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Date : 20140918

Dossier : ITA-9052-11

Référence : 2014 CF 904

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Calgary (Alberta), le 18 septembre 2014

En présence de monsieur le juge Locke

 

 

DANS L’AFFAIRE DE la Loi de l'impôt sur le revenu,

et

DANS L’AFFAIRE DE la cotisation ou des cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu d’une ou de plusieurs des lois suivantes : la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l’assurance-emploi et l’Alberta Income Tax Act

contre :

GREENSLADES NORTHERN WELDING LTD.

405, 3e AVENUE EST, C.P. 640

HANNA (ALBERTA)

T0J 1P0

et

DANS L’AFFAIRE DU Civil Enforcement Act, RSA 2000, C C‑15;

et

DANS L’AFFAIRE DE saisies effectuées le 21 février 2013;

ET DANS L’AFFAIRE DE l’ordonnance de la Cour prononcée par madame la juge Gagné le 2 juin 2014 et inscrite le 3 juin 2014;

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demanderesse

et

GREENSLADES NORTHERN WELDING LTD.

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               La présente décision porte sur une audience, tenue à la suite d’une ordonnance de justification rendue par le protonotaire Lafrenière le 15 août 2014, qui consistait à examiner une accusation selon laquelle la défenderesse, Greenslades Northern Welding Ltd., était en outrage d’une ordonnance antérieurement rendue par la juge Gagné le 3 juin 2014. Cette ordonnance visait certains actifs saisis dont la défenderesse avait possession au titre d’un engagement en tant que dépositaire et décrits dans un avis de mise en demeure daté du 2 janvier 2014.

[2]               Les biens visés par la mise en demeure sont les suivants :

(i) Camionnette Dodge Ram 2005, avec cabine et équipement de soudure (S/N 3D7MS48CX5G772936);

(ii) Camionnette GMC Sierra 1997, avec cabine et équipement de soudure (S/N 1GDJK34R5VF015389);

(iii) Remorque de camionnette Chevrolet GMT-400 1999 (S/N 1GCGK29R6XF022775);

(iv) Remorque de camionnette Dodge Ram 2005, avec cabine et équipement de soudure (S/N 3D7MS48C75G773025);

(v) Tracteur Case 430 2006 (S/N JAF416808).

[3]               Curieusement, le directeur de la défenderesse, M. William Steven Greenslade, a énoncé lors de l’audience, et semble‑t‑il pour la première fois, qu’il n’avait pas connaissance de la remorque de camionnette Chevrolet GMT‑400 1999 (élément (iii)) et qu’il n’avait connaissance que d’une seule camionnette Dodge Ram 2005, et non de deux, comme le laissent entendre les éléments (i) et (iv). Il est surprenant que M. Greenslade ait affirmé cela seulement à un stade très tardif de l’affaire, et uniquement en réponse à une question de la Cour. Cependant, pour les besoins de la présente décision, il n’est pas nécessaire que je me penche sur ces affirmations.

[4]               L’ordonnance du 3 juin exigeait de la défenderesse qu’elle délivre les actifs visés par la mise en demeure à Graham Auctions au plus tard le 30 juin 2014.

[5]               Il n’est pas contesté qu’aucun des actifs visés par la mise en demeure n’a été délivré, comme le prévoyait l’ordonnance, que ce soit avant le 30 juin 2014 ou par la suite. Il n’est pas non plus contesté que la défenderesse et M. Greenslade avaient connaissance de l’ordonnance du 3 juin.

[6]               L’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales (DORS/98-106) prévoit que, sous réserve du prononcé d’une ordonnance de justification (une telle ordonnance a été rendue par le protonotaire Lafrenière le 15 août 2014), une personne qui ne se conforme pas à une ordonnance de la Cour est coupable d’outrage. Selon l’article 469 des Règles, une conclusion d’outrage au tribunal doit être fondée sur une preuve hors de tout doute raisonnable. L’outrage au tribunal nécessite une conclusion portant que l’omission de se conformer à l’ordonnance en question était délibérée ou qu’elle découlait d’une grande indifférence.

[7]               La demanderesse a produit le témoignage de deux personnes : (i) Robert Morris, agent de recouvrement au sein de l’Agence du revenu du Canada (ARC), et affecté à une dette fiscale non payée de la défenderesse, et (ii) Michael Orechow, qui travaille pour Graham Auctions. M. Greenslade est la seule personne ayant témoigné pour le compte de la défenderesse.

[8]               Après avoir entendu la preuve, il ne fait aucun doute que la défenderesse avait connaissance de l’ordonnance du 3 juin et qu’elle n’a pris aucune mesure pour s’y conformer. En fait, plutôt que de délivrer les actifs visés par la mise en demeure, M. Greenslade, pour le compte de la défenderesse, a contrevenu à l’ordonnance en prenant les dispositions nécessaires à la vente d’au moins un des actifs visés par la mise en demeure, soit le tracteur Case 430 2006 (point (v) ci‑dessus), à une tierce partie. Selon moi, l’omission de la défenderesse de se conformer à l’ordonnance du 3 juin était soit délibérée, ou elle découlait d’une grande indifférence.

[9]               La défenderesse met de l’avant un certain nombre d’excuses pour justifier son omission de se conformer à l’ordonnance du 3 juin 2014. Aucune d’entre elles n’est satisfaisante.

[10]           La défenderesse prétend qu’elle a agi raisonnablement en procédant elle‑même à la vente de certains actifs et en donnant le produit de vente à l’ARC, plutôt que de les délivrer comme prévu dans l’ordonnance en vue d’une vente aux enchères, parce que les autres actifs qui avaient antérieurement été saisis et vendus aux enchères pour le compte de l’ARC avaient uniquement été vendus à une fraction de leur véritable valeur marchande. Il convient de faire remarquer que la preuve quant à la véritable valeur marchande provient uniquement des propos de M. Greenslade.

[11]           Même si j’étais convaincu que les gestes posés par la défenderesse à cet égard étaient raisonnables afin de préserver la valeur des actifs visés par la mise en demeure, cela ne concernerait qu’un seul de ces actifs, et ne pourrait justifier l’omission de délivrer les autres actifs visés par la mise en demeure. De plus, le fait d’adopter une solution de rechange raisonnable à une ordonnance de la Cour n’est pas un moyen de défense : Stone c Stone [1989] NBJ no 820, aux paragraphes 5 à 7.

[12]           Je fais aussi remarquer que la défenderesse a agi unilatéralement à cet égard, et manifestement en contravention avec l’ordonnance du 3 juin. De plus, la défenderesse a omis de donner les détails de la vente (y compris l’acte de vente et l’identification des actifs vendus), et ce, malgré la demande en ce sens formulée par la demanderesse.

[13]           La défenderesse prétend aussi qu’elle était, et qu’elle est toujours, incapable de se conformer à l’ordonnance du 3 juin, parce que l’équipement qu’elle pourrait utiliser pour délivrer les actifs visés par la mise en demeure avait antérieurement fait l’objet d’une saisie et qu’ils ont été vendus. La défenderesse soutient aussi que, selon la coutume, ce sont les créanciers qui ont la responsabilité de récupérer eux‑mêmes les actifs saisis.

[14]           Selon ma compréhension, cette excuse ayant trait à la difficulté de délivrer les actifs a été soulevée uniquement le 28 août 2014 dans une lettre adressée à la Cour. Avant cette date, la demanderesse n’avait aucunement tenté d’aviser la défenderesse de quelque difficulté que ce soit en ce qui a trait à la délivrance des actifs, ou de prendre des arrangements subsidiaires pour procéder à la délivrance. Il convient de mentionner que, à l’exception du tracteur Case 430 2006 (élément (v)), tous les actifs visés par la mise en demeure sont des véhicules routiers, et qu’il est donc facile de les déplacer, même sans équipement spécial. Même si la défenderesse et/ou M. Greenslade étaient incapables de délivrer eux-mêmes les actifs visés par la mise en demeure, on ne m’a pas présenté de preuve ou d’argument portant que la défenderesse n’aurait pas pu prendre des dispositions pour que les actifs soient délivrés par une autre partie. La défenderesse avait l’obligation de prendre des mesures pour se conformer à l’ordonnance du 3 juin, et avoir recours aux services d’une tierce partie aurait été une mesure raisonnable.

[15]           En ce qui concerne la coutume, le libellé de l’ordonnance du 3 juin a clairement préséance sur toute possible coutume.

[16]           La défenderesse souligne aussi l’existence d’une procédure de forclusion à l’égard d’un immeuble dont elle est propriétaire, procédure intentée par la Banque Royale du Canada devant la Cour du banc de la Reine de l’Alberta. La défenderesse prétend que la préoccupation de l’ARC, selon laquelle elle doit saisir les actifs visés par la mise en demeure afin d’obtenir une garantie sur la dette fiscale de la défenderesse, est non justifiée, puisque l’ARC réalisera un produit de vente bien suffisant pour compenser la dette en tout juste quelques mois, à titre de créancier garanti de deuxième rang à l’égard de l’immeuble. Toutefois, comme le fait remarquer la demanderesse, cela n’est absolument pas pertinent. Tout d’abord, le produit réalisé anticipé par l’entremise de la vente forcée n’est pas une certitude. Il se pourrait que la vente n’ait pas lieu. Deuxièmement, et cela est primordial, cette question n’est pas liée à la véritable question, qui est celle de savoir si la défenderesse a sciemment contrevenu à l’ordonnance du 3 juin.

[17]           Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la défenderesse est coupable d’outrage au tribunal.

[18]           Bien que l’on ait formulé quelques observations au sujet de la peine lors de l’audience, je ne trancherai pas tout de suite cette question. Lors de l’audience, les parties semblaient s’entendre quant au fait que la peine appropriée sera déterminée par des éléments ultérieurs, comme la question de savoir si la défenderesse déploiera rapidement des efforts pour se conformer à l’ordonnance du 3 juin et si l’ARC obtient les produits de la vente de forclusion dont il a été question au cours de l’audience.

[19]           Dans la même veine, je ne trancherai pas tout de suite la question des dépens afférents à l’audience et à la requête visant le prononcé de l’ordonnance de justification.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La défenderesse est coupable d’outrage à la Cour.

2.         Dans les 60 jours suivant la date de la présente ordonnance, la demanderesse avisera la Cour, au moyen d’une lettre, de l’état de ses efforts de recouvrement contre la défenderesse et de la délivrance, par cette dernière, des actifs visés par la mise en demeure, et elle proposera les étapes suivantes en ce qui concerne la peine et les dépens.

3.         La défenderesse aura le droit, dans les 10 jours suivant le dépôt de la lettre mentionnée au paragraphe 2 de la présente ordonnance, de donner ses commentaires à ce sujet.

« George R. Locke »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

ITA-9052-11

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL c GREENSLADES NORTHERN WELDING LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 SeptembRe 2014

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :

LE 16 SeptembRe 2014

 

COMPARUTIONS :

Emero Nguyen

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Douglas B. Todd

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jill Medhurst

Justice Canada

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Douglas B. Todd

Ross, Todd and Company

Hanna (Alberta)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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