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Date : 20141014

Dossier : IMM-4572-13

Référence : 2014 CF 970

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2014

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

IGNACIO GERARDO RODRIGUEZ NOLASCO MAURICIO GERARD RODRIGUEZ SALVADOR JULYSSA XIOMARA CANTO QUINTAL

IRMA FAJARDO PULIDO

demandeurs

et

CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   La nature de l’affaire

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR), rendue le 14 juin 2013, rejetant la demande d’asile des demandeurs et concluant que ceux-ci n’ont pas la qualité de « réfugiés au sens de la Convention » ni celle de « personnes à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, SC 2001, c 27 [LIPR].

II.                Les faits

[2]               Les demandes de Irma Fajardo Pulido (l’épouse du demandeur principal), de Julyssa Xiomara Canto Quintal (la belle-fille du demandeur principal) et de Mauricio Gerard Rodriguez Salvador (le fils du demandeur principal), sont basées sur la demande de monsieur Ignacio Gerardo Rodriguez Nolasco (le demandeur principal).

[3]               Dans la présente affaire, la crédibilité générale du demandeur principal et la preuve au dossier permettent de considérer comme véridique la majorité des faits énoncés dans la présente décision. Cependant, certaines facettes de son témoignage sont remises en question par la SPR, tel que mentionné ci-dessous.

[4]               Le demandeur principal est un citoyen de l’État de Veracruz au Mexique. Avant de quitter pour le Canada, le demandeur principal pratiquait dans une clinique privée en sa qualité de gynécologue.

[5]               Durant les mois de juin et d’octobre 2010, le demandeur principal a reçu des menaces d’extorsion et de mort au téléphone. Le demandeur principal rapporta ces menaces au procureur général, mais affirme ne pas avoir été pris au sérieux.

[6]               Durant les mois de janvier et mars 2011, une infirmière travaillant à la clinique du demandeur principal a été également victime de menaces. Le demandeur principal n’a rapporté aucune de ces menaces puisqu’il considère que la police de l’État de Veracruz est corrompue.

[7]               Le 25 mai 2011, des membres du cartel « Los Zetas » ont enlevé le demandeur principal. Bien que la police se soit rendue à la clinique du demandeur principal, lieu de son enlèvement, elle quitta à la demande de l’épouse du demandeur principal qui craignait que la présence des policiers ne compromette la vie de ce dernier. La police n’a pas poursuivi son enquête. Durant l’enlèvement, l’épouse du demandeur principal n’a pas demandé l’aide de la police.

[8]               Lorsque le demandeur principal a été libéré, les membres du cartel l’ont informé qu’il devrait, à l’avenir, travailler comme médecin pour le cartel.

[9]               Suite à sa libération, le demandeur principal a dénoncé l’enlèvement à la police, sans pour autant faire le suivi de sa plainte.

[10]           Les demandeurs ont quitté le Mexique le 25 juillet 2011.

[11]           À la suite à son enlèvement, le demandeur principal a souffert de graves problèmes de santé, physiques et émotionnelles, tel qu’un choc post-traumatique.

III.             La décision de la SPR

[12]           La SPR a basé sa décision sur le témoignage du demandeur principal. Bien que la SPR considère le demandeur principal comme étant, somme toute, crédible, elle conclut que le demandeur principal n’est pas parvenu à renverser la présomption de la protection de l’État.

[13]           La SPR affirme que la demanderesse et épouse du demandeur aurait dû demander la protection de l’État lorsque le demandeur principal a été enlevé. La SPR ne croit pas que la vie du demandeur principal aurait pu être en danger si la demanderesse et épouse du demandeur avait contacté la police durant l’enlèvement et rejette donc cet argument.

[14]           La SPR souligne que bien que le demandeur principal mentionne qu’il a rapporté l’enlèvement à la police avant de quitter le Mexique, il n’a pas fait le suivi de sa plainte. Le demandeur allègue que la police lui a mentionné qu’il faisait erreur en les contactant, la police étant elle-même infiltrée par des organisations criminelles. La SPR note que le demandeur principal n’a pas indiqué cette affirmation dans son récit principal. La SPR conclut que cette omission est d’une grande importance puisqu’elle touche à l’essence même de la demande d’asile. Ainsi, la SPR rejette cette allégation du demandeur principal. La SPR juge également que le demandeur principal n’a pas fait les démarches nécessaires afin d’obtenir la protection de l’État puisqu’il n’a pas fait le suivi de sa plainte avant de quitter le Mexique.

[15]           Il apparaît que, bien que le demandeur principal se devait de réfuter la présomption de la protection de l’État avec une preuve claire et convaincante, la SPR base sa décision uniquement sur le comportement du demandeur principal. La SPR affirme que la seule affirmation voulant que la corruption existe dans un État ne suffit pas à renverser la présomption de la protection de l’État.

[16]           La SPR juge qu’il n’est pas nécessaire d’analyser la possibilité de refuge intérieur au sein du pays d’origine du demandeur principal puisque celui-ci n’est pas parvenu à réfuter la présomption de la protection étatique.

IV.             Les questions en litige

[17]           Il y a deux questions en litige :

1.                  La SPR a-t-elle erré dans son analyse de la protection de l’État?

2.                  La SPR a-t-elle erré en n’effectuant aucune analyse distincte sous l’article 97 de la LIPR?

Puisque je réponds par l’affirmative à la première question, il n’est pas nécessaire de répondre à la deuxième question.

V.                Les arguments des parties

A.                Arguments du demandeur principal

[18]           Le demandeur principal soutient que la présomption de la protection étatique peut être réfutée à l’aide d’une preuve claire et convaincante que cette protection est inadéquate (Flores Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CAF 94 au para 38 [Carrillo]). Alors qu’un demandeur d’asile provenant d’une démocratie telle que le Canada et les États-Unis se doit de démontrer qu’il a épuisé tous les recours disponibles, cette exigence ne s’applique pas aux demandeurs d’asile en provenance de tous les pays démocratiques, tel que mentionné par la juge Gauthier dans Capitaine c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 98 au para 22 [Capitaine] :

La Cour ne croit pas que l’arrêt Hinzman signifie que cette conclusion s’applique à tous les pays, peu importe où il se trouve dans l’« éventail démocratique », ni qu’il décharge le décideur de son obligation d’apprécier la preuve présentée pour établir que, au Mexique par exemple, l’État n’est pas en mesure (bien qu’il le veuille) de protéger ses citoyens ou qu’il était raisonnable pour le demandeur de refuser de se prévaloir de cette protection.

[19]           En conséquence, la présence d’un système démocratique ne garantit pas la protection étatique. La SPR se doit d'évaluer dans chaque cas la preuve soumise afin déterminer si une protection efficace existe. Dans Davila c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1475 au para 25, le juge de Montigny a rejeté l’analyse faite par la SPR étant d’avis que celle-ci n’a pas « procéd[é] à une analyse exhaustive contextuelle de la situation particulière de chaque demandeur, en prenant en considération le fondement de la demande, la région ou l'État précis où la persécution aurait censément eu lieu, et la volonté des autorités de protéger les membres du même groupe cible ».

[20]           Le demandeur principal soutient que la SPR se contente de baser ses conclusions sur l’attitude du demandeur principal alors qu’il était au Mexique. La SPR a erré en ne considérant pas la preuve décrivant la protection étatique au Mexique. De plus, la SPR n’a pas effectué d’analyse de la documentation soumise quant à la situation particulière du demandeur principal. Plus précisément, le demandeur principal allègue que la SPR n’a pas évalué la preuve portant sur: 1) La corruption au sein de la police mexicaine; 2) Les problèmes d’enlèvements au Mexique; 3) Le pouvoir et la dangerosité de l’agent de persécution (Los Zetas); et 4) Le rapport psychologique relatif à la santé mentale du demandeur principal suivant son enlèvement. Ainsi, le demandeur principal soutient que la SPR a non seulement sélectionné la documentation soumise, mais l’a complètement ignorée. Pour ces motifs, le demandeur principal affirme que la décision de la SPR est déraisonnable et doit être reversée.

B.                 Arguments du défendeur

[21]           Le défendeur soutient que le demandeur principal ne fournit pas de preuve claire et convaincante au soutien de son affirmation que la police est corrompue. À cet effet, le défendeur cite le juge Létourneau de la Cour d’appel fédérale (Carrillo, au para 30):

[L] e demandeur d’asile qui veut réfuter la présomption de la protection de l’État doit produire une preuve pertinente, digne de foi et convaincante qui démontre au juge des faits, selon la prépondérance des probabilités, que la protection accordée par l’État en question est insuffisante. 

[22]           Par la suite, le défendeur s’appuie sur la décision Martinez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1050 [Martinez] afin d’illustrer son argument. Dans cette affaire le juge Phelan a jugé qu’une victime de violence conjugale qui avait tenté d’aller chercher de l’aide à seulement deux reprises, aurait dû « faire plus que ce qu'elle a fait, compte tenu de la preuve de la nature de la structure politique, judiciaire et administrative du Costa Rica » (Martinez, au para 7, 9). Le juge Phelan a également mentionné que la demanderesse n’avait soumis aucune preuve « directe, pertinente et convaincante » du caractère inadéquat de la protection étatique (Martinez, au para 7).

VI.             La norme de contrôle

[23]           L’évaluation de la suffisance de la protection étatique d’un pays au sens de la loi est une question mixte de fait et de droit qui doit être révisée suivant la norme de la décision raisonnable (G.M. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2013 CF 710 au para 27; Balogh v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2014 FC 771; Teofilio c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 783 au para 20). Ainsi, notre Cour ne devrait pas intervenir dans la mesure où la décision sujette à révision compte parmi les différentes solutions rationnelles acceptables (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190 au para 47).

VII.          Analyse

[24]           L’analyse relative à la protection étatique fut spécifiée dans Canada (Procureur général) c Ward [1993] 2 RCS 689 et Flores c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 723 au para 10 :

Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans Carrillo, l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Ward [1993] 2 R.C.S. 689 précisent que la protection aux réfugiés est une protection supplétive fournie en l’absence de protection par l’État dont le demandeur a la nationalité. Lorsque cet État est une société démocratique, telle que le Mexique, même si le demandeur fait face à des problèmes importants, dont la corruption et autres formes de criminalité, la qualité de la preuve nécessaire pour réfuter la présomption sera plus élevée. Il ne suffit pas que le demandeur démontre que son gouvernement n’a pas toujours réussi à protéger des personnes dans sa situation : Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.)

[25]           Tel que mentionné par le demandeur principal, alors que dans des démocraties telles que les États-Unis et le Canada, un demandeur d’asile se doit de démontrer qu’il a épuisé tous les recours à sa disposition visant à assurer sa protection, cette conclusion ne s’applique pas à toutes les démocraties (Capitaine, aux paras 20-22).

[26]           Il est établi en droit que la présomption de protection étatique peut être réfutée lorsqu’un réfugié fournit une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État de le protéger (Espinoza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 343 au para 29; Kaleja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 668 au para 26).

[27]           Lorsqu’un demandeur fournit une preuve suffisante permettant de réfuter cette présomption, la SPR se doit de la considérer et d’évaluer sa valeur, de fournir une justification adéquate à sa décision de l’accepter ou de la refuser et d’expliquer le fondement de cette conclusion (Wright c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 320 au para 13). Dans Simpson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 970 au para 44, le juge Russell a délimité ces exigences :

Bien qu’il soit exact qu’il existe une présomption que la Commission a examiné toute la preuve, et qu’il n’est pas nécessaire qu’elle mentionne tous les éléments de preuve documentaire dont elle disposait, lorsqu’il existe dans le dossier des éléments de preuve importants qui contredisent la conclusion de fait de la Commission, une déclaration générale dans la décision selon laquelle la Commission a examiné toute la preuve ne sera pas suffisante. La Commission doit fournir les motifs pour lesquels la preuve contradictoire n’a pas été jugée pertinente ou digne de foi : Voir Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.), et Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (C.F. 1re inst.). Dans la présente affaire, la Commission ne l’a pas fait. Dans sa décision, elle s’appuie simplement sur la déclaration selon laquelle la Jamaïque est une démocratie qui a un service de police, devant ainsi être présumé capable de fournir une protection, et qu’aucune preuve claire et convaincante n’a été présentée par la demanderesse afin de réfuter la présomption de la protection de l’État. Cependant, elle n’a pas traité de la preuve contradictoire précédemment mentionnée et des circonstances précises de la présente affaire. La demanderesse a présenté une preuve convaincante selon laquelle à la Jamaïque l’État n’offre pas une protection aux femmes comme la demanderesse qui sont constamment exposées à des risques et qui n’ont pas de protection efficace. Il s’agissait de quelque chose de plus qu’une absence de protection locale. La demanderesse a effectivement fourni une preuve claire et convaincante que la réalité était autre et, bien que je ne dise pas que la Commission était tenue d’accepter la preuve de la demanderesse, elle était de façon certaine tenue de traiter de cette preuve et de fournir des motifs adéquats pour rejeter ce que la demanderesse avait à dire à l’égard de sa propre situation et de l’incapacité de l’État de protéger les femmes contre la violence familiale à la Jamaïque.

[Soulignements ajoutés]

[28]           Dans Beltram Espinoza  c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 763 [Beltram Espinoza], notre Cour a appliqué les principes mentionnés ci-haut à un cas où les demandeurs, deux citoyens du Mexique dont la famille avait subi d’importantes persécutions aux mains du cartel de Sinaloa, soutenaient être des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger. Dans cette affaire le juge Kelen a renvoyé la demande d’asile à la SPR entre autres parce que la SPR avait erré en ignorant un article particulièrement pertinent du Los Angeles Times décrivant l’incapacité de l’État de Sinaloa de fournir une protection étatique adéquate. La Cour mentionne aux paras 29-31 :

En l’espèce, les demanderesses n’ont pas approché la police non plus que les divers niveaux successifs de l’appareil étatique mexicain pour porter plainte au sujet de l’enlèvement d’Abel, des demandes de rançon ou encore du policier corrompu. […] La SPR était toutefois saisie d’un élément de preuve, un article précité du 22 décembre 2008 du Los Angles Times, révélant que la police de l’État du Sinaloa ne pouvait protéger les citoyens des crimes liés à la drogue parce que [traduction] « les narcos disposent de réseaux imbriqués dans le milieu des affaires, de la culture, de la politique – dans toutes les facettes de la vie ».

[…]

Les motifs énoncés par la SPR n’ont pas à être scrutés à la loupe par une cour, et la SPR n’a pas à mentionner chaque élément de preuve reçue et contraire à ses conclusions non plus qu’à expliquer le traitement qu’elle lui a réservé (la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (MCI) (1998), 157 F.T.R. 35, 83 A.C.W.S. (3d) 264 (C.F. 1re inst.), les motifs du juge Evans – maintenant juge à la Cour d'appel fédérale –, paragraphe 16). Le juge Evans a toutefois également conclu, au paragraphe 15, que la Cour peut inférer que la SPR a tiré une conclusion de fait sans tenir compte des éléments dont elle disposait si elle a omis de mentionner un élément de preuve important qui était pertinent et qui contredisait directement cette conclusion :

[…]

En l’espèce, j’estime que la SPR a commis une erreur en n’expliquant pas pourquoi elle n’avait pas pris en compte l’article du Los Angeles Times traitant de l’effondrement de la capacité de l’État, au Sinaloa, d'empêcher les meurtres liés au trafic de drogue, ni pourquoi elle n’avait pas fondé sa conclusion sur cet article. Le Los Angeles Times est l’un des journaux les plus crédibles des États-Unis et cet article était important et pertinent et il constituait une preuve contradictoire. Pour ce motif, la SPR n’ayant pas pris en compte cet élément de preuve, sa conclusion selon laquelle les demanderesses disposaient, dans l’État du Sinaloa, d’une protection adéquate de l’État était erronée et doit être annulée.

[Soulignements ajoutés]

[29]           En l’espèce, le demandeur principal a soumis des documents importants et pertinents relatifs à la protection étatique offerte aux citoyens du Mexique contre les cartels, incluant :

1.                  Un document publié par la SPR mentionnant que:

L’ICESI [l’institut civique des études sur l’insécurité, groupe de réflexion mexicain qui se spécialise dans la production de données statistiques sur la criminalité au pays] explique que, dans certains cas d’allégation d’extorsion, le ministère public refuse d’entreprendre une enquête en raison d’un manque d’éléments de preuve, ou minimise la plainte et refuse de venir en aide à la victime. […] Le New York Times ajoute que les autorités font peu de cas des victimes d’enlèvement et des personnes qui se sont fait voler leur véhicule lorsqu’elles vont porter plainte à la police.

2.                  Un document publié par La presse le 22 novembre 2012 mentionnant que :

[S]euls 8% des délits commis au Mexique font l’objet d’une plainte et 99% d’entre eux restent impunis, affirme la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) […] depuis 2005, la CNDH a enregistré 34 385 plaintes contre les fonctionnaires de la sécurité publique fédérale.

3.                  Un document publié par Amnesty International qui traite de la complicité de la police et d’autres fonctionnaires relativement aux meurtres et aux enlèvements perpétrés par les cartels de drogue et d’autres organisations criminelles.

4.                  Des documents publiés par la CISR qui indiquent que (i) les purges de la police municipale, étatique et fédérale ne suffisent pas à contenir le problème de corruption qui sévit au sein de la police (ii) le président mexicain a reconnu qu’un problème de corruption sévit parmi les juges mexicains (iii) l’augmentation du nombre d’enlèvements au Mexique est due à la corruption, l’impunité et la collusion entre les cartels et la police; et (iv) le gouvernement américain a déclaré que Los Zetas est le plus dangereux et sophistiqué des cartels mexicains.

[30]           À mon avis, la SPR n’a pas adéquatement considéré la preuve. En effet, la SPR a seulement considéré : 1) le témoignage du demandeur principal, 2) le Formulaire de renseignements personnels du demandeur principal, et 3) l’attitude du demandeur principal. L’analyse des paragraphes 30-35 de la décision de la SPR relativement à la protection étatique au Mexique indique qu’aucune évaluation de la preuve documentaire, mentionnée dans le paragraphe précédent, n’a été effectuée :

La simple affirmation que la corruption existe n’est pas suffisante pour conclure que l’État n’est pas en mesure de protéger ses citoyens.

Il existe une présomption à l’effet que les États sont capables de protéger leurs citoyens.

Il incombe aux demandeurs de démontrer par une preuve claire et convaincante que l’État mexicain ainsi que ses mandataires ne voulaient ou ne pouvaient pas leur assurer leur protection.

Les demandeurs ont-ils dans les circonstances alléguées, fourni tous les efforts nécessaires afin de s’assurer d’être protégés et d’obtenir la protection de l’État ?

Ont-ils pu démontrer que l’État et ses mandataires ne voulaient ou ne pouvaient pas les protéger et que les protections des autorités policières étaient inexistante et inadéquate ?

À ces questions, de par leur attitude, le tribunal répond par la négative.

[Soulignements ajoutés]

[31]           Ayant effectué une lecture approfondie de la décision de la SPR, je ne peux trouver aucune évaluation de la preuve documentaire soumise.

[32]           Je conclus donc que la SPR a erré dans son analyse de la protection étatique.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  La présente demande d’asile est renvoyée à un tribunal de la SPR différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision.

3.                  Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« George R. Locke »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4572-13

 

INTITULÉ :

IGNACIO GERARDO RODRIGUEZ NOLASCO ET AL c CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 août 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 octobre 2014

 

COMPARUTIONS :

Me Jacques Despatis

 

Pour les demandeurs

 

Me Agnieszka Zagorska

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jacques Despatis

Notaire et Avocat

Ottawa (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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