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Date : 20141023


Dossier : IMM-2712-14

Référence : 2014 CF 1012

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 23 octobre 2014

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

ENTRE :

MICHELLE WONG KA PO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle le défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, a refusé de rétablir son permis d’études et son permis de travail dans le cadre d’un programme coopératif.

[2]               La demanderesse, citoyenne de la Malaisie, avait un visa d’étudiante et faisait des études commerciales au Sprott Shaw College. Son programme comprenait 980 heures de cours et 980 heures d’emploi dans le cadre d’une entente coop pour lequel elle avait un permis de travail.

[3]               Son visa d’étudiant a expiré pendant le programme. Elle a demandé qu’il soit rétabli en temps voulu. Le ministre a rejeté la demande, le seul motif donné étant l’explication suivante de la part de l’agente examinatrice :

[traduction] Je ne suis pas convaincue que vous respectez les exigences applicables aux étudiants authentiques, conformément au paragraphe 183(1) du Règlement, et au permis de travail coop, conformément à l’alinéa 205c) du Règlement.

[4]               Selon les notes de l’agente, la demande a été rejetée parce que le volet travail comptait pour plus de 50 % de la durée du programme, ce qui contrevenait à la politique du ministre. Au départ, le volet travail comptait exactement pour 50 %, mais l’étudiante a été dispensée de cinq cours. L’agente a calculé que le volet scolaire, une fois soustraits les cours dont l’étudiante avait été dispensée, totalisait 802 ou 826 heures, et que le volet travail comptait toujours 980 heures. Comme le travail représentait 54 ou 55 % de la durée du programme, l’agente a conclu à l’inadmissibilité de la demanderesse.

[5]               La seule question à trancher consiste à savoir si l’agente a porté atteinte au droit à l’équité procédurale de la demanderesse en n’offrant pas à celle‑ci la possibilité de répondre à ses préoccupations.

[6]               Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, sous‑alinéa 205c)(i), dispose qu’un permis de travail peut être délivré à l’étranger à la condition que le travail pour lequel le permis est demandé soit « désigné par le ministre comme travail pouvant être exercé par des étrangers sur la base des critères suivants », en l’occurrence être un travail lié à un programme de recherche, d’éducation ou de formation.

[7]               Le Guide des travailleurs étrangers FW 1 de Citoyenneté et Immigration Canada (29 janvier 2013) précise ce qui suit, au point 5.37 :

Les activités de recherche et programmes universitaires et de formation suivants ont été désignés comme emplois pouvant être occupés par un étranger selon les critères figurant R205c)(i) [...] C30 :

1. les étudiants étrangers (à l’exception de ceux qui viennent au Canada en vue d’occuper des postes de médecins résidents ou de moniteurs, sauf dans le domaine de la médecine vétérinaire), lorsque l’emploi qu’ils ont l’intention de prendre constitue une partie intégrante et essentielle de leur programme d’études au Canada et que cet emploi a été attesté à ce titre par un représentant officiel compétent de l’établissement d’enseignement et que, d’autre part, il ne constitue pas plus de 50 % de la durée totale du programme d’études.

[8]               À première vue, le calcul de l’agente donne à penser que l’emploi représente plus que la part autorisée de 50 % de la durée du programme de la demanderesse. Cependant, l’agente n’explique pas pourquoi elle conclut, du seul fait que la demanderesse a été dispensée de cinq cours, que [traduction] « le programme a été changé en un programme comportant un volet théorique de 802 heures et un volet de travail coop de 980 heures ». Les établissements d’enseignement offrent souvent des dispenses en cas de maîtrise manifeste d’une matière. Ces dispenses ne modifient pas le programme comme tel; elles ne font qu’annuler les cours de l’étudiant qui satisfait déjà aux exigences.

[9]               Par exemple, si un programme prévoit 168 heures de cours de français élémentaire, un étudiant francophone pourrait raisonnablement être dispensé de ce cours. L’étudiant aurait alors seulement 802 heures de cours, et 980 heures de travail coop. De même, dans la présente situation, la demanderesse peut avoir été raisonnablement dispensée de cinq cours après avoir démontré qu’elle maîtrisait la matière (Principes de comptabilité informatisée, Applications de bases de données, Compétences essentielles en communication, Rédaction administrative et Exposés percutants) en raison de sa formation ou de son expérience antérieure, ou sur la foi d’examens. Si c’est le cas, le visa n’aurait pas dû lui être refusé seulement en raison de la dispense.

[10]           Je reconnais qu’une multitude d’exemptions pourrait laisser croire à un abus, surtout si les exemptions réduisent la part du volet scolaire. Le ministre a le pouvoir discrétionnaire de refuser de délivrer des visas pour des programmes qui ne constituent rien de plus que des ruses en vue de faciliter l’emploi au Canada sous prétexte d’études. En l’espèce, toutefois, une dispense qui a pour effet de réduire le volet scolaire de 50 % à 45 % ou à 46 % de la durée totale du programme n’apparaît pas comme un abus du régime travail‑études. La conclusion voulant que la dispense a changé la nature même du programme devrait reposer sur un fondement factuel plus solide que celui sur lequel l’agente s’est appuyée. En pareil cas, l’agente aurait dû demander que la dispense soit expliquée avant de tirer sa conclusion. Le fait que l’agente n’a pas donné à la demanderesse la possibilité de répondre à ses préoccupations constitue, au vu des faits de l’espèce, un manquement aux règles de la justice naturelle.

[11]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2712-14

 

INTITULÉ :

MICHELLE WONG KA PO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 OctobRE 2014

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :

LE 23 OctobRE 2014

COMPARUTIONS :

Massood Joomratty

POUR LA DEMANDERESSE

François Paradis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Massood Joomratty

Avocat

Surrey (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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