Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20141010


Dossier : IMM-1886-13

Référence : 2014 CF 965

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 10 octobre 2014

En présence de madame la juge Gleason

ENTRE :

ROBERT ATTILA MAJLAT

ROBERT ATTILANE MAJLAT

VANESSZA BALOG

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs, citoyens de la Hongrie et Roms de souche, vivaient en milieu rural, dans un village appelé Miskolc, en Hongrie. Ils sont arrivés au Canada après avoir fui leur pays en 2010 à cause de la persécution et des risques dont ils y étaient victimes, disent-ils, du fait de leur origine ethnique. Le demandeur principal, Robert Attila Majlat, est marié à la demanderesse adulte, Robert Attilane Majlat. Vanessza Balog est la fille de Mme Majlat, issue d’une relation antérieure.

[2]               Dans une décision datée du 8 février 2013, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la SPR ou la Commission] a refusé leurs demandes, concluant qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection adéquate de l’État. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, M. et Mme Majlat et Vanessza cherchent à faire infirmer la décision de la SPR.

[3]               Le fils de M. Majlat, Krisztian Majlat, issu d’une relation antérieure, était lui aussi au départ demandeur en l’espèce. Il a quitté la Hongrie en 2012, et la SPR a refusé sa demande d’asile dans une décision datée du 8 février 2013. Il s’est désisté de sa demande de contrôle judiciaire, et l’intitulé de la cause sera donc modifié pour que son nom en soit retiré à titre de demandeur.

[4]               Les Majlat disent avoir été victimes d’une série d’agressions ainsi que d’une discrimination constante en Hongrie. Plus précisément, M. Majlat prétend avoir été victime de harcèlement, de mauvais traitements, d’agressions physiques et d’insultes racistes. Il dit avoir été agressé à trois reprises par des extrémistes d’extrême-droite, deux fois en 2009 et une fois en 2010, et c’est ce dernier incident qui a précipité sa décision de fuir au Canada. Il n’a signalé à la police que la deuxième agression, qui semble avoir été la plus grave car il a dû obtenir par la suite des soins médicaux. L’hôpital a appelé la police, qui a pris la déposition de M. Majlat. Ce dernier prétend que la police savait qui étaient les agresseurs, mais il n’a pas eu de nouvelles d’elle au sujet des résultats de sa plainte. Toutefois, répondant à des questions du commissaire, M. Majlat a admis qu’il n’avait rien fait pour relancer la police à propos de la plainte et qu’il ne se souciait pas particulièrement de la manière dont elle avait traité l’affaire.

[5]               Mme Majlat n’a pas subi les mêmes types d’insultes racistes que son époux parce qu’elle est d’origine mixte et a la peau claire. Elle prétend toutefois que les autorités sanitaires hongroises (qui étaient vraisemblablement au courant qu’elle était à moitié rom) lui ont prodigué des soins de santé de qualité inférieure au moment de la naissance de Vanessza et d’une fausse couche ultérieure. Elle allègue aussi que le manque de traitements appropriés au moment de sa fausse couche lui a causé des problèmes de fécondité. Cependant, lors de son témoignage, elle a admis qu’elle n’avait pas fait un suivi et tenté d’obtenir en Hongrie des soins pour les problèmes qui, allègue-t-elle, étaient dus à la fausse couche. Elle soutient par ailleurs que Vanessza et elle étaient présentes lors de l’agression des skinheads en 2010, mais qu’elles ont réussi, dit-elle, à courir jusqu’à un magasin et à appeler un taxi, qui est arrivé rapidement et a permis à la famille de s’échapper.

I.                   La décision de la SPR

[6]               Malgré quelques doutes quant à la crédibilité des demandeurs, la SPR a admis que les faits allégués avaient eu lieu et a concentré son analyse sur la protection de l’État. La Commission a jugé que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection adéquate de l’État, notant à cet égard qu’étant donné que la Hongrie est une démocratie qui fonctionne normalement (encore qu’avec un appareil judiciaire pas tout à fait indépendant), il leur incombait de montrer soit qu’ils avaient sollicité, sans succès toutefois, la protection de l’État, soit que la Hongrie était incapable de leur assurer une protection. La SPR a de plus signalé qu’ils devaient démontrer, au moyen de preuves claires et convaincantes, cette incapacité de la part de l’État hongrois de les protéger.

[7]               En appliquant ces principes aux faits en cause dans les dossiers des demandeurs, la SPR a conclu que ceux-ci n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection adéquate de l’État car ils n’avaient pas pris toutes les mesures raisonnables pour solliciter une protection quand ils étaient en Hongrie : ils n’avaient pas signalé la troisième agression, ils n’avaient fait aucun suivi à la suite du seul incident signalé à la police et ils n’avaient pas tenté d’obtenir réparation, en recourant à l’une des voies auxquelles ils auraient pu avoir accès, pour la prétendue ineptie ou le prétendu traitement discriminatoire de la police. La Commission a également fait remarquer que Mme Majlat n’avait pas tenté d’obtenir que l’on donne suite à ses traitements médicaux après avoir obtenu son congé de l’hôpital à la suite de la fausse couche et qu’elle n’avait pas porté plainte contre les traitements qui, alléguait-elle, étaient de qualité inférieure.

[8]               Dans son analyse relative à la protection de l’État, la SPR a également passé en revue en détail des éléments de la preuve objective et a conclu que cette preuve, bien que contradictoire, fait état d’une protection adéquate de l’État hongrois « pour les Roms victimes de crime, d’abus de la part des policiers, de discrimination ou de persécution, [et] que la Hongrie déploie des efforts sérieux afin de s’attaquer à ces problèmes et mettre en œuvre ces mesures au niveau opérationnel ou local et que les policiers et les autorités gouvernementales veulent et peuvent protéger les victimes » (au paragraphe 41 de la décision). Dans ce contexte, la Commission a estimé que les demandeurs n’avaient pas établi que la Hongrie était incapable de leur assurer une protection et elle a donc conclu qu’ils auraient dû utiliser leurs voies de recours locales avant de s’enfuir au Canada.

II.                La question en litige et les arguments des parties

[9]               La question dont la Cour est saisie dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire consiste à savoir si l’analyse de la SPR à propos de la protection de l’État est raisonnable car les demandeurs contestent la conclusion, reposant sur des questions mixtes de fait et de droit, que la SPR a tirée quant à leur défaut de réfuter la présomption d’une protection de l’État; il est bien établi que les conclusions relatives à la protection de l’État sont susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (voir par exemple : Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, [2007] ACF no 584, au paragraphe 38 [Hinzman]; Horvath c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 313, 239 ACWS (3d) 457 [Horvath], au paragraphe 16; Bustos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 114, 237 ACWS (3d) 189, au paragraphe 29; Hetyei c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1208, 235 ACWS (3d) 1059, au paragraphe 9; Gezgez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 130, [2013] ACF no 134, au paragraphe 9; Kanto c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 49, [2012] ACF no 129, au paragraphe 23).

[10]           Les demandeurs font valoir que la décision de la Commission est déraisonnable, et ce, pour quatre raisons. Premièrement, elle a trop insisté sur les efforts faits par la Hongrie, et pas assez sur l’efficacité opérationnelle. Deuxièmement, elle a fait abstraction d’éléments de preuve contraires concernant à la fois la capacité de la Hongrie de protéger ses citoyens roms et l’actuel degré de démocratie de ce pays. Troisièmement, sa conclusion selon laquelle les demandeurs n’ont pas pris de mesures raisonnables pour obtenir une protection est déraisonnable. Enfin, allèguent-ils, dans son analyse la Commission n’a pas pris convenablement en compte la situation de l’enfant mineure.

[11]           Le défendeur n’est pas d’accord, et fait valoir que les conclusions de la Commission sont raisonnables au vu des faits et du droit. Plus précisément, il affirme que, d’après la preuve, que la Commission a conclu raisonnablement que les demandeurs n’avaient pas épuisé les voies de recours locales et n’avaient donc pas réfuté comme il se doit la présomption d’une protection de l’État. Il soutient également que la Commission a bel et bien traité de l’efficacité opérationnelle de la protection de l’État hongrois. Il réplique à l’argument des demandeurs selon lequel la Commission a fait abstraction d’éléments de preuve en disant qu’ils n’ont accordé aucune importance à ces éléments contraires à l’audience et que, de toute façon, il n’incombait pas à la Commission de traiter en détail de l’ensemble de la volumineuse preuve objective qu’elle avait en main. Enfin, il soutient que les demandeurs n’ont pas fait valoir devant la SPR que les enfants roms s’exposent à un risque spécial et ils ne peuvent donc pas soutenir maintenant que la Commission a commis une erreur en omettant de traiter plus en détail de cette prétention.

III.             Le défaut allégué de traiter de la prétention de Vanessza

[12]           L’argument final des demandeurs (qui n’a été invoqué que par écrit, et non poursuivi de vive voix à l’audience) peut être rejeté d’emblée car le défendeur a raison de signaler que les demandeurs n’ont pas invoqué devant la Commission la question de la persécution ou des risques accrus que pourrait subir Vanessza, en tant qu’enfant rom. À cet égard, il était indiqué dans le formulaire de renseignements personnels [FRP] de Vanessza que le FRP de M. Majlat exposait le fondement de sa demande. C’est donc dire que la situation de Vanessza en tant qu’enfant n’était pas le fondement de la demande de cette dernière. L’avocate n’a pas non plus invoqué d’argument important devant la Commission au sujet des risques spéciaux ou accrus que Vanessza aurait pu courir parce qu’elle était une enfant rom. Même si la question de l’effet de la discrimination sur les enfants roms a été brièvement mentionnée dans les longues observations écrites de l’avocate, les arguments de cette dernière ont été axés sur les risques auxquels sont confrontés tous les Roms – adultes et enfants – en Hongrie.

[13]           Dans sa décision, la Commission a bel et bien traité de questions qui concernaient les enfants roms, comme une scolarité insuffisante.

[14]           À mon avis, la Commission a traité d’une manière suffisante les risques auxquels était confrontée Vanessza en tant qu’enfant rom, compte tenu de la preuve qui lui était soumise et des arguments invoqués par les demandeurs en l’espèce, lesquels arguments ne s’appuyaient pas sur des problèmes particuliers auxquels pourraient être exposés les enfants roms en Hongrie. Le dernier point soulevé par les demandeurs est donc sans fondement.

IV.             La norme de contrôle de la raisonnabilité

[15]           Avant d’analyser les autres arguments des demandeurs, quelques commentaires sur la portée d’un contrôle assujetti à la norme de la raisonnabilité s’imposent.

[16]           Pour commencer, il vaut peut-être la peine de réitérer que la norme de la raisonnabilité, comme l’a souligné à maintes reprises la Cour suprême du Canada, est empreinte de déférence et prescrit qu’un tribunal judiciaire doit faire preuve de retenue lorsqu’il contrôle une décision qui relève de l’expertise d’un tribunal administratif (voir, p. ex., Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], aux paragraphes 47 à 49; Khosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 [Khosa], au paragraphe 25; N.L.N.U. c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland Nurses], aux paragraphes 13 à 17; Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle-Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, [2012] 1 RCS 364, aux paragraphes 44 et 45).

[17]           Deuxièmement, pour évaluer la raisonnabilité d’une décision d’un tribunal administratif, la cour de contrôle doit tenir compte à la fois du raisonnement qu’a suivi ce tribunal et du résultat obtenu (voir, par exemple Dunsmuir, au paragraphe 47; Khosa, au paragraphe 59; Newfoundland Nurses, aux paragraphes 13 à 16; Agraira c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 RCS 559, aux paragraphes 51 et 52).

[18]           Pour ce qui est de la question du raisonnement, celui du tribunal administratif doit être « transparent, justifié et intelligible ». Quant au résultat, la conclusion à laquelle arrive ce tribunal administratif doit être l’une des solutions possibles qui s’offre à lui, compte tenu du droit applicable et des faits (Dunsmuir, au paragraphe 47).

[19]           Troisièmement, une décision transparente, justifiée et intelligible est une décision qui est compréhensible et qui analyse la ou les questions clés sur lesquelles le tribunal administratif était tenu de se prononcer. Pour évaluer la qualité du raisonnement de ce tribunal, la cour de révision ne doit pas insister exagérément sur la manière dont les motifs sont rédigés, car ce n’est pas la perfection que l’on exige. Le tribunal administratif n’a donc pas à mentionner la totalité des éléments de preuve, ni même à traiter de tous les arguments invoqués (à la condition qu’il s’acquitte de sa fonction et traite bel et bien des questions que la loi l’oblige à trancher). Ainsi que l’a déclaré la Cour suprême dans l’arrêt Construction Labour Relations c Driver Iron Inc., 2012 CSC 65, [2012] 3 RCS 405 [Driver Iron], au paragraphe 3 :

[…] un tribunal administratif n’a pas l’obligation d’examiner et de commenter dans ses motifs chaque argument soulevé par les parties. La question que doit trancher le tribunal judiciaire siégeant en révision demeure celle de savoir si la décision attaquée, considérée dans son ensemble, à la lumière du dossier, est raisonnable […]

[20]           La Cour d’appel fédérale a indiqué de la même façon qu’il n’est pas nécessaire que les décideurs administratifs traitent du moindre argument qu’invoquent les parties, tant qu’ils tranchent les questions sur lesquelles la loi les oblige à se prononcer (voir, p. ex. Turner c Canada (Procureur général), 2012 CAF 159, [2012] ACF no 666, aux paragraphes 40 à 45; Lemus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CAF 114, [2014] ACF no 439 [Lemus], aux paragraphes 24 à 26).

[21]           Cela dit, si un demandeur peut prouver que le tribunal administratif a omis de prendre en compte un élément de preuve important, cette omission peut rendre la décision déraisonnable. Dans Cepeda-Gutierrez c Canada (MCI), [1998] ACF no 1425, 83 ACWS (3d) 264 [Cepeda-Gutierrez], le juge Evans a conclu que lorsque la SPR omet de mentionner une preuve qui est cruciale et que cette preuve contredit la conclusion de la Commission, une cour de contrôle peut décider que cette omission signifie que le tribunal administratif n’a pas pris en considération les documents qui lui étaient soumis, allant ainsi à l’encontre du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c. F‑7.

[22]           C’est donc dire que le raisonnement d’un tribunal administratif sera adéquat si, à la lecture de la décision, il est possible de déterminer de quelle façon ce tribunal est arrivé à sa conclusion et si les étapes suivies dans le cadre du raisonnement trouvent appui dans le dossier soumis au tribunal ainsi que dans le droit applicable que ce dernier était tenu d’appliquer.

[23]           Quatrièmement, pour ce qui est du résultat, lorsque la question en litige requiert une évaluation qui relève clairement de l’expertise du tribunal administratif, rares sont les fois où la cour de révision infirmera la décision juste parce qu’elle ne souscrit pas au résultat atteint. À la condition que le tribunal administratif ne commette pas d’erreur susceptible de contrôle en choisissant les principes juridiques qu’il applique et à la condition que l’on trouve pour le résultat obtenu un appui dans le dossier, la cour de révision devrait donc, selon moi, hésiter à intervenir quant au résultat. En fait, comme l’ont souligné les juges LeBel et Bastarache au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, le contrôle du raisonnement que le tribunal administratif a suivi est davantage le point de mire d’un examen de la raisonnabilité que d’un examen du résultat obtenu. (Voir aussi, dans la même veine, Alliance de la fonction publique du Canada c Association des Pilotes Fédéraux du Canada., 2009 CAF 223, [2010] 3 RCF 219, au paragraphe 63).

[24]           Cela étant, selon la norme de la raisonnabilité, la question n’est ni celle de savoir si la cour de justice serait arrivée à la même conclusion que le tribunal administratif, ni celle de savoir si la conclusion que le tribunal administratif a tirée est correcte. La retenue exige plutôt que l’on accorde aux tribunaux administratifs tels que la SPR une certaine latitude pour rendre leurs décisions et que leurs décisions soient confirmées par les tribunaux judiciaires lorsqu’elles sont compréhensibles et rationnelles et qu’elles correspondent à l’un des résultats possibles que l’on pourrait légitimement envisager au vu des faits et du droit applicables.

[25]           Cela est particulièrement le cas lorsque l’affaire comporte une question qui relève de l’expertise spécialisée de base du tribunal administratif, comme l’évaluation que fait la SPR de la protection de l’État. Comme je l’ai déclaré au paragraphe 5 de la décision Arias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 322, [2012] ACF no 1105 : « [i]l faut faire preuve d’une grande déférence judiciaire à l’égard des conclusions de la Commission en matière […] de protection offerte par l’État […] [lesquelles] se retrouvent au cœur même de l’expertise de la Commission et elles sont liées de près aux faits d’une espèce donnée ».

V.                La décision est-elle déraisonnable parce que la Commission a omis de prendre en considération des éléments de preuve?

[26]           Tout en gardant à l’esprit les principes qui précèdent, j’examinerai maintenant la prétention selon laquelle la SPR a fait abstraction d’éléments de preuve concernant l’allégation selon laquelle la Hongrie n’est pas une démocratie, ce qui rendrait donc sa décision déraisonnable. Il est logique d’examiner cette prétention en premier car la conclusion de la SPR selon laquelle la Hongrie est une démocratie sous-tend son application de la présomption d’une protection adéquate de l’État, comme il a été noté dans les arrêts Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, [1993] ACJ no 74 [Ward], au paragraphe 51, et Hinzman, aux paragraphes 44 à 46.

[27]           Sur ce point, les demandeurs allèguent que la SPR a mal interprété l’édition 2011 du Report on Human Rights Practice for Hungary du département d’État des États-Unis [le rapport du Département d’État des États-Unis de 2011]. Ils signalent que, selon ce dernier, le gouvernement hongrois a récemment adopté une série de lois, dont une nouvelle [traduction] « Loi fondamentale », qui restreint un certain nombre de droits importants, tels que la liberté de la presse. Ils allèguent que ces changements législatifs signifient que la Hongrie n’est plus une démocratie qui fonctionne normalement et que la SPR, en concluant le contraire, est arrivée à une conclusion déraisonnable.

[28]           Je ne suis pas d’accord et, ceci étant dit avec égards, je crois que ce sont plutôt les demandeurs qui ont mal interprété le rapport du Département d’État des États-Unis de 2011. Celui-ci indique clairement que la Hongrie est une démocratie et, en fait, il s’ouvre par la phrase suivante : [traduction] « La Hongrie est une démocratie parlementaire multipartite ». Il signale également que les élections les plus récentes du pays ont été libres et justes, et que les changements législatifs que contestent les demandeurs ne présentent qu’une possibilité de [traduction] « miner les institutions démocratiques du pays en faisant disparaître d’importants freins et contrepoids ».

[29]           Dire que le rapport du Département d’État des États-Unis de 2011 montre que la Hongrie est une démocratie qui fonctionne normalement n’est donc pas une interprétation erronée de ce document et, de ce fait, la conclusion de la SPR sur ce point est raisonnable. La Commission n’a donc pas commis d’erreur en jugeant qu’une présomption de protection adéquate de l’État s’applique à la Hongrie, conformément aux arrêts Ward et Hinzman.

[30]           Les demandeurs allèguent ensuite que la SPR a fait abstraction d’éléments importants de la preuve documentaire qui, disent-ils, établissent que l’État hongrois est incapable de protéger adéquatement sa minorité rom. Ils font ressortir à cet égard plusieurs endroits dans la preuve qui, allèguent-ils, illustrent l’incapacité ou la réticence de la police hongroise à faire enquête sur les crimes à caractère raciste commis contre les Roms, de même que l’absence d’une voie de recours efficace permettant aux Roms de contrer l’inaction de la police hongroise.

[31]           Là encore, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs. Plutôt que de faire abstraction des éléments de preuve montrant que le traitement des Roms par l’État hongrois présente des problèmes et l’inefficacité avec laquelle la police réagit aux crimes à caractère raciste, la décision fait référence à de telles preuves à plusieurs endroits. Par exemple, la Commission a reconnu que :

         la Hongrie a un long passé de discrimination à l’égard des Roms et ces derniers ont un accès limité à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé et aux services sociaux (au paragraphe 19 de la décision de la SPR);

         la situation des Roms, la discrimination raciale et la xénophobie au sein de la société hongroise se sont récemment détériorées (au paragraphe 20 de la décision de la SPR);

         la documentation objective fait état d’incidents répandus d’intolérance, de discrimination et de persécution visant les Roms en Hongrie, y compris l’usage d’une force excessive par la police (au paragraphe 22 de la décision de la SPR);

         les Roms peuvent être victimes de discrimination et de violence aux mains de certaines personnes en position d’autorité (aux paragraphes 22 et 23 de la décision de la SPR);

         il ressort d’une lecture objective de la preuve documentaire que des groupes extrémistes d’extrême-droite interdits continuent d’inciter à la violence contre les Roms (au paragraphe 39 de la décision).

[32]           Je ne crois donc pas que la SPR a fait abstraction d’éléments de preuve, comme l’affirment les demandeurs. Je signale également en tout état de cause qu’il n’était pas nécessaire que la Commission cite des extraits de chacun des rapports contenus dans les milliers de pages de preuves documentaires objectives qu’elle avait en main, comme il a été conclu dans l’arrêt Driver Iron, au paragraphe 3, l’arrêt Newfoundland Nurses, au paragraphe 16, l’arrêt Cepeda-Gutierrez, au paragraphe 16 et la décision Kakurova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 929, [2013] ACF no 1026, au paragraphe 18.

[33]           En bref, dans le cas présent, il ressort de la décision de la SPR que la Commission a été sensible aux éléments de preuve montrant qu’il y a des problèmes dans la façon dont l’État hongrois traite les Roms et illustrant l’inefficacité avec laquelle la police réagit aux crimes à caractère raciste. Les demandeurs n’ont donc pas établi que la SPR a commis une erreur en faisant abstraction d’éléments de preuve pertinents.

VI.             La décision est-elle déraisonnable parce que la SPR a appliqué le mauvais critère pour évaluer le caractère adéquat de la protection de l’État?

[34]           Voyons maintenant l’affirmation des demandeurs selon laquelle la SPR a commis une erreur en se concentrant sur les efforts faits par l’État hongrois pour régler les problèmes de la minorité rom, plutôt que sur l’efficacité de ces efforts. Ils font valoir que la Cour a souvent infirmé des décisions dans lesquelles la Commission s’était concentrée sur les efforts faits par un État, plutôt que sur l’efficacité de ces efforts. Ils soulignent à cet égard les décisions Orgona c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1438, [2012] ACF no 1545 [Orgona], au paragraphe 11, Garcia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 79, [2007] ACF no 118 [Garcia], au paragraphe 14, Bors c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1004, [2010] ACF no 1242 [Bors], au paragraphe 63 et Kovacs c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1003, [2010] ACF no 1241 [Kovacs], au paragraphe 70.

[35]           Les demandeurs ont caractérisé correctement les décisions qui précèdent et je conviens avec eux qu’à certains endroits dans sa décision la Commission fait bel et bien des commentaires qui illustrent les efforts faits par l’État hongrois pour remédier à la situation des Roms. Par exemple, au paragraphe 41 de la décision, la SPR déclare : « […] la preuve objective liée aux conditions actuelles dans le pays porte à croire que […] la Hongrie déploie des efforts sérieux afin de s’attaquer à ces problèmes et mettre en œuvre ces mesures au niveau opérationnel ou local et que les policiers et les autorités gouvernementales veulent et peuvent protéger les victimes. »

[36]           Cependant, malgré les commentaires illustrant les efforts faits par l’État hongrois, la SPR, dans la présente affaire, n’a pas concentré son analyse concernant la protection de l’État sur le simple fait que des efforts avaient été faits. Quand on lit la décision avec soin, il est assez évident que cette dernière s’articule autour du fait que les demandeurs ont omis de porter plainte à la police en 2010, qu’ils ont omis de donner suite à la plainte de 2009 et qu’ils n’ont formulé aucune plainte au sujet des prétendus traitements médicaux de qualité inférieure. La SPR a conclu qu’au vu de ces omissions les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection adéquate de l’État parce que la preuve documentaire, bien que contradictoire, n’établit pas que l’État hongrois n’aurait pas été en mesure de répondre à leurs plaintes. C’est ce qui ressort clairement des éléments suivants, tirés de la décision :

         au paragraphe 36, le tribunal fait référence aux enquêtes policières menées sur les agressions commises contre les Roms et conclut qu’il existe une preuve que la police a fait enquête sur ces incidents, illustrant dans chaque cas qu’il existe « une protection de l’État concrète »;

         le tribunal déclare au paragraphe 39 qu’il est « manifeste […] [que] le gouvernement et de nombreuses ONG de défense des droits de la personne sont conscients de la situation et l’observent de près pour veiller à ce que les droits de toutes les minorités ethniques, raciales ou religieuses soient surveillés et que l’inaction des autorités soit dénoncée comme étant de l’inconduite et soit signalée »;

         le tribunal a fait remarquer aux paragraphes 44 et 46 qu’il existe une voie de recours pour les plaignants roms qui sont insatisfaits de la réaction de la police au départ : les victimes d’abus policiers peuvent se plaindre à l’unité du présumé contrevenant, au Commissaire pour les droits fondamentaux ou à la Commission indépendante des plaintes concernant la police [IPCB], qui fait enquête sur les violations et les omissions de la police, formule des recommandations au Siège national de la police et rend compte de ses conclusions au Parlement. Subsidiairement, il est signalé au paragraphe 53 qu’ils peuvent demander réparation par l’entremise du système judiciaire.

[37]           En conséquence, contrairement aux affaires Orgona, Garcia, Bors et Kovacs, en l’espèce la SPR n’a pas évalué uniquement si l’État hongrois faisait des efforts pour redresser le triste sort des Roms. Elle a plutôt examiné à la fois ces efforts et leur caractère adéquat et, de ce fait, n’a pas appliqué le mauvais critère. Cet argument est donc rejeté lui aussi.

VII.          La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs ont omis de réfuter la présomption d’une protection adéquate de l’État?

[38]           Voyons finalement la manière dont a été évaluée la question de savoir si la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection adéquate de l’État parce qu’ils ne s’étaient pas plaints du traitement que leur avaient réservé la police et les autorités médicales hongroises avant qu’ils prennent la fuite pour le Canada et parce qu’ils n’avaient pas signalé à la police la dernière agression. Les demandeurs allèguent que tant le raisonnement de la Commission que sa conclusion sur ce point sont déraisonnables.

[39]           Pour ce qui est du raisonnement, les demandeurs invoquent deux arguments. Premièrement, ils affirment qu’il était déraisonnable que la Commission se fonde sur certains éléments de preuve tendant à montrer que l’État hongrois était en mesure d’offrir une protection parce que la Cour a déjà conclu qu’il est déraisonnable de se fonder sur une partie des éléments de preuve et que les autres preuves sur lesquelles la Commission s’est fondée n’étayent pas sa conclusion. Deuxièmement, ils allèguent que la décision est lacunaire en ce sens qu’elle omet d’expliquer de quelle façon les Roms pourraient bénéficier d’une protection de l’État et qu’après avoir énuméré toute une série de problèmes en Hongrie elle saute à la conclusion qu’il existe une protection adéquate de l’État, sans explication.

[40]           Pour ce qui est du résultat atteint, les demandeurs allèguent que la seule conclusion raisonnable que l’on pourrait tirer est que les Roms vivant en Hongrie n’ont pas accès à une protection de l’État au vu de la teneur de la très grande part des éléments de preuve, qui montre  que la police ne peut pas protéger convenablement les Roms contre les actes de violence à caractère raciste que commettent des extrémistes dans ce pays. Ils affirment également qu’étant donné que la violence infligée aux Roms est habituellement aléatoire, et le fait de racistes non identifiés, il est déraisonnable d’exiger que les crimes soient signalés à la police, comme il a été conclu dans les décisions Muntyan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 422, [2013] ACF no 448 [Muntyan], au paragraphe 9, et Majoros c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 421, [2013] ACF no 447, [Majoros], au paragraphe 16.

[41]           En ce qui concerne le premier de ces arguments, qui a trait au présumé fait erroné de se fonder sur certains éléments de preuve, les demandeurs disent plus précisément que dans la décision Orgona, le juge Zinn a conclu qu’il était déraisonnable que la SPR se soit fondée sur des éléments de preuve concernant l’IPCB, sur les résultats obtenus dans les poursuites intentées contre les auteurs de neuf crimes à grand retentissement commis à l’endroit des Roms et sur les récents changements apportés au droit criminel hongrois pour démontrer le caractère adéquat de la protection de l’État pour les Roms vivant en Hongrie. Ils disent qu’il est de tout aussi déraisonnable que la Commission se soit fondée sur les mêmes éléments de preuve en l’espèce. Ils allèguent par ailleurs qu’il est déraisonnable que la Commission considère le Commissaire pour les droits fondamentaux et l’Autorité pour l’égalité de traitement [AET] comme des voies de recours possibles dans le cas d’une plainte de discrimination car il ressort de la preuve qu’aucune de ces deux instances n’est efficace.

[42]           Je ne souscris pas à la manière dont les demandeurs caractérisent l’efficacité du Commissaire pour les droits fondamentaux et de l’AET. Selon la réponse à la demande d’informations HUN103826.EF du 12 octobre 2011, aux pages 5 et 6, le premier des deux, même s’il n’est pas habilité à imposer des sanctions, est en mesure de déposer des plaintes et de procéder à des médiations en vue de régler des plaintes, et il est obligé d’engager des poursuites une fois qu’on a conclu qu’un crime a été commis. On ne peut pas forcément dire qu’aucune de ces voies de recours soit inefficace. De la même façon, selon la réponse à la demande d’informations HUN103826.EF du 12 octobre 2011, à la page 7, l’AET peut ordonner l’élimination d’une situation discriminatoire, interdire la répétition d’actes discriminatoires et imposer des amendes. Ces pouvoirs paraissent semblables aux rôles confiés aux tribunaux des droits de la personne au Canada et, de ce fait, on ne peut pas forcément dire que l’AET soit inefficace. Je crois donc que la Commission n’a pas commis d’erreur en soulignant que le Commissaire aux droits fondamentaux et l’AET sont des voies de recours possibles contre la discrimination dont sont victimes les Roms en Hongrie.

[43]           En plus de se fonder sur le Commissaire aux droits fondamentaux, l’AET et les éléments de preuve contestés qui ont été critiqués dans la décision Orgona, la SPR s’est également appuyée sur d’autres points évoqués dans la documentation relative au pays, lesquels tendent à établir qu’en Hongrie les victimes roms disposent de recours. Par exemple, elle signale au paragraphe 44 que l’État intervient à la suite d’une plainte de corruption policière et d’emploi d’une force excessive et indique qu’au cours d’une période de neuf mois les autorités ont déclaré 3 022 policiers responsables de manquements à la discipline, 766 policiers coupables d’infractions mineures, 283 policiers coupables d’infractions criminelles et 10 policiers inaptes au service et que, au cours de la même période, les tribunaux hongrois ont condamné quatre policiers à une peine d’emprisonnement, imposé des condamnations avec sursis à 39 autres, infligé des amendes à 106 autres et congédié 12, tandis que 37 autres policiers ont été déclarés coupables de corruption. Par ailleurs, la SPR a signalé (aux paragraphes 51 et 53) que les victimes roms pouvaient demander réparation en demandant compensation aux tribunaux et que le ministère de l’Administration publique offre une aide juridique gratuite aux Roms qui ont été victimes de discrimination ethnique.

[44]           Ainsi, même si le fait que la SPR se soit fondée sur les trois éléments de preuve critiqués dans la décision Orgona était déraisonnable, il y a d’autres éléments sur lesquels elle s’est fondée pour étayer sa conclusion selon laquelle il n’aurait pas été futile que les demandeurs demandent protection aux autorités locales avant de fuir la Hongrie.

[45]           On ne peut pas non plus blâmer le raisonnement de la Commission, compte tenu surtout de la retenue dont je suis obligée de faire preuve à l’égard de sa décision. Les motifs, bien qu’imparfaits, montrent bel et bien que la Commission a été sensible au fait qu’une bonne part de la preuve documentaire indiquait qu’il existait de réels problèmes de discrimination et de violence à caractère raciste à l’endroit des Roms vivant en Hongrie et qu’il y avait des preuves contradictoires au sujet de la capacité de l’État d’assurer une protection. Certains éléments de preuve tendant à montrer que les autorités étaient capables de rectifier la situation ont été cités dans la décision. À mon avis, la décision dont il est question en l’espèce répond donc aux critères de la transparence et de l’intelligibilité que requiert une décision raisonnable car, si on la considère comme un tout, on peut comprendre comment la Commission est arrivée à sa conclusion et il existe des éléments de preuve à l’appui de cette dernière.

[46]           Enfin, pour ce qui est de la conclusion tirée, après avoir passé en revue la preuve documentaire de même que la jurisprudence récente de la Cour dans des affaires concernant des Roms hongrois, je ne puis conclure que la SPR est arrivée à un résultat déraisonnable. La présomption juridique d’une protection de l’État requiert que les demandeurs prouvent que cette protection n’était pas disponible. À mon avis, dans le cas présent, le fait que la SPR ait jugé que les demandeurs n’étaient pas parvenus à s’acquitter de ce fardeau est raisonnable. Comme je l’ai indiqué récemment dans la décision Horvath, au paragraphe 22 :

[…] En ce qui concerne les résultats auxquels est parvenue la SPR dans son évaluation en vue d’établir si la demanderesse avait fait l’objet de persécution et sa conclusion selon laquelle cette dernière n’avait pas réfuté la présomption de la protection de l’État, je ne souscris pas à l’avis de la demanderesse selon lequel la documentation objective faisant partie du cartable national de documentation doive forcément entraîner une conclusion que les Roms seront victimes de persécution ou que l’État ne les protège pas suffisamment. À mon avis, la documentation ne dépeint pas un portrait assez grave pour rendre déraisonnables toutes les conclusions contraires. En fait, dans le cadre de plusieurs jugements rendus récemment , la Cour a confirmé des conclusions semblables à celles de l’espèce, rejetant des demandes d’asile présentées par des Roms hongrois parce qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection suffisante de l’État (voir notamment les jugements suivants : Radics c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 110; Hetyei; Ruszo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1004; Paradi; Konya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 975; Riczu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 888; Buzas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2013), 234 ACWS (3d) 1006; Racz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 702; Kotai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 693; Olah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 106).

[47]           Par ailleurs, dans la présente affaire, à la différence des décisions Majoros et Muntyan, il était déraisonnable de s’attendre à ce que les demandeurs portent plainte à la police au sujet de la dernière agression qui avait précipité leur fuite car ils habitaient dans un village et M. Majlat a laissé entendre que la police connaissait l’identité des skinheads violents de son village qui avaient commis au moins la dernière agression en 2009. C’est donc dire que la conclusion selon laquelle ils auraient dû signaler l’agression commise l’année suivante est défendable car il n’aurait pas été nécessairement inutile de faire une déclaration, même si les Majlat ne pouvaient pas décrire en détail les agresseurs. De plus, Mme Majlat elle-même a admis qu’elle n’avait pas tout fait pour recevoir des traitements médicaux supplémentaires en Hongrie. Ainsi, en l’espèce, également, la conclusion selon laquelle elle n’a pas réfuté la présomption de la protection adéquate de l’État est raisonnable.

[48]           Je crois donc que la Commission a mené son analyse de manière raisonnable dans le cas présent et qu’elle est arrivée à une conclusion défendable. Il y a donc lieu de maintenir sa décision selon la norme déférente de la raisonnabilité. Comme l’a signalé mon confrère, le juge Russell, au paragraphe 105, dans une autre affaire concernant des Roms hongrois, Molnar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 530, [2012] ACF no 551 : « il n’appartient pas à notre Cour d’intervenir, et ce, même si elle aurait pu arriver à une conclusion différente ».

[49]           La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Aucune des parties n’a proposé une question à certifier en vertu de l’article 74 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], et il ne s’en pose aucune en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.               la présente demande de contrôle judiciaire concernant la décision datée du 8 février 2013 de la SPR est rejetée;

2.               aucune question de portée générale n’est certifiée en vertu de l’article 74 de la LIPR;

3.               aucune ordonnance n’est rendue quant aux dépens;

4.               l’intitulé de la cause est modifié afin d’en retirer Krisztian Majlat à titre de demandeur.

« Mary J.L. Gleason »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1886-13

 

INTITULÉ :

KRISZTIAN MAJLAT, ROBERT ATTILA MAJLAT, ROBERT ATTILANE MAJLAT, VANESSZA BALOG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 MAI 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

 

LE 10 OCTOBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Maureen Silcoff

 

pour les demandeurs

 

Monmi Goswami

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Maureen Silcoff

Silcoff, Shacter

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour les demandeurS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.