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Date : 20141022


Dossier : IMM-2596-13

Référence : 2014 CF 1003

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 octobre 2014

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

NELLI AVAGYAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse (ou Mme Avagyan) sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 6 mars 2013 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la SPR) a conclu qu’elle n’avait ni qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger, suivant les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27) (la Loi).

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de Mme Avagyan est rejetée.

I.                   Contexte

A.                Demande d’asile de Mme Avagyan

[3]               Madame Avagyan est une citoyenne de l’Arménie. Elle est arrivée au Canada le 12 septembre 2011, après avoir quitté l’Arménie, et elle a demandé l’asile peu après. Sa demande d’asile comporte deux volets, chacun concernant un ancien conjoint de Mme Avagyan.

[4]               Madame Avagyan déclare premièrement craindre un ancien conjoint, un policier (le premier ancien conjoint), avec qui elle a entretenu une relation entre septembre 2008 et octobre 2009. Elle allègue avoir mis fin à cette relation le 21 octobre 2009, après avoir découvert qu’il avait des maîtresses. Madame Avagyan affirme qu’au lieu de la laisser partir lorsqu’elle lui a dit que leur relation était terminée, son premier ancien conjoint l’avait enfermée à clé dans leur résidence jusqu’à ce que, trois jours plus tard, elle soit « libérée » par sa mère et son frère qui, sans nouvelles d’elle pendant ces trois jours, étaient allés voir sur place ce qu’il en était.

[5]               Bien que le premier ancien conjoint ait laissé Mme Avagyan partir, avec une seule valise et quelques effets personnels, il a menacé de s’en prendre à elle si un jour elle devait ébruiter l’affaire. Inquiète de ces menaces, Mme Avagyan a loué un appartement, situé à quelque 30 minutes de distance de son ancienne résidence.

[6]               Madame Avagyan déclare ne plus avoir eu de nouvelles de son ancien premier conjoint jusqu’à ce qu’elle aille porter plainte au Bureau du Procureur, quelques semaines plus tard, au sujet de l’incident du 21 octobre 2009 (l’incident d’octobre). Elle allègue que le 18 novembre 2009, son ancien premier conjoint l’a retracée et il l’a agressée, à tel point qu’elle a dû obtenir des soins médicaux. Environ un mois plus tard, Mme Avagyan s’est rendue à nouveau porter plainte au Bureau du Procureur, en raison cette fois de l’incident du 18 novembre 2009 (l’incident de novembre).

[7]               La demanderesse déclare dans son témoignage qu’après l’incident de novembre, elle n’a plus eu aucun contact avec le premier ancien conjoint jusqu’à ce qu’en mars 2011, elle aille visiter le nouveau conjoint qu’elle avait à cette date (le deuxième ancien conjoint) au poste de police, conduit là‑bas après son arrestation lors d’une manifestation politique. Madame Avagyan affirme que deux autres incidents impliquant le premier ancien conjoint sont survenus après cette rencontre. En juin 2011, il l’a appelée pour la menacer de représailles si elle ne renouait pas avec lui. Puis en août 2011, il a tenté de la faire monter de force dans son véhicule.  

[8]               Le second volet de la demande d’asile de Mme Avagyan est lié aux problèmes auxquels son deuxième ancien conjoint, M. Sargis Avagyan, était exposé en Arménie avant leur départ à tous deux pour le Canada afin d’y demander l’asile. Monsieur Avagyan, qui avait rencontré la demanderesse en février 2010, était un médecin qui avait participé à des efforts pour dénoncer la corruption au sein du ministère national de la Santé et dont la vie aurait été menacée par des personnes voulant mettre un terme à ses activités. Madame Avagyan dit craindre, advenant son retour en Arménie, que les ennemis de son deuxième ancien conjoint mettent sa sécurité en péril. Elle craint aussi pour la sécurité de l’enfant qu’elle a eu avec M. Avagyan et qui est né peu après leur arrivée au Canada.

[9]               La demanderesse et M. Avagyan se sont séparés quelques semaines avant leur départ pour le Canada.

[10]           Monsieur Avagyan a lui aussi demandé le contrôle judiciaire de la décision, du 6 mars 2013, par laquelle la SPR a rejeté sa demande d’asile; sa demande de contrôle judiciaire et celle qui nous occupe ont été instruites ensemble. Pour les motifs figurant au dossier IMM-2232-13, rendus en même temps que les présents motifs, j’ai également rejeté la demande de contrôle judiciaire de M. Avagyan.

B.                 Décision à l’examen

[11]           La SPR a rejeté la demande d’asile de Mme Avagyan au motif, principalement, qu’elle n’était pas crédible au vu de la preuve produite.

(1)               Crainte de violence de la part du premier ancien conjoint

[12]           La SPR a conclu à l’absence de crédibilité de Mme Avagyan après avoir entendu son témoignage. La SPR a conclu que le temps écoulé entre les incidents allégués rendait peu vraisemblable le récit de Mme Avagyan, principalement en raison du fait que le premier ancien conjoint, lequel serait violent et dominateur, aurait dû disposer des ressources requises, en tant que policier, pour la retracer ou entrer en contact avec elle lorsqu’elle l’a quitté en octobre 2009.

[13]           La SPR a aussi conclu que Mme Avagyan n’avait pas produit suffisamment d’éléments pour prouver qu’elle avait présenté des plaintes au Bureau du Procureur en 2009. Premièrement, Mme Avagyan n’avait pu fournir aucun élément de preuve documentaire pour établir la plainte qu’elle aurait portée après l’incident d’octobre. Quant à la plainte concernant l’incident de novembre, la SPR a souligné qu’il n’aurait pas été déraisonnable pour Mme Avagyan d’en faire le suivi auprès des autorités, en l’absence de toute preuve montrant que l’État ne voulait ou ne pouvait lui offrir une protection suffisante et vu le fait qu’elle était restée en Arménie jusqu’en septembre 2011.

[14]           S’agissant du certificat médical produit pour attester les blessures subies par Mme Avagyan lors de l’incident de novembre, la SPR a signalé qu’il portait la date du 18 décembre 2009, ce qui ne correspondait pas à la date de l’incident. En outre, le certificat ne précisait pas la cause des blessures. 

[15]           La SPR a aussi conclu qu’il y avait peu d’éléments de preuve crédibles, voire aucun, établissant que le premier ancien conjoint, malgré le temps écoulé, s’intéressait toujours de quelque manière que ce soit à Mme Avagyan. La SPR n’a reconnu aucune valeur probante aux courriels de janvier 2013 produits par Mme Avagyan pour démontrer que son premier ancien conjoint cherchait toujours à savoir où elle se trouvait. Enfin, la SPR a souligné l’absence de témoignage de la part des membres de la famille qui, selon Mme Avagyan, l’auraient libérée après que le premier ancien conjoint l’avait enfermée à clé en octobre 2009. Il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que ceux‑ci, a précisé la SPR, attestent d’une manière ou d’une autre les problèmes de la demanderesse avec cet ancien conjoint.

(2)               Crainte liée aux activités du deuxième ancien conjoint, M. Avagyan

[16]           Ainsi que je l’ai mentionné précédemment, Mme Avagyan craint les ennemis de son deuxième ancien conjoint, M. Avagyan. Lors de l’entrevue devant la SPR, Mme Avagyan a admis que les prétendus persécuteurs de M. Avagyan ne la prenaient pas pour cible, mais elle a affirmé qu’ils seraient au courant de leur relation ainsi que de l’existence de leur enfant.

[17]           La SPR a rejeté cet argument. Elle a jugé la preuve présentée était insatisfaisante, vu que la demanderesse n’était pas la cible des ennemis de M. Avagyan, et que, partant, rien ne permettait de croire que la vie de cette dernière était en danger. Plus particulièrement, la SPR a conclu qu’aucun élément de preuve ne démontrait une participation quelconque de Mme Avagyan, avec ou pour le compte de M. Avagyan, à la cueillette de renseignements servant à dénoncer la corruption, ni le fait qu’elle était d’une façon quelconque ciblée par les ennemis de M. Avagyan en raison de sa relation avec ce dernier.

[18]           En outre, la SPR n’a accordé aucun poids à un rapport d’évaluation psychiatrique produit par Mme Avagyan et posant pour elle un diagnostic de dépression post‑partum à composantes psychotiques. L’auteur du rapport faisait état de la situation Mme Avagyan en Arménie, en déclarant toutefois que celle‑ci était la cible des persécuteurs de M. Avagyan. La SPR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité parce que cette déclaration figurant dans le rapport contredisait le commentaire de Mme Avagyan, dans le témoignage qu’elle a livré de vive voix, selon lequel personne ne la prenait pour cible.

[19]           Enfin, la SPR a examiné les Directives du président concernant la persécution fondée sur le sexe et a conclu que, même si les directives s’appliquaient dans une certaine mesure à la demande d’asile de Mme Avagyan, elles ne comblaient pas les lacunes dans la preuve et ne permettaient pas de réfuter la conclusion défavorable tirée quant à la crédibilité.

II.                Question en litige et norme de contrôle

[20]           La question en litige en l’espèce est celle de savoir si la SPR, en concluant comme elle l’a fait, a commis une erreur susceptible de contrôle visée au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, 1985, c F-7.

[21]           De façon générale, déterminer si un étranger a qualité de réfugié au sens de la Convention, suivant l’article 96 de la Loi, ou celle de personne à protéger, suivant l’article 97, est une question mixte de fait et de droit qui relève du domaine de compétence spécialisée de la SPR. Il est de jurisprudence constante que de telles décisions appellent ainsi la norme de contrôle de la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 53; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 89).

[22]           Il est également bien établi que la SPR tire, quant à la crédibilité et à la vraisemblance du récit du demandeur d’asile, des conclusions portant sur les faits et qui commandent ainsi une grande retenue, la SPR étant le juge des faits (Khosa, au paragraphe 89; Camara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 362, au paragraphe 12; Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1052, au paragraphe 13; Giron c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 7, au paragraphe 14; Dong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 55, au paragraphe 17; Lawal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 558, au paragraphe 11; Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 491, au paragraphe 12).

[23]           Mon rôle n’est donc pas d’apprécier de nouveau la preuve présentée à la SPR, ni de substituer mes conclusions aux siennes : il se limite à examiner la décision de la SPR et à la modifier uniquement si elle ne possède pas les attributs requis de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité, ni n’appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).

III.             Cadre législatif applicable

[24]           Pour se voir reconnaître la qualité de réfugiée au sens de la Convention, suivant l’article 96 de la Loi, la demanderesse devait démontrer qu’elle craignait avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un groupe social, qu’elle se trouvait hors du pays dont elle avait la nationalité et qu’elle ne pouvait ou, du fait de cette crainte, ne voulait se réclamer de la protection de ce pays.

[25]           S’agissant de la qualité de personne à protéger au sens de l’article 97 de la Loi, la demanderesse devait établir que son renvoi vers l’Arménie l’exposerait soit au risque, jugé exister pour des motifs sérieux, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture, soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Dans ce dernier cas, elle devait également établir entre autres choses qu’elle ne pouvait ou, du fait de ce risque, ne voulait se réclamer de la protection de l’Arménie, qu’elle serait exposée à ce risque en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas.

[26]           Les articles 96 et 97 de la Loi sont reproduits en annexe du présent jugement.

IV.             Analyse

A.                Thèse de Mme Avagyan

[27]           Madame Avagyan allègue que la décision de la SPR est viciée en raison de nombreuses conclusions déraisonnables.

[28]           S’agissant du premier volet de sa demande d’asile, la crainte de violence de la part du premier ancien conjoint, elle affirme qu’il était déraisonnable pour la SPR :

a.              de ne pas prendre en compte la crainte alléguée de son ancien conjoint violent, en partant de l’hypothèse que, s’il avait été aussi violent et dominateur qu’elle l’affirmait, il serait parti à sa recherche après son départ et fait tout ce qu’il pouvait pour la ravoir dans sa vie;

b.             de ne pas tenir compte du rapport médical lié à l’incident de novembre parce qu’il ne précisait pas la cause des blessures subies, et de tirer une inférence défavorable du fait qu’elle n’avait pas assuré le suivi avec les autorités après avoir porté plainte auprès du Bureau du Procureur;

c.              de ne pas avoir prêté foi à son récit au sujet du premier ancien conjoint en raison de l’absence de témoignage de sa mère et de son frère corroborant l’existence et la nature de la relation entre eux;

d.             de n’avoir accordé aucun poids aux courriels de janvier 2013 démontrant que le premier ancien conjoint s’enquérait toujours du lieu où elle se trouvait.

[29]           Madame Avagyan soutient également qu’en se disant non « convaincu[e] » que l’ancien conjoint violent avait « mis sa vie en danger et l’exposerait à une menace à sa vie [à] l’avenir », la SPR lui a imposé un fardeau de preuve plus rigoureux que ce qu’exigeaient les articles 96 et 97 de la Loi.

[30]           S’agissant du second volet de sa demande d’asile, la crainte associée aux activités de M. Avagyan, Mme Avagyan affirme qu’il était déraisonnable pour la SPR de tirer une conclusion défavorable quant à sa crédibilité en raison d’une seule contradiction dans son témoignage, et de faire abstraction, dans l'évaluation de sa crédibilité générale, du diagnostic posé dans le rapport d’évaluation psychiatrique.

[31]           Madame Avagyan soutient également que la SPR a appliqué le mauvais critère juridique dans l’analyse de sa demande d’asile fondée sur l’article 97 parce qu’elle a exigé la preuve qu’elle serait torturée advenant son retour en Arménie, alors qu’il s’agit de prouver le risque uniquement de torture ou de mauvais traitements.

B.                 Crainte par Mme Avagyan de violence de la part du premier ancien conjoint

(1)               Non-crédibilité des allégations de Mme Avagyan

[32]           Ainsi que la Cour d’appel fédérale l’a énoncé dans l’arrêt Sellan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CAF 381, une conclusion défavorable quant à la crédibilité suffit habituellement pour rejeter la demande d’asile, à moins que le dossier ne comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant de la réfuter (Sellan, au paragraphe 3).

[33]           Cette règle vient du fait que l’évaluation de la crédibilité du demandeur d’asile est une question de fait touchant au cœur même de la compétence et de l’expertise de la SPR. À titre de tribunal spécialisé, d’ailleurs, la SPR a pleine compétence pour juger de la vraisemblance des témoignages et, ce faisant, pour évaluer la crédibilité d’un récit et tirer les inférences qui s’imposent. Il lui est donc loisible de tirer des conclusions relatives à la crédibilité en se fondant sur les invraisemblances, le bon sens et le raisonnement et, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables au point de justifier l’intervention de la Cour, les conclusions tirées par la SPR à ce titre ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 160 NR 315, [1993] ACF n° 732 (QL) (CAF), au paragraphe 4; Divsalar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 653, [2002] ACF n° 875 (QL), au paragraphe 22; Dzey c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 167, au paragraphe 19; Abdul c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 260, [2003] ACF n° 352 (QL), au paragraphe 15).

[34]           En l’espèce, la SPR a conclu que la question déterminante dans le cadre de la demande d’asile de Mme Avagyan était la crédibilité : elle n’a pas cru que la demanderesse avait un ancien conjoint violent qui avait mis sa vie en danger ou qui l’exposerait à une menace à sa vie à l’avenir, et elle a jugé que la preuve documentaire produite par Mme Avagyan au soutien de ses allégations n’était ni fiable ni suffisante.

[35]           Lorsqu’on considère la décision dans son ensemble, ainsi qu’il convient de le faire (Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, aux paragraphes 14 et 15; Pena c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 616, 352 FTR 11, au paragraphe 70; Shire c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 97, au paragraphe 54; Stuart c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1139, au paragraphe 28), il apparaît clairement que la conclusion de la SPR était largement tributaire du fait que Mme Avagyan avait soutenu n’avoir rencontré le premier ancien conjoint que deux fois entre le moment où elle l’avait laissé, en octobre 2009, et le moment où elle avait quitté l’Arménie, en septembre 2011, et n’avoir eu aucun contact quelconque avec lui pendant une période de seize mois. Cela ne cadrait pas, a inféré la SPR, avec le portrait d’homme violent et dominateur donné par Mme Avagyan de son premier ancien conjoint.

[36]           Madame Avagyan soutient que cette conclusion relève de la pure conjecture et qu’elle est, en conséquence, déraisonnable. Selon le défendeur, la conclusion repose sur le bon sens et est ainsi raisonnable. Il incombait à Mme Avagyan de démontrer qu’il n’était pas raisonnable pour la SPR de tirer l’inférence qu’elle a faite (Aguebor, au paragraphe 4).

[37]           Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur les inférences et sur la distinction à faire entre une inférence admissible et une hypothèse non admissible. Dans un jugement récent, le juge Peter Annis a donné un rappel utile des principes généraux applicables aux inférences (K.K. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 78). Il a résumé ces principes comme suit, au paragraphe 61 de sa décision :

•    Une inférence est une conclusion qui découle logiquement et raisonnablement de faits admis, de manière suffisamment probable, par application d’un raisonnement inductif qui utilise l’expérience humaine universelle comme référence.

•    Les faits censés servir de fondement à l’inférence doivent être établis par la preuve et ne peuvent être remplacés par des hypothèses.

•    Vu l’absence d’une distinction nette, il est souvent très difficile de différencier selon le degré de probabilité les inférences raisonnables admissibles et les hypothèses non admissibles.

•    Lorsqu’on tire des inférences, il ne s’agit pas d’établir ce qui est possible, non plus que de créer une trame narrative hypothétique ou de faire appel à l’imagination subjective, même lorsque les circonstances donnent ouverture à une estimation éclairée.

•    On n’a pas à tirer que les inférences les plus évidentes ou les plus aisées; l’inférence doit uniquement être raisonnable et logique.

[38]           Dans le jugement Zacarias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1155, 419 FTR 135, la juge Mary J. L. Gleason a conclu, après avoir examiné la jurisprudence de la Cour sur la question, qu’il était loisible à la SPR de juger le récit d’un demandeur d’asile invraisemblable si ce récit était dénué de sens à la lumière de la preuve qui lui a été présentée, ou si les faits exposés débordaient le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre (Zacarias, au paragraphe 11).

[39]           Après avoir appliqué ces principes aux faits de l’espèce, j’estime qu’il n’était pas déraisonnable pour la SPR de faire abstraction du récit de Mme Avagyan puisqu’on peut raisonnablement conclure que ses éléments principaux « débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre ». Ces principaux éléments, en regard de l’allégation de Mme Avagyan selon laquelle son ancien conjoint était violent et dominateur, sont les suivants : 

a.              Mme Avagyan n’était pas bouleversée lorsque sa mère et son frère sont venus la « libérer », alors qu’elle était enfermée à clé depuis trois jours, et elle ne leur a parlé qu’une semaine plus tard du comportement violent allégué de son premier ancien conjoint, alors qu’elle était apparemment avec lui depuis un an;

b.             elle n’a ensuite eu des nouvelles de ce conjoint qu’un mois plus tard, après avoir déposé auprès du Bureau du Procureur une plainte dont n’atteste aucune preuve documentaire;

c.              elle n’a ensuite plus eu aucun contact avec le premier ancien conjoint jusqu’en mars 2011, soit seize mois plus tard, lorsqu’elle allée visiter son deuxième ancien conjoint, M. Avagyan, au poste de police – rien au dossier n’indique que cette rencontre était autre que purement fortuite;

d.             la dernière rencontre entre l’ancien premier conjoint et Mme Avagyan avant le départ pour le Canada a eu lieu au début d’août 2011, lorsque celui‑ci aurait tenté de faire monter la demanderesse de force dans sa voiture, près de deux ans après leur séparation et à une époque où tous deux vivaient dans des régions différentes de l’Arménie.

[40]           J’estime que la SPR pouvait, au vu de cette preuve, tirer des inférences défavorables mettant en cause la crédibilité de l’allégation de Mme Avagyan selon laquelle elle avait un ancien conjoint violent qui tenterait de mettre sa vie en danger si elle devait retourner en Arménie. Je conviens avec le défendeur, à cet égard, que la conclusion de la SPR relative à la crédibilité était dûment fondée sur des invraisemblances, le bon sens et le raisonnement. En d’autres termes, elle se fondait sur des inférences admissibles découlant logiquement et raisonnablement d’un groupe de faits établis par la preuve, et non d’un processus faisant appel à l’imagination subjective. 

[41]           L’expérience humaine universelle suffit ainsi pour tirer logiquement une inférence raisonnable, et l’on ne saurait faire valoir qu’une preuve scientifique à l’appui est requise lorsqu’il s’agit d’évaluer le comportement humain. À mon avis, la SPR pouvait raisonnablement conclure que le récit de Mme Avagyan ne cadrait pas avec le profil allégué de son ancien premier conjoint ou, autrement dit, il était raisonnable pour la SPR de conclure que ce récit était contraire au bon sens et à la raison.

(2)               Poids accordé à la preuve documentaire à l’appui

[42]           Dans un tel contexte, il était raisonnable que la SPR accorde peu de poids à la preuve documentaire produite par Mme Avagyan pour corroborer ses allégations : le rapport médical censé se rapporter à l’incident de novembre, la plainte relative à cet incident déposée auprès du Bureau du Procureur et les courriels de janvier 2013 montrant que le premier ancien conjoint s’informait du lieu où la demanderesse se trouvait.  

[43]           Pour ce qui est du rapport médical, je conviens que c’était trop demander de la part de la SPR que de s’attendre à ce qu’y soient précisés la cause et l’auteur des blessures subies. La SPR a toutefois fait remarquer que le rapport, dont la date est postérieure de trente jours à l’agression alléguée et dans lequel il est indiqué que Mme Avagyan avait obtenu son congé de l’hôpital le 3 décembre 2009, soit quelque quinze jours après cette agression, ne faisait pas état de la date à laquelle Mme Avagyan avait été admise à l’hôpital.

[44]           Il incombait à Mme Avagyan d’établir, selon la prépondérance des probabilités, les faits sur lesquels reposait sa demande d’asile et, ainsi que je l’ai indiqué ci-dessus, les conclusions de fait tirées par la SPR à cet égard commandent une grande retenue (Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] 2 CF 635, au paragraphe 8; Delisa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 8, 362 FTR 268, au paragraphe 33). Il était donc raisonnable selon moi que la SPR ‑ compte tenu des divergences entre les dates mentionnées dans le rapport et celle où l’incident de novembre était censé s’être produit, et du fait que le récit de Mme Avagyan était généralement peu crédible ‑ n’accorde qu’une faible importance à ce rapport.

[45]           La SPR n’a pas accordé beaucoup de poids non plus à la plainte relative à l’incident de novembre déposée au Bureau du Procureur, vu l’absence de preuve de tout suivi quelconque de la part de Mme Avagyan auprès des autorités pendant la période de près de deux ans allant du dépôt de la plainte jusqu’au départ de l’Arménie, malgré la réponse du Bureau selon laquelle il avait chargé le Service spécial d’enquête du gouvernement de vérifier l’authenticité des faits allégués dans la plainte. La SPR a conclu, par conséquent, que Mme Avagyan n’avait pas démontré que les autorités arméniennes ne voulaient ou ne pouvaient lui offrir une protection de l’État suffisante.

[46]           Cette conclusion est juste, à mon avis, compte tenu de l’état actuel du droit en matière de protection de l’État. La Cour suprême du Canada a déclaré dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, que la protection des réfugiés était destinée à servir de mesure auxiliaire, ne pouvant être invoquée par le demandeur d’asile que s’il avait tenté, en vain, d’obtenir la protection de l’État dans son pays d’origine (Ward, au paragraphe 18). Sauf dans le cas d'un effondrement complet de l'appareil étatique, il y a ainsi lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur d’asile; pour réfuter la présomption, ce dernier doit démontrer par une preuve claire et convaincante que l’État ne peut ou ne veut pas fournir une protection suffisante – qui n’a pas à être parfaite (Hinzman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 171, aux paragraphes 43 et 44; Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, [2008] 4 RCF 636, au paragraphe 19; Ruzso c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 FC 1004, au paragraphe 29; Ward, précité, au paragraphe 52).

[47]           À ce stade-ci de l’analyse, il faut qu’il existe la preuve que le demandeur d’asile n’a ménagé aucun effort objectivement raisonnable, même si ceux-ci ont été vains, afin d’épuiser tous les recours auxquels il a raisonnablement accès avant de demander l’asile à l’étranger (Ruzso, précité, au paragraphe 32). Cette preuve n’a pas été faite en l’espèce, et il était donc loisible à la SPR de ne guère accorder d’importance au fait qu’après l’incident de novembre, Mme Avagyan avait déposé une plainte. Le seul témoignage de Mme Avagyan ne suffisait pas.

[48]           Madame Avagyan soutient qu’il n’aurait servi à rien de faire le suivi de sa plainte, puisque la preuve montre que les victimes de violence conjugale n’obtiennent pas toujours une aide satisfaisante de la police en Arménie. Il convient toutefois de signaler que Mme Avagyan aurait porté plainte deux fois auprès du Bureau du Procureur. On ne saurait alors affirmer que, par crainte, elle n’avait pas voulu se réclamer de la protection de l’État en Arménie. On ne pourrait pas dire non plus, étant donné la suite donnée par le Bureau du Procureur à la plainte visant l’incident de novembre, que l’État ne pouvait ou ne voulait pas fournir une protection suffisante. La SPR était donc en droit de s’attendre à ce que Mme Avagyan présente une preuve quelconque de suivi puis, en l’absence d’une telle preuve, de conclure comme elle l’a fait. 

[49]           Je conclus qu’il était aussi loisible à la SPR de n’attacher aucune importance aux courriels de janvier 2013 faisant voir que le premier ancien conjoint cherchait à savoir le lieu où Mme Avagyan se trouvait, vu qu’elle avait conclu que la demanderesse n’avait pas établi que ce conjoint était violent et tenterait de mettre sa vie en danger. Quoi qu’il en soit, on peut raisonnablement conclure en examinant ces courriels qu’il ne s’y trouve aucune menace contre Mme Avagyan pour l’avenir.

[50]           Enfin, Mme Avagyan conteste la conclusion de la SPR selon laquelle il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que sa mère et son frère, venus la « libérer » en octobre 2009, témoignent afin d’établir l’existence et la nature de la relation entre elle et le premier ancien conjoint. Il est de droit constant que de simples affirmations de la part du demandeur d’asile peuvent s’avérer insuffisantes pour qu’il s’acquitte, selon la prépondérance de la preuve, de sa charge de persuasion (Ferguson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1067, au paragraphe 23). Cela est particulièrement le cas lorsque des doutes existent quant à la crédibilité des allégations du demandeur d’asile (Adu c Canada (Emploi et Immigration), [1995] ACF n° 114 (QL) (CAF); Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 400, au paragraphe 17; Bhagat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1088, au paragraphe 9; Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 244, au paragraphe 28). Il y a donc lieu que la SPR s’attende, parfois, à disposer de certains éléments de preuve corroborant les affirmations du demandeur d’asile afin d’évaluer si celui-ci s’est acquitté de son fardeau de preuve. En l’espèce, je conclus qu’il était raisonnable que la SPR s’attende à disposer du témoignage des membres concernés de la famille de Mme Avagyan, qui semblaient être très proches d’elle lorsqu’elle entretenait une relation avec l’ancien premier conjoint. On ne peut reprocher à la SPR d’avoir dit qu’une telle preuve aurait aidé Mme Avagyan à établir sa crainte de cet ancien conjoint.

(3)               Fardeau de preuve allégué être trop rigoureux

[51]           Madame Avagyan soutient qu’en se disant non « convaincu[e] » que l’ancien premier conjoint censé être violent avait mis sa vie en danger et l’exposerait à une menace à sa vie à l’avenir, la SPR a recouru à un mauvais critère en lui imposant un fardeau de preuve plus rigoureux que celui exigé par les articles 96 et 97 de la Loi.

[52]           Je ne suis pas d’accord. Comme l’a soutenu le défendeur, Mme Avagyan n’a pas établi l’existence des risques auxquels elle a dit être exposée. La SPR ne l’a pas crue lorsqu’elle a déclaré avoir un ancien conjoint violent qui avait mis sa vie en danger et qui l’exposerait à une menace à sa vie à l’avenir. Aucun fondement factuel ne permettait à Mme Avagyan de faire valoir une demande d’asile sur le fondement de l’article 96 ou de l’article 97 de la Loi.

[53]           En tout état de cause, même en supposant que la SPR lui ait imposé un fardeau de preuve trop lourd, Mme Avagyan n’a pas réfuté, comme je l’ai indiqué ci-dessus, la présomption selon laquelle l’État arménien pourrait et voudrait assurer sa protection. Même fondé, cet argument n’est donc d’aucune utilité pour Mme Avagyan.

[54]           Enfin, il importe de souligne que Mme Avagyan n’a aucunement mis en question l’application par la SPR des directives du président intitulées « Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe ».

C.                Second volet de la demande d’asile de Mme Avagyan : la crainte liée aux activités de M. Avagyan

[55]           Madame Avagyan soutient qu’il était déraisonnable pour la SPR de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité sur la foi d’une seule contradiction entre son témoignage et le rapport d’évaluation psychiatrique sur la question de savoir si les persécuteurs de M. Avagyan la prenaient pour cible.

[56]           Vu l’importance de la question pour ce volet de la demande d’asile de Mme Avagyan, j’estime qu’il était raisonnable pour la SPR de tirer de cette contradiction une inférence défavorable quant à la crédibilité. Cela est d’autant plus vrai compte tenu de la conclusion de la SPR concernant l’absence de toute preuve montrant que Mme Avagyan avait participé d’une manière quelconque à la dénonciation des pratiques de corruption au ministère de la Santé de l’Arménie, ou était « ciblée » par les ennemis de M. Avagyan en raison de sa relation avec ce dernier.

[57]           Je ne vois aucune raison de modifier la conclusion de la SPR portant que Mme Avagyan n’avait pas établi que sa relation avec M. Avagyan l’exposerait à l’un des risques visés aux articles 96 ou 97 de la Loi. Je le répète, il s’agit là d’une question de fait et la conclusion de la SPR à son sujet appelle une grande retenue.

[58]           Enfin, Mme Avagyan soutient que la SPR n’a pas tenu compte, dans son évaluation générale de la crédibilité, du diagnostic formulé dans le rapport d’évaluation psychiatrique de dépression post‑partum à composantes psychotiques.

[59]           J’estime comme le défendeur que la SPR n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en faisant abstraction de ce rapport dans l’évaluation de la crédibilité de la demanderesse. Le juge Michael Phelan a affirmé ce qui suit au paragraphe 16 du jugement Saha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 304 :

La SPR a le pouvoir discrétionnaire d’écarter la preuve psychologique lorsque le docteur ne fait que reprendre ce que le patient lui a dit quant aux motifs expliquant son stress, et qu’il en tire ensuite une conclusion médicale selon laquelle le patient souffre de stress en raison de ces motifs. C’est d’autant plus vrai quand la SPR rejette les faits sous‑jacents au diagnostic. En l’espèce, il n’y a eu aucun examen médical indépendant étayant l’évaluation psychologique et aucun autre fondement médical ne corrobore le diagnostic.

[60]           Dans le jugement Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1379, [2014] 2 RCF 3, le juge en chef Paul S. Crampton a mis en garde contre le recours à ce type de rapport pour l’évaluation de la crédibilité, à moins que le rapport « n’incline fortement à penser » que la SPR a agi déraisonnablement en concluant à l’absence de crédibilité (Kaur, au paragraphe 38). Quoi qu’il en soit, un tel rapport ne pourrait servir « [de] panacée pour tous les défauts contenus » dans une décision de la SPR (Khatun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 159, au paragraphe 94; Mahari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 999, au paragraphe 25; Rokni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] ACF n° 182 (QL)).

[61]           En l’espèce, Mme Avagyan souffrirait de dépression post‑partum à composantes psychotiques. Ce problème de santé n’a aucune incidence sur l’évaluation de son témoignage ou de sa crédibilité, et il découle d’événements qui sont survenus au Canada et non en Arménie, le pays où elle affirme craindre la persécution. Ainsi que la Cour l’a indiqué dans le jugement Kaur, précité, la Cour suprême nous a enseigné, dans de récents arrêts, que la cour de révision doit s’abstenir d’intervenir s’il existe une assise raisonnable à la conclusion du décideur (voir Newfoundland Nurses, précité, Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654, et Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, [2012] 1 RCS 364). Par conséquent, il serait contraire à ces arrêts que j’infirme les conclusions en matière de crédibilité de la SPR en raison d’un rapport psychiatrique, les cours de révision devant faire preuve de déférence ou de retenue à l’égard des conclusions de la SPR sur les questions de crédibilité, qui se situent au cœur même de ses attributions (Kaur, au paragraphe 38).

[62]           Quoi qu’il en soit, Mme Avagyan n’a pas établi, par une preuve claire et convaincante, qu’elle ne pourrait obtenir en Arménie une protection de l’État suffisante. Par conséquent, même à supposer que sa relation avec M. Avagyan avant son départ d’Arménie l’exposerait à un risque, cela ne suffirait pas pour lui donner accès à la protection offerte au Canada par les articles 96 et 97 de la Loi.  

[63]           Les parties n’ont proposé la certification d’aucune question de portée générale. Aucune question ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


ANNEXE

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27)

Immigration and Refugee Protection Act (SC 2001, c 27)

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Personne à protéger

Person in need of protection

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2596-13

INTITULÉ :

NELLI AVAGYAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 JUIN 2014

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

LE 22 OCTOBRE 2014

COMPARUTIONS :

Michael Crane

POUR LA DEMANDERESSE

Veronica Cham

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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