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Date : 20141024

Dossier : IMM-4196-13

Référence : 2014 CF 1015

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 octobre 2014

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

ORLANDO THORPE GORDON

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   Nature de la question

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle une gestionnaire de projet en matière d’immigration (la gestionnaire) a refusé une demande en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi) concernant une autorisation de revenir au Canada (l’ARC) en application du paragraphe 52(1) de la Loi.

[2]               L’ARC a été demandée, car le demandeur souhaitait obtenir la résidence permanente au Canada, et son départ du Canada en 2009 résultait de l’exécution d’une mesure de renvoi. La mesure de renvoi avait été prise à la suite de l’omission du demandeur de se présenter pour son renvoi comme cela avait initialement été prévu plus tôt en 2009.

[3]               Ma décision dépend de la question de savoir si la gestionnaire a manqué au principe d’équité procédurale en ne fournissant pas les motifs écrits de son refus à la demande d’ARC faite par le demandeur. Je traiterai aussi des observations formulées à l’audition de la présente demande en ce qui concerne le caractère déraisonnable de la décision prise par la gestionnaire.  

II.                Délai avant de fournir les motifs

[4]               Il n’est pas contesté que la lettre de la gestionnaire, datée du 25 avril 2013 et qui indiquait le refus de celle-ci, ne fournissait aucun motif. Le demandeur a fait remarquer cette omission dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire au début de la présente instance.

[5]               En vertu du paragraphe 9(1) des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés (les Règles), le greffe du présent tribunal a demandé que les motifs soient fournis s’ils existent. Selon le paragraphe 9(2) des Règles, le tribunal doit fournir les motifs sans attendre. À titre de réponse, le défendeur a envoyé une lettre datée du 2 juillet 2013 à laquelle étaient jointes des notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) liées à la demande de résidence permanente déposée par le demandeur. Il n’est pas contesté que ces notes du SMGC ne contenaient pas les motifs liés au refus d’accorder l’ARC. Par conséquent, le défendeur ne s’est pas conformé au paragraphe 9(2) des Règles.

[6]               La raison pour laquelle la lettre du 2 juillet 2013 ne contenait pas de motifs n’est pas claire. Lors de l’audience, l’avocate du défendeur a indiqué que l’omission résultait d’une inadvertance du fait que la demande d’ARC et la demande de résidence permanente étaient traitées par le défendeur sous deux numéros de dossiers différents. Apparemment, dans les notes du SMGC fournies le 2 juillet 2013, il manquait d’autres notes créées en rapport avec la demande d’ARC. Je remarque que le défendeur n’a pas fourni de preuve comme quoi l’omission de fournir des notes relatives à l’ARC était en fait dû à l’inadvertance, et les observations de son avocate à ce sujet ne peuvent pas être considérées comme des éléments de preuve. Le demandeur prétend que l’omission de fournir les motifs, que ce soit dans la lettre du 25 avril 2013 ou celle du 2 juillet 2013, suggère que les notes ont été délibérément cachées.

[7]               La preuve démontre que la demande d’ARC et la demande de résidence permanente ont effectivement été traitées sous deux numéros de dossiers différents au sein du Ministère des Affaires civiques et de l’Immigration (voir l’affidavit de la gestionnaire, Carol McKinney). De plus, je n’ai aucune raison directe de croire que l’omission de fournir les motifs était délibérée ou que le défendeur a agi de mauvaise foi. Le demandeur n’a pas contre-interrogé Mme McKinney concernant son affidavit. L’omission de fournir les motifs dans la lettre du 2 juillet 2013 montre au moins une négligence surprenante, mais je présumerai que le défendeur a agi de bonne foi.

[8]               Le défendeur a fini par remettre les motifs justifiant son refus d’accorder l’ARC, mais seulement au moment de déposer son dossier, le 27 août 2013. Les motifs se présentent sous la forme d’autres notes du SMGC à l’égard de la demande d’ARC. Voici ce que dit le passage pertinent : 

[TRADUCTION]

J’ai examiné le bien-fondé de la demande d’autorisation de revenir au Canada. Je fais remarquer que le présent demandeur était recherché dans le cadre d’une enquête en 1991 et qu’il ne nous a pas contactés de nouveau avant 2006. Il ne pouvait pas ignorer qu’il était au Canada de façon illégale et en violation des lois sur l’immigration. Je mentionne également sa décision très sérieuse de ne pas se présenter pour son expulsion en 2009. Je ne suis pas convaincue par l’explication justifiant l’omission de ne pas se présenter étant donné que celle-ci est tout à fait intéressée. Le demandeur n’a pas de lien avec le Canada que je considère comme étant convaincant, les membres de sa famille immédiate résident dans son pays d’origine et sa demande au titre de la catégorie du regroupement familial est refusée. Le seul faible lien qui le lie au Canada est un emploi réservé, mais je ne trouve pas que celui-ci l’emporte sur les facteurs négatifs mentionnés ci-dessus. Dans l’ensemble, je ne suis pas convaincue que le demandeur devrait être autorisé à revenir au Canada. Refusé.

[9]               Le demandeur fait valoir que ces autres notes tirées du SMGC ne devraient pas être considérées comme des motifs, car elles ne lui ont pas été remises ni dans la décision initiale, ni comme l’exige de l’article 9 des Règles. Elles ont été transmises seulement une fois que le demandeur avait déjà déposé son exposé des arguments dans la présente instance, soulignant l’omission persistante de la part du défendeur de fournir des motifs.

[10]           Le demandeur fait valoir que l’un des objectifs de l’obligation de fournir des motifs est de permettre à une partie d’évaluer les motifs possibles de contrôle de la décision connexe. Dans la présente affaire, le demandeur n’a pas eu cette possibilité, étant donné que les motifs n’ont pas été fournis avant que le demandeur ait déployé des efforts et engagé des frais pour déposer la présente demande et fournir des observations écrites à son appui.

[11]           Le défendeur fait remarquer que le retard à fournir les motifs n’a pas privé le demandeur de la possibilité d’y répondre. Il avait le droit de faire valoir le caractère adéquat (ou inadéquat) des motifs, une fois reçus, au moyen d’observations écrites additionnelles. Il a choisi de ne pas le faire. Tout préjudice que le demandeur aurait pu subir en raison de la présentation tardive des motifs aurait pu être réglé par des dépens. Cependant, étant donné que la communication des motifs ne semble pas avoir amené le demandeur à modifier sa position de quelque façon que ce soit, je ne crois pas que celui-ci ait subi quelconque préjudice.

[12]           À mon avis, le demandeur n’a pas été privé de son droit à l’équité procédurale en raison du retard dans l’obtention des motifs justifiant la décision de la gestionnaire.

III.             Observations sur le caractère déraisonnable de cette décision

[13]           À l’audience, l’avocat du demandeur a présenté, pour la première fois, des observations détaillées portant sur le caractère déraisonnable de la décision de la gestionnaire, à la lumière des motifs fournis en août 2013. Ces observations portaient sur (i) les circonstances qui ont donné lieu à la prise de la mesure de renvoi en 2009 qui est à l’origine de la nécessité d’obtenir une ARC; (ii) des lettres d’appui fournies par le demandeur au soutien de sa demande de résidence permanente au Canada; (iii) le fait qu’il avait un emploi réservé au Canada, et (iv) le fait qu’il avait respecté toutes les autres exigences pour obtenir le statut de résident permanent au Canada. L’avocat du demandeur a fait valoir que, à la lumière de tous ces points, la décision de refuser l’ARC était déraisonnable.

[14]           Pour sa part, le défendeur s’est opposé à ces observations en soutenant qu’elles auraient dû figurer dans les observations écrites du demandeur. Le défendeur a fait valoir qu’il n’avait pas eu une possibilité suffisante de préparer une réponse aux nouveaux arguments du demandeur. Le demandeur a répondu que ses arguments concernant le caractère déraisonnable de la décision de la gestionnaire figuraient, en termes généraux, dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire et, par conséquent, que le défendeur a été prévenu adéquatement de la position du demandeur.

[15]           Je suis porté à me ranger du côté du défendeur sur cette question. Les observations du demandeur relatives au caractère déraisonnable de la décision de la gestionnaire sont allées bien au-delà de tout ce qui a été fourni par écrit avant l’audience, et on ne pouvait s’attendre à ce que le défendeur réponde adéquatement à ces observations lors de l’audience.

[16]           Cependant, même si je devais prendre en considération les observations présentées par le demandeur, je suis convaincu que :

(i)                 Il n’y a rien de déraisonnable dans le raisonnement que la gestionnaire a suivi pour prendre sa décision;

(ii)               Même si la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte, la norme de contrôle applicable à la décision prise par la gestionnaire de refuser l’ARC est celle de la décision raisonnable, et je dois faire preuve d’une « grande retenue » à l’égard la décision (Umlani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1373, paragr. 60).

[17]           Je suis également satisfait que les motifs présentés sous la forme de notes du SMGC sont suffisamment détaillés. La gestionnaire n’était pas obligée de traiter expressément toutes les questions soulevées par le demandeur. Le demandeur note que la gestionnaire a rapporté les faits d’une manière inexacte lorsqu’elle a indiqué qu’il « ne nous a pas contactés de nouveau avant 2006. » En fait, le demandeur a fait une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire en 2003. À mon avis, cette divergence n’est pas suffisamment importante pour écarter ou miner gravement la décision de la gestionnaire.

IV.             Conclusion

[18]           Pour les motifs susmentionnés, je rejette la présente demande. Les parties s’entendent sur le fait qu’il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

  1. Que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
  2. Qu’aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« George R. Locke »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B, B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

IMM-4196-13

 

 

INTITULÉ :

ORLANDO THORPE GORDON c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 SEPTEMBRE 2014

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 OCTOBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Michael Brodzky

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Leanne Briscoe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MICHAEL BRODZKY

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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