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Date : 20141008


Dossier : IMM‑4103‑13

Référence : 2014 CF 956

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Toronto (Ontario), le 8 octobre 2014

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

LASZLO CSERKUTI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée à l’encontre de la décision que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié (la Commission) a rendue le 7 mai 2013 et dans laquelle elle a conclu que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), aux motifs qu’il n’a pas réfuté la présomption de protection par l’État et qu’en Hongrie, il peut se prévaloir d’un refuge intérieur possible (le RIP).

[2]               Le demandeur est citoyen hongrois et a été victime d’un réseau de traite de personnes au Canada. Il a surtout été la victime d’Attila Kolompar; il n’est pas d’origine ethnique rom et se présente comme Magyar. Il est originaire de la petite ville de Papa, à environ 200 kilomètres de Budapest. En 2010, il a témoigné auprès de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC). Sa déclaration a été présentée en preuve à l’appui des accusations portées au Canada contre l’organisation criminelle hongroise qui a été impliquée dans la traite de personnes en Hongrie. M. Kolompar a plaidé coupable aux accusations. En 2012, le jour de la détermination de la peine, le demandeur a comparu pour lire sa déclaration de victime. Il craint que s’il retourne en Hongrie, les Roms qu’il a impliqués dans des actes criminels au Canada, des membres de leur famille ou d’autres membres de leur organisation criminelle ne lui causent des préjudices.

[3]               Le 7 mai 2013, la Commission a rejeté la demande de protection du demandeur. Elle a conclu qu’il n’a pas réfuté la présomption de protection par l’État par des preuves claires et convaincantes. Elle a souligné que la preuve documentaire a établi que divers membres de l’organisation criminelle avaient été inculpés en Hongrie pour des actes criminels, ce qui indique que les autorités poursuivent des personnes soupçonnées d’actes criminels, y compris celles que craint le demandeur. Elle a ajouté que la police hongroise avait protégé les membres de la famille d’une autre victime et qu’au besoin, le demandeur serait en mesure d’avoir accès à un programme de protection des témoins. Elle a précisé que certes des problèmes de corruption et des irrégularités existent dans la police, mais que ces problèmes ne sont pas systémiques, et que des civils victimes de violence policière disposent de divers recours. Elle a conclu de plus que le demandeur aurait des possibilités de refuge intérieur à Budapest, aucune preuve crédible n’établissant que les personnes qu’il craint soient affiliées à des criminels de cette ville, ni qu’elles seraient au courant de son retour ou qu’elles tenteraient de le localiser en Hongrie. Elle a ajouté qu’étant donné ses études et son expérience professionnelle, le demandeur n’aurait pas trop de difficulté à se rétablir à Budapest.

[4]               Il s’agit en l’espèce de savoir si la Commission a examiné à fond et convenablement la preuve relative à la protection par l’État et à la possibilité de refuge intérieur. Cette question étant mixte, de fait et de droit, la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12).

[5]               Le demandeur soutient que la décision contestée est déraisonnable, et que la Commission a uniquement tenu compte des efforts faits, sans tenir compte de la nature réelle des mesures prises par la Hongrie, ce qui constitue une erreur susceptible de contrôle : Fazekas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 694 [Fazekas] paragraphe 9; Kina c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 284 paragraphes 49-50; Tar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 767 paragraphes 75‑79. Le demandeur soutient de plus que la Commission a omis de mener un examen complet de la preuve documentaire qui contredit ses conclusions, et n’a pas bien examiné les éléments de preuve se rapportant à l’efficacité des mesures prises par la Hongrie. En particulier, lors de sa plaidoirie, l’avocat du demandeur a attiré l’attention de la Cour sur des documents annexés à l’affidavit que celui-ci a déposé dans le présent contrôle judiciaire.

[6]               Le défendeur prétend pour sa part que la décision de la Commission est raisonnable. La Hongrie est une démocratie qui fonctionne, et le demandeur avait donc la lourde charge de démontrer qu’il ne devrait pas être tenu d’épuiser tous les recours à sa disposition en Hongrie. Celui-ci a certes indiqué qu’il hésitait à demander la protection de l’État, mais le défendeur soutient qu’il n’y a pas eu suffisamment de preuves établissant qu’il ne pourrait bénéficier de protection. Le défendeur prétend de plus que le demandeur n’a pas expliqué de manière raisonnable pourquoi il n’aurait pas de possibilité de refuge intérieur à Budapest, ni pourquoi il serait déraisonnable pour lui de s’y installer. Le défendeur prétend enfin que les éléments de preuve présentés par le demandeur ont été dûment examinés, et qu’il était loisible à la Commission de conclure que ceux-ci n’ont pas été clairs et convaincants.

[7]               Se fondant sur des coupures de presse de 2012, l’avocat expérimenté du demandeur a répondu dans la présente instance que si l’organisation criminelle avait pu recruter les services d’un « tueur à gages » pour assassiner les victimes du réseau de traite des personnes de Hamilton (projet qui n’a jamais été mis à exécution), le demandeur ne serait jamais en sécurité dans son pays.

[8]               Je conclus que la décision de la Commission a été raisonnable et constitue une issue acceptable au regard de la preuve versée au dossier et des principes de droit applicables. Il n’appartient pas à la Cour de réévaluer les éléments de preuve qui ont été présentés à la Commission, ni de tirer ses propres conclusions quant aux allégations exprimées par le demandeur dans l’affidavit qu’il a présenté à l’appui de la présente demande de contrôle judiciaire.

[9]               En premier lieu, contrairement à ce que prétend le demandeur, il est clair à la lecture des motifs de la Commission que celle‑ci a examiné à fond la totalité des éléments de preuve, y compris l’efficacité des mesures prises par la Hongrie. Elle fait état à maintes reprises des résultats de diverses mesures, y compris la protection que la police a fournie à des membres de la famille de l’une des victimes (paragraphe 28 de la décision), des résultats des actions visant à éliminer la corruption dans les forces de l’ordre (paragraphes 35‑38 de la décision), de l’identification accrue des victimes de la traite (paragraphe 40 de la décision) et du taux de la criminalité et de celui des peines en Hongrie (paragraphe 42 de la décision). À la différence de la situation dans Fazekas, précité, la Commission a tenu compte du taux de réussite des mesures, pas seulement du fait qu’elles existent. Elle a de plus souligné que le demandeur avait reconnu que la police enquêterait peut-être s’il avait des problèmes avec les personnes qu’il craignait et que quelques-unes de celles-ci étaient déjà poursuivies pour des actes criminels distincts (paragraphes 25‑27 de la décision). La Commission reconnaît de fait qu’il existe des preuves de critiques de l’efficacité de la protection par l’État, ainsi que quelques problèmes, corruption et irrégularités dans la police notamment (paragraphes 31, 42 de la décision). Elle conclut malgré tout que la Hongrie fait des efforts importants pour résoudre ces problèmes, que ces efforts ont des résultats concrets et que la protection de l’État, certes imparfaite, est adéquate en l’espèce. Les éléments de preuve corroborent cette conclusion, qui n’est pas déraisonnable.

[10]           En second lieu, à l’égard du PRI, la Commission a conclu de façon raisonnable qu’aucun élément crédible n’avait été présenté prouvant que les personnes que craignait le demandeur entretenaient des rapports avec des criminels ou des organisations criminelles, ailleurs qu’à Papa, ou seraient au courant de son retour en Hongrie ou tenteraient de le localiser là-bas. Elle a indiqué que les seules preuves présentées reposaient sur des conjectures, qu’elles étaient sans lien direct ni fondement. L’inférence tirée par la Commission est corroborée par le témoignage du demandeur, qui a déclaré ne pas avoir été menacé personnellement avant de comparaître au prononcé de la peine de M. Kolompar, et aucun élément crédible n’a permis d’établir que la famille Kolompar rechercherait le demandeur après sa comparution. La Commission a de plus précisé que s’il suivait le programme de protection des témoins, il pourrait bénéficier de mesures comme la protection personnelle, le changement d’identité et le changement de domicile. Elle a ajouté que, compte tenu de ses études et de son expérience professionnelle, le demandeur serait en mesure de refaire sa vie dans une autre ville hongroise et qu’il n’aurait pas trop de difficulté à s’installer à Budapest. Le demandeur n’a pas établi que ces conclusions n’étaient pas raisonnables.

[11]           Pour ces motifs, la présente demande doit être rejetée. L’avocat n’a pas soulevé de question d’importance générale.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4103‑13

 

INTITULÉ :

LASZLO CSERKUTI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 OCTOBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 OCTOBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

A. Tom Leousis

 

Pour le demandeur

 

Michael Butterfield

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. Tom Leousis

Avocat

Hamilton (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR Le défendeur

 

 

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