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Date : 20141104


Dossier : IMM‑5643‑13

Référence : 2014 CF 1043

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2014

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

SINEDU WORKU DEGAGA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié [la CISR ou la Commission], rendue de vive voix à la suite d’une audience tenue le 18 juillet 2013 [la décision], par laquelle cette dernière a refusé de reconnaître à la demanderesse la qualité de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi.

II.                FAITS

[2]               La demanderesse est une citoyenne de l’Éthiopie âgée de 42 ans. Elle est arrivée au Canada au mois de novembre 2010 à titre de travailleur étranger temporaire. Au mois de mai 2012, elle a présenté une demande d’asile.

[3]               La demanderesse dit craindre le gouvernement éthiopien en raison de sa participation aux activités de groupes d’opposition politique. En 2005, avant de quitter l’Éthiopie, la demanderesse a participé, en vue des élections à venir en Éthiopie, à l’organisation de manifestations pacifiques relevant de la Coalition pour l’unité et la démocratie. Après les élections, la demanderesse a cessé ses activités politiques après avoir été témoin du fait que les autorités gouvernementales avaient recours à la force et à la violence pour contrer l’opposition politique.

[4]               En mars 2012, la demanderesse a participé à une réunion du Ginbot 7 à Calgary. Il s’agit d’un organisme qui réunit divers groupes politiques qui s’opposent au gouvernement éthiopien. Le gouvernement éthiopien considère que le Ginbot 7 est une organisation terroriste. La demanderesse a choisi de joindre les rangs du Ginbot 7 en raison de l’oppression politique dont elle a été témoin en 2005.

[5]               La demanderesse allègue qu’en avril 2012 sa famille lui a dit que les autorités s’étaient présentées au domicile familial et avaient demandé à la voir. La demanderesse pense qu’une personne présente à la réunion du Ginbot 7 pourrait avoir signalé sa présence à cette réunion aux autorités éthiopiennes.

[6]               La demande d’asile de la demanderesse a été rejetée à la suite d’une audience tenue devant la CISR le 18 juillet 2013.

III.             LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[7]               La CISR a conclu que la demanderesse était un témoin crédible qui avait livré un témoignage franc et cohérent. La CISR a estimé que la demanderesse avait établi avoir participé à la réunion du Ginbot 7. Toutefois, la Commission a accordé peu de poids au témoignage de la demanderesse portant sur le fait que sa participation à la réunion subséquente aurait retenu l’attention des autorités éthiopiennes. La demanderesse n’a fourni aucun élément de preuve en vue de corroborer son allégation selon laquelle les autorités se sont présentées au domicile de ses parents. La demanderesse n’a pas non plus expliqué pourquoi les autorités éthiopiennes se sont intéressées à elle après sa participation à la réunion du Ginbot 7. Elle a reconnu qu’elle émettait l’hypothèse qu’il était possible que quelqu’un ait fait parvenir aux autorités une photographie d’elle prise lors de la réunion.

[8]               La CISR a conclu que les documents de la Commission étayaient le témoignage de la demanderesse concernant la persécution, par le gouvernement éthiopien, des opposants politiques. La Commission a fait mention d’un rapport (Ethiopia: The Ginbot 7 party, Note monographique, (Oslo, Norvège : Landinfo, 2012)) dans lequel il est indiqué que plusieurs membres du Ginbot 7 avaient été accusés d’appartenir à un groupe illégal et d’avoir commis des infractions de terrorisme. Le rapport précise qu’[traduction] « on ne sait pas si les arrestations se rapportent à des plans ou des actes terroristes qu’auraient faits ou commis les défendeurs, ou si les accusations constituent une manœuvre de camouflage en vue de restreindre les activités non désirées d’opposition » : dossier de la demanderesse à la page 422. Le rapport précise également que les personnes ayant fait l’objet d’accusation en raison de leur participation à des activités du Ginbot 7 sont pour la plupart des journalistes et des politiciens de l’opposition.

[9]               La CISR a aussi tenu compte de la note d’orientation relative à l’Éthiopie du ministère de l’Intérieur du Royaume‑Uni (Operational guidance note: Ethiopia, juillet 2012), dans laquelle il est indiqué que :

[traduction] […] le profil politique du demandeur doit être examiné attentivement, de même que les renseignements à jour sur le pays, pour établir si les autorités éthiopiennes pourraient avoir une opinion défavorable à l’égard du demandeur. Si le profil du demandeur d’asile correspond suffisamment à celui d’un parti de l’opposition, que les autorités éthiopiennes connaissent le demandeur d’asile et que le demandeur d’asile est susceptible de continuer d’être considéré comme une personne d’intérêt, il est probable que l’octroi de l’asile s’avère approprié étant donné qu’un refuge intérieur ne serait pas une solution viable.

(Dossier de la demanderesse, p. 127)

[10]           La CISR a conclu que ni le témoignage de la demanderesse ni les documents de la Commission ne constituaient une preuve objective qu’elle serait considérée par le gouvernement éthiopien comme une opposante politique ou une personne ayant des liens avec le Ginbot 7. La CISR a tenu compte du fait que la demanderesse avait participé à des activités politiques peu importantes en 2005, qu’elle avait été en mesure de voyager et de retourner plusieurs fois en Éthiopie après les élections de 2005, qu’elle avait assisté à une seule réunion du Ginbot 7 à Calgary, et qu’elle avait avancé que quelqu’un avait peut‑être envoyé une photo d’elle à cette réunion aux autorités éthiopiennes. De plus, la preuve ne permettait pas de conclure que la demanderesse est personnellement exposée à plus qu’une simple possibilité de persécution du fait d’opinions politiques présumées.

[11]           La CISR a indiqué que l’insuffisance de la preuve l’avait aussi amené à conclure que la demanderesse n’avait pas établi qu’elle serait personnellement exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle retournait en Éthiopie.

IV.             QUESTIONS EN LITIGE

[12]           La demanderesse soulève la question suivante :

  1. La CISR a‑t‑elle commis une erreur en rejetant la demande d’asile de la demanderesse par suite de sa conclusion que cette dernière n’a pas produit d’éléments de preuve documentaire corroborants, tirée après avoir conclu que la demanderesse avait livré un témoignage de vive voix crédible et digne de foi?

V.                Norme de contrôle

[13]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il n’est pas dans tous les cas nécessaire de procéder à l’analyse relative à la norme de contrôle. Ainsi, lorsqu’elle est en mesure de déterminer que la norme de contrôle qui s’applique à la question en litige est bien établie par la jurisprudence, la cour chargée du contrôle peut l’adopter. Ce n’est que si cette démarche se révèle infructueuse, ou si la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire, que la cour chargée du contrôle doit entreprendre l’examen des quatre facteurs entrant en jeu dans l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[14]           Les parties soutiennent à juste titre que la norme de contrôle qui s’applique en l’espèce est celle de la décision raisonnable. La jurisprudence de notre Cour a établi que l’appréciation de la preuve par la CISR relève de l’expertise de la CISR et qu’il faut à cet égard faire preuve de déférence : voir Alhayek c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1126, au paragraphe 49; Mercado c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 289, au paragraphe 22.

[15]           Lorsque la Cour effectue le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.             LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[16]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente instance :

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Personne à protéger

Person in need of protection

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

VII.          ARGUMENT

A.                Demanderesse

[17]           La demanderesse fait valoir que la Commission a commis une erreur en rejetant sa demande uniquement au motif qu’elle n’a pas produit d’éléments de preuve corroborants. Notre Cour a établi que lorsque la crédibilité n’est pas en cause, la CISR ne peut tirer une conclusion défavorable pour l’unique motif que le demandeur n’a pas produit de documents corroborants extrinsèques : Amarapala c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 12, au paragraphe 10; Henriquez Pinedo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1118 au paragraphe 13.

[18]           La demanderesse fait valoir qu’il est manifeste que la Commission a jugé son témoignage crédible et digne de foi, et que la Commission ne pouvait en conséquence rejeter sa demande uniquement en raison de l’absence de preuve corroborante.

B.                 Défendeur

[19]           Le défendeur ne nie pas que la CISR a conclu que la demanderesse était un témoin crédible. Il fait toutefois valoir que la Commission ne s’est pas appuyée sur une conclusion au sujet de la crédibilité pour rejeter la demande; elle a plutôt rejeté la demande parce qu’elle était étayée par une preuve insuffisante. Le défendeur fait observer que notre Cour a traité de la distinction qu’il convient de faire avec une conclusion en matière de crédibilité et a appliqué cette distinction dans le cadre du contrôle de décisions concernant l’examen des risques avant renvoi [ERAR] (voir Ferguson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1067, aux paragraphes  23‑26, 34 [Ferguson]; Manickavasagar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 429, aux paragraphes 29‑30 [Manickavasagar]) et de décisions de la SPR (voir Tamas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1361, aux paragraphes 54, 59). 

[20]           La défenderesse soutient que la Commission a examiné avec soin les allégations de la demanderesse ainsi que la preuve documentaire pour arriver à la conclusion que, bien qu’elle ait conclu que le témoignage de la demanderesse était crédible, celui‑ci ne suffisait pas à étayer sa demande.

[21]           Le défendeur répond en outre à la « thèse défensive » de la demanderesse dans l’affidavit qu’elle a produit dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Il soutient qu’en prétendant qu’elle n’a pas réalisé qu’elle devait produire une preuve documentaire pour étayer sa demande, la demanderesse [traduction] « tente de façon irrégulière de déplacer le fardeau qui lui incombe d’établir un lien “clair et non équivoque” sur les épaules du décideur » (exposé des arguments du défendeur, à la page 9). Il revient au demandeur d’obtenir la preuve nécessaire pour étayer sa demande : Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164, au paragraphe 11 (CA). 

[22]           Le défendeur affirme également que la demanderesse n’a pas droit à un traitement préférentiel ni de s’attendre à ce que l’issue de la demande lui soit favorable parce qu’elle a agi pour son propre compte : Luanje c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 792, aux paragraphes 14‑15.

C.                 Réplique de la demanderesse

[23]           La demanderesse fait valoir que l’affaire Ferguson, précitée, se distingue de la présente affaire. Dans l’affaire Ferguson, la demanderesse avait présenté une demande d’ERAR fondée sur les risques auxquels elle serait exposée en raison de son orientation sexuelle. Toutefois, la demanderesse n’avait présenté aucun élément de preuve concernant son orientation sexuelle. L’agent d’ERAR a reconnu que la preuve documentaire indépendante concernant la situation dans le pays en cause établissait que les lesbiennes étaient victimes de persécution du fait de leur orientation sexuelle, mais il a estimé qu’il n’avait pas été établi que la demanderesse était lesbienne. La demanderesse affirme que cette affaire se distingue clairement de la présente espèce dans laquelle la Commission a admis en preuve tant son témoignage de vive voix, jugé crédible et digne de foi, que la preuve documentaire indépendante de la Commission concernant la situation en Éthiopie.

[24]           La demanderesse estime également que l’affaire Manickavasagar, précitée, se distingue de la présente affaire. Une décision relative à l’ERAR repose uniquement sur une preuve documentaire. Il serait donc raisonnable qu’un agent rejette une demande faute de preuve documentaire corroborante lorsque la décision se fonde entièrement sur une preuve documentaire. Toutefois, lors d’une audience devant la CISR, les éléments de preuve étayant la demande émanent du témoignage du demandeur.

VIII.       ANALYSE

[25]           La demanderesse soulève une question dans la présente demande :

  1. La CISR a‑t‑elle commis une erreur en rejetant la demande d’asile de la demanderesse par suite de sa conclusion que cette dernière n’a pas produit d’éléments de preuve documentaire corroborants, tirée après avoir conclu que la demanderesse avait livré un témoignage de vive voix crédible et digne de foi?

[26]           La réponse simple à cette question est que la CISR n’a pas rejeté la demande de la demanderesse parce qu’elle n’a produit aucun document corroborant. Il ressort de l’ensemble de la décision que la CISR a examiné avec soin les éléments de preuve subjectifs et objectifs dont elle disposait et qu’elle a conclu que la crainte de la demanderesse d’être persécutée ou de subir un préjudice au sens des articles 96 ou 97 se fondait sur des hypothèses. La Commission a poussé plus loin son examen et elle a conclu que ni la preuve présentée par la demanderesse ni la preuve documentaire relative à la situation en Éthiopie ne donnaient à penser qu’elle avait un profil qui l’exposait à un risque.

[27]           La Commission a cru la demanderesse, mais cela ne veut pas dire qu’elle devait accepter les conclusions que la demanderesse tirait de son témoignage. La demanderesse ne pouvait s’en tenir à établir l’existence de sa propre crainte subjective pour avoir droit à la protection.

[28]           Rien dans la décision ne donne à penser, comme l’affirme la demanderesse, que [traduction] « la CISR a rejeté la demande de la demanderesse uniquement au motif qu’elle n’a pas produit d’éléments de preuve corroborants » (dossier de la demanderesse, à la page 452). La CISR mentionne que l’allégation selon laquelle les autorités se seraient présentées à son domicile en Éthiopie n’est étayée par aucune preuve documentaire, mais la véritable conclusion relative au témoignage de la demanderesse sur laquelle se fonde la décision (dossier certifié du tribunal [DCT], à la page 71) est plutôt la suivante :

J’estime que, même si les autorités se sont peut‑être présentées au domicile de vos parents, il convient d’apporter peu de poids à cette partie de votre témoignage, car, bien que je reconnaisse qu’il est possible que vous croyiez sincèrement que ce soit le cas, il est peu probable que les autorités aient décidé de vous rechercher parce que vous avez assisté à une seule réunion du G7 à Calgary; de plus, bien que je ne mette pas en doute votre crédibilité, je ne dispose pas de suffisamment de renseignements pour tenir pour avéré que les autorités s’intéressent à vous étant donné qu’elles n’ont pas délivré de citation à comparaître et qu’aucun élément de preuve n’indique qu’elles vous considèrent comme une personne d’intérêt.

Lorsque je vous ai demandé si des membres de votre famille avaient subi un préjudice en raison de votre opposition politique réelle ou présumée, vous avez déclaré qu’aucun d’entre eux n’avait subi de mauvais traitement de la part du gouvernement.

[29]           La CISR ne tire pas une conclusion défavorable quant à la crédibilité en raison de l’absence de preuve documentaire corroborante. Elle ne met pas en doute ce que dit la demanderesse, mais elle conclut que ses craintes subjectives et la preuve portant sur sa situation personnelle ne suffisent pas à établir l’existence d’un risque, et que la preuve documentaire sur la situation en Éthiopie n’étaye pas la thèse voulant qu’elle ait le profil d’une personne qui s’expose à des risques en Éthiopie.

[30]           La CISR explique en quoi il convient d’accorder un faible poids au témoignage de la demanderesse concernant ce que son frère lui a dit (DCT, à la page 41) :

[traduction] En fait, je dispose uniquement d’une preuve par ouï‑dire. Tout ce dont je dispose, c’est ce que vous m’avez en quelque sorte déclaré au sujet de ce que votre frère vous a dit, c’est‑à‑dire, pour l’essentiel, qu’ils sont venus, que la première fois ils n’ont pas donné d’explications et que la deuxième fois cela vous concernait, et qu’il vous a dit – il a dit : « Ne te mêle pas à cela » et vous avez répondu : « Je ne fais pas partie du Ginbot 7 ». C’est tout ce dont je dispose. Cela n’est toujours pas suffisant pour dire que les autorités font des recherches particulières pour vous trouver et qu’il est fort probable que vous seriez arrêtée si vous retourniez dans votre pays.

[31]           Le témoignage de la demanderesse quant à l’établissement d’un lien a été pris en compte et soupesé par la CISR de concert avec tous les autres éléments de preuve dont elle disposait. La Cour ne peut intervenir dans un exercice de pondération de cette nature : Aguebor c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315 (CAF); Petrova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 506, aux paragraphes 54‑55.

[32]           Bien qu’on puisse comprendre les craintes subjectives de la demanderesse, elle n’a tout simplement pas été en mesure de les étayer de façon suffisante par des éléments de preuve objectifs. Je ne puis voir dans la décision de la SPR aucune erreur susceptible de contrôle.

[33]           Les avocats s’accordent pour dire qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour partage leur avis.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que

  1. La demande est rejetée.
  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« James Russell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5643‑13

 

INTITULÉ :

SINEDU WORKU DEGAGA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 octobre 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 NOVEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

D. Jean Munn

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Maria Green

 

POUR Le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Caron & Partners LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

 

pOUR Le défendeur

 

 

 

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