents de visite de prison, et ce, alors qu’il aurait pu en obtenir de la mère de Tang.

              vii.                        Le demandeur a déclaré que ses parents gardaient son exemplaire du livre Zhuan Falun, mais la Commission a jugé plus probable qu’ils auraient détruit l’ouvrage.

            viii.                        Le demandeur a dit que le BSP n’a pas laissé d’assignation à comparaître auprès de sa famille lors de ses sept visites à leur domicile. Bien qu’il s’agisse ici de la bonne façon de faire, la Commission a relevé qu’il est pratique courante que la police laisse une assignation à comparaître auprès d’un membre de la famille et a conclu du fait qu’aucune assignation n’avait été remise que le BSP ne s’intéressait pas au demandeur.

                ix.                        Le demandeur a reçu un passeport un mois avant la descente alléguée, ce que la Commission a jugé comme étant plus qu’une coïncidence.

                  x.                        Le demandeur a quitté la Chine avec ce passeport valide. La Commission estime que cela est impossible parce que dans ce cas le demandeur aurait dû le présenter aux autorités lorsqu’il est passé par Hong Kong. De plus, si le passeur avait eu à soudoyer quelqu’un, il en aurait informé le demandeur.

                xi.                        Le demandeur n’a pas pu quitter la Chine avec un véritable passeport s’il était recherché par le BSP, car il aurait été repéré grâce au réseau informatique national chinois.

              xii.                        Le demandeur a transité par les États‑Unis pendant neuf jours sans demander l’asile.

            xiii.                        Le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve selon lequel sa famille avait subi des représailles, bien que ce soit souvent le cas de la famille des adeptes du Falun Gong.

[6]               La Commission a reconnu que le demandeur pratiquait le Falun Gong au Canada et qu’il avait ainsi pu répondre correctement à des questions de base au sujet de la discipline. Cependant, la Commission a conclu que le demandeur ne pratiquait pas le Falun Gong en Chine et qu’il avait commencé à le faire au Canada uniquement pour renforcer une demande d’asile frauduleuse.

[7]               Ainsi, la Commission a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, aux termes de l’article 96 de la Loi, ni celle de personne à protéger, au sens de l’article 97.

III.             Questions

[8]               La présente demande soulève deux questions :

1.                  Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.                  La Commission a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur?

A.                Observations écrites du demandeur

[9]               Le demandeur reproche à la Commission d’avoir réalisé une analyse microscopique de sa demande. Plus précisément, il reproche à la Commission d’avoir tenu compte de deux détails mineurs pour tirer des conclusions défavorables quant à sa crédibilité : (1) la contradiction mineure au sujet du mois où il a commencé à pratiquer le Falun Gong et (2) le fait qu’il n’ait pas précisé dans son FRP que Tang avait été arrêté.

[10]           De plus, il fait remarquer que des conclusions en matière de crédibilité ne devraient être tirées que s’il est manifeste que les circonstances en l’espèce n’auraient pas pu se produire telles qu’elles ont été décrites (voir Xu c Canada Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 274, au paragraphe 17, [2007] ACF no 397 [Xu]). Selon lui, trois des faits qu’il a rapportés n’étaient pas en soi improbables : (1) les parents de son ami ne sont pas rentrés à la maison pendant trois mois; (2) ses parents n’ont pas détruit son exemplaire du livre Zhuan Falun; et (3) il a obtenu son passeport un mois avant la descente.

[11]           Le demandeur a également soutenu qu’il avait pu quitter la Chine avec son propre passeport parce qu’il avait eu recours à un passeur. Cela n’a rien d’invraisemblable.

[12]           En ce qui concerne les assignations à comparaître, la preuve documentaire montre que « l’application de la loi peut varier considérablement en fonction des régions ». Il est possible qu’il soit fréquent que les assignations à comparaître soient remises aux membres de la famille, mais ce n’est pas une pratique systématique. Le demandeur fait valoir que la Commission s’est par le passé fondée sur la preuve à cet égard de façon plutôt sélective et que la Cour fédérale a à de nombreuses reprises conclu que ce type de conclusions était déraisonnable.

[13]           Enfin, le demandeur a concédé que la preuve documentaire indique que des membres de la famille de la personne pouvaient subir diverses représailles, notamment sous forme de « harcèlement de la part de la police (visites inattendues de la police), interrogatoires arbitraires, perte [d’un] emploi, évanouissement de [l’]espoir d’une promotion, perte [de la] pension ou d’un logement de l’État, etc. ». Cependant, elle n’indique pas que toutes les familles sont exposées à tous ses châtiments. En l’espèce, il fait valoir que sa famille avait été visitée sept fois et qu’elle avait à ce titre été victime de harcèlement et d’interrogatoires arbitraires.

IV.             Observations écrites du défendeur

[14]           Le défendeur reproduit les conclusions de la Commission quant à la crédibilité du demandeur et soutien que son analyse n’est pas microscopique. Il fait plutôt valoir que la Commission a raisonnablement soupesé les éléments de preuve et a tiré des inférences raisonnables fondées sur des invraisemblances et le bon sens.

[15]           De plus, le défendeur souligne que la Cour fédérale a confirmé que la Commission peut raisonnablement tirer une conclusion à la lumière du fait qu’aucune assignation à comparaître n’a été remise à la famille d’un demandeur qui prétend qu’elle a été visitée par le BSP (voir Lan Cao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1398, au paragraphe 35, 422 FTR 108 [Cao]). Compte tenu des doutes qu’avait la Commission sur la crédibilité du demandeur, il était raisonnable d’exiger des éléments de preuve corroborants.

[16]           Enfin, le défendeur admet que le demandeur a déclaré que sa famille avait été harcelée. Toutefois, cette déclaration n’a d’incidence que sur une de ses conclusions à l’égard de la crédibilité du demandeur;  la conclusion générale que le demandeur mentait n’est donc aucunement ébranlée par ce fait.

V.                Analyse et décision

A.                Question 1 – Quelle est la norme de contrôle applicable?

[17]           Les conclusions de la Commission doivent être examinées selon la norme de raisonnabilité (voir Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; Aguebor c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (QL), au paragraphe 4, 160 NR 315 [Aguebor]). La décision de la Commission ne devrait pas être infirmée du moment qu’elle est justifiable, transparente, intelligible et que son issue peut se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, paragraphe 47). Autrement dit, je n’annulerai la décision de la Commission que si les motifs ne permettent pas de comprendre ses conclusions ou comment les faits et le droit applicables justifient le résultat (voir Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708).

[18]           Comme la Commission l’a elle-même fait observée, la présomption que le demandeur dit la vérité est le point de départ de l’évaluation de la crédibilité (voir Maldonado c Canada (Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302, 31 NR 34 (CA)). De plus, « l’évaluation de la crédibilité d’un demandeur constitue l’essentiel de la compétence de la Commission » (voir Mohacsi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 ACF 429, paragraphe 18, [2003] 4 CF 771 [Mohacsi]).

B.                 Question 2 – La Commission a-t-elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur?

[19]           Bien que certains éléments de la décision de la Commission posent problème, je suis en dernière analyse d’accord avec le défendeur pour dire que la décision est raisonnable.

[20]           En ce qui concerne les conclusions relatives à la vraisemblance d’un témoignage, la Commission ne devrait mettre en doute la crédibilité d’un demandeur que s’il est manifeste que les événements n’ont pu se dérouler de la manière qu’il l’est décrit (Xu, paragraphe 17). Notons toutefois que, comme la Cour d’appel l’a d’ailleurs précisé dans l’arrêt Aguebor, au paragraphe 4,  la Commission est mieux placée que la Cour pour tirer des conclusions à cet égard :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu’est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d’un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d’un récit et de tirer les inférences qui s’imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d’attirer notre intervention, ses conclusions sont à l’abri du contrôle judiciaire.

[Non souligné dans l’original.]

[21]           Ainsi, je ne retiens pas la prétention du demandeur selon laquelle les conclusions de la Commission devraient pour la plupart faire l’objet d’une intervention de la Cour. En ce qui concerne l’absence des parents de son ami, la Commission a expliqué qu’elle trouvait invraisemblable que les parents, qui habitaient à seulement deux ou trois heures de route, ne soient jamais venus à la maison en trois mois pour voir leur fils et vérifier l’état de la propriété. Elle a également estimé peu probable que le demandeur n’ait jamais demandé à son ami s’il y avait des chances qu’ils reviennent à la maison. Cette inférence me parait plutôt raisonnable.

[22]           Cependant, d’autres arguments du demandeur révèlent l’existence de certains problèmes.

[23]           D’abord, la Commission a jugé invraisemblable que les parents du demandeur se contentent de cacher son exemplaire du livre Zhuan Falun plutôt que de le détruire. Bien que j’estime, comme la Commission, que cela semble peu probable, le demandeur a uniquement affirmé qu’il avait demandé à ses parents de cacher le livre. Il n’a jamais prétendu que c’est ce qu’ils avaient fait. Même si ses parents l’ont détruit, il est plausible qu’ils n’aient rien dit à leur fils.

[24]           Par ailleurs, le demandeur a également fait valoir que la preuve documentaire est contradictoire quant à la question des assignations à comparaître. Une source affirme qu’« une assignation serait presque toujours délivrée à la personne concernée », alors qu’une autre indique que la police remet des assignations aux membres de la famille « tout le temps, notamment lorsque la personne visée par l’assignation est difficile à trouver » (voir Direction des recherches de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, RDI CHN42444.EF, Chine : information sur les circonstances dans lesquelles une assignation est délivrée et les autorités responsables de la délivrance (1er juin 2004), au paragraphe 4). Ceci tient en partie au fait que « l’application de la loi peut varier considérablement en fonction des régions ».

[25]           Néanmoins, la Commission a déterminé qu’il était improbable que le BSP se rende sept fois au domicile de la famille du demandeur et qu’il ne laisse aucune assignation à comparaître.

[26]           La jurisprudence de la Cour sur la question de savoir si une telle conclusion est raisonnable n’est pas unanime. Au paragraphe 35 de la décision Cao, le juge David Near a fait remarquer que « bien que la preuve documentaire donne à penser que le BSP ne laisse pas toujours nécessairement une assignation à l’intention de l’intéressé, cette preuve ne contredit pas directement la conclusion de la Commission ». Ainsi, le demandeur a simplement démonter qu’une autre conclusion aurait pu être rendue et non que la conclusion tirée était déraisonnable.

[27]           Cela dit, dans d’autres décisions de la Cour, il a été conclu que des inférences similaires n’étaient pas raisonnables. Dans la décision Weng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 422, [2011] ACF no 532, un demandeur a affirmé que le BSP s’était rendu dix fois à son domicile sans jamais laisser d’assignation à comparaître. La Commission a déterminé que cela était improbable, mais le juge Donald Rennie a jugé que ce raisonnement était erroné et il a précisé au paragraphe 17 que « le témoignage du demandeur fait clairement partie de l’ensemble des issues possibles et il est cohérent avec les éléments de preuve dont la Commission était saisie concernant la situation dans le pays et les pratiques inconstantes du BSP ». Le juge James O’Reilly est également arrivé à une conclusion similaire dans la décision Liu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 135, paragraphe 10, [2010] ACF no 162, à l’instar du juge Michel Shore dans la décision Liang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 65, au paragraphe 14 [2011] ACF no 74 [Liang].

[28]           En toute déférence, j’estime que ce deuxième point de vue est plus conforme à la jurisprudence de notre Cour portant sur les conclusions relatives à la vraisemblance d’inférences de cette nature. Comme l’a expliqué le juge Shore au paragraphe 14 dans Liang, « si la norme de la région où la demanderesse habite veut que le BSP ne laisse aucun mandat ou aucune sommation à une personne autre que celle à qui le document est adressé, cette norme est vraisemblablement suivie, peu importe le nombre de visites […] ». Ainsi, si cela avait été l’unique fondement de la décision de la Commission, il aurait été déraisonnable qu’elle mette en doute la crédibilité du demandeur simplement parce qu’il avait la malchance de vivre dans une région où l’on respectait la procédure établie pour le persécuter.

[29]           De plus, le défendeur fait remarquer à juste titre que la conclusion de la Commission sur la question des représailles subies par sa famille est problématique. La preuve documentaire qui sous‑tend la conclusion de la Commission n’indique pas que toutes les familles des adeptes du Falun Gong subissent toutes les formes de représailles énumérées. En outre, le demandeur a soutenu que sa famille avait été victime de harcèlement. Il était déraisonnable que la Commission conclût que la version du demandeur était improbable.

[30]           Malgré ces erreurs, les autres observations de la Commission résistent à un examen approfondi et justifient ses conclusions négatives sur la crédibilité du demandeur.

[31]           D’une part, notons que le demandeur ne conteste pas plusieurs des inférences tirées par la Commission quant à sa crédibilité, y compris celles relatives aux relevés de notes et aux documents de visite de prison manquants, ainsi que celles qui concernent la guetteuse.

[32]           D’autre part, la Commission n’a jamais fait fi du fait que le demandeur ait dit s’être fait aider par un passeur. Elle a simplement estimé peu probable que le demandeur ait pu quitter la Chine avec son propre passeport, et ce, même avec de l’aide. Son raisonnement sur cette question tient la route.

[33]           Le demandeur soutient également que les conclusions qu’a tirées la Commission à l’égard de son ami Tang relèvent d’une analyse microscopique (voir Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1989 CarswellNat 736 (WL Can), au paragraphe 9, 99 NR 168 (C.F., S. d’appel)). Cependant, le fait de souligner les incohérences que comportent  des détails secondaires n’est pas en soi problématique. De fait, la juge Judith Snider a expliqué dans la décision Konya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 975, au paragraphe 22, 63 Admin LR (5th) 27, qu’« une analyse microscopique est une analyse dans le cadre de laquelle la Commission examine un fait qui n’est pas très pertinent pour un point quelconque, a moins de poids que d’autres éléments de preuve et ne joue pas un rôle fondamental dans les questions qui sont en litige dans l’affaire, mais dont on se sert pour trancher cette dernière ».

[34]           Dans l’affaire qui nous occupe, les deux énoncés que conteste le demandeur n’ont pas eu un effet déterminant sur la décision. Ils ont plutôt simplement servi à corroborer la conclusion générale selon laquelle le demandeur n’est pas crédible. Dans ce contexte, il n’y a rien de déraisonnable dans le fait de souligner que le demandeur a omis ou dénaturé certains détails dans son FRP.

[35]           Qui plus est, ni l’une ni l’autre des observations de la Commission n’était en soi déraisonnable. Dans son FRP, le demandeur a indiqué que son ami Tang lui avait parlé du Falun Gong [traduction] « une journée d’août, en 2010 » [je souligne], et qu’ils avaient convenu immédiatement d’en faire l’essai. À l’audience, il a plutôt affirmé que Tang lui avait parlé du Falun Gong deux mois avant qu’il en fasse l’essai. Bien que ce ne soit pas un détail particulièrement important, on ne peut pas reprocher à la Commission d’avoir souligné cette incohérence.

[36]           De la même manière, il est curieux que le demandeur n’ait pas mentionné dans son FRP que Tang faisait partie du groupe de personnes arrêtées, surtout compte tenu de la relation étroite qu’il prétend avoir avec lui.

[37]           La Commission a également déterminé que ce n’était pas par « pure coïncidence » que le demandeur avait obtenu un passeport un mois seulement avant la prétendue descente. Bien que j’abonde dans le même sens que le défendeur et estime que cela n’est pas invraisemblable, je trouve cela suspect. À la lumière de tous les éléments de preuve justifiant la conclusion que le demandeur avait inventé son récit, la Commission pouvait à juste titre souligner que cet élément venait aussi soutenir cette conclusion.

[38]           Ainsi, même si je conviens avec le demandeur pour dire que certaines justifications de la Commission posent problème, la majorité de ses conclusions demeurent justes. Ainsi, je demeure en mesure de comprendre pourquoi la Commission a conclu que le demandeur n’était pas crédible. La conclusion qu’il ne pratiquait pas vraiment le Falun Gong est donc raisonnable.

[39]           Par conséquent, je rejette la demande de contrôle judiciaire.

[40]           Aucune des parties n’a proposé de question grave de portée générale à des fins de certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« John A. O’Keefe »

Juge

Traduction certifiée conforme

Daniel Bergeron, traducteur


ANNEXE

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-2337-13

 

INTITULÉ :

WEILI ZENG c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

4 JUIN 2014

 

mOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

lE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :

12 NOVEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Nkunda I. Kabateraine

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Veronica Cham

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nkunda I. Kabateraine

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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