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Date : 20140718


Dossier : IMM-3622-14

Référence : 2014 CF 693

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2014

En présence de madame la juge Bédard

ENTRE :

ABOUBACAR BAH

demandeur

Et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               La présente ordonnance fait suite à l’ordonnance de confidentialité émise oralement lors de l’audience du 10 juillet 2014 et la complète.

I.                   Contexte

[2]               La Cour est saisie d’une requête pour l’obtention d’une ordonnance de confidentialité soumise par le défendeur, le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration [le Ministre], dans la demande d’autorisation et de révision judiciaire déposée par le demandeur à l’encontre d’une décision rendue le 10 avril 2014 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la SPR], ayant refusé sa demande d’asile. Cette demande d’autorisation n’a pas encore été traitée par la Cour.

[3]               L’audience de la requête s’est tenue à huis clos.  

[4]               Le Ministre demande que la pièce M-13 du dossier du demandeur, et toute référence à cette pièce ou à son contenu dans le dossier du demandeur et dans la décision de la SPR visée par la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, soient déclarées confidentielles et soient mises sous scellés.

[5]               La pièce M-13 consiste en un rapport d’enquête [le rapport d’enquête] préparé par la Division du renseignement de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]. L’enquête a été instituée afin d’analyser les dossiers d’un certain nombre de demandeurs d’asile qui présentaient de nombreuses similitudes, et ce, afin de déterminer si les méthodes et réseaux utilisés par ces personnes pour entrer au Canada représentaient une menace pour l’intégrité des programmes canadiens d’immigration. De façon générale, l’enquête visait à examiner si les demandeurs d’asile en cause faisaient partie d’un groupe ayant eu recours à un même stratagème frauduleux et organisé pour entrer au Canada et y demander l’asile. Le rapport d’enquête fait état des recherches, de la méthodologie, de l’analyse faite et des conclusions de l’ASFC. Il contient également les numéros d’identification des personnes visées par l’enquête.

[6]               Le demandeur est l’une des personnes visées par l’enquête de l’ASFC. Il appert de la preuve que les demandes d’asile des autres personnes visées par l’enquête de l’ASFC n’ont pas toutes été entendues par la SPR.

[7]               Le Ministre est intervenu dans le cadre de l’audience de demandeur devant la SPR pour s’opposer à sa demande d’asile au motif qu’il était entré au Canada de manière frauduleuse. Au soutien de son opposition, il a déposé le rapport d’enquête de l’ASFC. Il est utile de noter que l’audience devant la SPR s’est tenue à huis clos mais que l’avocat du Ministre a transmis à la SPR et à l’avocat du demandeur une version intégrale et non expurgée du rapport d’enquête de l’ASFC (la pièce M-13 du dossier du demandeur). La SPR a refusé la demande d’asile du demandeur et sa décision est en partie fondée sur le rapport d’enquête de l’ASFC.  

[8]               Le Ministre soutient que le rapport d’enquête, dans sa version intégrale et sans que des mesures pour préserver son caractère confidentiel n’aient été prises pour protéger l’identité des personnes visées par l’enquête, a été transmis au demandeur et déposé devant la SPR par erreur et à l’encontre des directives de l’ASFC. Les affidavits de deux agentes de l’ASFC déposés au soutien de la requête en confidentialité confirment cette allégation.  

[9]               Dans le cadre de sa requête en confidentialité, le Ministre demandait initialement que le rapport d’enquête de l’ASFC (pièce M-13) soit complètement retiré du dossier de la Cour. Le demandeur, pour sa part, ne s’est pas opposé à ce que le rapport d’enquête soit déclaré confidentiel, mais il s’est opposé à ce qu’il soit complètement retiré du dossier au motif qu’il constituait un élément de preuve pertinent aux fins de trancher la demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de la SPR. Je partage l’avis du demandeur à cet égard. Lors de l’audience, j’ai indiqué aux parties que dans les circonstances du présent dossier, il m’apparaissait clair que le rapport d’enquête de l’ASFC était un élément pertinent aux fins de trancher la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire puisque la décision de la SPR était, en partie, fondée sur ce rapport d’enquête. Au surplus, ce rapport a été introduit en preuve devant la SPR par le Ministre lui-même au soutien de son intervention. À mon avis, le Ministre ne peut pas, a posteriori et après s’être servi de ce rapport pour justifier son opposition à la demande d’asile du demandeur, demander à la Cour de simplement le retirer du dossier. Des échanges entre les procureurs et la soussignée ont permis aux parties de s’entendre, et m’ont permis d’ordonner des mesures (que je reprendrai dans les conclusions de la présente ordonnance) que j’estime appropriées pour protéger le caractère confidentiel du rapport d’enquête de l’ASFC (pièce M-13 du dossier du demandeur), sans brimer le droit du demandeur de faire valoir tous ses arguments au soutien de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

II.                Analyse

a)                  L’encadrement juridique

[10]           La règle 151 des Règles des Cours fédérales, SOR/98-106, [les Règles] encadre le traitement des requêtes en confidentialité et se lit comme suit :

151 REQUÊTE EN CONFIDENTIALITÉ

(1) La Cour peut, sur requête, ordonner que des documents ou éléments matériels qui seront déposés soient considérés comme confidentiels.

(2) Circonstances justifiant la confidentialité

Avant de rendre une ordonnance en application du paragraphe (1), la Cour doit être convaincue de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels, étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires.

Motion for order of confidentiality

151. (1) On motion, the Court may order that material to be filed shall be treated as confidential.

Demonstrated need for confidentiality

(2) Before making an order under subsection (1), the Court must be satisfied that the material should be treated as confidential, notwithstanding the public interest in open and accessible court proceedings.

[11]           La règle 151 des Règles traite spécifiquement des cas où les documents dont une partie invoque le caractère confidentiel n’ont pas encore été déposés au dossier de la Cour. La règle 152 traite, pour sa part, des modalités applicables et des obligations qui incombent aux parties lorsqu’un document ou un élément matériel est déclaré confidentiel en application de la règle 151.

[12]           La situation en l’espèce est différente puisque le rapport d’enquête de l’ASFC est inclus dans le dossier du demandeur qui a déjà été déposé à la Cour. Il est donc déjà dans le domaine public, ce qui n’est pas sans causer des problèmes quant à la portée réelle d’une ordonnance de confidentialité. De plus, la décision de la SPR, qui a elle aussi été déposée au dossier de la Cour dans son intégralité, contient des extraits de ce rapport.

[13]           Je considère que l’article 44 de la Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F-7 de même que les règles 4 et 26(2) des Règles donnent à la Cour le pouvoir de se prononcer sur une requête en confidentialité même lorsque les documents en cause ont déjà été versés au dossier de la Cour et d’appliquer, par analogie, les principes énoncés aux règles 151 et 152 (Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CAF 223 aux para 20, 30, 32-38, 42-46; Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CAF 299 au para 16). J’estime également, pour les motifs qui suivent et malgré le fait que le rapport d’enquête de l’ASFC, de même que des références à son contenu dans d’autres documents sont déjà dans le domaine public, que le rapport d’enquête devrait être déclaré confidentiel et qu’il est approprié d’émettre une ordonnance de confidentialité afin de protéger, dans la mesure du possible, le caractère confidentiel du rapport.

[14]           En vertu de la règle 151 des Règles, avant de rendre une ordonnance de confidentialité, la Cour doit être convaincue de la nécessité de considérer les documents en cause comme étant confidentiels, compte tenu de l’intérêt du public à la publicité des débats. Il ressort clairement de la règle et de la jurisprudence en matière d’ordonnances de confidentialité que la confidentialité constitue une exception à la règle générale de la publicité des débats qui doit être appliquée avec circonspection et rigueur. Dans Sierra Club du Canada c Canada (Ministre des finances), 2002 CSC 41, [2002] 2 RCS 522 [Sierra Club], la Cour suprême a énoncé les balises et le test qui doivent être appliqués par la Cour lorsqu’elle est saisie d’une requête en confidentialité. Avant d’émettre une ordonnance de confidentialité, la Cour doit être convaincue que la nécessité de protéger la confidentialité d’un document l’emporte sur l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires. La Cour a repris et adapté au contexte de l’affaire dont elle était saisie le test en deux volets énoncé dans des arrêts précédents (Dagenais c Société Radio-Canada, [1994] 3 RCS 835, 1994 CanLII 39 (CSC) [Dagenais]; Société Radio-Canada c Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 RCS 480, 1996 CanLII /84 (CSC); R c Mentuck, 2001 CSC 76, [2001] 3 RCS 442) [Mentuck]). Ainsi, une ordonnance de confidentialité ne sera rendue que si la Cour estime :

(1)               Qu’elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important dans le contexte d’un litige, et qu’il n’existe pas d’autres options raisonnables pour écarter ce risque.

(2)               Que les effets bénéfiques de l’ordonnance en confidentialité, y compris sur le droit des parties aux litiges à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris sur la liberté d’expression qui comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats.

(Sierra Club aux pp. 543-544; voir également British Columbia Lottery Corporation c Canada (Procureur général), 2013 CF 307 aux para 35-36 [British Columbia])

[15]           La Cour a aussi réitéré que trois éléments doivent être considérés dans l’application du premier volet du test : (1) le risque invoqué doit être sérieux et bien étayé par la preuve; (2) la Cour doit veiller à ne pas empêcher la divulgation d’un nombre excessif de documents; et (3) la Cour doit déterminer s’il existe des mesures de rechange raisonnables et limiter l’ordonnance autant que possible. (Sierra Club aux pp. 540, 543, 544)

[16]           Dans Société Radio-Canada c La Reine, 2011 CSC 3, [2011] 1 RCS 65 au para 13, la Cour a rappelé que la grille d’analyse développée dans les arrêts Dagenais et Mentuck s’appliquait à toutes les décisions discrétionnaires touchant la publicité des débats.

[17]           Dans Mccabe c Canada (Procureur général), 2000 CanLII 15987 (CF), la juge Dawson a traité des critères applicables et du fardeau qui appartient à la partie qui recherche une ordonnance en confidentialité:

[6] La requête en instance doit être saisie dans le contexte du principe général de la publicité de la justice dans ce pays. Ce principe a été étendu aux documents déposés auprès de la Cour. Les cas de dérogation au principe de publicité sont étroitement circonscrits.

[7] Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Fazalbhoy (T-2589-97, 13 janvier 1999 (C.F. 1re inst.)), mon collègue le juge Gibson s'est prononcé en ces termes :

[11] Pour justifier une dérogation au principe de la publicité des débats judiciaires, et je suis convaincu que ce principe s'étend à la publicité et à l'accessibilité des dossiers de la Cour, la Règle 151(2) exige que la Cour soit convaincue de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels en question comme confidentiels. Le passage tiré de l'arrêt Pacific Press, précité, indique clairement que la partie qui demande la confidentialité, c'est-à-dire l'intimé en l'espèce, a un lourd fardeau à assumer.

[8] Le désir légitime de tout un chacun de garder privées ses affaires ne constitue pas en droit un motif suffisant pour solliciter une ordonnance de confidentialité. La Cour n'ordonne la mesure de protection prévue à la règle 151 que si elle est convaincue que la partie requérante satisfait au double critère subjectif et objectif à observer en la matière; cf. AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (A-289-98, A-315-98, A-316-98, 11 mai 1999, C.A.F.) confirmant la décision rapportée dans 1998 CanLII 7657 (FC), (1998), 81 C.P.R. (3d) 121. Sur le plan subjectif, la partie requérante doit prouver qu'elle est convaincue que la divulgation nuirait à ses intérêts. Objectivement, elle doit prouver, selon la norme de la probabilité la plus forte, que les renseignements en question sont en fait confidentiels.

(voir aussi British Columbia au para 36)

b)                 Le caractère confidentiel du rapport d’enquête de l’ASFC (pièce M-13 du dossier du demandeur)

[18]           Il convient de réitérer que le demandeur ne s’est pas opposé à ce que le rapport d’enquête soit déclaré confidentiel. Le consentement à une requête en confidentialité n’est toutefois pas suffisant pour que la Cour puisse l’émettre (Première Nation de Stoney c Shotclose, 2011 CAF 232; British Columbia au para 34). La Cour doit être convaincue que l’ordonnance est justifiée à la lumière des critères d’appréciation élaborés par la jurisprudence.

[19]           En l’espèce, le ministre m’a convaincue que le rapport d’enquête de l’ASFC (pièce M-13 du dossier du demandeur) doit être déclaré confidentiel.

[20]           Quel est le risque sérieux pour un intérêt important que le ministre cherche à écarter par le biais de sa requête en confidentialité?

[21]           La requête du ministre est appuyée par l’affidavit de deux agentes de l’ASFC. Il ressort clairement de ces affidavits, que l’enquête menée par l’ASFC, et ayant conduit à la rédaction du rapport d’enquête, visaient à analyser si des demandeurs d’asile ayant soumis des demandes présentant plusieurs similitudes avaient eu recours à un stratagème frauduleux et organisé pour entrer illégalement au Canada. Une telle enquête entre dans les attributions de l’ASFC. La mission de l’ASFC est énoncée à l’article 5 de la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada, LC 2005, ch 38 :

5. (1) L’Agence est chargée de fournir des services frontaliers intégrés contribuant à la mise en œuvre des priorités en matière de sécurité nationale et de sécurité publique et facilitant le libre mouvement des personnes et des biens — notamment les animaux et les végétaux — qui respectent toutes les exigences imposées sous le régime de la législation frontalière. À cette fin, elle :

 

5. (1) The Agency is responsible for providing integrated border services that support national security and public safety priorities and facilitate the free flow of persons and goods, including animals and plants, that meet all requirements under the program legislation, by

 

a) fournit l’appui nécessaire à l’application ou au contrôle d’application, ou aux deux, de la législation frontalière;

 

(a) supporting the administration or enforcement, or both, as the case may be, of the program legislation;

 

b) met en œuvre tout accord conclu entre elle ou le gouvernement fédéral et un État étranger ou un organisme public remplissant des fonctions gouvernementales dans un État étranger et portant sur l’exercice d’une activité, la prestation d’un service, l’administration d’une taxe ou l’application d’un programme;

(b) implementing agreements between the Government of Canada or the Agency and a foreign state or a public body performing a function of government in a foreign state to carry out an activity, provide a service or administer a tax or program;

c) met en œuvre tout accord conclu entre elle ou le gouvernement fédéral et le gouvernement d’une province ou un organisme public remplissant des fonctions gouvernementales au Canada et portant sur l’exercice d’une activité, la prestation d’un service, l’administration d’une taxe ou l’application d’un programme;

 

(c) implementing agreements between the Government of Canada or the Agency and the government of a province or other public body performing a function of the Government in Canada to carry out an activity, provide a service or administer a tax or program;

d) met en œuvre tout accord ou entente conclu entre elle et un ministère ou organisme fédéral et portant sur l’exercice d’une activité, la prestation d’un service ou l’application d’un programme;

(d) implementing agreements or arrangements between the Agency and departments or agencies of the Government of Canada to carry out an activity, provide a service or administer a program; and

e) fournit aux autres ministères ou organismes fédéraux l’appui et la collaboration nécessaires, notamment par la prestation d’avis ou de renseignements, pour les aider dans l’élaboration, l’examen et la mise en œuvre des orientations et des décisions relatives à la législation frontalière qui relève d’eux.

(e) providing cooperation and support, including advice and information, to other departments and agencies of the Government of Canada to assist them in developing, evaluating and implementing policies and decisions in relation to program legislation for which they have responsibility.

[22]           Un tel rapport, produit dans le cadre des pouvoirs d’enquête de l’ASFC, m’apparaît être un document couvert par l’exception prévue à l’article 16 de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c 1(2e suppl.) qui permettrait à l’ASFC d’en refuser la communication publique.

[23]           Il ressort également de la preuve, que l’ASFC n’entendait pas que ce rapport d’enquête se retrouve dans le domaine public et que ce n’est que le 25 juin 2014 que son agente a été informée qu’il avait été déposé devant la SPR et au dossier de la Cour. Le rapport contient d’ailleurs en première page un avertissement indiquant que sa diffusion est strictement surveillée et que sa reproduction est interdite sans l’autorisation écrite de la Division du renseignement de l’ASFC. Il ressort également de la preuve que l’ASFC n’a pas autorisé la divulgation et le dépôt de ce rapport d’enquête et qu’elle n’aurait pas autorisé le dépôt de ce rapport sans qu’il n’ait d’abord été expurgé des informations que l’ASFC juge confidentielles.

[24]           La preuve démontre donc que le dépôt de la version intégrale du rapport d’enquête lors de l’audience de la demande d’asile du demandeur devant la SPR a été fait par le ministre par erreur et sans que l’ASFC n’en soit informée.

[25]           Le rapport contient clairement des informations qui permettent d’identifier les personnes visées par l’enquête en plus de dévoiler les méthodes et techniques d’enquête de l’ASFC de même que les recherches et analyses auxquelles elle a procédé. Mis à part le demandeur, les personnes visées par l’enquête de l’ASFC et identifiées dans le rapport d’enquête ne sont pas des personnes intéressées dans le présent dossier. De plus, la preuve démontre que les demandes d’asile des autres personnes identifiées dans le rapport d’enquête n’ont pas toutes été entendues par la SPR. J’estime, à la lumière de la preuve et du contenu du rapport, qu’un accès public au rapport d’enquête, dans sa forme actuelle, pourrait nuire aux procédures en cours ayant trait aux demandes d’asile des autres personnes identifiées dans le rapport d’enquête de l’ASFC.

[26]           Dans les circonstances, il m’apparaît que la présente requête en confidentialité vise à écarter un risque sérieux – une entrave possible au déroulement normal des demandes d’asile des personnes identifiées dans le rapport d’enquête - qui est bien étayé par la preuve.

[27]           La preuve démontre qu’avant son dépôt, le rapport d’enquête aurait dû faire l’objet d’un processus interne de caviardage par l’ASFC afin qu’il soit expurgé des informations confidentielles. Aucune version expurgée du rapport n’était disponible lors de l’audience et il m’apparaît difficile, à la lumière de la preuve et à ce stade-ci des procédures, d’identifier les informations contenues dans le rapport d’enquête qui pourraient demeurer dans le domaine public sans que le rapport expurgé ne soit une coquille vide et incompréhensible. Par conséquent, à la lumière de l’information dont je dispose, il m’apparaît difficile d’identifier une mesure de rechange raisonnable qui permettrait d’éviter la mise sous scellés du rapport d’enquête (pièce M-13 du dossier du demandeur).

[28]           Compte tenu de l’impact que la divulgation du rapport d’enquête de l’ASFC pourrait avoir sur les processus de traitement des demandes d’asile des autres personnes visées par l’enquête, je considère que les effets bénéfiques d’une ordonnance en confidentialité relèvent du bon déroulement de procédures administratives et judiciaires et mettent en cause l’efficacité de l’administration de la justice. De plus, les bénéfices d’une ordonnance de confidentialité, dans les circonstances du présent dossier, l’emportent à mon avis sur ses effets préjudiciables, y compris sur la liberté d’expression qui comprend l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires.  

[29]           À ce stade-ci des procédures, et compte tenu des circonstances et des échanges que j’ai eus avec les parties lors de l’audience, j’estime raisonnable d’ordonner la mise en place de mesures nécessaires pour préserver le caractère confidentiel du rapport d’enquête de l’ASFC. Par ailleurs, le présent dossier n’en est qu’au stade de la demande en autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision de la SPR ayant rejeté la demande d’asile du demandeur. Si la demande d’autorisation est accordée, le dossier suivra son cours et il n’est pas impossible que les circonstances qui m’ont été présentées évoluent dans le temps. Le cas échéant, il appartiendra aux parties, si elles le jugent à propos, de saisir à nouveau la Cour pour qu’elle détermine si la présente ordonnance est toujours appropriée et, si tel est le cas, qu’elle identifie les moyens qui devront être mis en place pour préserver le caractère confidentiel du rapport d’enquête (pièce M‑13 du dossier du demandeur), ou de certaines informations contenues dans le rapport en vue de l’audience de la demande de contrôle judiciaire.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête du ministre soit accueillie en partie et que le rapport d’enquête de l’ASFC (pièce M-13 du dossier du demandeur) soit déclaré confidentiel.

LA COUR ORDONNE également que les mesures suivantes soient mises en place afin de préserver le caractère confidentiel du rapport d’enquête de l’ASFC (pièce M-13 du dossier du demandeur) :

1.                  Le dossier de requête en confidentialité du ministre de même que la réponse du demandeur soient mis sous scellés.

2.                  Le dossier du demandeur qui contient la pièce M-13 et des références à son contenu soit mis sous scellés et qu’il soit remplacé, dans le dossier public de la Cour, par le dossier du demandeur expurgé de la pièce M-13 et de toute référence à son contenu qui a été soumis à la Cour par les parties.

3.                  Seuls les avocats des parties inscrits au dossier de la Cour pourront avoir accès au rapport d’enquête de l’ASFC (pièce M-13 du dossier du demandeur) et à la version non expurgée de la décision de la SPR qui fait l’objet de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qui ont été mis sous scellés.

4.                  Les avocats des parties inscrits au dossier doivent se conformer aux exigences prévues au paragraphe 2 de la règle 152 des Règles quant à la divulgation, la reproduction et la destruction du rapport d’enquête de l’ASFC (pièce M-13 du dossier du demandeur) et de tout autre document faisant référence à son contenu.

5.                  La présente ordonnance demeurera en vigueur jusqu’à ce que la Cour n’en ordonne la révision ou la modification en fonction des circonstances qui pourraient survenir dans l’évolution du dossier.

6.                  La soussignée demeurera saisie du dossier aux fins de régler toute difficulté qui pourrait découler de la mise en œuvre de la présente ordonnance.

7.                  Le tout sans frais.

« Marie-Josée Bédard »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3622-14

 

INTITULÉ :

ABOUBACAR BAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 juillet 2014

 

ORDONNANCE ET motifs :

la juge bédard

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 juillet 2014

 

COMPARUTIONS :

Me Alain Vallières

 

Pour le demandeur

 

Me Mario Blanchard

Me Sonia Bédard

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Alain Vallières

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

 

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