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Date : 20141002


Dossier : T‑494‑08

Référence : 2014 CF 933

[Traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 2 octobre 2014

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

TPG TECHNOLOGY CONSULTING LTD.

demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT


TABLE DES MATIÈRES

 

 

Para

I.

Introduction.........................................................................................................

1

II.

Droit des marchés publics....................................................................................

6

III.

DP       .................................................................................................................

8

IV.

Conditions expresses du contrat A dans la DP pour le marché IST 2.................

9

 

            A. Exigences énoncées dans la DP..........................................................

9

 

            B. Travaux...............................................................................................

11

 

            C. Ressources...........................................................................................

12

 

            D. Transition............................................................................................

17

 

            E. Cadre de rémunération........................................................................

18

 

            F. Durée du contrat..................................................................................

21

V.

Autres événements pertinents antérieurs à l’évaluation.......................................

23

VI.

Évaluation des propositions techniques...............................................................

27

VII.

Après l’évaluation technique...............................................................................

39

VIII.

Plaintes devant le TCCE......................................................................................

42

IX.

Transition.............................................................................................................

47

X.

Historique du présent litige..................................................................................

51

 

            A. Requête en jugement sommaire..........................................................

52

 

            B. Ordonnance sur consentement réduisant la portée de la demande.....

59

XI.

Témoins au procès................................................................................................

60

XII.

Questions à trancher............................................................................................

68

XIII.

Compétence du TCCE comme moyen de défense à l’action..............................

69

 

            A. Compétence du TCCE........................................................................

70

 

            B. Répercussions de la décision TPG c Canada no 1 CF........................

73

 

            C. Cadre de détermination de la compétence..........................................

76

 

            D. La Cour a‑t‑elle compétence?.............................................................

78

 

            E. Des restrictions discrétionnaires empêchent‑elles la Cour d’exercer sa compétence?............................................................................................

79

 

            F. Autres recours appropriés....................................................................

94

XIV.

La proposition de TPG a‑t‑elle été évaluée équitablement?................................

110

XV.

La proposition de CGI était‑elle non conforme?.................................................

152

 

            A. Recours à des événements postérieurs à l’octroi du contrat...............

154

 

            B. Respect de l’exigence A.24................................................................

162

 

            C. CGI a‑t‑elle fourni le nombre requis de curriculum vitæ?..................

181

 

            D. TPSGC a‑t‑il aidé CGI à recruter du personnel de TPG?..................

196

 

            E. Transition.............................................................................................

199

XVI.

Conclusion...........................................................................................................

213


I.          Introduction

[1]               TPG Technology Consulting Ltd [TPG] a fourni des services de technologie de l’information, plus précisément des services d’ingénierie et de soutien technique [IST], à la Direction générale des services d’infotechnologie [DGSIT] de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada [TPSGC]. Elle a fourni lesdits services de 1999 à 2007 en vertu d’un marché [IST 1].

[2]               En 2006, TPSGC a lancé une demande de propositions [DP] relativement aux services d’IST à fournir à la DGSIT après l’expiration du marché IST 1. Le document précisait qu’il constituait une « nouvelle formulation » des services requis et que les fournisseurs qui avaient auparavant offert des services d’IST ne devaient pas supposer que leurs capacités existantes leur permettraient de satisfaire aux exigences de la DP :

[traduction]

Les soumissionnaires qui, en particulier, ont déjà satisfait aux présentes exigences ou à des exigences semblables doivent prendre note que la présente demande constitue une nouvelle formulation des exigences et qu’aucun soumissionnaire ne devrait tenir pour acquis que les pratiques antérieures continueront d’avoir cours, sauf dans la mesure où elles ont été expressément énoncées dans la présente demande, ou que les capacités actuelles du soumissionnaire répondent aux exigences simplement parce que cela a déjà été le cas par le passé.

[3]               Trois entreprises ont déposé des propositions en réponse à la DP : TPG, IBM Canada Ltée [IBM] et le Groupe CGI Inc [CGI]. La DP prévoyait que le soumissionnaire qui présenterait une proposition conforme et qui obtiendrait la cote technique et financière combinée la plus élevée serait le soumissionnaire retenu [l’entrepreneur] et se verrait attribuer le nouveau marché [IST 2]. Dans la présente action, TPG conteste uniquement l’évaluation de sa proposition technique. CGI a obtenu le marché; TPG et IBM se sont classées respectivement deuxième et troisième.

[4]               TPG poursuit la Couronne en dommages‑intérêts pour une rupture de contrat qui se serait produite dans le cadre de la DP. TPG allègue que TPSGC a manqué à son obligation d’équité dans l’évaluation de la soumission qu’elle a déposée à l’égard du marché IST 2. Elle allègue aussi que la soumission de CGI – qui a été retenue—n’était pas conforme, que la Couronne savait ou aurait dû savoir que cette soumission n’était pas conforme et qu’elle aurait dû la rejeter ou résilier le marché pour cause d’inexécution par CGI.

[5]               La valeur du marché perdu, y compris les années d’option, s’établit à quelque 428 millions de dollars. TPG réclame des dommages‑intérêts de 250 millions de dollars.

II.        Droit des marchés publics

[6]               Les principes fondamentaux du droit des marchés publics sont énoncés dans quatre arrêts de la Cour suprême du Canada : La Reine (Ont.) c Ron Engineering & Construction (Eastern) Ltd, [1981] 1 RCS 111 [Ron Engineering]; M.J.B. Enterprises Ltd c Construction de Défense (1951) Ltée, [1999] 1 RCS 619 [M.J.B.]; Martel Building Ltd c Canada, [2000] 2 RCS 860 [Martel Building]; et Double N Earthmovers Ltd c Edmonton (Ville), [2007] 1 RCS 116 [Double N Earthmovers].

[7]               Voici les principes juridiques fondamentaux énoncés dans ces décisions qui sont pertinents en l’espèce et sur lesquels le présent jugement est fondé :

1.                  Dans le cadre d’une DP, il y a formation d’un contrat entre la partie qui lance la DP et la partie qui y répond en soumettant une proposition. On dit que ce contrat (le contrat A) « est immédiatement formé sans autre formalité ».

2.                  La principale condition du contrat A est que la proposition de la partie qui répond à une DP est irrévocable et que les parties ont l’obligation réciproque de conclure un contrat (contrat B) dès lors que la proposition est acceptée.

3.                  Les documents constituant la DP exposent les autres conditions expresses du contrat A.

4.                  Le contrat A peut aussi contenir des conditions implicites.

5.                  L’une des conditions implicites du contrat A est que seules les propositions conformes aux conditions de la DP sont acceptées. L’argument voulant que ladite acceptation ait été faite de bonne foi ou qu’elle repose sur ce qui était considéré comme une interprétation correcte du contrat ne saurait être opposé à une allégation selon laquelle une soumission non conforme a été retenue.

6.                  Le contrat A contient l’obligation implicite de traiter toutes les personnes qui répondent à la DP « équitablement et sur un pied d’égalité ».

7.                  Le contrat A contient l’obligation implicite d’évaluer les diverses propositions selon les mêmes conditions et non en fonction d’un critère de sélection qui n’a pas été divulgué à ceux qui ont répondu à la DP.

8.                  Il peut y avoir dans le contrat A d’autres conditions implicites, fondées sur l’existence d’une intention présumée des parties, soit la condition implicite dont l’introduction est nécessaire pour « donner à un contrat l’efficacité commerciale ou pour permettre de quelque autre manière de satisfaire au critère de "l’observateur objectif", [condition] dont les parties diraient, si on leur posait la question, qu’elles avaient évidemment tenu son inclusion pour acquise ».

III.       DP

[8]               La DP a été lancée par TPSGC le 5 mai 2006 et elle a pris fin le 5 septembre 2006. Entre le 31 mai et le 24 juin 2006, TPSGC a répondu à 206 questions posées par des soumissionnaires. Certaines questions visaient à clarifier des aspects ambigus de la DP. D’autres faisaient état d’une injustice apparente liée à la structure de la DP ou au libellé de certaines sections. Par suite de ce processus de questions et réponses, 24 modifications ont été apportées à la DP. Elles ont été incorporées à la DP et liaient TPSGC et les soumissionnaires. Dans les présents motifs, tout renvoi à un passage de la DP vaut renvoi à la version modifiée de la DP, déposée comme pièce P‑6 au procès.

IV.       Conditions expresses du contrat A dans la DP pour le marché IST 2

A.        Exigences énoncées dans la DP

[9]               Chaque exigence énoncée dans la DP était désignée comme une exigence obligatoire, une exigence cotée ou les deux à la fois. On y précisait que : [traduction« les propositions doivent satisfaire à l’ensemble et à chacune des exigences obligatoires. Toute proposition qui ne satisfait pas à une exigence obligatoire sera déclarée non conforme et sera rejetée ». TPG allègue que CGI n’a pas satisfait à au moins une exigence obligatoire, que TPSGC le savait et aurait dû par conséquent rejeter sa proposition pour cause de non‑conformité.

[10]           Les exigences cotées sont celles qui devaient être évaluées [traduction« conformément à la méthode d’évaluation » décrite dans la DP. TPG allègue que les évaluateurs ont noté injustement neuf des nombreuses exigences cotées de sa proposition, soit les exigences 2.2.3.1, 2.3.1.1, 2.3.1.2, 2.3.1.4, 3.1.4, 3.3.3, 3.3.5, 3.4.2 et 3.6.1, qui sont reproduites à l’annexe A des présentes. Au procès, TPG n’a déposé des éléments de preuve qu’à l’égard de l’évaluation des exigences 3.3.3 et 3.3.5.

B.        Travaux

[11]           Les travaux, tels que définis dans la DP, consistaient à fournir des services d’IST. La prestation de la majorité de ces services devait être assurée par les ressources de l’entrepreneur, et ce, directement à la DGSIT [services exclusifs offerts à la DGSIT]; cependant, certains services, comme c’était le cas auparavant, devaient être fournis par des ressources affectées à des clients de TPSGC, comme Transports Canada et l’Office de la propriété intellectuelle du Canada [services exclusifs offerts à des clients]. L’article 2 de la partie A de la DP décrivait les travaux comme suit :

[traduction]

L’entrepreneur doit exécuter les travaux précisés à l’annexe A, parties I, II et III de l’énoncé des besoins (EB), qui décrit les exigences relatives aux types de services suivants :

a) Domaine de serveur d’entreprise – divers services d’ingénierie et de soutien technique à l’appui de grands ordinateurs centraux;

b) Domaine de multiplateforme et réseau – divers services d’ingénierie et de soutien technique à l’appui des serveurs UNIX et NT;

c) Domaine de services de soutien – divers services généraux de soutien offerts dans les deux domaines susmentionnés et dans d’autres secteurs de la DGSIT, notamment par des ressources spécialisées du client.

L’entrepreneur sera chargé des fonctions consistant en des services fournis par des ressources déterminées sur une base régulière pour toute la durée du marché, et des travaux relatifs au projet qui seront exécutés « sur demande » en vertu des autorisations des tâches (AT).

C.        Ressources

[12]           La DP faisait état des « ressources » nécessaires pour assurer la prestation des services d’IST. Ce terme désigne le personnel (particuliers, employés ou entrepreneurs) chargé par l’entrepreneur de la prestation des services contractuels.

[13]           Dans la prestation des services prévus au marché IST 1, TPG a eu recours à quelque 150 personnes, qui étaient ses sous‑traitants. L’énoncé des besoins (annexe A, parties II et III), annexé à la DP et mentionné à l’article 2 de la partie A de la DP, contenait la liste des [traduction] « exigences en matière d’effectif » pour les services exclusifs offerts à la DGSIT et les services exclusifs offerts à des clients. Dans la version initiale de la DP, il était question de 145 personnes; cependant, dans la DP modifiée par suite des 24 demandes de modification (pièce P‑6), ce nombre a été porté à 159, soit 133 qui offraient des services directs à la DGSIT et 26 qui offraient des services exclusifs à des clients.

[14]           Le présent litige porte essentiellement sur une exigence obligatoire, l’article A.24 de la DP intitulé [traduction« État des ressources », que voici :

[traduction]

En présentant une proposition, le soumissionnaire atteste, selon le cas, que :

(i) toutes les ressources proposées sont des employés du soumissionnaire;

(ii) dans le cas où il propose une personne dont il n’est pas l’employeur, il a obtenu de cette personne (ou de l’employeur de ladite personne) une autorisation écrite lui permettant d’offrir ses services pour l’exécution des travaux requis et de présenter son curriculum vitæ au responsable de la présente DP. Pendant l’évaluation de sa soumission, le soumissionnaire doit, sur demande de l’autorité contractante, fournir un exemplaire de l’attestation des personnes qui ne sont pas ses employés et dont il propose les services. Le défaut de se conformer à cette exigence pourrait entraîner le rejet de la proposition du soumissionnaire.

[15]           Le soumissionnaire n’était pas tenu de donner le nom de chacune des personnes dont il avait l’intention d’utiliser les services advenant que sa proposition soit retenue. L’annexe D‑1 de la DP, c.‑à‑d. la matrice des critères d’évaluation [MCE], l’obligeait à fournir des renseignements sur dix personnes, à titre d’exemple des ressources proposées :

[traduction]

La DGSIT reconnaît que, dans le cadre de son contrat avec l’entrepreneur, il y aura des changements dans les ressources affectées à la prestation des services à la DGSIT, compte tenu des mutations et des promotions. Par conséquent, la DGSIT n’a pas l’intention d’évaluer la candidature de chacune des personnes dont le soumissionnaire propose les services pour satisfaire aux exigences de la fonction initiale, des services spécialisés offerts à des clients et des autorisations de tâche définis dans la présente DP. Cependant, la DGSIT évaluera le dossier de dix (10) personnes, à titre d’exemple des ressources que le soumissionnaire est en mesure d’offrir.

[16]           La Couronne soutient que l’exigence obligatoire de l’article A.24 s’applique uniquement à ces dix personnes en particulier. Comme nous le verrons plus en détail ci‑après, TPG interprète d’une autre façon l’article A.24 et soutient que la proposition de CGI n’était pas conforme à l’exigence en question.

D.        Transition

[17]           L’article B.10.3 de la DP, soit le contrat type que l’entrepreneur doit signer, stipulait : [traduction« l’entrepreneur devra planifier, gérer et mettre en œuvre une transition efficace des services d’IST entre les ressources existantes et les ressources fournies par l’entrepreneur, et décrire sa structure de gestion ». Cet article prévoyait de plus, sous réserve de prolongations possibles, que l’entrepreneur devait rencontrer la DGSIT dans les cinq jours ouvrables suivant la conclusion du contrat afin d’examiner le plan de transition proposé, y apporter les ajustements nécessaires, et soumettre un plan de transition définitif dans les cinq jours suivant ledit examen initial. Le soumissionnaire retenu devait ensuite [traduction« commencer à fournir les services conformément aux exigences de la présente DP au plus tard 60 jours ouvrables après l’acceptation du plan de transition ». TPG allègue que la proposition de CGI ne respectait pas non plus ces exigences.

E.         Cadre de rémunération

[18]           Le marché IST 1 prévoyait que les services rendus seraient rémunérés selon le niveau d’effort fourni, c.‑à‑d. selon un taux quotidien ou mensuel établi, mais il était aussi entendu que le mode de rémunération pouvait changer et que TPG pourrait être payée en fonction des produits livrables ou des résultats attendus.

[19]           Ce dernier mode de rémunération a été décrit au procès comme s’attachant à une prestation de services fondée sur le rendement ou les résultats. Par souci d’uniformité, ce cadre de rémunération sera appelé dans le présent jugement « cadre fondé sur les résultats ». Dans un tel cadre, la personne est rémunérée en fonction du résultat obtenu, peu importe le temps ou les efforts consacrés pour parvenir à ce résultat. Les parties conviennent que le cadre de rémunération prévu au marché IST 1 n’est jamais passé du cadre fondé sur l’effort au cadre fondé sur les résultats.

[20]           L’article 4.6.5 de la DP précisait que le soumissionnaire retenu serait tenu de passer d’un cadre fondé sur l’effort à un cadre fondé sur les résultats, et ce, peu après avoir obtenu le marché IST 2.

[traduction]

À l’entrée en vigueur du marché, tous les services seront fournis par l’entrepreneur « selon l’effort ». Dans les cas où la DGSIT jugera cette façon de faire applicable, l’entrepreneur pourra établir avec la DGSIT un mode évolutif de paiement des divers services dans le cadre duquel l’entrepreneur sera payé en fonction des produits livrables ou des résultats attendus.

Le mode de paiement afférent à une fonction ou à un projet donné sera donc évolutif, de sorte que le montant réel payé, au cours de toute période, sera fondé sur le volume des services et/ou des produits livrables fournis. Il est aussi prévu que l’entrepreneur disposera d’une grande marge de manœuvre quant à la façon dont les services seront fournis et qu’il ne sera limité que par le caractère acceptable des produits livrables et des niveaux de service. La DGSIT sera ainsi mieux en mesure d’établir ses coûts en fonction des résultats.

La DGSIT ne mettra en œuvre aucune initiative de cette nature si les services qui en résultent sont plus coûteux que les services fournis selon le mode de paiement précédent ou si l’initiative entraîne des risques accrus pour la DGSIT. Le passage aux « services évalués en fonction des résultats » n’aura lieu qu’après approbation par la DGSIT d’une analyse de rentabilité.

La preuve déposée au procès a démontré que, contrairement à ce qui s’est passé dans le cadre du marché IST 1, le mode de rémunération prévu au marché IST 2 était passé d’un cadre fondé sur l’effort à un cadre fondé sur les résultats. Il semble que ce changement n’ait pas eu le succès escompté par le gouvernement parce que, comme Dominique Gagnon l’a dit à la Cour, la DP relative au prochain marché, qui vient d’être lancée ou qui le sera bientôt, prévoira une rémunération fondée sur l’effort, comme ce fut le cas pour le marché IST 1.

F.         Durée du marché

[21]           Le contrat type incorporé à la DP prévoyait que le marché serait en vigueur à compter de la date de sa conclusion pour une période initiale de trois ans. Il prévoyait aussi que la durée du marché pouvait être prolongée à la discrétion de la Couronne pour quatre périodes d’un an.

[22]           Le contrat conclu entre la Couronne et CGI est entré en vigueur le 31 octobre 2007 et il a fait l’objet de toutes les prolongations autorisées. Il prendra fin le 31 octobre 2014.

V.         Autres événements pertinents antérieurs à l’évaluation

[23]           En juin 2006, avant de déposer sa proposition, TPG a conclu une entente avec la majorité, sinon la totalité, des sous‑traitants dont elle avait retenu les services pour le marché IST 1 [entente d’autorisation de soumissionner]. Cette entente d’autorisation de soumissionner comprenait deux dispositions principales. Premièrement, le sous‑traitant, directement ou par l’intermédiaire de son entreprise, acceptait de ne pas [traduction« offrir ses services à une autre organisation en concurrence avec TPG ou de l’aider de quelque façon que ce soit » dans le cadre de la DP. Deuxièmement, TPG s’engageait, si elle était le soumissionnaire retenu et sous réserve de l’autorisation de TPSGC, à passer un contrat avec le sous‑traitant en vue de la fourniture des services prévus au marché IST 2.

[24]           Au départ, il était prévu que l’entente d’autorisation de soumissionner prendrait fin à la première des éventualités suivantes : (i) à la date à laquelle TPG réalise sa promesse de passer un contrat de sous‑traitance dans le cadre du marché IST 2, (ii) le 31 décembre 2007, (iii) quatre mois après la fin du processus de transition du marché IST 1 au marché IST 2, et (iv) à la date du refus par TPSGC d’autoriser TPG à conclure un contrat de sous‑traitance relativement au marché IST 2. Par la suite, en juin 2007, l’entente d’autorisation de soumissionner a été modifiée; elle stipulait, dans sa nouvelle version, que les parties seraient tenues de respecter leurs obligations jusqu’à la plus tardive des quatre éventualités susmentionnées plutôt qu’à la survenance de la première d’entre elles.

[25]           Au cours de son interrogatoire principal, M. Powell a déclaré que TPG avait conclu l’entente d’autorisation de soumissionner pour deux raisons : (1) [traduction« nous savions à qui nous pourrions confier les travaux lorsque le marché serait attribué, que nous aurions les gens nécessaires pour faire les travaux », et (2) « nous estimions que, peu importe la tournure des événements, nous serions plus forts en formant une équipe plutôt qu’en agissant seuls ». En contre‑interrogatoire, il a reconnu en toute franchise que ces ententes plaçaient aussi TPG dans une meilleure position que les autres soumissionnaires pour obtenir le marché IST 2 :

[traduction]

Q. Bien sûr. Vous les « enchaîniez », de sorte qu’ils ne pouvaient pas s’engager à travailler pour CGI au cours du processus de soumission, du processus de DP; c’est le premier avantage?

R. C’est juste.

Q. Vous les « enchaîniez » de sorte qu’ils ne pouvaient pas s’engager auprès de CGI pendant le processus de transition, et ce dont vous et moi avons parlé, c’est du moment où CGI doit fournir le nom des membres du personnel en question.

R. C’est juste.

Q. Et cette situation vous donne un avantage concurrentiel dans le cadre du processus d’appel d’offres?

R. Tout à fait.

Q. Mais par la suite, vous les « enchaîniez » pendant quatre mois.

R. Donc si les gens de CGI, comme je l’ai dit, avaient eu le moindre sens de l’éthique, ils m’auraient téléphoné et m’auraient dit « Concluons une entente. Nous n’avons pas le personnel nécessaire ». Par la suite, M. Fleming et tous les autres se seraient retrouvés dans une bien meilleure position au lieu de traiter directement avec CGI. Il y avait donc un avantage pour eux et un avantage pour moi.

[26]           En plus des ententes susmentionnées, TPG avait conclu une entente avec IBM – un des autres soumissionnaires. Cette entente permettait à chacune des deux parties d’incorporer à sa proposition le nom de certains des sous‑traitants de l’autre partie. Les deux entreprises avaient alors plus de chances de participer jusqu’à un certain point au nouveau contrat si l’une des deux l’emportait.

VI.       Évaluation des propositions techniques

[27]           Entre les 12 et 27 septembre 2006, TPSGC a effectué une évaluation technique des propositions avec l’aide de M. Robert Tibbo, de Partnering and Procurement Inc. [PPI]. PPI a encadré le processus d’évaluation. Le rôle de M. Tibbo était de veiller au caractère équitable du processus. M. Tibbo a participé à l’élaboration de la DP elle‑même, en collaboration étroite avec Mark Henderson, directeur, Gestion des contrats et des biens, Secteur de la planification des affaires et des services de gestion, DGSIT, TPSGC, et Pierre Demers, un directeur qui relevait de M. Henderson. M. Tibbo a aussi participé à la rédaction des réponses aux questions posées par les soumissionnaires.

[28]           L’évaluation technique a été effectuée par une équipe de cinq évaluateurs : MM. Bartlett, Bezanson, Boudreault, Swimmings et Verma. Ces évaluateurs ont travaillé en collaboration avec divers services de la DGSIT et ont apporté à l’équipe une expérience et une expertise diversifiées.

[29]           L’évaluation s’est déroulée en deux temps : d’abord, les évaluateurs ont évalué individuellement chacune des soumissions. Puis, ils ont participé à des séances d’évaluation collective où ils ont pu examiner leurs résultats individuels et réduire les écarts par la discussion, et finalement arriver à une seule note consensuelle.

[30]           Au cours de l’évaluation individuelle, chaque évaluateur s’est vu attribuer un ordre dans lequel il devait évaluer les soumissions et cet ordre était différent pour chacun afin de réduire le risque de partialité associé au fait qu’une soumission est évaluée en premier, en deuxième ou en troisième. Lors des séances d’évaluation collective, les soumissions ont été évaluées par ordre alphabétique : CGI, IBM et TPG.

[31]           Lors de la réunion de lancement qui a précédé le début des évaluations individuelles, le processus d’évaluation a été expliqué aux évaluateurs, y compris le passage du stade de l’évaluation individuelle à celui de l’évaluation collective. Les directives suivantes ont été données aux évaluateurs : (1) lire la DP; (2) lire la proposition au complet; (3) relire et coter la proposition; et (4) reprendre les étapes 2 et 3 pour les deux autres soumissions.

[32]           Les évaluateurs ont reçu un cahier contenant des feuilles de pointage sur lesquelles ils devaient coter chacun des critères; il y avait aussi une section pour les commentaires. Chaque critère était décrit et les modalités d’évaluation y afférentes, établies à partir de la DP elle‑même, étaient expliquées. Pour chaque critère obligatoire, les évaluateurs devaient cocher les cases « oui » ou « non » pour indiquer la conformité ou la non‑conformité. En ce qui a trait aux critères cotés, l’évaluateur pouvait inscrire la cote dans une case et l’éventail des cotes était reproduit entre crochets à la droite de chaque case.

[33]           Lors de la réunion de lancement du processus, les évaluateurs ont été invités à garder à l’esprit que, lors des séances d’évaluation individuelle et collective, ils devaient tenir compte du fait que les soumissionnaires dont les propositions n’auraient pas été retenues s’attendraient à ce ce qu’on leur donne [traduction« une raison justifiant la cote attribuée à laquelle souscrirait toute autre personne raisonnable » dans tous les cas où [traduction« la proposition n’aurait pas obtenu le maximum de points possible ».

[34]           Les évaluateurs ont aussi reçu un code de conduite et ils ont été invités à ne discuter avec quiconque à l’extérieur de l’équipe du processus d’évaluation ou de ses résultats. Au cours de l’évaluation, les évaluateurs ont travaillé au centre de données MacDonald Cartier. Ils étaient assis dans la même salle et disposaient de tous les documents nécessaires; cependant, ils ne pouvaient discuter entre eux (sauf pour poser des questions lors des réunions d’étape prévues au calendrier) au cours de la partie individuelle de l’évaluation. Aucun des documents des évaluateurs n’a été emporté à l’extérieur de la salle avant la fin du processus d’évaluation.

[35]           Au cours des trois premiers jours de l’étape de l’évaluation individuelle (13 au 15 septembre), il y a eu des rencontres au cours desquelles les progrès de chaque évaluateur ont été enregistrés et certains problèmes ont été examinés. Après le 15 septembre, aucun problème n’a été soulevé. D’autres réunions d’étape ont eu lieu, mais elles ne visaient qu’à faire le point sur l’état d’avancement du processus d’évaluation.

[36]           Après avoir évalué individuellement chacune des soumissions, les évaluateurs sont passés à l’étape de l’évaluation collective. Au cours de cette étape, M. Tibbo a encadré l’équipe qui a examiné chaque soumission, critère par critère, avant de lui attribuer une cote consensuelle. Cette cote a été enregistrée dans un fichier maître qui était affiché sur un écran afin que les évaluateurs puissent suivre l’évolution de la rencontre d’évaluation collective. Lorsqu’il n’y avait pas d’écart entre les cotes accordées par chaque évaluateur, il y avait peu ou pas de discussions. Lorsqu’il y en avait un, M. Tibbo invitait les évaluateurs à discuter des résultats et le groupe finissait par s’entendre sur une cote. Cette cote était affichée à l’écran et M. Tibbo enregistrait les résultats sur papier. Dans la plupart des cas, les évaluateurs inscrivaient aussi sur leurs propres feuilles de pointage les cotes qui avaient fait l’objet d’un consensus.

[37]           Lors des séances d’évaluation collective, les évaluateurs ont examiné chaque soumission du début à la fin avant de passer à la suivante. Aucune soumission n’a jamais été expressément comparée à une autre.

[38]           Le processus d’évaluation technique a pris fin le 27 septembre 2006. La copie maître des cotes consensuelles a été imprimée le 2 octobre 2006 et remise à M. Hamid Mohammad, l’autorité contractante de TPSGC.

VII.     Après l’évaluation technique

[39]           Après l’évaluation technique, M. Hamid Mohammad et les évaluateurs se sont rencontrés, le 27 octobre 2006, afin de discuter des résultats de l’évaluation et de clarifier les points soulevés par M. Mohammad au sujet de la justification de certaines des cotes. Au cours de cette rencontre, les évaluateurs ont offert quelques explications justifiant leurs cotes, mais aucune d’elles n’a été modifiée.

[40]           Le volet financier de l’évaluation, qui a suivi l’évaluation technique, a pris fin le 9 novembre 2006. Aucun des participants à l’évaluation technique n’y a pris part.

[41]           Le 26 février 2007, TPG a appris que la soumission de CGI avait été retenue et que le marché IST 2 devait être attribué à cette dernière.

VIII.    Plaintes devant le TCCE

[42]           Entre le 23 mars 2007 et le 31 octobre 2007, TPG a déposé quatre plaintes devant le Tribunal canadien du commerce extérieur [TCCE], alléguant qu’il y avait eu : iniquité et crainte raisonnable de partialité (plainte 1 déposée le 23 mars 2007), modification de la méthodologie d’évaluation après la clôture de la demande de propositions (plainte 2 déposée le 27 juin 2007), processus inéquitable et crainte raisonnable de partialité dans l’évaluation des soumissions (plainte 3 déposée le 29 août 2007), et défaut de procéder à l’évaluation conformément à la DP quant à la vérification des références (plainte 4 déposée le 5 octobre 2007).

[43]           La première plainte a été rejetée pour non‑respect des délais : [2007] TCCE no 21, 3 avril 2007. La Cour d’appel fédérale a finalement accueilli la demande de contrôle judiciaire de TPG, mais a conclu que la plainte de TPG était prématurée.

[44]           La deuxième plainte a été jugée valide : [2007] TCCE no 91, 2 novembre 2007. Le TCCE a conclu que la méthodologie d’évaluation avait été modifiée après la clôture de la demande de propositions quant à sept exigences : 1.3.2.4.11.4, 1.3.2.11.10, 1.3.3.4.11.4, 1.3.3.4.11.10, 1.3.4.2.11.4, 1.3.4.2.11.10 et 3.6.3. Il a conclu que les évaluateurs avaient accordé des cotes de 0, 1 ou 2 relativement à ces sept exigences alors que les seules cotes autorisées étaient de 0 ou de 2 points. Il n’a cependant recommandé aucune réparation parce que la méthodologie modifiée avait été appliquée également aux trois propositions et que, même si une des cotes était plus favorable à la proposition de TPG et moins à celle de CGI, le résultat final était le même. Le TCCE a aussi conclu que rien n’indiquait que TPSGC n’avait pas appliqué correctement le barème d’évaluation qu’il convenait d’appliquer à chacune des autres exigences.

[45]           La troisième plainte a été rejetée sans que le Tribunal mène une enquête : [2007] TCCE no 108, 12 septembre 2007. À son avis, les questions soulevées avaient déjà été tranchées lors de la première plainte de TPG et il n’existait aucun fondement raisonnable à l’allégation de partialité ou de conflit d’intérêts.

[46]           La quatrième plainte a été rejetée sur le fond : [2007] TCCE no 116, 20 décembre 2007. Le TCCE a conclu que TPSGC était tenu de vérifier les références de tous les soumissionnaires afin de déterminer si les exigences obligatoires avaient été respectées, mais qu’il n’était pas déraisonnable que TPSGC vérifie les références de la façon dont il l’avait fait. Il n’y avait rien dans la DP sur la façon dont les références auraient dû être vérifiées ni sur le moment auquel elles auraient dû l’être; il était simplement indiqué que la vérification des références devait avoir lieu avant l’octroi du marché.

IX.       Transition

[47]           Le nouveau marché a été officiellement accordé à CGI le 31 octobre 2007. Les lettres qui informaient IBM et TPG du nom du soumissionnaire retenu ont été envoyées le 5 novembre 2007.

[48]           Comme l’exigeait le marché IST 2, CGI a déposé son plan de transition le 15 novembre 2007. Le plan a été révisé en fonction des commentaires obtenus et la version définitive du plan de transition a été acceptée le 28 novembre 2007, date du début de la période de transition.

[49]           Le marché IST 1, qui liait TPG, a pris fin le 21 décembre 2007.

[50]           Selon le marché IST 2, CGI disposait de 60 jours ouvrables pour procéder à la transition de toutes les fonctions, avec possibilité de se prévaloir de trois prolongations de 15 jours civils chacune. Deux prolongations demandées par CGI ont été accordées par TPSGC. CGI a terminé la transition de toutes les fonctions le 26 mars 2008.

X.        Historique du présent litige

[51]           En 2008, TPG a entamé la présente action en dommages‑intérêts. La demande, dans la forme qu’elle revêtait alors, était fondée sur des allégations relatives à la DP et à l’embauche de sous‑traitants de TPG par CGI. TPG y réclamait des dommages‑intérêts pour rupture de contrat, incitation à la rupture de contrat, ingérence intentionnelle dans des intérêts financiers et négligence.

A.                Requête en jugement sommaire

[52]           En mars 2010, la Couronne a déposé une requête en jugement sommaire. Le juge Near a accueilli la requête, puis a rejeté en bloc la demande : TPG Technology Consulting Ltd c Canada, 2011 CF 1054 [TPG c Canada no 1 CF]. Cette décision a été infirmée par la Cour d’appel fédérale au motif que le juge des requêtes avait mal appliqué le critère relatif aux jugements sommaires : TPG Technology Consulting Ltd c Canada, 2013 CAF 183 [TPG c Canada no 1 CAF].

[53]           La Cour d’appel fédérale a estimé que le juge des requêtes n’avait pas vraiment compris que la demande relative à la rupture de contrat n’était pas seulement fondée sur des allégations de partialité et de modifications inexplicables des évaluations, mais qu’elle reposait essentiellement sur l’allégation selon laquelle les soumissions n’avaient pas été évaluées de façon équitable. Contrairement au juge des requêtes, la Cour d’appel a conclu que les éléments de preuve déposés « n’[avaient] pas directement répondu à toutes les questions concernant l’équité de l’évaluation des soumissions ».

[54]           S’appuyant sur l’arrêt Double N Earthmovers, le juge des requêtes avait conclu que les événements qui s’étaient produits durant la transition ne pouvaient constituer, pour TPG, le fondement d’une action pour rupture de contrat. La Cour d’appel a estimé que cette conclusion reposait sur une mauvaise compréhension de la demande de TPG. À son avis, TPG soutenait que la Couronne avait contrevenu à la DP en ne déclarant pas que la soumission de CGI n’était pas conforme parce que CGI n’avait pas attesté correctement que les personnes qui devaient offrir les services prévus par le marché IST 2 étaient ses employés ou des personnes qui avaient consenti à ce que CGI donne leur nom, ce que n’ignorait pas la Couronne. De l’avis de la Cour d’appel fédérale, TPG s’appuyait sur des événements qui s’étaient produits durant la phase de transition pour démontrer la non‑conformité de la soumission de CGI. Elle a conclu que la DP était ambiguë et que, par conséquent « le bien‑fondé de l’interprétation proposée par TPG ne [pouvait] être établi en l’absence d’un dossier de preuve complet ».

[55]           Après avoir obtenu le marché IST 2, CGI s’est employée activement à recruter les ressources qui travaillaient alors pour TPG à l’exécution du marché IST 1. Chacune de ces ressources avait signé une entente d’autorisation de soumissionner selon laquelle elle ne travaillerait pas dans le cadre du marché IST 2, sauf pour TPG, pendant une période donnée après la transition. TPG a allégué que la Couronne avait incité ces personnes à contrevenir à cette entente et à accepter de travailler pour CGI. S’appuyant sur l’arrêt Double N Earthmovers, le juge des requêtes a conclu qu’une fois le contrat adjugé à CGI, la Couronne n’avait plus d’obligation envers TPG et que la demande ne pouvait pas être accueillie. Selon la Cour d’appel fédérale, la demande semblait « relativement faible », mais elle a conclu qu’il n’existait aucun autre élément de preuve relatif à la demande pour incitation à la rupture de contrat et qu’elle devait autoriser la poursuite de l’instance.

[56]           Enfin, le juge des requêtes a rejeté les demandes en responsabilité délictuelle pour incitation à la rupture de contrat, ingérence intentionnelle dans des intérêts financiers et négligence du fait qu’elles n’étaient étayées par aucun élément de preuve. Voici ce que la Cour d’appel fédérale a conclu à cet égard : « Les demandes fondées sur la responsabilité délictuelle semblent beaucoup plus faibles que les demandes fondées sur la responsabilité contractuelle, mais elles sont également en grande partie fondées sur les mêmes allégations de fait [...] [et] il n’existe à ce moment‑ci aucune raison pratique de ne pas autoriser que les deux demandes fassent l’objet d’un procès ».

[57]           Le juge des requêtes a tiré une autre conclusion importante qui n’était pas visée par l’appel. Il a rejeté l’argument de la Couronne selon qui TPG ne pouvait pas intenter l’action en raison du principe de l’autorité de la chose jugée (res judicata) ou de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. La Couronne soutenait que ces doctrines s’appliquaient en raison des quatre plaintes que TPG avait déposées contre la Couronne devant le TCCE au sujet de la DP. La Couronne faisait valoir que TPG contestait par ces plaintes l’équité du processus d’évaluation et la décision d’adjuger le marché IST 2 à CGI, soit les mêmes questions que celles soulevées dans l’action.

[58]           Bien qu’il ait reconnu que l’argument de la Couronne avait un certain fondement, le juge des requêtes « [a hésité] à accorder à la Couronne le jugement sommaire qu’elle réclam[ait] en [se] fondant sur la préclusion découlant d’une question déjà tranchée sans avoir d’abord examiné la preuve présentée ». Il a aussi rejeté l’argument selon lequel l’action était irrecevable en raison du principe de la préclusion fondée sur la cause d’action (autorité de la chose jugée) et ce, pour les motifs suivants :

Sur ce point, je suis porté à accepter les arguments de TPG suivant lesquels elle ne pouvait, et on ne peut pas dire qu’elle aurait pu, soulever devant le TCCE toutes les causes d’action qui fondent le présent litige. La présente action de TPG est fondée sur une rupture de contrat (pour laquelle j’accepterais plus volontiers l’argument tiré de l’autorité de la chose jugée) et sur la responsabilité civile délictuelle, et plus précisément, la négligence, la rupture de contrat, l’incitation à la rupture de contrat, l’ingérence intentionnelle dans des intérêts financiers par des moyens illicites et la négligence. Les réclamations en matière de responsabilité civile délictuelle n’auraient pas pu être soulevées devant le TCCE étant donné que celui‑ci n’avait clairement pas compétence pour les juger. La thèse de TPG en ce qui concerne le moyen tiré de la rupture de contrat est beaucoup plus faible, étant donné que les obligations du contrat qui, selon ce que TPG soutient, existaient entre elle‑même et la Couronne, se résument presque exclusivement en une obligation d’agir avec équité. Or, cette question a essentiellement déjà été traitée par le TCCE. TPG soutient toutefois que seule la Couronne était au courant de l’ensemble des faits se rapportant à l’évaluation des soumissions et que TPG n’a pris connaissance de ces faits qu’en 2008, après avoir porté plainte devant le TCCE. J’accepte l’argument de TPG suivant lequel à cet égard, TPG invoque de « nouveaux » éléments de preuve qu’elle n’aurait pas été en mesure de découvrir plus tôt.

B.                 Ordonnance sur consentement réduisant la portée de la demande

[59]           Une ordonnance sur consentement a été rendue le 19 février 2014 par le protonotaire chargé de la gestion de l’instance [traduction« de sorte que le procès puisse commencer avant septembre 2014 » [l’ordonnance sur consentement]. Cette ordonnance prévoyait que le procès devait durer 25 jours à compter du 12 mai 2014. TPG a accepté de limiter l’action à sa conclusion selon laquelle la Couronne n’avait pas respecté le contrat A. Les parties ont déposé des actes de procédure modifiés. Voici un extrait pertinent de l’ordonnance sur consentement :

[traduction]

Les conclusions et allégations qui suivent ont été formellement retirées par la demanderesse, sous réserve, et ne feront pas partie des allégations soulevées à l’encontre de la défenderesse, même si certains passages ambigus des actes de procédure peuvent laisser place à une interprétation contraire :

(i)         toutes les allégations relatives à des conflits d’intérêts;

(ii)        toutes les conclusions relatives à des dommages‑intérêts punitifs;

(iii)       toutes les allégations de négligence;

(iv)       toutes les allégations de mauvaise foi, y compris toutes les demandes concernant l’inconduite, la partialité, la fraude ou l’iniquité;

(v)        toutes les allégations relatives au processus d’évaluation de la soumission de TPG Technology Consulting Ltd (« TPG »);

(vi)       toutes les allégations selon lesquelles la DP a été rédigée ou rédigée de nouveau au profit de CGI ou au préjudice de TPG;

toutes les allégations selon lesquelles la défenderesse est à l’origine d’une rupture de contrat ou est intervenue dans les intérêts financiers de la demanderesse.

XI.       Témoins au procès

[60]           TPG a convoqué six témoins des faits (Donald Powell, Stan Estabrooks, Brian Fleming, Valerie Bright, David Watts et Perry Henningsen) et deux témoins experts (Tom McIlwham et Greg McEvoy). À l’issue d’un voir‑dire, la Cour a rendu la décision ci‑après relativement à la portée du témoignage et aux compétences de M. McIlwham:

[traduction]

Je suis convaincu que, compte tenu de la preuve déposée lors du voir‑dire, M. McIlwham, qui a travaillé à la mise en œuvre, à la fourniture et à la gestion de services de TI pendant une quarantaine d’années, a acquis des connaissances spécialisées et la Cour lui reconnaît la qualité d’expert dans le domaine de la mesure du rendement et du niveau de service dans le contexte de services de TI. Pour ces raisons, il peut fournir une preuve sous forme d’opinion sur les sujets ci‑après : premièrement, la nature des « paramètres de rendement » et « des mesures du niveau de service » dans l’industrie des TI; deuxièmement, l’application de paramètres de rendement et de mesures du niveau de service aux contrats fondés sur les niveaux de service; troisièmement, la question de savoir si les paramètres de rendement et les mesures du niveau de service proposés par la demanderesse étaient pertinents et s’il était raisonnable de s’attendre à ce que la DGSIT les utilise dans un cadre contractuel de niveau de service.

[61]           La Couronne a convoqué dix témoins des faits (Mark Henderson, Robert Tibbo, Don Bartlett, Vikas Verma, Jim Bezanson, Louis Boudreault, Paul Swimmings, Michèle Charette, Dominique Gagnon et Luc Boileau) et un témoin expert, Dave Clarke.

[62]           MM. McEvoy et Clarke sont tous deux comptables et évaluateurs agréés et ils ont été tous les deux reconnus comme des experts en évaluation des entreprises et des dommages.

[63]           Il est arrivé qu’un témoin argumente ou dépose de façon évasive. Cependant, tous les témoins, à l’exception de Luc Boileau, ont été jugés crédibles de façon générale. La crédibilité de M. Boileau a été affaiblie lorsqu’il a lui‑même renié certains des termes qu’il avait utilisés dans son carnet de notes en expliquant que ce qu’il avait écrit n’était qu’un aide‑mémoire qui voulait dire exactement le contraire de ce qu’il avait écrit :

[traduction]

Comme je l’ai dit, ces notes constituent un rappel pour moi, d’accord? Je suis très occupé. J’écris des choses sans trop y réfléchir. Dès que j’ai un mot ou deux que je peux utiliser pour me rappeler ce que je dois dire, alors je m’exprime sur le sujet en question, mais je ne considère pas que mes notes sont à prendre telles quelles.

Je n’accepte pas cette explication. Le bon sens et la logique nous empêchent d’accepter le fait que des notes, rédigées sur le même support, le même jour, représentent parfois exactement la pensée de l’auteur et parfois l’exact opposé de cette dernière.

[64]           Chacun des cinq évaluateurs a témoigné et a fait le maximum pour se rappeler les événements et les discussions qui ont eu lieu quelque huit ans auparavant. Chacun a semblé fier du travail qu’il avait accompli dans le cadre du processus d’évaluation, de sorte que certains se sont parfois irrités lorsqu’on a laissé entendre qu’ils avaient peut‑être échoué. Ce genre de réaction est prévisible. De la même façon, il était normal que M. Powell, qui a consacré beaucoup de temps et d’argent au présent litige, ait parfois offert des opinions tranchées sur les lacunes du processus.

[65]           Ont participé aux séances d’évaluation collective, qui ont constitué une grande partie de la preuve, les évaluateurs, M. Tibbo, qui animait les séances, de même que M. Henderson. Selon la preuve non contredite, M. Henderson n’a pas pris part à ces séances, sauf qu’il était présent. Il a déclaré que son rôle consistait à [traduction« superviser le processus ». Il était le haut fonctionnaire responsable de la DP et du contrat qui allait en résulter. En fait, il a pris sa retraite le jour même où il a recommandé au Conseil du Trésor que le marché IST 2 soit accepté par le gouvernement. Comme il n’a pas participé directement au processus qui a débouché sur le consensus des évaluateurs, la Cour préfère le témoignage des cinq évaluateurs au sien lorsqu’il y a désaccord.

[66]           Les témoignages des cinq évaluateurs divergeaient à l’occasion sur des détails; cependant, dans l’ensemble, ils étaient cohérents.

[67]           En définitive, compte tenu de la façon dont la Cour a interprété la DP et de ses conclusions sur les questions soulevées, une bonne partie de la preuve déposée n’était pas pertinente. Cependant, aucune des parties n’aurait pu le savoir au début du procès.

XII.     Questions à trancher

[68]           Les questions soulevées dans la présente instance sont maintenant formulées comme suit :

1.                  Le TCCE a‑t‑il compétence exclusive pour entendre la plainte de TPG et, le cas échéant, s’agit‑il d’une défense complète à opposer à la présente action?

2.                  La proposition de TPG a‑t‑elle été évaluée de façon injuste?

3.                  La soumission de CGI était‑elle non conforme? Le cas échéant, la Couronne était‑elle tenue de la rejeter ou de résilier le contrat qui avait été accordé?

4.                  Si TPG a droit à des dommages‑intérêts, quel serait le montant approprié?

XIII.    Compétence du TCCE comme moyen de défense à l’action

[69]           Pour les motifs qui suivent, le jugement doit être rendu dans le sens souhaité par la Couronne. La Cour fédérale et le TCCE ont une compétence concurrente sur les actions intentées contre la Couronne en matière de marchés publics; cependant, en l’espèce, la Cour n’exercera pas cette compétence. Le TCCE est un tribunal spécialisé qui traite spécifiquement de questions relatives aux marchés publics et il possède un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les réparations pouvant être accordées. Le recours approprié devant la Cour fédérale, étant donné la portée limitée de l’action dans sa formulation actuelle, est le contrôle judiciaire de toute décision rendue par le TCCE sur les questions relatives à la rupture du contrat A soulevées en l’espèce.

A.                Compétence du TCCE

[70]           Le principal moyen de défense invoqué par la Couronne est que le TCCE a compétence exclusive pour statuer sur les allégations formulées par TPG dans la présente action. Le TCCE tire ses pouvoirs de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, LRC 1985, c 47 (4suppl) [Loi sur le TCCE], et la Couronne soutient que le législateur entendait faire de cette loi un code législatif complet et exhaustif qui s’appliquerait à toutes les plaintes relatives aux marchés publics. La Couronne souligne que la Cour d’appel fédérale a conclu que le TCCE est un tribunal administratif spécialisé qui possède une expertise dans le domaine des marchés publics et qu’il a récemment rendu des décisions portant sur des allégations semblables à celles que soulève TPG en l’espèce.

[71]           TPG répond que le juge Near, dans la décision TPG c Canada no 1 CF, a déjà conclu que le TCCE n’a pas compétence exclusive pour résoudre les différends découlant de processus injustes ou inappropriés d’octroi de marchés publics, particulièrement lorsque la cause d’action est la rupture de contrat ou le délit. Elle souligne que la Couronne n’a pas interjeté appel de cet aspect de la décision devant la Cour d’appel fédérale. Elle soutient que la question de la compétence du TCCE, qui constituerait un moyen de défense complet, a l’autorité de la chose jugée. Elle a déjà été tranchée.

[72]           La Couronne réplique que les questions en litige sont bien différentes de celles dont était saisi le juge Near. Plus précisément, elle souligne qu’il n’existe plus de conclusion fondée sur la responsabilité délictuelle ou la mauvaise foi; l’action a été limitée à la seule conclusion fondée sur la rupture du contrat A. Elle ajoute que TPG disposait dès le 26 février 2008 de tous les renseignements dont elle avait besoin sur les allégations actuelles, alors qu’elle a reçu toutes les feuilles de pointage, la liste des critères en vertu desquels la proposition retenue de CGI avait obtenu une meilleure cote que TPG, de même que la justification desdits résultats. Elle soutient que TPG aurait pu et aurait dû déposer une plainte devant le TCCE à cette époque plutôt que de se pourvoir devant la Cour fédérale. La Couronne affirme qu’en ne recourant pas au processus plus efficace du TCCE, TPG a retardé la décision sur la demande jusqu’à l’extrême limite de la période de validité du marché IST 2. La Couronne affirme que, pour cette raison, elle pourrait avoir à payer à la fois CGI et TPG alors que la demande aurait pu être tranchée beaucoup plus tôt, ce qui aurait pu limiter sa responsabilité.

B.         Répercussions de la décision TPG c Canada no 1 CF

[73]           Comme il a été mentionné précédemment, les questions soumises à la Cour en l’espèce ont une portée beaucoup plus étroite que celles dont était saisi le juge Near dans l’affaire TPG c Canada no 1 CF. Ce dernier a conclu que les faits de l’action, dans la forme qu’elle revêtait alors, ne relevaient pas de la compétence du TCCE parce que TPG invoquait des « causes d’action [qui] ne sont pas prévues par la Loi sur le TCCE ». Il a ajouté que, eu égard aux causes d’action alors invoquées, le seul recours approprié était l’action devant la Cour fédérale. Par conséquent, le principe selon lequel la Cour ne doit pas exercer sa compétence si la loi prévoit un autre recours approprié ne s’appliquait pas.

[74]           Le juge Near a aussi précisé que la Loi sur le TCCE ne prévoit pas expressément que la Couronne ne peut pas être poursuivie au civil, contrairement à d’autres lois où le législateur a énoncé explicitement son intention en ce sens. Enfin, il a souligné que le TCCE lui‑même avait jugé que « les questions d’administration de contrat ou d’exécution de contrat ne relèvent pas de sa compétence »; le TCCE a plutôt comme fonction principale de s’assurer du respect des obligations qu’imposent au Canada certaines ententes commerciales internationales et nationales et non de statuer sur des recours de common law intentés contre la Couronne.

[75]           Bien que je souscrive à bon nombre des observations du juge Near, j’estime que, lorsque la seule allégation soulevée porte sur la rupture du contrat A découlant de l’absence d’équité du processus d’acquisition et de l’acceptation d’une proposition non conforme, la Cour fédérale devrait déférer l’affaire au TCCE, qui a compétence à cet égard.

C.                 Cadre de détermination de la compétence

[76]           Le cadre analytique qui permet de trancher les questions de compétence dans le contexte administratif a été récemment établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Association des compagnies de Téléphone du Québec Inc c Canada (Procureur général), 2012 CAF 203, [2012] ACF no 1162, aux paragraphes 26‑29 [arrêt Association]. Dans cette affaire, les appelantes avaient saisi la Cour d’appel fédérale d’une requête visant à surseoir à une ordonnance du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [CRTC] en attendant que le gouverneur en conseil ait statué sur l’appel d’une décision du CRTC, mais elles n’avaient pas interjeté appel au fond de ladite décision devant la Cour d’appel fédérale. Si le contexte de l’arrêt Association diffère de celui de l’espèce, les arguments examinés par la Cour d’appel sont tout de même semblables à ceux qui sont soulevés en l’espèce en ce sens que l’intimée a soutenu qu’il existait un autre tribunal approprié.

[77]           Selon la Cour d’appel fédérale, trois questions doivent être posées. Premièrement, la Cour a‑t‑elle compétence, de sorte qu’elle peut statuer sur l’affaire dont elle est saisie? Deuxièmement, est‑ce que des restrictions discrétionnaires font en sorte que la Cour ne devrait pas exercer sa compétence (comme l’existence d’autres recours administratifs appropriés ou la possibilité qu’un autre tribunal ait une plus grande expertise dans le domaine)? Troisièmement, à quel résultat la Cour devrait‑elle parvenir quant au fond? Voilà le cadre à l’intérieur duquel la défense de la Couronne sera évaluée.

D.                La Cour a‑t‑elle compétence, de sorte qu’elle peut statuer sur l’affaire dont elle est saisie?

[78]           La Couronne reconnaît que la Cour fédérale a compétence sur l’action telle qu’elle a été introduite. L’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, confère à la Cour fédérale « compétence concurrente, en première instance, dans les cas de demande de réparation contre la Couronne », sauf disposition contraire de la Loi sur les Cours fédérales ou de toute autre loi fédérale. Aucune disposition de la Loi sur le TCCE n’exclut explicitement la compétence concurrente en première instance de la Cour fédérale dans les cas de demandes contre la Couronne, ce que la Couronne reconnaît. Cette conclusion est semblable à celle à laquelle est arrivée la Cour d’appel fédérale, au vu des faits, dans l’arrêt Association. Par conséquent, il s’agit de déterminer si la Cour doit néanmoins refuser d’exercer cette compétence.

E.                 Des restrictions discrétionnaires empêchent‑elles la Cour d’exercer sa compétence?

[79]           La Couronne soutient que la Cour devrait refuser d’exercer sa compétence dans les affaires de marchés publics qui relèvent du TCCE. À son avis, même si la loi n’exclut pas explicitement la compétence de la Cour, il est permis de conclure que le législateur entendait faire du TCCE un organisme chargé exclusivement d’instruire les plaintes relatives aux marchés publics : Vaughn c Canada, 2005 CSC 11, [2005] 1 RCS 146, aux paragraphes 2 et 59‑61 [Vaughn].

[80]           Dans l’arrêt Lebrasseur c Canada, 2007 CAF 330, [2007] ACF no 1365, aux paragraphes 18 [Lebrasseur], la Cour d’appel fédérale a interprété comme suit l’arrêt Vaughn :

[...] lorsqu’une personne peut se prévaloir d’un régime de présentation de griefs établi par une loi, comme celui de la partie III de la LGRC, afin d’obtenir une réparation pour une plainte découlant d’une situation liée au milieu de travail, les tribunaux devraient de façon générale refuser de statuer sur des réclamations en dommages‑intérêts qui ont pris naissance du même incident, et ce, même si le régime de présentation de griefs établi par cette loi n’interdit pas expressément l’exercice par ces tribunaux de leur compétence. Bien qu’ils aient le pouvoir discrétionnaire de statuer sur de telles réclamations, les tribunaux ne devraient exercer ce pouvoir que dans des cas exceptionnels. La portée de l’exception n’est toujours pas définie, mais il semblerait qu’une exception pourrait être invoquée s’il y avait atteinte à l’intégrité de la procédure applicable aux griefs (ce qui pourrait se produire, par exemple, dans certaines situations où un dénonciateur allègue qu’il y a représailles de la part de son employeur). [soulignement ajouté]

[81]           La Loi sur le TCCE établit un régime qui permet aux parties de demander réparation pour tout manquement que la Couronne aurait commis à sa procédure de passation de marchés publics. Cependant, comme il a été souligné dans l’arrêt Association, la simple existence d’un autre régime administratif n’écarte pas en soi la compétence de la Cour : Association, paragraphe 26. Le TCCE est un tribunal spécialisé (entre autres) pour trancher les questions relatives aux marchés publics. C’est ce qui ressort de sa décision sur la deuxième plainte de TPG, dans laquelle il a conclu expressément qu’il y avait eu iniquité dans l’application de certaines exigences de la DP – soit exactement l’argument avancé par TPG en l’espèce.

[82]           La Cour d’appel fédérale a conclu que le législateur avait conféré au TCCE un « vaste pouvoir discrétionnaire » et qu’il possédait une « expertise [...] quant au choix du redressement approprié » : Envoy Relocation Services c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2007 CAF 177, [2007] ACF no 627, au paragraphe 7.

[83]           Dans l’arrêt Siemens Westinghouse Inc c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2001 CAF 241, [2001] ACF no 1184 [Siemens], au paragraphe 21, la Cour d’appel fédérale a aussi déclaré que le TCCE avait été créé aux fins suivantes :

[Statuer sur des] questions de droit et de fait complexes qui exigent des connaissances spéciales dans les domaines de l’économie, des affaires et des pratiques en matière de marchés publics. Les critères détaillés énoncés dans la DP et dans le deuxième guide d’évaluation ainsi que des dispositions contractuelles et législatives complexes doivent être interprétés. En d’autres termes, en l’espèce, le TCCE n’avait pas à déterminer sir les documents d’appel d’offres indiquaient les conditions et les critères d’évaluation dans la DP et si le marché public avait été tenu conformément à ceux‑ci et aux contrats, aux accords commerciaux et à la législation applicables. Cette analyse complexe exige une expertise et une expérience uniques en leur genre et c’est une tâche dont le Tribunal s’acquitte de façon courante. [soulignement ajouté]

[84]           Dans l’affaire Siemens, le demandeur avait demandé le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le TCCE avait rejeté une plainte au sujet du caractère inéquitable de la procédure de réévaluation de la valeur technique des propositions soumises à l’égard du marché public en cause. Les observations suivantes de la Cour d’appel fédérale ont été formulées dans le contexte de la détermination de la norme de contrôle applicable à une décision du TCCE; la cour y fait cependant état de certains facteurs qui sont pertinents pour l’analyse de la compétence, dans la mesure où ils concernent le caractère adéquat du TCCE comme autre tribunal approprié :

L’expertise du TCCE dans les affaires de ce genre est indubitable. Depuis 1995, le Tribunal a examiné plus de 375 plaintes relatives à des marchés publics. Le TCCE est devenu l’autorité responsable de la contestation des propositions au Canada conformément à l’article 1017 de l’Accord de libre‑échange nord‑américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États‑Unis d’Amérique et le gouvernement des États‑Unis du Mexique [le [le 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2]] (l’ALENA) le 1er janvier 1994; il remplaçait la Commission de révision des marchés publics du Canada, qui était son prédécesseur en vertu de l’Accord de libre‑échange entre le Canada et les États‑Unis d’Amérique, [L.C. 1988, ch. 55, annexe—partie A]. Le TCCE est également devenu l’autorité responsable de la contestation des soumissions à l’égard de l’Accord sur le commerce intérieur (l’ACI), le 1er juillet 1995, et de l’Accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce [Annexe 4 de l’Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, signé à Marrakech, le 15 avril 1994] (l’AMP) le 1er janvier 1996. La législation a été édictée en vue d’assurer que les marchés publics soient passés d’une façon ouverte et équitable, et le TCCE est chargé de surveiller toutes ces activités. Le TCCE est composé d’un président, de deux vice‑présidents et d’au plus six autres membres permanents nommés pour une période d’au plus cinq ans. Un personnel composé d’experts ayant une connaissance approfondie des pratiques en matière de marchés publics aide les membres.

Il est donc clair que le législateur voulait que le tribunal expert ici en cause soit chargé de surveiller les activités du gouvernement en matière de marchés publics, l’examen de ses décisions par les cours, sauf en ce qui concerne les questions de compétence et d’autres cas exceptionnels, devant être fondé sur la norme de la décision manifestement déraisonnable, ce qui veut dire qu’à moins d’être clairement irrationnelles, pareilles décisions doivent être maintenues.

En plus de l’expertise comparative, il faut également tenir compte du libellé de la Loi. Le pouvoir d’examiner la procédure des marchés publics qui est conféré au TCCE démontre que celui‑ci a énormément de latitude. Pour être conformes à l’ACI, qui exige que les gouvernements favorisent « des procédures équitables, ouvertes et impartiales en matière de marchés publics » (voir le paragraphe 514(2)), des procédures de contestation des offres ont été établies. L’article 30.11 de la Loi sur le TCCE permet le dépôt de plaintes auprès du Tribunal concernant « la procédure des marchés publics ». Le paragraphe 30.14(2) [édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 44 de la Loi sur le TCCE prévoit également que le Tribunal détermine la validité de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. L’article 11 [mod. par DORS/96‑30 , art. 8] du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93‑602 [mod. par DORS/95‑300, art. 2] (le Règlement sur les marchés publics) précise en outre qu’en enquêtant sur une plainte, le TCCE doit déterminer si le marché public a été passé conformément à l’ALENA, à l’ACI ou à l’AMP, selon l’accord qui est applicable. Il s’agit de fait d’un pouvoir étendu.

Le libellé de la Loi sur le TCCE indique également que le Tribunal devait s’attaques aux questions influant sur les droits interdépendants de différents intéressés. À cet égard, le TCCE s’est vu attribuer certaines fonctions en matière de politique et de consultation, en plus de son rôle de supervision dans le domaine des marchés publics. Ainsi, l’article 18 de la Loi sur le TCCE prévoit que le Tribunal, sur saisine par le gouverneur en conseil, enquête et lui fait rapport sur toute question touchant les intérêts économiques ou commerciaux du Canada. Il est clairement possible de faire une distinction entre cette fonction de consultation et les fonctions régulières d’une cour qui statue sur des droits légaux. En l’espèce, le Tribunal n’agissait pas en vertu de l’article 18 ou d’une disposition analogue de la Loi sur le TCCE, mais comme il a été dit dans l’arrêt Mattel (au paragraphe 31), le rôle prévu par la loi en matière d’élaboration de politiques influe sur l’étendue de l’expertise du TCCE et donne à entendre que la présente Cour doit faire preuve d’un certain degré de retenue à l’égard des décisions du Tribunal.

La loi par laquelle le TCCE est créé ne renferme aucune clause privative. Elle ne prévoit pas non plus un droit précis d’appel. Il semble donc que les dispositions habituelles relatives au contrôle judiciaire figurant aux articles 18 à 18.5 [art. 18 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4), 18.1 à 18.5 (édicté, idem)] (à l’exception du paragraphe 18.4(2)) ainsi qu’à l’article 28 [mod., idem, art. 8] de la Loi sur les Cours fédérales [L.R.C. (1985), ch. F‑7] régissent la portée de l’examen des décisions rendues par le TCCE en matière de marchés publics. [soulignement ajouté]

[85]           En résumé, le TCCE est un tribunal hautement spécialisé qui est quotidiennement saisi de questions complexes en matière de marchés publics et de liens entre les DP, les lois pertinentes et les accords commerciaux nationaux et internationaux.

[86]           Par ailleurs, comme le juge Near l’a fait observer, au paragraphe 43 de la décision TPG c Canada no 1 CF, contrairement aux autres lois fédérales, rien dans la Loi sur le TCCE n’interdit expressément les poursuites au civil contre la Couronne. De plus, les observations de la Cour d’appel fédérale reproduites ci‑dessus ont été formulées dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire. La fonction première du TCCE est de déterminer si le Canada a violé les obligations que lui imposent certains accords commerciaux internationaux et nationaux. C’est ce qui ressort de l’article 11 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93‑602, qui prévoit que « lorsque le Tribunal enquête sur une plainte, il décide si la procédure du marché public a été suivie conformément aux exigences de l’ALÉNA, de l’Accord sur le commerce intérieur, de l’Accord sur les marchés publics, de l’ALÉCC, de l’ALÉCP, de l’ALÉCCO ou de l’ALÉCPA, selon le cas ». [soulignement ajouté]

[87]           De plus, cette fonction ressort à l’évidence des décisions rendues par le TCCE relativement aux quatre plaintes déposées par TPG avant l’introduction de la présente action. Le TCCE précise lui‑même qu’il « est tenu de déterminer si le marché a été passé conformément aux accords commerciaux pertinents, soit en l’espèce l’Accord sur le commerce intérieur, l’Accord de libre‑échange nord‑américain et l’Accord sur les marchés publics » [2007] TCCE no 91, au paragraphe 11.

[88]           Cependant, certains articles de ces accords intègrent des notions relatives à l’équité de l’évaluation; par exemple, l’alinéa 1015(4)d) de l’ALENA dispose que « l’adjudication des marchés sera conforme aux critères et aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres ». Par conséquent, l’équité de l’évaluation des soumissions de même que la conformité aux conditions de la DP sont des questions qui relèvent de la compétence spécifique du TCCE.

[89]           Certes, tout manquement aux conditions de la DP ouvre droit à une action civile pour « rupture de contrat » par suite d’un manquement aux conditions du contrat A, mais TPG fait essentiellement valoir que sa proposition a fait l’objet d’une évaluation inéquitable ou non conforme aux conditions de la DP. L’essentiel de cette allégation figure dans le résumé écrit de ses conclusions finales :

[traduction]

Les conditions expresses du contrat A sont fondées sur les documents de l’appel d’offres. Dans la présente affaire, les documents de l’appel d’offres prévoient l’obligation expresse de résilier le contrat B si le soumissionnaire retenu ne dispose pas des ressources nécessaires au moment de la transition. Cette condition expresse du contrat A a été violée dans la présente affaire.

Le contrat A contient aussi des conditions implicites :

i)          l’obligation de traiter tous les soumissionnaires de façon juste et équitable;

ii)         l’obligation de ne pas accepter une soumission non conforme;

iii)        l’obligation de ne pas évaluer les soumissions en fonction de conditions non divulguées;

iv)        l’obligation de conclure le contrat B selon les conditions énoncées dans les documents d’appel d’offres.

Or, toutes ces conditions implicites ont été violées en l’espèce.

[90]           TPG soutient que le TCCE a lui‑même conclu que les questions relatives à l’administration ou à l’exécution des contrats ne relèvent pas de sa compétence : Airsolid inc. c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), PR‑2009‑089 (18 février 2010) [Airsolid]. Dans cette affaire, un soumissionnaire avait constaté, après la fin du processus de passation du marché public et après l’attribution du contrat au soumissionnaire retenu, que ce dernier avait fourni un bateau plus court de 10 cm par rapport à la longueur exigée dans la DP. Après avoir été informé de ce fait, TPSGC a répondu que la soumission était à première vue conforme (le soumissionnaire retenu avait transmis la reproduction d’un bateau dont la longueur était conforme aux exigences de la DP) et que, quoi qu’il en soit, TPSGC respecterait le contrat en vigueur entre le ministère et le soumissionnaire retenu. Le TCCE a conclu que le défaut de fournir un bateau conforme aux conditions du contrat en cause était une question liée à l’exécution du contrat et non à la procédure du marché public. C’est sur ce fondement que le TCCE a conclu qu’il n’avait pas compétence pour statuer sur la plainte.

[91]           Dès lors, la Cour devrait au moins exercer sa compétence et statuer sur l’allégation de TPG selon laquelle TPSGC a accepté une proposition non conforme. Cependant, à la différence de l’affaire Airsolid, la non‑conformité de la proposition de CGI était connue de TPSGC, selon TPG. De plus, TPG reconnaît qu’elle n’a aucun recours en ce qui concerne le contrat B intervenu entre TPSGC et CGI. La preuve fournie par TPG relativement à la phase de transition ne porte que sur l’allégation selon laquelle TPSGC a accepté en toute connaissance de cause une soumission non conforme.

[92]           Par conséquent, cette preuve s’attache au caractère inéquitable de l’ensemble de l’évaluation durant le processus d’octroi du marché public. Dans Airsolid, aucun élément ne permettait d’affirmer que TPSGC savait que la soumission n’était pas conforme, de sorte que le processus de passation du marché public n’avait en soi rien d’inéquitable. Une fois le contrat attribué, la question de la non‑conformité ne concernait que TPSGC et celui à qui avait été octroyé le contrat B. Par contre, en l’espèce, TPG allègue que la soumission de CGI était non conforme (comme le démontrent les actes posés par l’entreprise après l’octroi du contrat) et que, à toutes les époques pertinentes avant l’octroi du contrat, TPSGC était au fait de cette non‑conformité. Étant donné que la demande de TPG concerne le caractère inéquitable des actions de TPSGC au cours du processus même de passation du marché, le TCCE a compétence pour statuer sur cet aspect de la demande de TPG

[93]           Je conclus donc qu’aucun des éléments de la demande de TPG n’excède la compétence du TCCE. La Cour d’appel fédérale s’est régulièrement exprimée sur le caractère spécialisé et l’expertise du TCCE. TPG aurait dû déposer une plainte devant le TCCE, comme elle l’avait déjà fait à quatre reprises. Le recours qu’elle peut exercer en l’espèce est le contrôle judiciaire de la décision du TCCE.

F.                  Autres recours appropriés

[94]           La deuxième restriction discrétionnaire à l’exercice de la compétence de la Cour est celle du caractère approprié des autres recours.

[95]           Le TCCE dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire en matière de réparations; cependant, il ne peut que « recommander » la prise de mesures correctives et il incombe ensuite à l’institution fédérale concernée de mettre en œuvre lesdites recommandations dans toute la mesure du possible. Il n’est pas certain qu’un demandeur puisse faire exécuter les recommandations du TCCE contre l’institution fédérale. Cependant, à mon avis, TPG avait quand même l’obligation d’épuiser tous les recours possibles devant le TCCE et de démontrer qu’elle ne pourrait obtenir une réparation adéquate avant de s’adresser à la Cour.

[96]           La Cour d’appel fédérale a exposé, dans un contexte administratif, la doctrine des autres voies de recours dans l’arrêt Canada (Agence des services frontaliersc CB Powell Ltd, 2010 CAF 61, [2010] ACF no 274, aux paragraphes 30 à 33 [CB Powell] :

En principe, une personne ne peut s’adresser aux tribunaux qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif. L’importance de ce principe en droit administratif canadien est bien illustrée par le grand nombre d’arrêts rendus par la Cour suprême du Canada sur ce point [renvois omis].

La doctrine et la jurisprudence en droit administratif utilisent diverses appellations pour désigner ce principe : la doctrine de l’épuisement des recours, la doctrine des autres voies de recours adéquates, la doctrine interdisant le fractionnement ou la division des procédures administratives, le principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire et l’objection contre le contrôle judiciaire prématuré. Toutes ces formules expriment la même idée : à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui‑ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.

...

Partout au Canada, les cours de justice ont reconnu et appliqué rigoureusement le principe général de non‑ingérence dans les procédures administratives, comme l’illustre la portée étroite de l’exception relative aux « circonstances exceptionnelles ». Il n’est pas nécessaire d’épiloguer longuement sur cette exception, puisque les parties au présent appel ne prétendent pas qu’il existe des circonstances exceptionnelles qui permettraient un recours anticipé aux tribunaux judiciaires. Qu’il suffise de dire qu’il ressort des précédents que très peu de circonstances peuvent être qualifiées d’« exceptionnelles » et que le critère minimal permettant de qualifier des circonstances d’exceptionnelles est élevé (voir à titre général l’ouvrage de D.J.M. Brown et J.M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (édition à feuilles mobiles) (Toronto, Canvasback Publishing, 2007), pages 3:2200, 3:2300 et 3:4000, ainsi que l’ouvrage de David J. Mullan, Administrative Law (Toronto, Irwin Law, 2001), pages 485 à 494). Les meilleurs exemples de circonstances exceptionnelles se trouvent dans les très rares décisions récentes dans lesquelles les tribunaux ont accordé un bref de prohibition ou une injonction contre des décideurs administratifs avant le début de la procédure ou au cours de celle‑ci. Les préoccupations soulevées au sujet de l’équité procédurale ou de l’existence d’un parti pris, de l’existence d’une question juridique ou constitutionnelle importante ou du fait que les toutes les parties ont accepté un recours anticipé aux tribunaux ne constituent pas des circonstances exceptionnelles permettant aux parties de contourner le processus administratif dès lors que ce processus permet de soulever des questions et prévoit des réparations efficaces (voir Harelkin, Okwuobi, paragraphes 38 à 55, et University of Toronto c. C.U.E.W, Local 2 (1988), 55 D.L.R. (4th) 128 (Cour div. Ont.)). Ainsi que je le démontrerai sous peu, l’existence de ce qu’il est convenu d’appeler des questions de compétence ne constitue pas une circonstance exceptionnelle justifiant un recours anticipé aux tribunaux.

[soulignement ajouté]

[97]           La Cour d’appel fédérale a tenu ces propos alors qu’elle devait déterminer si elle avait compétence pour procéder au contrôle judiciaire d’une décision du président de l’Agence des services frontaliers du Canada; on peut cependant les interpréter de façon large et s’y appuyer pour déterminer si la Cour devrait instruire la présente action. C’est ce que confirme le paragraphe 4 où le juge Stratas dit : « À défaut de circonstances extraordinaires, lesquelles n’existent pas en l’espèce, les parties doivent épuiser les droits et les recours prévus par ce processus administratif avant de pouvoir exercer quelque recours que ce soit devant les tribunaux judiciaires, même en ce qui concerne ce qu’il est convenu d’appeler des questions "de compétence" ».

[98]           En l’espèce, comme dans l’affaire CB Powell, les parties n’ont pas invoqué de circonstances exceptionnelles qui auraient justifié un recours anticipé aux tribunaux judiciaires. M. Powell a répété tout au cours de son témoignage qu’il ne servait à rien de s’adresser au TCCE :

[traduction]

R. J’ai estimé que le TCCE ne constituait pas un mécanisme utile parce qu’il n’avait aucun pouvoir en matière d’interrogatoire.

Q. D’après ce que vous dites, M. Powell, le TCCE ne voulait pas vraiment aller au fond des choses et vous avez décidé que le saisir de l’affaire constituerait une perte de temps?

R. C’est à peu près ça.

Q. Au lieu de déposer une plainte devant le TCCE, vous avez intenté l’action qui nous amène ici aujourd’hui?

R. Oui, j’ai conclu que nous avions besoin de beaucoup plus de renseignements au sujet de ce qui avait fait en sorte que nos cotes passent de quasi parfaites à médiocres et je ne croyais pas que nous pouvions obtenir ces renseignements en nous adressant au TCCE.

[99]           M. Powell a peut‑être raison lorsqu’il fait état des différences entre une procédure judiciaire et une procédure devant le TCCE; cependant, je souligne que l’article 17 de la Loi sur le TCCE accorde à ce dernier les attributions d’une cour supérieure d’archives, notamment pour obliger les témoins à comparaître, et pour « toutes autres questions liées à l’exercice de sa compétence ».

[100]       Quoi qu’il en soit, la doctrine des recours appropriés ne requiert pas de se demander jusqu’à quel point la procédure administrative ressemble à la procédure judiciaire. Elle exige seulement qu’un recours adéquat soit ouvert au plaignant. Même si M. Powell a exprimé l’avis que le [traduction« TCCE a compétence en ce qui concerne les accords commerciaux et non les dommages‑intérêts civils », le fait est que le TCCE a le pouvoir de recommander que des dommages‑intérêts soient versés en guise de réparation.

[101]       L’article 30.15 de la Loi sur le TCCE accorde à ce dernier le pouvoir de « recommander que soient prises des mesures correctives », dont : un nouvel appel d’offres; la réévaluation des soumissions présentées; la résiliation du contrat spécifique; l’attribution du contrat spécifique au plaignant; le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant [soulignement ajouté]. Il s’agit de toute évidence d’un vaste pouvoir discrétionnaire et l’indemnisation de toute violation établie est une réparation que le TCCE peut accorder.

[102]       Le paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE énumère les facteurs que ce dernier doit prendre en compte lorsqu’il recommande une réparation, notamment : la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics; l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé; l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication; la bonne foi des parties; et le degré d’exécution du contrat.

[103]       L’article 30.18 dispose : « Lorsque le Tribunal lui fait des recommandations en vertu de l’article 30.15, l’institution fédérale doit, sous réserve des règlements, les mettre en œuvre dans toute la mesure du possible » [soulignement ajouté]. Bien qu’elle soit rédigée en termes impératifs, la disposition contient également une réserve quant à la mesure dans laquelle l’institution fédérale doit mettre en œuvre lesdites recommandations. De plus, le paragraphe 30.18(2) envisage la possibilité que l’institution fédérale ne puisse pas mettre en œuvre les mesures recommandées. Dans un tel cas, l’institution fédérale doit faire savoir au TCCE dans quelle mesure elle compte mettre en œuvre les recommandations et, si elle n’entend pas les appliquer en totalité, lui motiver sa décision.

[104]       Le témoignage de M. Powell permet de constater qu’il a des réserves quant au caractère exécutoire de l’indemnité que le TCCE pourrait octroyer à TPG et laisse voir son impression générale quant à la valeur d’un recours devant le TCCE :

[traduction]

Q. Voici ce que je voulais dire, Monsieur : Vous avez reçu de nouveau les documents en juillet, vous saviez que vous pouviez déposer une plainte devant le TCCE, vous connaissiez le délai de 10 jours, mais vous ne l’avez pas déposée.

R. Je réserverai mon jugement à ce sujet, mais il est évident que le TCCE est un mécanisme doté de moyens très limités. Le TCCE ne peut pas vraiment obliger une partie à verser des dommages‑intérêts ou, en tout cas, ses recommandations à cet égard ne sont pas exécutoires. Il n’est pas possible d’interroger les témoins au préalable. Il n’est pas possible de forcer quelqu’un à témoigner. C’est une perte de temps.

Q. Je me demande si je pourrais vous demander de laisser de côté pour l’instant votre jugement et de répondre maintenant à la question.

R. Quelle question?

Q. Vous reconnaissez que, au moment où vous avez reçu de nouveau les documents en juillet, qui contenaient les cotes financières et techniques, vous saviez que vous pouviez déposer une plainte devant le TCCE dans les 10 jours et vous avez refusé de le faire?

R. Oui, c’était une perte de temps.

[105]       Malgré l’opinion de M. Powell quant à la valeur du processus du TCCE, il s’agissait d’une voie de recours dont disposait TPG. Le 26 février 2008, TPG avait reçu les feuilles de pointage de chacun des cinq évaluateurs, les cotes collectives visant l’évaluation de la proposition technique et une liste de ces critères cotés, avec les cotes du soumissionnaire retenu, qui étaient plus élevées que celles de TPG, de même que la justification desdites cotes. TPG disposait de tous les renseignements dont elle avait besoin pour déposer une plainte devant le TCCE, pour les mêmes motifs que ceux sur lesquels repose la présente action et, selon son propriétaire, elle ne l’a pas fait parce que, à son avis, [traduction] « c’était une perte de temps ».

[106]       Avec égards, j’estime que les appréhensions de M. Powell au sujet du recours devant le TCCE ne font pas partie des circonstances exceptionnelles de l’exception à la restriction discrétionnaire liée à l’existence d’un autre recours approprié. M. Powell aurait pu déposer une plainte devant le TCCE et, s’il avait estimé que le processus ou la réparation étaient déraisonnables, il aurait pu demander à la Cour de procéder au contrôle judiciaire de la décision du TCCE. Au contraire, TPG a complètement refusé de soumettre au TCCE toutes les questions qui font l’objet de la présente instance. Ce refus volontaire de recourir au processus administratif n’autorise pas TPG à le contourner et à choisir la Cour comme juridiction privilégiée.

[107]       Étant donné qu’il existait un autre recours approprié, que TPG a choisi de ne pas exercer, il n’est pas pertinent en l’espèce que la Loi sur le TCCE n’interdise pas explicitement les recours civils parallèles contre la Couronne.

[108]       En résumé, je conclus que la Cour fédérale a compétence pour statuer sur la présente demande introduite contre la Couronne en application de l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales. Cependant, il s’agit d’une affaire à l’égard de laquelle la Cour ne devrait pas exercer sa compétence parce que le TCCE est un tribunal plus approprié, étant spécialisé et bien au fait de l’ensemble des questions soulevées par TPG. De plus, il a le pouvoir de recommander la réparation demandée par TPG, c.‑à‑d. l’octroi d’une indemnité. TPG avait donc l’obligation d’épuiser tous les recours dont elle disposait devant le TCCE avant de s’adresser à la Cour fédérale. Vu son refus d’utiliser cette voie de recours, la Cour ne devrait pas intervenir.

[109]       Bien que cette conclusion soit déterminante pour l’issue de la présente action, j’examinerai les deux principales allégations formulées par TPG à propos de la rupture du contrat A advenant que ma décision soit portée en appel et qu’elle soit infirmée.

XIV.    La proposition de TPG a‑t‑elle été évaluée équitablement?

[110]       TPG allègue que sa soumission a été évaluée de façon injuste et que, par conséquent, les cotes qui ont été accordées quant à neuf des exigences cotées ont été déraisonnablement abaissées lors du processus collectif, comparativement aux cotes octroyées individuellement au départ par chacun des évaluateurs. TPG soutient que, en ce qui concerne les neuf exigences en cause, le libellé de la DP était ambigu, ce qui a donné lieu à des évaluations incohérentes. Elle soutient que, dans ce genre de situation, les évaluateurs auraient dû accorder le bénéfice du doute à tous les soumissionnaires et attribuer le maximum de points. TPG aurait alors remporté l’évaluation technique. TPG allègue de plus que la réduction des cotes n’a pas été suffisamment justifiée et elle demande à la Cour de tirer à cet égard une inférence négative contre la Couronne.

[111]       La Couronne soutient que la majorité des allégations de TPG relativement à l’évaluation ont été en grande partie abandonnées par suite de l’ordonnance de consentement en vertu de laquelle TPG a abandonné les allégations suivantes :

1.                  toutes les allégations relatives à des conflits d’intérêts;

2.                  toutes les demandes relatives à des dommages‑intérêts punitifs;

3.                  toutes les allégations de négligence;

4.                  toutes les allégations de mauvaise foi, y compris toutes les demandes concernant l’inconduite, la partialité, la fraude ou l’iniquité;

5.                  toutes les allégations relatives au processus d’évaluation de la soumission de TPG;

6.                  toutes les allégations selon lesquelles la DP a été rédigée ou rédigée de nouveau au profit de CGI ou au préjudice de TPG;

7.                  toutes les allégations selon lesquelles la défenderesse est à l’origine de la rupture du contrat ou est intervenue dans les intérêts financiers de la demanderesse. [soulignement ajouté]

[112]       De plus, au procès, les parties ont conclu et versé au dossier une entente portant qu’il n’y aurait aucune allégation selon laquelle le dossier maître de l’évaluation ne reflétait pas les commentaires des cinq évaluateurs, aucune allégation selon laquelle les cotes avaient été modifiées à un moment quelconque après la dernière rencontre d’évaluation collective, le ou vers le 27 septembre 2006, et aucune allégation relative à la chaîne de possession du dossier d’évaluation maître ou des divers dossiers d’évaluation individuels.

[113]       Étant donné que ces allégations ont été abandonnées, la Couronne soutient que, en l’absence de mauvaise foi, la Cour ne devrait pas substituer son évaluation à celle des évaluateurs, qui sont des experts dans leur domaine et proviennent de divers secteurs d’activités à la DGSIT. Quoi qu’il en soit, la Couronne soutient que les évaluateurs ont suivi les directives qu’on leur avait données dans le cadre du processus d’évaluation et qu’ils ont évalué toutes les soumissions de façon juste et équitable. Elle ajoute que les ambiguïtés qui auraient pu exister dans le libellé de la DP ont été résolues lors des réunions d’étape ou au cours des rencontres d’évaluation collective, et que la même méthodologie d’évaluation a été appliquée aux trois soumissionnaires. De plus, la Couronne affirme que TPG a soigneusement choisi les exigences qu’elle conteste et qu’il n’existe aucun lien logique entre, d’une part, les exigences 3.3.3 et 3.3.5 et, d’autre part, les sept autres qui sont en cause.

[114]       La matrice des critères d’évaluation décrit les exigences 3.3.3 et 3.3.5 de la DP de même que les critères d’évaluation qui leur ont été appliqués :

[traduction]

no

Exigences

Critères d’évaluation

Pond

3.3.3

[E] La proposition doit comprendre une liste des paramètres d’exécution et des mesures du niveau de service qui, de l’avis du soumissionnaire, peuvent être pertinents pour les services IST et qui peuvent être utilisés efficacement dans le cadre contractuel du « niveau de service ».

La proposition sera cotée en fonction des mesures pertinentes proposées.

Un (1) point pour chaque paramètre de rendement/mesure du niveau de service pertinent et quantifiable dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils soient utilisés par la DGSIT dans un cadre contractuel de « niveau de service ».

Maximum 100 points

 

3,4892 %

3.3.5

[E] La proposition doit comprendre la description d’un projet ou d’un contrat antérieur à l’occasion duquel le soumissionnaire a fourni des services tout en respectant un cadre contractuel de « niveau de service » faisant appel à des paramètres de rendement et à des mesures du niveau de service semblables à ceux qui sont proposés à l’exigence 3.3.3 ci‑dessus.

La proposition doit comprendre le nom et les coordonnées d’une personne‑ressource qui représentait le client dans le projet donné en exemple et avec laquelle l’équipe d’évaluation peut communiquer afin de vérifier la véracité des renseignements qui ont été transmis.

Réponse 147 : L’évaluation sera effectuée à un niveau élevé et si une réponse détaillée est exigée, l’évaluateur demandera à la personne‑ressource de lui fournir le nom d’une personne qui peut transmettre l’information requise (p. ex. le nombre des analystes techniques en câblages intermédiaires).

Modification no 16, réponse 156 : Le recours à un consortium (entrepreneur principal et sous‑traitant(s)) est acceptable.

Réponse 162 :

La personne‑ressource doit être une personne qui était considérée comme « le client » pendant la durée du contrat.

 

La proposition sera cotée en fonction des mesures pertinentes utilisées dans le projet donné en exemple.

 

Un (1) point pour chaque paramètre de rendement/mesure du niveau de service pertinent et quantifiable dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils soient utilisés par la DGSIT dans un cadre contractuel de « niveau de service ».

Maximum 50 points

3,4892 %

[115]       Voici les cotes individuelles et les cotes collectives attribuées aux trois soumissionnaires relativement aux deux exigences susmentionnées :

[traduction]

Pointage pour 3.3.3

Soumis-sionnaire

Cotes individuelles

Cote maximale

Cote collective

CGI

M. Bartlett ...........................100

M. Bezanson ........................100

M. Boudreault .......................100

M. Swimmings ........................98

M. Verma ..............................90

100

99

IBM

M. Bartlett .............................94

M. Bezanson ..........................85

M. Boudreault .......................100

M. Swimmings ......................100

M. Verma ............................100

100

65

TPG

M. Bartlett ..............................80

M. Bezanson ..........................77

M. Boudreault........................100

M. Swimmings ........................46

M. Verma.............................100

100

49

Pointage pour 3.3.5

Soumis-sionnaire

Cotes individuelles

Cote maximale

Cote collective

CGI

M. Bartlett .............................50

M. Bezanson ..........................45

M. Boudreault ........................50

M. Swimmings ........................49

M. Verma ..............................44

50

50

IBM

M. Bartlett .............................18

M. Bezanson ..........................35

M. Boudreault ........................50

M. Swimmings ........................50

M. Verma ..............................16

50

35

TPG

M. Bartlett ..............................10

M. Bezanson ..........................32

M. Boudreault ........................50

M. Swimmings ........................22

M. Verma..............................50

50

22

[116]       Je conviens avec la Couronne que, si la moyenne des cotes individuelles n’est pas déterminante, elle est instructive. La moyenne des cotes individuelles qu’on peut voir sur le tableau révèle que, dans l’ensemble, les cotes de CGI se sont améliorées lors des rencontres d’évaluation collective, et que seule TPG a vu ses cotes diminuer pour ce qui est des deux exigences et que son évaluation a connu une baisse importante pendant le processus d’évaluation collective.

Critère 3.3.3

Soumissionnaire

Moyenne des cotes individuelles

Cote collective

Variation

CGI

97,6

99

+1,40

IBM

95,8

65

‑30,5

TPG

80,6

49

‑31,6

Critère 3.3.5

Soumissionnaire

Moyenne des cotes individuelles

Cote collective

Variation

CGI

47,4

50

+2,60

IBM

33,8

35

+1,20

TPG

32,8

22

‑9,20

[117]       Le témoignage des évaluateurs, de M. Henderson et de M. Tibbo permet de constater qu’il y a eu confusion entre les évaluateurs au sujet de l’évaluation de ces deux critères et du sens des termes [traduction« paramètres de rendement », « mesures du niveau de service » et « cadre contractuel des niveaux de service ». Il y a eu aussi confusion quant à la méthodologie à appliquer lorsqu’un soumissionnaire inscrivait plus de 100 paramètres pour l’exigence 3.3.3, étant donné que le nombre maximal de points qui pouvaient être attribués était limité à 100. De plus, une importante confusion a régné entre eux au sujet de ce qui constituait [traduction« un paramètre de rendement/une mesure du niveau de service pertinents et quantifiables dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils soient utilisés par la DGSIT ».

[118]       Au cours de la réunion d’étape du 14 septembre 2006, les évaluateurs ont convenu qu’ils évalueraient seulement les 100 premiers paramètres de rendement ou les 100 premières mesures du niveau de service énumérés par un soumissionnaire relativement à l’exigence 3.3.3. Malgré cela, M. Boudreault et M. Verma ont continué d’évaluer tous les paramètres au stade de l’évaluation individuelle, alors que les trois autres évaluateurs se sont arrêtés après le centième paramètre.

[119]       À un certain moment au cours des séances d’évaluation collective, les évaluateurs ont conclu que tous les paramètres proposés devaient faire l’objet d’une évaluation, et non seulement les 100 premiers, parce que, comme M. Boudreault l’a déclaré lors de son témoignage, [traduction] « si une partie de la réponse se trouve dans la soumission, même si c’est sous une autre rubrique, ou ailleurs, si la réponse à la question s’y trouve, il faut en tenir compte ».

[120]       Seul M. Henderson a déclaré qu’au moment où cette décision a été prise, la rencontre d’évaluation collective a été ajournée et les évaluateurs ont réévalué individuellement les paramètres de chaque proposition avant de poursuivre l’évaluation collective. Aucun des évaluateurs n’a confirmé cette version des faits. Selon leurs témoignages, que je retiens, la rencontre d’évaluation collective n’a pas été ajournée; ils ont simplement réévalué en groupe tous les paramètres avant de s’entendre sur une cote collective. À mon avis, cette façon de procéder a permis de corriger les irrégularités commises à cet égard à l’étape de l’évaluation individuelle. C’est en partie pour cela qu’il y a une étape d’évaluation collective – pour régler les problèmes survenus au cours de l’évaluation individuelle. Je n’accepte tout simplement pas l’argument de TPG, qui affirme qu’elle a été traitée différemment parce que ses paramètres (ou à tout le moins ceux qui se trouvaient après le centième paramètre dans la liste) n’ont pas fait l’objet d’une évaluation individuelle par trois des évaluateurs, mais qu’ils ont été évalués uniquement au cours des séances collectives. Ce qui importe, c’est que tous les paramètres de TPG ont fini par être évalués. Rien ne démontre que, à cet égard, TPG ait été traitée différemment des autres.

[121]       Les questions relatives à la terminologie et aux critères en fonction desquels les propositions ont été évaluées pour ce qui est des exigences 3.3.3 et 3.3.5 sont d’un autre ordre.

[122]       La confusion ayant entouré la terminologie utilisée dans la DP s’est manifestée au début de l’étape des questions et réponses, comme l’illustre ce qui suit :

[traduction]

Question 55 :

Annexe D‑1, 1.3.2.4.9

L’exigence est : « Le soumissionnaire était‑il tenu de respecter des paramètres de rendement, de service ou de fonction, ou des niveaux de service? », mais les critères d’évaluation ne portent que sur les paramètres de rendement.

a)                  veuillez définir le terme « paramètres de rendement »

b)                  pourquoi les paramètres de fonction ou les niveaux de service sont‑ils mentionnés?

c)                  pourquoi est‑il question au paragraphe 2 de mesures du rendement et non de paramètres de rendement? Les termes sont‑ils identiques?

Réponse 55 :

Voici les définitions :

a)                  Les paramètres de rendement sont les unités de mesure utilisées pour décrire et quantifier le travail. Par exemple, les paramètres de rendement en matière d’ingénierie pourraient comprendre : le nombre de demandes de changement ayant eu une suite, le nombre de dossiers‑problèmes réglés.

b)                  Le terme « niveau de service » est utilisé pour décrire l’application de paramètres de rendement à la prestation d’un service acceptable. Par exemple, le niveau de service pour la gestion du changement pourrait être établi à 12 demandes de changement effectuées par semaine ou le niveau de service en gestion de problèmes pourrait être fixé à 50 p 100 de tous les dossiers‑problèmes réglés dans les 30 minutes de la notification du problème.

c)                  Les paramètres relatifs à des fonctions sont des unités de mesure utilisées pour décrire et quantifier le travail effectué par une fonction donnée. Par exemple, le nombre de demandes de modification de la base de données traitées avec succès par l’unité de la fonction chargée du soutien de l’administration de la base de données.

d)                 Oui.

Question 140

...

Dans divers passages des documents de la DP, les termes « exécution fondée sur les résultats », « approche de la prestation des services fondée sur le rendement », « services définis selon les résultats » et « approche fondée sur le niveau de service » sont utilisés. Nous avons l’impression que toutes ces expressions désignent le même concept. Est‑ce que TPSGC peut confirmer qu’elles visent en effet toutes la même chose?

Réponse 140 :

Oui – les termes approche de la prestation des services fondée sur le rendement, prestation des services en fonction des résultats et niveaux de service ont tous un sens semblable et devraient être traités comme tels.

[123]       Un courriel transmis par M. Bartlett après l’évaluation, et dans lequel il suggère certaines améliorations à apporter au processus, illustre aussi les difficultés que les évaluateurs ont eues à comprendre ces concepts :

[traduction]

Les membres de l’équipe de l’évaluation doivent s’entendre sur la définition des termes utilisés dans la DP. Les membres de l’équipe doivent s’entendre sur la définition des termes « paramètre », « paramètre de rendement » et « paramètre des niveaux de service ».

[124]       Les évaluateurs ont constaté lors des séances d’évaluation collective qu’ils ne pensaient pas tous la même chose du critère permettant d’attribuer un point à un paramètre. La MCE de la DP qui devait être utilisée par les évaluateurs précisait sans ambiguïté, relativement à l’exigence 3.3.3, qu’une proposition se verrait octroyer [traduction] « un (1) point pour chaque paramètre de rendement/mesure du niveau de service pertinents et quantifiables dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils soient utilisés par la DGSIT dans un cadre contractuel de "niveau de service" ». C’est M. Henderson qui a le mieux décrit les diverses approches utilisées et la détermination des évaluateurs à se concentrer sur la « qualité » du paramètre :

[traduction]

Certains évaluateurs ont simplement parcouru une liste et ont dit : « D’accord, nous en avons demandé 100 et il y en a 100 », et ils se sont arrêtés là. D’autres ont examiné chaque paramètre pour déterminer s’il pouvait vraiment s’appliquer à une future entente de niveau de service, et ainsi de suite.

À cause de ce manque d’uniformité, les cotes étaient incohérentes, de sorte que, après discussion, une approche uniforme été adoptée, c’est‑à‑dire qu’il fallait évaluer, reprendre le processus, réévaluer cette partie des propositions. Chaque évaluateur devait procéder de cette façon, soit, à mon avis, examiner la qualité du paramètre de rendement en fonction de la façon dont l’exigence était formulée dans la DP, et c’est ce qui a été fait.

Il semble que cet accent sur la « qualité » du paramètre s’expliquait par le fait que les évaluateurs avaient relu l’exigence et qu’ils s’étaient concentrés sur l’énoncé selon lequel les paramètres étaient ceux que le soumissionnaire jugeait pertinents et qui [traduction] « pouvaient être utilisés efficacement dans le cadre des « niveaux de service » [soulignement ajouté] ».

[125]       Tous les évaluateurs ont témoigné qu’après avoir fait ce rajustement (et pris la décision d’évaluer tous les critères), ils ont procédé à l’évaluation collective de la soumission de TPG au regard de l’exigence 3.3.3 et, plus tard de l’exigence 3.3.5. Je conclus que la preuve démontre que cette évaluation a été faite lors de la rencontre d’évaluation collective et non d’abord individuellement, puis collectivement. La preuve démontre aussi que les évaluateurs ont repris l’évaluation de la soumission d’IBM. Aucun élément de preuve ne démontre clairement que la proposition de CGI a été réévaluée.

[126]       Je conviens avec TPG que le registre des rencontres d’évaluation collective et des décisions qui ont été prises à ces occasions est tout simplement incomplet. En fait, je conclus qu’il est tout à fait inadéquat en ce qu’il ne permet pas de répondre à certaines questions fondamentales, comme celles de savoir à quel moment les évaluateurs se sont rendu compte qu’ils n’étaient pas sur la même longueur d’onde quant à la norme à appliquer dans l’évaluation de l’exigence 3.3.3, et ce qu’ils ont alors fait avec les propositions déjà cotées collectivement. De plus, le registre ne nous permet tout simplement pas de répondre aux questions d’un soumissionnaire non retenu qui chercherait à avoir des explications sur la cote attribuée à sa proposition. M. Tibbo a déclaré que c’est ce genre de renseignements qu’il a demandé aux évaluateurs d’être prêts à fournir – et pourtant, il n’a pas réussi à tenir exactement ce type de registre lors des séances les plus importantes du processus d’évaluation – les séances d’évaluation collective.

[127]       Compte tenu du témoignage des évaluateurs, et en particulier des différentes couleurs d’encre employées par certains d’entre eux sur leurs feuilles de cotation, il est très probable que la décision de se concentrer sur la « qualité » du paramètre ait été prise après que la soumission de CGI eut fait l’objet d’une évaluation collective. Si les évaluateurs n’ont pas fait marche arrière et n’ont pas réévalué la soumission de CGI de la même façon qu’ils l’ont fait pour TPG, alors cette dernière n’a pas été traitée de façon juste et cohérente. Il en est ainsi même si, comme les évaluateurs l’ont déclaré dans leurs témoignages, la proposition de CGI et ses paramètres étaient conformes à l’exigence selon laquelle l’accent devait être placé sur un cadre fondé sur les résultats, alors que ça n’était pas le cas pour TPG. Il n’appartient pas à la Cour de faire l’évaluation que les évaluateurs auraient dû faire – le rôle de la Cour est de déterminer si TPG a été traitée de façon aussi juste et équitable que CGI et, à cet égard, je conclus que ce ne fut pas le cas.

[128]       TPG ayant démontré qu’une modification a été apportée au processus d’évaluation au moment d’évaluer sa soumission, il incombe à la Couronne de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que la même chose a été faite pour les autres soumissionnaires. La Couronne n’a pas réussi à s’acquitter de ce fardeau – ce qui est en grande partie attribuable au registre incomplet et imprécis des discussions qui ont eu lieu pendant les séances d’évaluation collective et des décisions qui ont été prises à cette occasion.

[129]       La Cour conclut aussi que l’évaluation de la soumission de TPG quant aux exigences 3.3.3 et 3.3.5 n’a pas été faite de façon équitable parce que le processus n’a pas été appliqué uniformément.

[130]       La Couronne a établi que, en réponse à ces deux exigences, TPG a simplement fourni les paramètres qu’elle avait élaborés pour le marché IST 1. Bien que lesdits paramètres aient été élaborés en collaboration avec TPSGC, le fait est qu’ils l’ont été dans le contexte d’un cadre contractuel fondé sur un taux quotidien ou le niveau d’effort, et non sur les résultats comme le prévoyaient les exigences en question.

[131]       Rien ne permet à TPG de supposer que les paramètres qu’elle avait élaborés dans le contexte d’un contrat fondé sur un taux quotidien seraient pertinents dans le contexte d’un contrat fondé sur les résultats, surtout que les critères d’évaluation précisent en toutes lettres que les paramètres doivent pouvoir s’appliquer à un cadre contractuel fondé sur les résultats. L’intention qu’avait TPSGC de passer à un modèle fondé sur les résultats était clairement énoncée dans la DP et lesdites exigences étaient d’une importance évidente.

[132]       M. McIlwham a déclaré que tous les paramètres proposés par TPG correspondaient aux disciplines de l’Information Technology Infrastructure Library [ITIL]. M. McIlwham a décrit l’ITIL comme un [traduction] « cadre régissant la façon dont les intéressés doivent fournir des services ». Selon lui, l’ITIL [traduction« a créé une base d’évaluation et de connaissances ainsi que des programmes d’amélioration des processus qui permettent à des organisations de passer du niveau de maturité un au niveau de maturité cinq, ce dernier étant le résultat d’un processus très coûteux ».

[133]       M. McIlwham a décrit comme suit la façon dont il a préparé son rapport :

[traduction]

J’ai pris tous les éléments des réponses de TPG et je les ai répartis entre les diverses disciplines pertinentes de l’ITIL; la troisième colonne était – la première colonne, la zone de rendement qui faisait l’objet de l’évaluation et l’autre, la discipline de l’ITIL pertinente. Chacun des éléments correspondait aux éléments et disciplines de l’ITIL, de sorte que je ne pouvais pas comprendre pourquoi certaines parties de l’évaluation pouvaient être jugées non pertinentes.

[134]       J’accorde peu de poids au témoignage de M. McIlwham. Premièrement, il a évalué uniquement la soumission de TPG, mais non celle de CGI ou d’IBM. Deuxièmement, le fait que les paramètres proposés par TPG correspondaient aux disciplines de l’ITIL n’est pas pertinent. L’ITIL ne donne aucun paramètre et ne précise pas les paramètres qui seraient pertinents pour chacune de ses disciplines. M. McIlwham a décrit comme suit l’importance de l’ITIL :

[traduction]

Q. Bon. Puis : « Le rôle du cadre de référence de l’ITIL est de décrire des approches, des fonctions, des rôles et des processus sur lesquels les organisations peuvent fonder leurs propres pratiques. Le rôle de l’ITIL est de fournir un encadrement au niveau le plus bas qui s’applique en général. En deçà de ce niveau, la mise en œuvre d’ITIL dans une organisation exige une connaissance précise des processus fonctionnels de cette dernière pour garantir une efficacité optimale ». Et vous êtes d’accord avec tout ça?

R. Oui.

Q. Et l’essentiel, si je comprends bien, et je pense que vous et moi pouvons nous entendre là‑dessus, c’est tout simplement que vous appliquez ces lignes directrices de base, puis que vous utilisez votre expertise et votre jugement pour les adapter aux besoins de l’organisation à laquelle ils s’appliquent. C’est bien cela?

R. Oui, c’est bien de cette façon que ça fonctionne.

[135]       Par conséquent, l’ITIL fournit simplement un modèle des meilleures pratiques de l’industrie. Dans la mesure où cette information est pertinente, le fait que les paramètres de TPG correspondaient aux diverses disciplines de l’ITIL montre simplement qu’ils satisfaisaient aux normes des meilleures pratiques de l’industrie. M. McIlwham a reconnu que, peu importe si les paramètres correspondaient aux disciplines de l’ITIL, nous ne savons pas pour autant si les paramètres proposés répondaient aux exigences de la DP :

[traduction]

Q. Vous dites dans votre tableau que chacun de ces paramètres de rendement correspond à une discipline de l’ITIL. C’est bien cela?

R. C’est juste.

Q. Et je vous demande de me confirmer que c’est tout ce que nous dit ce tableau.

R. Ce tableau?

Q. Oui.

R. C’est juste.

Q. Ensuite, au sujet de la phase deux ou de l’étape deux, si je peux dire, en reformulant ce que vous avez expliqué, vous dites qu’à votre avis tous ces paramètres de rendement répondent aussi à l’exigence 3.3.3.

R. C’est juste.

Q. D’accord. Je dis tout simplement que, à votre avis, ces deux listes sont les mêmes, ou peut‑être pas. Il ne s’agit pas de créer une controverse, mais ce n’est pas parce qu’un paramètre est conforme à l’ITIL que l’on peut pour autant conclure qu’il correspond aux exigences d’une DP. Pour cela, nous devons consulter la DP?

R. L’ensemble de la DP.

Q. Oui. Est‑ce que nous sommes d’accord à ce sujet?

R. Oui.

[136]       M. McIlwham a aussi reconnu que les paramètres d’évaluation applicables à un contrat fondé sur les résultats seraient différents de ceux applicables à un contrat à taux quotidien ou à un contrat fondé sur le niveau d’effort :

[traduction]

Q. Oui, le paiement se fait selon le résultat et il s’ensuit logiquement, comme vous l’avez dit, que le paramètre au moyen duquel le résultat est mesuré serait différent parce qu’il s’agit d’une proposition différente, n’est‑ce pas?

R. Oui.

Q. En d’autres termes, s’il s’agit d’un contrat fondé sur les résultats, il ne suffit pas de calculer combien d’objets ont été fabriqués, mais il faudrait établir combien d’objets ont été fabriqués à l’intérieur d’un certain délai ou en fonction d’une certaine exigence ou d’un certain paramètre, n’est‑ce pas?

R. Oui.

Q. Parce qu’une forme quelconque de mesure est nécessaire, il faut déterminer, pour reprendre les termes que vous avez utilisés, si et de quelle façon le travail est effectué afin de vérifier si le rendement est satisfaisant, n’est‑ce pas?

R. C’est exact.

Q. Puis, l’entrepreneur doit vérifier si son rendement était suffisamment bon pour justifier sa rémunération parce que, comme vous nous l’avez dit, la vérification se fait en fonction des engagements pris dans le cadre du contrat, n’est‑ce pas?

R. C’est juste.

Q. Donc, si je suis payé au moment où le travail est fait, il faut vérifier si le travail est bien fait avant de décider si je peux ou non être payé, c’est juste?

R. Oui, c’est fondé sur les résultats.

Q. C’est cela. Parce que dans un contexte de résultats, le paiement n’est pas fait sur une base quotidienne, autrement dit, selon le nombre d’heures X de travail multiplié par le nombre Y de personnes, mais uniquement en fonction du travail fait et pas autrement, c’est juste?

R. Oui, le paiement est fondé sur les résultats.

Q. Et c’est la raison pour laquelle les paramètres doivent être différents?

R. J’essaye de comprendre comment vous pouvez mesurer ça, mais, oui, le paramètre serait différent. Il faut trouver une forme d’outil de mesure.

[137]       Le témoignage de M. McIlwham ne prouve rien. Le fait que les paramètres puissent correspondre aux diverses disciplines de l’ITIL n’a rien à voir avec la question de savoir si ces paramètres tiennent compte des exigences particulières de la DP. M. McIlwham a reconnu que des paramètres différents s’appliqueraient à un contrat à taux quotidien, d’une part et, d’autre part, à un contrat fondé sur des résultats. Il était simplement tenu d’examiner les paramètres fournis par TPG et non ceux des autres soumissionnaires.

[138]       Néanmoins, j’estime que les paramètres fournis par TPG à l’égard des exigences 3.3.3 et 3.3.5 n’ont pas été évalués correctement. Au procès, TPG a souligné que certains des paramètres qui ont été jugés pertinents et qui ont obtenu des points relativement à l’exigence 3.3.3 n’en ont pas obtenu quant à l’exigence 3.3.5. M. Boudreault n’a pas été en mesure d’expliquer de façon adéquate pourquoi un paramètre avait pu être jugé pertinent pour l’exigence 3.3.3 mais non pour l’exigence 3.3.5 :

[traduction]

Q. Ces éléments ont été jugés non pertinents ou considérés comme des doublons. Si vous passez au premier groupe, vous verrez la liste des éléments jugés non pertinents ou redondants. Si vous examinez la liste, vous verrez que les éléments 29 à 32, ceux que nous regardions il y a un instant, n’y sont pas. Voyez‑vous cela?

R. Oui, je le vois.

Q. En d’autres termes, les éléments relatifs à l’exigence 3.3.3 que l’on trouve à la page 611 de la soumission ont été jugés pertinents. Vous êtes d’accord?

R. Oui.

Q. En ce qui a trait au même paramètre pour l’exigence 3.3.5, ces éléments ont été jugés non pertinents. Vous êtes d’accord?

R. Oui.

Q. Ma question est en fait très simple. Pourquoi?

R. Je dirais que la question 5 concerne un projet antérieur à l’égard duquel le soumissionnaire a fourni des services dans un cadre contractuel de niveau de service, donc, et dans la mesure où je me souviens de ces faits, qui remontent à huit ans, ce contrat a été utilisé comme référence, mais il ne s’agissait pas d’un contrat fondé sur le niveau de service, alors ce serait pour cette raison que ces paramètres n’ont pas été acceptés.

Q. Est‑ce une certitude ou c’est votre meilleure hypothèse?

R. C’est une hypothèse que je fais.

Q. Je comprends.

R. Je n’en ai pas un souvenir vraiment fidèle.

Q. Ai‑je raison de dire qu’un paramètre pertinent est un paramètre pertinent? S’il est pertinent pour l’exigence 3.3.3, il doit aussi l’être pour l’exigence 3.3.5, n’est‑ce pas?

R. Oui, sauf que cette question concernait l’expérience antérieure et que l’expérience mentionnée dans la réponse n’était pas valide. Nous avons quand même, d’après ce que je vois, octroyé un certain nombre de points, mais, pour l’essentiel, la référence n’était pas valide parce que l’exemple concernait un contrat fondé sur les ressources plutôt que sur le niveau de service.

[139]       L’explication de M. Boudreault n’est pas logique. Étant donné le lien entre l’exigence 3.3.3 et l’exigence 3.3.5, il serait absurde qu’un paramètre soit pertinent pour une exigence et justifie l’attribution d’un point, mais qu’il ne le soit pas pour l’autre. De plus, si le projet donné en référence par TPG n’était effectivement pas valide, parce qu’il ne s’agissait pas d’un contrat fondé sur le niveau de service, aucun point n’aurait dû lui été octroyé et il aurait même dû être rejeté. À mon avis, ce qui précède démontre l’existence d’une lacune dans l’évaluation des paramètres.

[140]       La Couronne soutient que la Cour n’a pas à substituer son opinion à celle d’évaluateurs très compétents. L’évaluation des exigences 3.3.3 et 3.3.5 comportait un élément subjectif et il faut faire preuve d’une grande retenue à l’égard du jugement des évaluateurs : Monit International Inc c Canada, [2004] ACF no 59, aux paragraphes 277‑278.

[141]       Contrairement à ce que soutient la Couronne, en constatant que l’évaluation des exigences 3.3.3 et 3.3.5 a été déficiente, la Cour ne substitue pas son évaluation à celle des évaluateurs. Aucune expertise particulière n’est nécessaire pour constater l’existence d’une lacune dans le processus d’évaluation et l’expertise particulière des évaluateurs ne justifie pas non plus la façon dont les exigences 3.3.3 et 3.3.5 ont été évaluées (comme le révèle le témoignage de M. Boudreault). Étant donné qu’on ne nous a pas expliqué pourquoi les paramètres pertinents pour l’exigence 3.3.3 n’ont obtenu aucun point pour l’exigence 3.3.5, il n’est pas satisfait au critère de la raisonnabilité : il n’y a ni justification, ni transparence, ni intelligibilité.

[142]       En conclusion, l’adoption d’un cadre contractuel fondé sur les résultats constituait pour TPSGC un changement important et exigeait des paramètres différents. Il est possible que TPG ait proposé des paramètres totalement dénués de pertinence dans un tel cadre. Cependant, l’évaluation des paramètres relatifs aux exigences 3.3.3 et 3.3.5 était en soi déficiente.

[143]       Par ailleurs, bien que j’aie conclu, selon la prépondérance des probabilités, que TPG n’a pas été traitée de façon juste et équitable dans l’évaluation de sa proposition, et qu’il s’agit là d’une rupture du contrat A, TPG ne peut avoir gain de cause dans la présente action que si elle peut prouver qu’elle a subi des dommages par suite de cette rupture. Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’elle n’a pas réussi à le faire.

[144]       Même s’il est reconnu que les exigences 3.3.3 et 3.3.5 ont été évaluées injustement, aucun fondement probant ne permet de conclure que les sept autres exigences sur lesquelles l’action est fondée ont aussi fait l’objet d’une évaluation injuste. En fait, la seule raison invoquée par TPG pour remettre en question l’évaluation des sept autres exigences est que [traduction« les cotes collectives [sont] nettement inférieures à la moyenne des cotes individuelles ». Rien d’autre ne donne à penser que ces sept autres exigences ont été évaluées injustement. Comme l’a souligné la Couronne dans ses observations écrites : [traduction« La demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve, et n’a contre‑interrogé aucun des cinq évaluateurs, quant au caractère soi-disant inéquitable de l’évaluation des neuf critères en cause autres que les critères 3.3.3 et 3.3.5 ».

[145]       Dans ses observations écrites, TPG allègue que ces sept exigences correspondaient aux [traduction] « critères d’évaluation les plus importants en plus de 3.3.3 et 3.3.5 ». Elle soutient que, vu l’évaluation injuste réservée aux exigences 3.3.3 et 3.3.5, l’ensemble de la soumission a été évaluée injustement, et elle cite à cet effet les propos de la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 10 de l’arrêt TPG c Canada no 1 CAF, selon lesquels, si les paramètres relatifs aux exigences 3.3.3 et 3.3.5 « ont été évalués de façon inéquitable, la soumission toute entière a probablement été évaluée de façon inéquitable ». De plus, TPG soutient que, en l’absence de fondement clair justifiant l’octroi d’une cote, le soumissionnaire devrait avoir droit au [traduction« bénéfice du doute ». Selon l’analyse de TPG, si on lui avait accordé le « bénéfice du doute » pour l’ensemble des neuf critères en cause, sa soumission aurait été retenue.

[146]       La Couronne a prouvé que, même si TPG avait obtenu le maximum de points pour les exigences 3.3.3 et 3.3.5 et que les cotes des autres soumissionnaires étaient demeurées inchangées, l’issue de la DP aurait été la même. Elle affirme que, non seulement TPG n’a produit aucune preuve quant aux sept autres critères en cause, mais que les neuf critères contestés n’ont pas été choisis en fonction de principes établis et qu’il n’existe aucun lien logique entre eux. Je suis d’accord. TPG ne s’est pas déchargée du fardeau de démontrer qu’une injustice dans le processus d’évaluation a mené à un résultat différent.

[147]       Le commentaire de la Cour d’appel fédérale a été formulé dans le contexte de l’appel d’une décision sur une requête en jugement sommaire. La cour devait déterminer s’il existait ou non une véritable question litigieuse. En déclarant que, si les paramètres relatifs aux exigences 3.3.3 et 3.3.5 « ont été évalués de façon inéquitable, la soumission tout entière a probablement été évaluée de façon inéquitable », la cour ne saurait avoir voulu dire qu’il s’ensuivait automatiquement que l’évaluation de la soumission tout entière était inéquitable. La demanderesse aurait quand même dû déposer des éléments de preuve tendant à démontrer que les autres parties de la soumission avaient été évaluées de façon inéquitable.

[148]       De plus, la Cour d’appel fédérale ne disposait pas du dossier de preuve dont dispose la Cour. Il n’existe tout simplement aucun fondement probant qui permettrait de croire qu’un autre aspect de l’évaluation était inéquitable. De plus, la décision de la Cour d’appel fédérale était fondée en grande partie sur le témoignage de James Over, qui a critiqué l’évaluation des exigences 3.3.3 et 3.3.5. Cet élément n’a pas été soumis à la Cour.

[149]       Je conviens aussi avec la Couronne qu’aucun principe ne semble avoir présidé au choix des neuf exigences. TPG allègue qu’il s’agit des neuf exigences les plus importantes, mais cette affirmation ne résiste pas à l’examen. Ces neuf exigences ne sont pas celles auxquelles le plus grand poids a été accordé, même si elles font partie des 20 exigences les plus importantes. Elles ne sont pas liées entre elles quant à ce que le soumissionnaire doit fournir; par exemple, les exigences 3.3.3 et 3.3.5 ont trait aux paramètres de rendement et aux mesures du niveau de service, alors que l’exigence 2.3.1.4 concerne la mesure dans laquelle la proposition satisfait aux exigences définies pour l’ingénierie multiplateforme et que l’exigence 3.1.4 concerne un exemple de plan de transition que le soumissionnaire a élaboré dans le cadre de la prestation de services semblables à un autre client. Le seul élément qui lie ces neuf critères entre eux est qu’il s’agit des exigences présentant le [traduction« plus grand écart » entre la cote collective et la cote individuelle moyenne de TPG.

[150]       Les 20 principales exigences comptent pour 62,2 p 100 de la cote d’évaluation technique. Fait intéressant, les neuf exigences contestées par TPG ne comptent que pour 22,2 p 100 de la cote d’évaluation technique, soit environ le tiers de la cote maximale qui peut être allouée aux 20 principaux critères. Par contre, l’évaluation des critères 2.2.4.1 et 2.4.1 n’a pas été contestée par TPG, et pourtant, la cote collective qui leur a été attribuée s’écartait favorablement de la cote individuelle moyenne. Les éléments relatifs aux exigences 2.2.4.1 et 2.4.1 représentaient ensemble 9,1 p 100 de l’évaluation technique. Par conséquent, à tout le moins, ces deux critères, dont l’évaluation n’a pas été contestée, ont déjà à eux seuls plus de poids que les critères 3.3.3 et 3.3.5, qui ont été contestés.

[151]       À mon avis, cela laisse supposer que TPG a choisi de façon largement arbitraire les critères qu’elle conteste. La raison pour laquelle on pourrait soupçonner qu’il y a eu injustice dans l’évaluation –l’écart par rapport aux cotes individuelles moyennes – n’est pas suffisante pour établir l’existence d’une injustice.

XV.      La proposition de CGI était‑elle non conforme?

[152]       TPG soutient que la soumission de CGI n’était pas conforme, que la Couronne savait que la soumission de CGI n’était pas conforme au moment où elle l’a acceptée, ou a fait preuve d’aveuglement volontaire à cet égard, et que la Couronne avait l’obligation de rejeter la soumission de CGI. Plus précisément, TPG allègue que : (1) CGI a proposé le personnel affecté au contrat existant sans permission, comme s’il s’agissait de sa propre équipe; (2) certains des évaluateurs ont émis des réserves au sujet du fait que CGI était en mesure de proposer le personnel affecté au contrat existant, mais n’ont pas poussé l’affaire plus loin; (3) CGI a pris des mesures pour recruter le personnel affecté au contrat existant avec l’aide de TPSGC; (4) au lieu de rejeter la soumission de CGI, TPSGC a collaboré avec cette dernière pour l’aider à régler son problème de non‑conformité en modifiant les conditions et les délais relatifs à la réalisation de la transition; (5) la transition s’est faite de façon abrupte; et (6) CGI n’a pas fourni le nombre requis de curriculum vitæ.

[153]       La Couronne réplique que la soumission de CGI a toujours été conforme. Plus précisément (1) CGI a proposé ses propres ressources dans le cadre de sa soumission et n’a jamais transmis les noms du personnel affecté au contrat existant avant l’octroi du nouveau contrat; (2) TPSGC était autorisé à modifier de temps en temps les fonctions requises; (3) la transition s’est déroulée efficacement et, quoi qu’il en soit, TPG ne peut invoquer qu’il y a eu rupture de contrat après l’octroi du contrat; et (4) tous les curriculum vitæ exigés ont été produits.

A.        Recours à des événements postérieurs à l’octroi du contrat 

[154]       La Couronne soutient que, en alléguant que la Couronne n’a pas exigé l’exécution de la condition de la DP selon laquelle CGI devait fournir les ressources nécessaires après l’octroi du contrat, TPG invoque en fait une rupture du contrat B, ce qu’elle ne peut pas faire.

[155]       À mon avis, TPG peut s’appuyer sur la preuve concernant des événements survenus après l’octroi du contrat B, mais seulement pour prouver qu’il y a eu injustice ou rupture des conditions du contrat A. TPG n’a aucun droit d’action pour cause de rupture du contrat B intervenu entre CGI et TPSGC, et elle ne prétend pas en avoir un.

[156]       Dans l’affaire Double N Earthmovers, un soumissionnaire non retenu (Double N) avait découvert après l’octroi du contrat que le soumissionnaire retenu (Sureway) avait fourni une pièce d’équipement non conforme. Les documents d’appel d’offres portaient sur la fourniture de deux machines de modèle 1980 ou plus récent. Sureway a proposé comme machine 1, une machine de 1980 ou de modèle plus récent, et comme machine 2, une machine de 1977 ou de 1980. En réalité, le numéro de série de la machine 1 indiquait 1979 comme date de fabrication et celui de la machine 2, 1977. Double N a découvert les faits avant l’octroi du contrat et a alerté la Ville à ce sujet. Cette dernière a répondu qu’elle insisterait pour que le soumissionnaire retenu fournisse des modèles de 1980 et, environ un mois plus tard, elle a accordé le contrat à Sureway.

[157]       Lorsque Sureway a tenté de faire enregistrer son matériel non conforme auprès de la Ville, cette dernière a insisté pour que l’exigence relative à une date de fabrication postérieure à 1980 soit respectée. Sureway s’est engagée à fournir dans les 30 jours des modèles de 1980, mais elle a néanmoins fourni temporairement une machine de 1979. La machine avait en fait été remise à niveau et la Ville s’est contentée de [traduction« laisser dormir » la question.

[158]       La Cour suprême a déclaré ce qui suit, aux paragraphes 71à 73 :

Ce dont se plaint Double N (la levée par la Ville de l’exigence de fournir un modèle 1980) est survenu après la formation du contrat B. Le contrat A est exécuté dès lors que le propriétaire procède à une évaluation équitable et passe un contrat B fondé sur les conditions énoncées dans les documents d’appel d’offres. Ainsi, le propriétaire est entièrement libéré de ses obligations envers les soumissionnaires non retenus. Le contrat B est un contrat distinct qui ne s’applique pas aux soumissionnaires non retenus. Dans Ron Engineering, le juge Estey a déclaré qu’« il faut préserver l’intégrité du mécanisme d’appel d’offres chaque fois qu’il est possible de le faire en vertu du droit des contrats » (p. 121 (nous soulignons)). En droit des contrats, Double N ne peut exiger l’annulation d’un contrat auquel elle n’est pas partie, dans le but de préserver l’intégrité d’un mécanisme d’appel d’offres qui, par définition, a pris fin au moment de la formation du contrat B.

Si l’une des parties au contrat B ne respecte pas ses engagements, l’autre partie peut invoquer les droits et recours qui s’offrent à elle aux termes du contrat et en common law. Les soumissionnaires peuvent être tenus de respecter leurs engagements, sinon le propriétaire peut avoir le droit d’annuler le contrat. Ce sont ces recours qui servent de mesures dissuasives contre la présentation de soumissions trompeuses, puisque, en l’absence de collusion, les soumissionnaires ne peuvent savoir comment le propriétaire réagira. Si le propriétaire estime qu’il est dans son intérêt de lever une condition du contrat, il a le droit contractuel de le faire, sauf stipulation contraire dans le contrat. En l’espèce, la clause 9 confère à la Ville le droit d’annuler le contrat si le soumissionnaire retenu ne se conforme pas au cahier des charges, mais elle ne lui impose pas l’obligation de l’annuler.

Enfin, nous estimons qu’il existe de bonnes raisons de principe pour rejeter la position de Double N. L’observation du juge Russell au par. 56 est particulièrement pertinente :

[traduction]

Les parties au contrat B pourraient faire l’objet d’une surveillance constante de la part des autres soumissionnaires, qui pourraient contester toute dérogation aux conditions initiales du contrat A et ultimement gêner le bon fonctionnement du mécanisme d’appel d’offres en général et créer de l’incertitude relativement au contrat B.

[soulignement ajouté]

[159]       Il est à souligner que le juge du procès a conclu que « la Ville ne s’est rendu compte de la tromperie de Sureway qu’après avoir accepté la soumission de cette dernière. Selon ses dires, [traduction] "personne à la Ville n’a su en fait avant le 28 ou 29 août 1986, soit après l’adjudication du contrat à Sureway, que celle‑ci proposait de fournir un modèle 1979" (par. 27)». La Cour suprême a accepté les conclusions du juge du procès selon lesquelles la Ville « ne s’[était] rendu compte de la tromperie qu’après avoir accepté la soumission de Sureway » bien que, un mois avant l’adjudication du contrat et « à plusieurs occasions auparavant », Double N avait fait part à la Ville de ses soupçons quant à la non‑conformité de la soumission de Sureway.

[160]       Plus récemment, la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 23 de l’arrêt TPG c Canada no 1 CAF, s’est exprimée en ces termes :

Dans les circonstances, il me semble qu’il soit possible de soutenir qu’il importe peu que certains éléments de preuve sur lesquels s’appuie TPG pour prouver la rupture du contrat A se rapportent à des événements qui se sont produits durant la phase de transition. TPG s’appuie sur le fait que CGI a recruté des ressources employées après l’adjudication du contrat pour établir que la soumission de CGI n’était pas conforme au moment de sa présentation. À mon avis, la jurisprudence Double N ne rend pas nécessairement irrecevable une demande pour la rupture du contrat A simplement parce que la rupture est prouvée en partie par des éléments de preuve visant des événements qui ont eu lieu après l’adjudication du contrat.

[soulignement ajouté]

[161]       Je suis d’accord avec la Cour d’appel fédérale. L’arrêt Double N étaye la proposition selon laquelle, à partir du moment où le contrat B est octroyé, un soumissionnaire non retenu ne peut pas faire pression pour que l’autorité contractante le résilie; à partir du moment où le contrat B est formé, tous les droits et recours n’existent qu’à l’égard de l’autorité contractante et du soumissionnaire retenu. Cependant, la preuve relative à des événements survenus après l’octroi du contrat B peut être utilisée pour démontrer l’existence d’une violation du contrat A.

B.        Respect de l’exigence A.24

[162]       La principale demande de TPG a trait à l’exigence A.24 de la DP, reproduite ci‑dessous par souci de commodité :

[traduction]

En présentant une proposition, le soumissionnaire atteste, selon le cas, que :

(i) toutes les ressources proposées sont des employés du soumissionnaire;

(ii) dans le cas où il propose une personne dont il n’est pas l’employeur, il a obtenu de cette personne (ou de l’employeur de ladite personne) une autorisation écrite lui permettant d’offrir ses services pour l’exécution des travaux requis et de présenter son curriculum vitæ au responsable de la présente demande de propositions. Pendant l’évaluation de sa soumission, le soumissionnaire doit, sur demande de l’autorité contractante, fournir un exemplaire de l’attestation des personnes qui ne sont pas ses employés et dont il propose les services. Le défaut de se conformer à cette exigence pourrait entraîner le rejet de la proposition du soumissionnaire.

[163]       TPG soutient que l’exigence A.24 oblige les soumissionnaires à demander une autorisation écrite pour proposer les services de toute ressource dont il est question dans la soumission, qu’elle soit nommée individuellement ou désignée en tant que groupe. Dans son argumentation orale, l’avocat a expliqué comme suit la position de sa cliente :

[traduction]

Selon l’exigence A.24, si nous nommons quelqu’un dans notre proposition, si nous proposons un nom – en fait pas un nom, à cause de cette disposition au sujet de l’échantillon des ressources – mais si nous suggérons quelqu’un dans notre proposition et qu’il s’agit des membres du personnel affecté au contrat existant, sans les nommer, mais en les désignant en tant que groupe, il faut alors obtenir leur autorisation écrite. À mon humble avis, c’est à la fois la lettre et l’esprit de la disposition. C’est ce qu’IBM et TPG ont fait. Et il y a une certaine logique à ça, et une certaine logique derrière cette interprétation. Je pense qu’il s’agit d’une interprétation juste et raisonnable parce que l’autorité contractante doit savoir si les soumissionnaires sont en mesure de fournir lesdits services. Si nous n’avons pas l’autorisation des gens, comment pouvons‑nous fournir les services?

[164]       Il est indubitable que CGI a proposé, en tout premier lieu, le personnel affecté au contrat existant, soit les ressources qui fournissaient les services à TPG dans le cadre du marché IST 1, et il est tout aussi indubitable qu’au moment où CGI a déposé sa proposition, elle n’avait pas l’accord desdites ressources alors affectées au marché IST 1. Bien qu’elle se fût engagée à faire autoriser à l’avance ses propres employés comme ressources éventuelles, elle a dit expressément qu’il s’agissait d’une mesure visant à parer au cas où elle serait incapable de retenir les services du personnel affecté au contrat existant, et que, dans un tel cas, elle était assurée de la collaboration de la DGSIT. Voici un extrait de la proposition de CGI :

[traduction]

Le maintien en poste et le transfert des ressources actuellement affectées aux services d’IST constituent l’élément le plus important de la transition des fonctions. L’approche de CGI quant au transfert des ressources vise à maintenir les niveaux de service actuels. Cette approche comprend quatre étapes :

1. CGI fera autoriser à l’avance ses ressources humaines pour les 66 catégories afin de prévenir la situation mentionnée au point deux (2) ci‑après. CGI fera en sorte de disposer des ressources nécessaires pour les 145 postes.

2. CGI travaillera en collaboration avec la DGSIT pour désigner les ressources actuelles que la DGSIT juge essentielles pour assurer la prestation des services d’IST. CGI recrutera tout le personnel dont la DGSIT souhaitera le maintien en poste. Dans certains cas, CGI pourra suggérer le nom d’un membre de son personnel qu’elle juge plus compétent que le personnel en poste.

3. À l’issue de l’étape deux (2), CGI vérifiera s’il manque des ressources et verra à combler ce manque par des personnes déjà désignées et autorisées. Ce processus de désignation et d’autorisation préalable des ressources a commencé alors que nous étions en train de préparer notre réponse à la présente DP, comme le mentionne le point (1) ci‑dessus.

4. CGI s’emploiera de manière proactive à communiquer avec le fournisseur de services actuel après la sélection de l’entrepreneur (étape de la désignation officielle de CGI comme soumissionnaire retenu) afin de conclure une entente entre nos entreprises aux fins de planifier une stratégie de transition des titulaires actuels des postes à CGI.

...

Le maintien en poste de la majorité du personnel affecté au contrat existant réduit considérablement les risques associés au transfert de la prestation de services d’un fournisseur à un autre. Cette approche permettra à la DGSIT de tirer profit des connaissances accumulées par les ressources humaines en poste de même que du savoir collectif que CGI est en mesure de fournir dans le cadre du projet.

S’il lui est impossible de recourir aux services des titulaires actuels des postes, CGI se tournera vers ses ressources préautorisées de sorte que tous les postes soient pourvus tel qu’exigé. CGI est convaincue qu’elle peut pourvoir chacun des postes.

[soulignement ajouté]

[165]       La Couronne soutient que l’exigence A.24 doit être interprétée dans le contexte de l’ensemble de la DP, de sorte qu’il est facile de comprendre que ladite exigence ne vise que l’échantillon de dix employés dont les noms sont précisés dans la soumission conformément à l’exigence 2.5.1. Vu que les dix personnes en question sont des employés du soumissionnaire ou que le soumissionnaire a obtenu d’elles l’autorisation écrite de proposer leurs services dans le cadre de la soumission, les conditions relatives à l’exigence A.24 ont été respectées. En terminant, la Couronne fait valoir qu’il suffisait que le soumissionnaire démontre qu’il avait la capacité de [traduction« recruter du personnel et de pourvoir les postes » de la façon prévue pour le marché IST 2.

[166]       Pour les motifs qui suivent, je conviens avec la Couronne que, interprétée dans son contexte, l’exigence A.24 ne vise que l’échantillon des dix personnes dont la candidature est proposée dans la soumission.

[167]       Premièrement, comme la Couronne le souligne, il est prévu à l’exigence A.24 que, dans le cas où il [traduction« propose une personne », le soumissionnaire a obtenu de cette personne l’autorisation [traduction« de présenter son curriculum vitæ au responsable de la présente demande de propositions » [soulignement ajouté]. Ces termes correspondent beaucoup plus étroitement au point de vue de la Couronne, selon qui l’exigence A.24 prévoit qu’il faut demander à cette personne l’autorisation de proposer sa candidature et de joindre son curriculum vitæ à la soumission, qu’à celui de TPG. De plus, si nous les examinons de près, et bien que l’on puisse penser que la Couronne n’exige pas que les soumissionnaires puissent vraiment affecter sans délai leurs propres ressources, les termes utilisés ne peuvent être interprétés que dans le sens suggéré par la Couronne, parce que les seuls curriculum vitæ requis étaient ceux de l’échantillon de dix employés éventuels. Aucun autre curriculum vitæ n’était exigé relativement à [traduction« la présente demande ». Par conséquent, il s’agit des seules personnes visées par les termes [traduction] « [dans le cas où il] propose une personne ». Il n’est pas possible de proposer une personne sans la nommer ni la connaître. À mon avis, l’exigence A.24 s’éteint une fois le processus d’appel d’offres terminé, à l’étape de la transition par exemple, et elle ne s’applique pas à l’exécution du contrat B.

[168]       Cette interprétation est en outre confirmée par le fait que la liste des noms des personnes qui effectueraient les travaux devait être soumise avec le plan de transition, soit après et non avant l’adjudication du contrat. C’est ce qui ressort clairement de l’exigence 2.5 et de plusieurs des réponses aux questions posées. L’exigence 2.5 se lit comme suit :

[traduction]

La DGSIT reconnaît que, dans le cadre de son contrat avec l’entrepreneur, il y aura des changements dans les ressources affectées à la prestation des services à la DGSIT, compte tenu des mutations et des promotions. Par conséquent, la DGSIT n’a pas l’intention d’évaluer la candidature de chacune des personnes dont le soumissionnaire propose les services pour satisfaire aux exigences de la fonction initiale, des services offerts en exclusivité à des clients et des autorisations de tâche définis dans la présente DP. Cependant, la DGSIT évaluera le dossier de dix (10) personnes, à titre d’exemple des ressources que le soumissionnaire est en mesure d’offrir.

[soulignement ajouté]

Voici le libellé de la question 42 :

[traduction]

OBJET : RIO.3 Fonctions de transition, page 41 de 70, b) un plan définitif de transition sera soumis pour approbation au chargé de projet au plus tard cinq jours ouvrables après l’examen.

Le soumissionnaire retenu doit‑il fournir le nom des personnes proposées pour chaque poste associé à chaque fonction au moment de soumettre pour approbation son plan de transition définitif?

Réponse 42 :

Oui.

Voici en outre la question 170 sur le même sujet :

[traduction]

Cette réponse exige donc du soumissionnaire retenu qu’il prépare les curriculum vitæ de 145 personnes, et les grilles y afférentes, dans les 5 jours de l’adjudication du contrat. Il s’agit d’une nouvelle exigence et d’une demande irréaliste qui favorise le titulaire du contrat existant. Afin que le projet puisse débuter de façon avantageuse pour les deux parties, nous suggérons que la modification 4, question 42, et la modification 9, question 82, soient supprimées. Le soumissionnaire retenu pourra se concentrer sur le plan de transition au cours des premiers jours plutôt que sur la liste des employés.

Réponse 170 :

[traduction]

Le soumissionnaire doit fournir le curriculum vitæ des 145 employés avec son plan de transition définitif, et ce, dans les dix jours suivant l’adjudication du contrat. Chaque curriculum vitæ sera évalué selon les exigences de classification exposées en détail à l’annexe A de la partie III et ce, pour chacun des postes. Afin de pouvoir évaluer correctement le plan de transition après l’adjudication du contrat, il est impératif que le Canada ait l’assurance que le personnel qui sera affecté à la transition possède les compétences définies dans les exigences de classification.

[soulignement ajouté]

Enfin, la réponse à la question 141 expose sans ambiguïté les exigences en matière de délais :

[traduction]

Question 141 :

Au sujet de la réponse 105 : l’entrepreneur sera tenu de donner le nom des personnes affectées à l’exécution du contrat et le nom de leur entreprise.

À quel moment précis l’entrepreneur doit‑il fournir le nom des personnes en cause et celui de leur entreprise (p. ex. avec sa proposition à la clôture de la DP)?

Réponse 141 :

Le nom des personnes visées de même que celui de leur entreprise devront être fournis au moment du dépôt du plan de transition proposé.

[169]       Il ressort à l’évidence de ce qui précède que la seule fois où les noms de toutes les ressources proposées devaient être fournis, c’est au moment de présenter le plan de transition, après l’adjudication du contrat. C’est à ce moment que les personnes autres que celles qui faisaient partie de l’échantillon de dix employés seraient [traduction] « proposées ».

[170]       De plus, dans la réponse à la question 61, TPSGC a dit sans ambiguïté que le soumissionnaire n’était pas tenu de faire la preuve, au moment de l’adjudication du contrat, de sa capacité de fournir les ressources requises. C’est seulement le plan de transition qui permettait de vérifier cette capacité :

[traduction]

Le soumissionnaire doit‑il obligatoirement démontrer qu’il est en mesure de fournir dans la région de la capitale nationale (RCN), au moment de l’adjudication du contrat, l’effectif de 145 personnes décrit à l’annexe A de la Partie II?

Étant donné que l’échantillon de dix employés représente moins de 7 p 100 de l’effectif requis, il n’est pas nécessaire que ces personnes soient des résidents de la RCN, qu’elles aient une attestation de sécurité gouvernementale ou, en fait, qu’elles soient disponibles au moment de l’adjudication du contrat (objet : Modification 001 à la DP, réponse 7); il est déraisonnable de considérer cet échantillon comme une démonstration de la capacité de fournir un effectif de 145 personnes, possédant les compétences techniques de pointe nécessaires, dans la RCN.

De plus, sauf si au moins une des trois entreprises nommées en référence concerne un client œuvrant dans les limites de la RCN, les références en question ne démontreront pas la capacité de fournir l’effectif requis à l’intérieur de la RCN.

Étant donné cette situation, quels critères TPSGC utilisera‑t‑il pour déterminer si un soumissionnaire a démontré sa capacité de fournir l’effectif requis, en quantité et en qualité, dans la région de la capitale nationale?

Réponse 61 :

Il n’est pas exigé dans la présente DP que le soumissionnaire prouve sa capacité de fournir l’effectif requis dans la RCN au moment de l’adjudication du contrat. En effet, la DP permet d’évaluer la capacité du soumissionnaire de fournir les ressources requises ainsi que ses processus de recrutement et de maintien en poste du personnel. Cette capacité fera l’objet de vérifications dans le cadre de l’évaluation du plan de transition et du processus d’acceptation.

[soulignement ajouté]

[171]       TPSGC n’a jamais eu l’intention d’examiner l’ensemble des ressources qui seront fournies; il a reconnu que ses besoins évolueraient et que certaines des personnes proposées pourraient poursuivre leur carrière ailleurs. Il voulait donc évaluer la capacité des soumissionnaires de fournir du personnel compétent et il s’est appuyé à cet effet sur la [traduction] « capacité de l’entreprise ». Voir par exemple les réponses aux questions 4 et 11 :

[traduction]

La demande de propositions est structurée de façon à permettre l’examen de la capacité de l’entreprise du soumissionnaire de fournir les ressources requises selon son bassin de ressources et son rendement antérieur confirmé par des documents pertinents. Par exemple, voir l’annexe D‑1, Critères d’évaluation, 1.3.2.4.3.

TPSGC à l’intention de confirmer la capacité du soumissionnaire d’offrir les ressources requises... pendant l’étape d’évaluation en appliquant des critères d’évaluation organisationnels. Voir l’annexe D‑1, Critères d’évaluation, 2.  Échantillon d’employés; pour des raisons additionnelles de ne pas évaluer la candidature de chacune des personnes proposées avant l’adjudication du contrat.

[172]       La position avancée par TPG semble tout à fait raisonnable, c’est‑à‑dire que la partie qui cherche à obtenir des services d’IST doit être convaincue que les soumissionnaires disposent des ressources compétentes nécessaires pour répondre à ses besoins s’ils obtiennent le contrat. Néanmoins, il ressort à l’évidence de la lecture de la DP dans son ensemble et, en particulier, de la réponse à la question 12, que ce n’était pas l’approche adoptée par la Couronne dans la DP en cause.

[traduction]

Question 12 :

Vu la structure actuelle de la DP, un soumissionnaire peut l’emporter sans avoir à sa disposition une seule personne compétente pour satisfaire aux exigences de service définies dans la DP. En structurant la DP de cette façon, TPSGC accorde un avantage financier indu à un tel fournisseur parce que ce dernier peut ne pas connaître les coûts véritables de l’emploi d’un personnel technique aussi spécialisé, et proposer des taux quotidiens sans aucun lien avec la réalité, alors que les soumissionnaires qui déposent des propositions sérieuses doivent proposer des prix qui leur permettent d’offrir les services de personnes qui satisfont aux exigences de la réalité du marché.

Étant donné que les principaux processus administratifs de TPSGC et de ses clients des autres ministères dépendent de la fourniture fiable et constante de ces services, cette structure crée un risque important pour le gouvernement du Canada.

Quelles mesures concrètes prendra la DGSIT pour protéger ses clients de TPSGC et des autres ministères, et atténuer ce risque important, et empêcher la sélection d’un soumissionnaire qui n’a pas à sa disposition le personnel compétent nécessaire?

Réponse 12 :

La demande de propositions est structurée de façon à permettre l’examen de la capacité de l’entreprise du soumissionnaire de fournir les ressources nécessaires en fonction de son bassin de ressources et de son rendement antérieur confirmé par des documents pertinents.

[soulignement ajouté]

[173]       Autre exemple du peu d’importance accordé, s’il en est, aux ressources indiquées dans la soumission : TPSGC n’exigeait même pas que les personnes dont les noms figuraient dans l’échantillon proposé de la soumission soient effectivement affectées à l’exécution du contrat. La question 7 est rédigée comme suit :

[traduction]

Nous ne trouvons aucune exigence selon laquelle le soumissionnaire doit fournir les services des personnes dont les noms figurent dans l’échantillon si le contrat lui est accordé. Nous demandons à TPSGC de préciser si les personnes mentionnées dans l’échantillon doivent être affectées à l’exécution du contrat...

Réponse 7 :

Les personnes proposées dans l’« échantillon » par les soumissionnaires n’auront pas à être affectées à l’exécution du contrat si elles ne sont pas libres au moment de l’adjudication de ce dernier, dans la mesure où elles sont remplacées par des personnes qui satisfont aux critères minimums.

[soulignement ajouté].

[174]       L’exigence cotée 2.4.1 montre également que c’est seulement la capacité de recrutement du soumissionnaire qui est évaluée :

[traduction]

La proposition doit décrire le processus de gestion du recrutement que le soumissionnaire aura établi pour s’assurer que des ressources qualifiées et possédant l’expérience requise sont disponibles pendant la durée du contrat. La proposition sera cotée selon la mesure dans laquelle il sera satisfait aux éléments ci‑après :

1. Sources de candidats potentiels.

2. Processus de détermination et de documentation de l’expérience, de la qualification professionnelle et des compétences des candidats éventuels, et processus de conservation de ces données.

3. Processus de détermination des catégories de ressources dont la connaissance et l’expérience dans la prestation de services à l’intérieur d’un cadre ITIL seraient utiles, et processus de classement par priorité des candidats qui sont accrédités ITIL et/ou qui ont l’expérience de la prestation de services à l’intérieur d’un cadre ITIL.

4. Capacité de répondre à un besoin urgent de ressources additionnelles pour des classifications existantes de ressources déjà décrites dans l’exposé des besoins, partie III, en déterminant les sources de ressources ainsi que le processus proposé par le soumissionnaire pour permettre de fournir, de façon raisonnable, les services de candidats de manière urgente.

5. Capacité de répondre à un besoin urgent de ressources additionnelles pour de nouvelles classifications de ressources qui ne sont pas décrites dans l’exposé des besoins – partie III, en identifiant les sources de ressources ainsi que le processus proposé par le soumissionnaire pour permettre de fournir, de façon raisonnable, les services de candidats de manière urgente.

6. Techniques d’entrevue structurées et des processus d’évaluation des compétences, y compris des mécanismes d’administration de tests.

Je souligne en passant que le critère 2.4.1 a été pondéré à 4,35 p 100, soit plus que le critère 3.3.3 ou le critère 3.3.5. Il est donc évident que TPSGC accordait beaucoup d’importance à la capacité du soumissionnaire de cibler et de recruter des ressources.

[175]       À mon avis, la seule interprétation raisonnable de l’exigence A.24 et de la DP dans son ensemble est que seules les dix personnes qui faisaient partie de l’échantillon devaient être désignées nommément et devaient satisfaire aux conditions de l’exigence A.24. CGI respectait cette exigence.

[176]       CGI prévoyait dès le départ tenter de retenir les services du plus grand nombre possible d’employés affectés au contrat existant afin d’atténuer les risques que présentait pour la DGSIT le passage à un nouvel entrepreneur. Elle a affirmé qu’elle disposait de ressources présélectionnées et d’un bassin de ressources suffisant pour que chaque poste puisse être pourvu.

[177]       Au procès, la Couronne a soutenu qu’il existait une distinction entre proposer les services d’une personne et proposer de recruter lesdites personnes. Je suis d’accord avec elle quant à cette distinction subtile. À mon avis, CGI proposait de recruter le personnel de TPG – CGI aurait offert aux employés affectés au contrat existant des contrats de service ou d’emploi – mais ces personnes avaient la possibilité d’accepter ou de refuser son offre. CGI ne s’est pas engagée à offrir les services de l’ensemble des employés affectés au contrat existant, ou même de l’un d’entre eux. Étant donné que le personnel affecté au contrat existant disposait d’une certaine marge de manœuvre à cet égard, il est impossible de dire que CGI avait [traduction« proposé le personnel affecté au contrat existant » comme l’allègue TPG. En effet, CGI a proposé ce qui, selon plusieurs témoins, y compris M. Powell, est une pratique courante dans l’industrie, soit qu’un nouveau fournisseur tente de recruter le personnel affecté au contrat existant.

[178]       Il est évident que M. Powell déplorait le fait que CGI recrute du personnel de TPG vu les ententes d’autorisation de soumissionner qu’elle avait conclues et qui limitaient la capacité de ses employés de travailler pour des concurrents. À cause de ces ententes, TPG avait l’impression que tout concurrent qui souhaitait recruter des membres de son personnel devrait négocier directement avec TPG et non avec les employés eux‑mêmes.

[179]       À mon avis, ces ententes n’ont rien à voir avec les questions en litige en l’espèce. Elles n’empêchaient pas CGI d’offrir à ces employés de travailler à la prestation des services relevant du marché IST 2. Les employés ont toujours été libres d’accepter ou de refuser les offres de CGI. Aucune disposition des ententes n’obligeait CGI à traiter directement avec TPG si elle souhaitait communiquer avec le personnel de cette dernière. Les employés qui décidaient de ne pas respecter les ententes et d’entamer des discussions avec CGI étaient libres de le faire.

[180]       En résumé, tous les soumissionnaires devaient certifier que les dix employés dont les noms figuraient dans l’échantillon, et dont les curriculum vitæ étaient joints à la soumission, étaient des employés du soumissionnaire ou que le soumissionnaire avait obtenu l’autorisation écrite de ces personnes pour proposer leurs noms, rien de plus. TPSGC n’avait pas l’intention d’évaluer la candidature d’autres personnes que les dix personnes en question jusqu’à la réception du plan de transition du soumissionnaire retenu. Quoi qu’il en soit, CGI n’a pas [traduction« proposé les services du personnel affecté au contrat existant ». Elle a plutôt proposé de recruter le plus grand nombre possible de ces personnes et, quoi qu’il arrive, d’avoir recours à son immense bassin de personnel pour pourvoir tout poste non pourvu à l’issue du recrutement.

C.        CGI a‑t‑elle fourni le nombre requis de curriculum vitæ?

[181]       TPG allègue que CGI n’a pas transmis le nombre requis de curriculum vitæ avec son plan de transition. À son avis, CGI devait envoyer 139 curriculum vitæ et n’en a envoyé que 133, le 14 novembre 2007, avec son plan de transition.

[182]       TPG allègue que les 133 curriculum vitæ ne comprenaient pas ceux des ressources spécialisées du client. À son avis, il fallait fournir les noms des personnes qui en faisaient partie, en plus de ceux des 133 qui auraient occupé les postes liés aux fonctions. Elle invoque la réponse à la question 76, que voici :

[traduction]

Question 76 :

La section B.10A de la page 41 de 70 de la demande de propositions décrit quatre modes de prestation des services :

o Prestation de services autorisée par « autorisation de tâche »

o Exécution de travaux autorisée par « fonction »

o Exécution de travaux autorisée par « ressources spécialisées du client »

o Services sur appel

a. i) Veuillez indiquer les niveaux de dotation actuels pour chacun de ces quatre modes. Par exemple, quelle proportion du personnel visé par le contrat existant relève de la catégorie « autorisation de tâche » par rapport à celle qui relève des « ressources spécialisées du client »?

ii) Selon la réponse à la question 2 dans la modification 1, il y a 47 postes à combler par autorisation de tâche. Est‑ce que ces personnes seraient considérées comme des « ressources spécialisées du client » ou comme du personnel offrant des services liés à des autorisations de tâche?

iii) Est‑ce que ces 47 personnes font partie de l’effectif prévu à la section 12, Domaine du génie et du soutien technique, de la partie I, Étendue des travaux, de l’annexe A?

b. i) Est‑ce que le tableau 12, Domaine du génie et du soutien technique, de la partie I, Étendue des travaux, de l’annexe A mentionne l’ensemble du personnel dont les services sont retenus en fonction des quatre modes?

ii) Le domaine du serveur d’entreprise comprend les ressources spécialisées du client. Est‑ce le seul domaine dans lequel ces ressources seront exigées?

iii) Est‑ce le seul domaine qui utilise ces personnes à l’heure actuelle?

Réponse 76 :

a. i) Autorisations de tâche 47, fonctions = 133, ressources spécialisées du client = 26, sur appel = peut‑être tout l’effectif.

ii) Autorisations de tâche

iii) Non

b. i) Non, d’autres domaines ont des ressources spécialisées du client.

ii) Non, tous les autres secteurs peuvent avoir des exigences relatives à des ressources spécialisées du client.

iii) Non, tous les autres secteurs peuvent avoir des exigences relatives à des ressources spécialisées du client.

[183]       Si les 26 personnes qui font partie des ressources spécialisées du client (mentionnées à la question 76) sont ajoutées aux 133 personnes visées par les exigences en matière de personnel, l’effectif total requis est de 159 personnes. La position de TPG est confirmée par le fait que le tableau qui exige un effectif de 145 personnes dans la DP originale a été modifié par suite du processus de questions et réponses et remplacé par un tableau qui indiquait les ressources spécialisées du client pour chacun des domaines d’IST. L’effectif total mentionné dans ce tableau était de 159 personnes.

[184]       Cette question est liée de très près au raisonnement suivi dans l’arrêt Double N Earthmoving parce que la preuve dont il vient d’être question touche des événements survenus après l’adjudication du contrat B. À mon avis, même s’il était vrai que 159 curriculum vitæ devaient être présentés et que CGI n’en avait transmis que 133, cela ne permet pas de prouver l’existence ou l’inexistence d’une violation du contrat A. TPG n’a produit aucun élément de preuve tendant à démontrer que TPSGC savait que CGI avait l’intention de transmettre un nombre de curriculum vitæ inférieur au nombre prévu.

[185]       Il était indiqué dans la soumission de CGI que les services de 145 personnes seraient proposés (le nombre qui était alors exigé) : [traduction« CGI fera en sorte de disposer des ressources nécessaires afin de pourvoir les 145 postes ». Cet énoncé est conforme aux exigences énoncées relativement à la question 170 dans la DP, reproduite au complet précédemment : [traduction] « Le soumissionnaire doit fournir le curriculum vitæ des 145 employés avec son plan de transition définitif, et ce, dans les dix jours suivant l’adjudication du contrat ». Il n’est donc pas possible d’affirmer qu’il fallait transmettre 159 curriculum vitæ alors que le nombre exact exigé dans la DP était de 145.

[186]       De plus, plusieurs dispositions de la DP prévoient explicitement que les exigences en matière de personnel pouvaient changer au fil du temps, à la hausse ou à la baisse. L’exigence 4.6.1 en fournit un exemple :

[traduction]

Dès le début du contrat, tous les services seront fournis par l’entrepreneur par l’intermédiaire d’une équipe qui se chargera des diverses fonctions et des divers projets. La DGSIT se réservera la possibilité de modifier l’étendue des travaux, ce qui pourrait entraîner :

1) Un accroissement de la portée d’une fonction ou d’un projet.

2) L’ajout d’une fonction ou d’un projet.

3) La diminution de la portée d’une fonction ou d’un projet.

4) Une diminution par l’abolition d’une fonction ou d’un projet.

5) L’acceptation et la mise en œuvre d’une analyse de rentabilisation pour améliorer l’efficacité d’une fonction.

6) Le passage de « services fondés sur le niveau d’effort » à des « services fondés sur les résultats ».

Quant au paragraphe 3 de l’exigence B.10.4, il prévoit ce qui suit :

3. Réalisation de travaux autorisés au titre d’exigences relatives à des ressources spécialisées du client.

a) Les exigences relatives à des ressources spécialisées du client concernent une personne ou plusieurs personnes qui fourniront des services professionnels à l’appui d’une tâche continue sur une période indéterminée pendant la durée du contrat. Le personnel en question doit habituellement effectuer le travail dans les locaux d’un client.

b) Les exigences relatives à des ressources spécialisées du client peuvent être précisées à tout moment pendant la durée du contrat.

c) L’entrepreneur doit exécuter les travaux associés aux diverses exigences relatives à des ressources spécialisées du client qui sont décrites dans la partie III de l’énoncé des besoins.

d) L’entrepreneur reconnaît que, pendant la durée du contrat, les travaux associés à des exigences relatives à des ressources spécialisées du client peuvent changer, de sorte qu’il peut y avoir augmentation ou diminution globale des exigences relatives aux travaux à effectuer par l’entrepreneur de même qu’une modification conséquente du nombre d’employés de l’entrepreneur affectés aux services professionnels associés aux exigences relatives à des ressources spécialisées du client.

e) Toute modification des exigences relatives à des ressources spécialisées du client, notamment la suppression ou l’adoption d’une desdites exigences, sera autorisée au moyen d’une modification dûment approuvée du contrat.

f) Le Canada, selon son bon vouloir, peut supprimer les exigences relatives à des ressources spécialisées du client moyennant un préavis écrit de dix jours à l’entrepreneur. Les frais de résiliation pour raisons de commodité qui sont prévus dans les conditions générales ne s’appliquent pas lorsque ledit préavis a été donné.

Enfin, l’exigence 3.0.1 prévoit :

[traduction]

3.0.1 Avis de non‑responsabilité – Exigences relatives à des fonctions

Les exigences énoncées dans le présent domaine représentent les fonctions qui existent au moment de la publication de l’énoncé des besoins. Il est à noter qu’un délai important peut s’écouler entre la publication de l’énoncé des besoins et l’octroi du contrat, de sorte que les possibilités suivantes doivent être prises en compte :

• Les fonctions telles que décrites pourraient être supprimées.

• Des fonctions pourraient s’ajouter.

• La formulation des renseignements relatifs à des fonctions pourrait être modifiée.

Les exigences énoncées dans le présent domaine s’attachent aux fonctions qui existent au moment de la publication de l’énoncé des besoins. Il est à noter qu’un délai important peut s’écouler entre la publication de l’énoncé des besoins et l’octroi du contrat, de sorte que les possibilités suivantes doivent être prises en compte :

• Les besoins en personnel tels qu’énoncés pourraient diminuer.

• Les besoins en personnel pourraient augmenter.

• Les besoins en personnel tels qu’énoncés pourraient être modifiés

• par la modification du nombre de personnes par catégorie

• par la suppression de certaines catégories

• par l’ajout de catégories.

Les exigences énoncées dans le présent domaine s’attachent aux fonctions qui existent au moment de la publication de l’énoncé des besoins. Il est à noter qu’un délai important peut s’écouler entre la publication de l’énoncé des besoins et l’octroi du contrat, de sorte que les possibilités suivantes doivent être prises en compte :

• Certaines exigences applicables à l’expérience et aux connaissances pourraient être modifiées en fonction des besoins appropriés.

• Certaines exigences applicables à l’expérience et aux connaissances peuvent être supprimées par suite du retrait, du remplacement ou de l’élimination de certains produits et outils.

• Des exigences applicables à l’expérience et aux connaissances pourraient s’ajouter pour tenir compte de l’évolution de la technologie.

[187]       Ces dispositions montrent à l’évidence que TPSGC prévoyait que les exigences pouvaient changer entre la date de la publication de la DP et celle de l’octroi du contrat et que les dispositions susmentionnées pourraient expliquer le remplacement d’un besoin chiffré à 145 personnes par un autre chiffré à 133, demandé et accepté par TPSGC. La réponse à la question 79 décrit de façon explicite ce qui était attendu des soumissionnaires :

[traduction]

Question 79 :

Référence : page 40 de 70, B.I 0.3 Fonctions liées à la transition

Le soumissionnaire doit commencer à fournir les services liés aux exigences de la présente DP au plus tard 60 jours ouvrables après l’acceptation du plan de transition décrit dans les présentes.

Nous ne trouvons nulle part dans les documents de la DP l’endroit où il est précisé ce que doit livrer le soumissionnaire retenu. Trois domaines, 19 fonctions et 145 postes à pourvoir font l’objet d’une description détaillée dans la partie III de l’annexe A, mais l’importance et la nature de ces domaines, fonctions et ressources sont contredites par les articles 3.0.1, 4.0.1 et 5.0.1, de la partie III de l’annexe A ...

Cette ambiguïté pourrait être acceptable si la DP concernait un arrangement en matière d’approvisionnement dans le cadre duquel le gouvernement ne s’engage pas à l’égard d’un volume de travail; cependant, la présente DP est conçue en vue d’un contrat bien précis de fourniture de ressources bien précises à TPSGC qui seront affectées à des tâches bien précises. De plus, nous sommes tenus de proposer une structure de gestion qui fera partie des produits livrables.

Vu la nature des exigences de la DP, nous devons fournir les services de gestionnaires techniques expérimentés. Or, l’embauche et le maintien en poste de ce type de personnel sont très coûteux. De plus, étant donné qu’il n’est pas possible de facturer directement les coûts liés à l’équipe de gestion, ces derniers doivent être incorporés (comme frais généraux) aux taux quotidiens afférents aux postes techniques.

Selon le nombre de personnes requis, ces frais généraux de gestion peuvent avoir des répercussions très importantes au niveau des coûts sur la proposition financière d’un soumissionnaire. Cependant, le nombre et les compétences des ressources en gestion requises pour que TPSGC reçoive le niveau de service exigé reposent énormément sur le nombre et les types de fonctions et de postes techniques à gérer. Si, comme les paragraphes 3.0.1, 4.0.1 et 5.0.1 le permettent, le nombre et la nature des domaines, des fonctions et/ou des postes de gestionnaire changent au moment de l’adjudication du contrat, nous serions obligés d’affecter un nombre de gestionnaires bien plus élevé que celui qui avait été estimé à l’origine en fonction du contenu des documents de la DP.

De plus, si un fournisseur possède des renseignements selon lesquels l’ampleur de la structure de gestion prévue diminuera considérablement au moment de l’adjudication du contrat, il pourrait réduire ses taux quotidiens proposés sachant qu’il n’aurait jamais à assumer les coûts d’une équipe de gestion nombreuse. Ce fournisseur disposerait alors d’un avantage important au chapitre de l’évaluation financière.

Par conséquent, ne connaissant pas le nombre et la nature des domaines, des fonctions et des postes à pourvoir dont nous devrons nous charger au moment de l’adjudication du contrat, nous ne disposons pas de suffisamment de renseignements pour présenter une proposition concurrentielle dans le cadre de la DP.

De plus, cette ambiguïté pourrait permettre à un fournisseur d’obtenir des renseignements privilégiés et, partant, un avantage indu. Par conséquent, afin que les soumissionnaires puissent préparer des propositions pertinentes et concurrentielles et pour garantir qu’il y a une concurrence véritablement juste et ouverte, nous demandons à TPSGC de préciser le nombre et la nature exacts des domaines, des fonctions et des postes à pourvoir dont nous devrons nous charger au moment de l’adjudication du contrat.

Réponse 79 :

Aux fins de la présente DP, les exigences énoncées dans la partie III de l’annexe A doivent faire l’objet de la soumission comme si aucun changement ne devait avoir lieu. S’il y a eu des changements au moment de l’adjudication du contrat, l’entrepreneur en sera informé et il disposera de suffisamment de temps pour s’adapter auxdits changements.

[soulignement ajouté].

[188]       Dans l’annexe A de la partie III – Énoncé des besoins, les besoins en personnel pour chacune des fonctions visées par le contrat sont décrits explicitement. Ils visent en tout 133 personnes. Dans la même annexe, les renseignements ci‑après sont fournis au sujet des ressources spécialisées du client :

[traduction]

6.0 Ressources spécialisées du client

Les ressources spécialisées du client (personnel EAC) sont celles qui exécutent des travaux pour des clients d’autres ministères. Leurs rôles et responsabilités varieront d’un client à l’autre; cependant, elles n’exécuteront des travaux que pour les clients auxquels elles sont affectées. Elles seront informées de leur affectation, y compris en ce qui concerne les rapports hiérarchiques, une fois l’Accord sur les niveaux de service signé entre la DGSIT et l’entrepreneur; cet accord décrira les fonctions, les rôles et les liens hiérarchiques des ressources spécialisées du client pour chacune des équipes.

Le personnel EAC travaille généralement dans les locaux du client.

Le lien hiérarchique du personnel EAC fait partie de l’une des deux structures suivantes :

• Un ou deux personnes affectées à un autre ministère et pouvant relever de l’équipe de gestion de l’entrepreneur.

• Une plus grosse équipe relevant d’un cadre supérieur fourni par l’entrepreneur. Ce cadre supérieur de l’entrepreneur doit exercer ses fonctions de la façon prévue à l’entente de niveau de service et participer à la gestion de l’équipe de l’entrepreneur, ce qui comprend la définition des priorités en matière de charge de travail et l’appréciation du rendement.

Les travaux exécutés par le personnel EAC devraient normalement être semblables à ceux qui sont décrits relativement aux fonctions des trois domaines, soit :

Domaine de serveur d’entreprise

• Migration et personnalisation du service d’entreprise

• Planification de la capacité

• Élaboration d’un plan de continuité des activités

• Ingénierie de l’infrastructure du centre de production

Domaine de multiplateforme et réseau

• Ingénierie de multiplateforme

• Soutien du réseau de production

• Ingénierie du réseau de production

• Applications sécuritaires ICP

Domaine de services de soutien

• Administration de bases de données

• Sécurité et accès logique

• Gestion des actifs et des infrastructures

• Développement Web

Il est donc possible de conclure qu’une partie du personnel EAC devrait posséder certaines compétences et l’expérience nécessaires pour exercer plus d’une des fonctions décrites à la section précédente.

Les clients auxquels les services sont offerts dans le cadre du présent arrangement sont notamment Transports Canada et l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.

• À l’heure actuelle, 12 personnes exécutent des travaux pour les deux clients susmentionnés.

Les exigences détaillées liées à cette fonction seront fournies à l’entrepreneur au moment de l’adjudication du contrat.

[soulignement ajouté]

[189]       M. Boileau a confirmé que, dans certains cas, TPSGC ne connaissait pas les besoins en ressources spécialisées du client et qu’il ne pouvait en informer le soumissionnaire retenu qu’un certain temps après l’adjudication du contrat :

[traduction]

Q. Je vais vous demander de nous l’expliquer. Je reviens à la question posée à Mme McKeown. Comment se fait‑ il que vous ne saviez pas quels étaient les postes à combler par les ressources affectées à l’OPIC et à d’autres clients?

R. Si je me souviens bien, lorsque je suis arrivé au travail, j’ai d’abord demandé un « état des lieux », soit une liste des personnes qui travaillent dans les locaux des clients, dans le cadre d’AT, à titre de ressources spécialisées du client et en tant que personnes affectées au contrat existant. Cependant, ces deux types de postes n’ont jamais été mentionnés dans l’état des lieux, de sorte que ce fut une surprise pour nous et pour les autres fonctionnaires du SPASG, l’équipe des approvisionnements. C’était peut‑être notre faute, mais j’ai dit simplement que nous ne le savions pas.

...

Q. Au sujet de cette question, ce courriel que nous étions en train d’examiner, vous avez dit que vous n’étiez pas au courant de l’existence de ces postes. CGI, qui devait fournir une liste de 133 personnes, l’était‑elle? En avait‑elle été informée à l’époque où il lui a été dit qu’elle devait fournir la liste des 133 personnes le 14 novembre?

R. Ces deux types de postes ne faisaient pas partie de la liste des 133 personnes. Ils sont pourvus par des employés affectés exclusivement à des clients, qui forment un autre groupe; je pense que c’était prévu dans le contrat, mais pas de façon détaillée. Si je me rappelle bien, je pense que nous n’avions pas demandé à CGI de fournir les noms des personnes qui seraient considérées comme des ressources spécialisées du client.

[190]       Madame Charette a confirmé que, le 20 novembre 2007, la DGSIT n’avait pas encore défini ses besoins en matière de ressources spécialisées du client :

[traduction]

Q. Est‑ce que les 133 personnes en question comprennent les ressources spécialisées du client?

R. Non.

Q. Pourquoi?

R. Parce que l’exigence relative à ce type de personnes n’était pas entièrement définie à ce moment‑là par notre client, la DGSIT; cette dernière ne savait pas très bien quelle serait la situation. L’exigence était donc de pourvoir tous les postes des 19 fonctions, mais il était prévu que les besoins en matière de ressources spécialisées du client seraient définis un peu plus tard.

Q. Comment cela fonctionne‑t‑il?

R. Le client aurait suivi le même processus. La DGSIT aurait expliqué à CGI l’exigence relative au profil des ressources, soit les types de ressources nécessaires et leurs titres de compétence. La DGSIT aurait alors demandé à CGI de lui fournir les noms de ces personnes et leur curriculum vitæ confirmant qu’elles satisfont aux critères des grilles d’évaluation des compétences.

[191]       M. Powell a lui‑même reconnu que la DP ne définit pas les compétences et qualités exigées des ressources spécialisées du client :

[traduction]

Q. J’aimerais revenir là‑dessus. Je pense que nous nous entendons sur le fait que les 133 personnes en question sont réparties selon les fonctions dont nous venons de parler, n’est‑ce pas?

R. C’est juste.

Q. J’ai l’impression que le soumissionnaire retenu n’avait pas à nommer les 26 personnes affectées à des clients à cette époque‑là, mais vous n’êtes pas d’accord avec moi là‑dessus.

R. Où est‑ce qu’il en est question?

Q. Nous y reviendrons.

R. Les renseignements détaillés devraient être fournis lors de l’adjudication du contrat. Dix jours plus tard, il fallait que les noms des personnes visées et leur curriculum vitæ aient été transmis.

Q. Vous reconnaissez avec moi qu’au moment de déposer une soumission, aucun des entrepreneurs ne connaissait les exigences touchant les ressources spécialisées du client. C’est bien le cas?

R. Tout à fait.

Q. Ces renseignements sont fournis plus tard?

R. Oui.

Q. Et si vous ne connaissez pas les fonctions, vous ne pouvez évidemment pas nommer les personnes qui y seront affectées?

R. Tout à fait.

Q. M. Powell, selon le témoignage de Michèle Charette et de Pierre Demers dans la présente instance, les renseignements au sujet des 26 personnes considérées comme des ressources spécialisées du client n’ont été transmis qu’en mars 2008.

R. Ils ont encore une fois enfreint --

Q. Avez‑vous des motifs de contredire ce que je viens de dire?

R. J’estime qu’ils ont encore une fois violé les conditions de la DP. Il y est écrit noir sur blanc qu’il faut nommer ces personnes au moment de l’adjudication du contrat. Je pense qu’ils n’en ont tout simplement pas tenu compte. Je ne sais pas.

[192]       Aucun soumissionnaire n’aurait pu fournir une liste de personnes en vue de satisfaire à des exigences qu’il ne connaissait pas encore. En ce qui a trait à la crainte exprimée par M. Powell au sujet du fait que TPSGC avait violé des conditions de la DP en ne nommant pas, lors de l’adjudication du contrat, les personnes qui auraient été des ressources spécialisées du client, elle est tout simplement non pertinente vu le libellé clair de la DP, qui indique que TPSGC pouvait modifier les exigences à tout moment.

[193]       De plus, l’envoi des curriculum vitæ après l’adjudication du contrat devait se faire selon l’évolution des discussions entre le soumissionnaire et TPSGC. Il n’était pas prévu que tous les curriculum vitæ envoyés devaient être acceptés immédiatement sous peine de résiliation du contrat et il n’était pas prévu non plus qu’un nombre précis de curriculum vitæ devait être envoyé. La seule exigence concernait la dotation en personnel de toutes les fonctions. Le plan de transition devait évoluer selon les besoins de TPSGC, comme il était précisé dans la réponse à la question 60 dans la DP :

[traduction]

L’entrepreneur doit rencontrer le chargé de projet (CP), à une date qui convient aux deux parties, dans les cinq (5) jours ouvrables suivant la date de début du contrat pour examiner le plan de transition annexé à la proposition de l’entrepreneur. Selon les résultats de cette rencontre, l’entrepreneur ajustera le plan de transition pour satisfaire à toute exigence particulière définie par le chargé de projet.

[...] Le rejet aura un caractère définitif. Plutôt que d’être rejeté, le plan de transition peut être modifié avant son acceptation par le chargé de projet.

[194]       En résumé, si le nombre de curriculum vitæ transmis était inférieur au nombre indiqué dans la DP, il s’agissait d’une violation du contrat B, et non du contrat A. De plus, étant donné le flottement dans le nombre de curriculum vitæ que TPSGC pouvait demander, la preuve ne démontre pas que la proposition de CGI violait les conditions de la DP et qu’elle était par conséquent non conforme.

[195]       À mon avis, au vu de l’ensemble de la preuve, les exigences relatives aux ressources spécialisées du client ont changé avec le temps (comme cela était prévu) et il est évident que la version définitive de ces exigences ne devait être fournie à l’entrepreneur qu’au moment de l’adjudication du contrat et non avant. Cela est confirmé par le fait que, dans certaines parties de la DP, il est reconnu explicitement que les exigences relatives aux ressources spécialisées du client et, en fait, relatives à toute fonction, pouvaient changer selon l’évolution des besoins de TPSGC à ce moment‑là. Il serait impossible d’imposer au soumissionnaire retenu l’obligation de fournir un effectif précis étant donné le caractère changeant des exigences. Quoi qu’il en soit, les soumissionnaires devaient déposer leur soumission en supposant que les exigences énoncées dans la partie III de l’annexe A demeureraient inchangées. Or, ces exigences prévoyaient uniquement un effectif de 133 personnes, soit le nombre indiqué dans la proposition de CGI.

D.        TPSGC a‑t‑il  aidé CGI à recruter du personnel de TPG?    

[196]        TPG allègue que TPSGC a aidé de façon inappropriée CGI à recruter du personnel affecté au contrat existant. Précisons que TPG n’a pas allégué que TPSGC s’était livré à un comportement inapproprié. Toutes les allégations touchant la mauvaise foi, l’inconduite, la partialité, la fraude et l’iniquité, de même que toute allégation relative à l’incitation à la rupture de contrat, ont été abandonnées. Par conséquent, la plainte de TPG relativement au comportement de TPSGC n’est pertinente que dans la mesure où elle démontre que TPSGC était au fait d’une situation de non‑conformité dans laquelle CGI se serait placée.

[197]        TPG fait état de documents internes qui révèlent que TPSGC s’inquiétait de la capacité de CGI d’offrir les services du personnel affecté au contrat existant après l’octroi du nouveau contrat. À mon avis, ces documents ne sont pas pertinents. Premièrement, l’offre des services du personnel affecté au contrat existant n’était pas une exigence de la DP, ni une promesse faite par CGI. Encore une fois, cette dernière a souligné qu’elle recruterait le plus grand nombre de personnes affectées au contrat existant afin d’atténuer les risques. Deuxièmement, même s’il y avait eu une exigence relative à l’offre de personnel affecté au contrat existant, ces documents ne démontrent pas ce que TPG voudrait démontrer, soit que TPSGC savait, à l’époque où la soumission de CGI a été acceptée, que cette dernière était en situation de non‑conformité. Ces documents démontrent simplement qu’au fur et à mesure qu’approchait la période de transition, certaines inquiétudes se manifestaient au sujet du nombre de personnes affectées au contrat existant qui seraient maintenues en poste. Cela n’est pas utile pour déterminer si le processus d’appel d’offres a été mené de façon inéquitable.

[198]       TPG fait aussi état de la demande d’ « entrevue » de TPSGC en vue du transfert des fonctions à CGI ce qui, selon TPG, était [traduction« une tentative à peine voilée de TPSGC d’aider CGI à recruter l’équipe de TPG ». Encore une fois, étant donné que toutes les allégations de mauvaise foi et d’incitation à la rupture de contrat ont été abandonnées, le fait que TPSGC ait pu aider CGI à recruter des ressources de TPG après l’adjudication du contrat ne démontre pas, d’une façon ou d’une autre, que le ministère savait que la soumission de CGI était non conforme.

E.         Transition

[199]       TPG allègue aussi que CGI n’a pas procédé à la transition dans les délais prévus et que la transition avait perturbé les activités, contrairement à ce que prévoyaient les conditions de la DP. Ce fait, selon TPG, révèle que TPSGC savait que [traduction« CGI ne pourrait pas mettre sur pied une équipe pour assurer la transition ».

[200]       Tout comme l’allégation de TPG relative au recrutement inapproprié de ressources, la preuve relative à l’efficacité de la transition est à mon avis non pertinente. Premièrement, que la transition ait été réussie ou non ne prouve pas que, d’une façon ou d’une autre, TPSGC savait que CGI serait incapable de réussir la transition entre les fonctions. À mon avis, TPG n’a tout simplement pas présenté d’éléments de preuve selon lesquels TPSGC aurait pu savoir, à l’époque où il a accepté la soumission de CGI, que la transition pouvait ne pas être un succès.

[201]       Deuxièmement, la plainte de TPG quant aux problèmes de transition correspond exactement au type de comportement contre lequel la Cour suprême du Canada a fait la mise en garde suivante, au paragraphe 73 de l’arrêt Double N Earthmovers : « [L]es parties au contrat B pourraient faire l’objet d’une surveillance constante de la part des autres soumissionnaires, qui pourraient contester toute dérogation aux conditions initiales du contrat A et ultimement gêner le bon fonctionnement du mécanisme d’appel d’offres en général et créer de l’incertitude relativement au contrat B ».

[202]       Troisièmement, même si TPG a fait état d’éléments de preuve qui confirmaient le sentiment de panique et le stress ressentis par les employés de TPSGC au cours de la transition et le fait que le déroulement de cette dernière avait été loin d’être idéal, le dossier révèle aussi que ni l’infrastructure d’IST ni sa communauté d’utilisateurs n’avaient été perturbées.

[203]       TPG souligne que certains employés de TPSGC ont décrit les difficultés liées à la transition. Elle cite, par exemple, Don  Bartlett :

[traduction]

Q. Que veut dire le terme « SWAT »? Est‑ce qu’il désigne une équipe d’intervention d’urgence de la police? Pouvez‑vous me le dire?

R. Ce terme n’aurait pas dû être utilisé, mais il l’a été pour une raison ou pour une autre. Je n’en suis pas l’auteur.

Q. C’est comme une équipe d’intervention d’urgence?

R. Oui, c’était comme une réunion d’urgence, pour gérer la transition qui, rapidement, devenait de plus en plus difficile.

[204]       Cependant, le document dont parlait M. Bartlett dans son témoignage révèle qu’au moins une partie des difficultés posées par la transition était liée à l’accessibilité des documents et à la confusion qui entourait les droits et obligations de la Couronne, des éléments qui n’ont rien à voir avec le rôle de CGI dans la transition.

[205]       M. Swimmings a décrit dans un courriel daté du 14 novembre 2007 (la date à laquelle le plan de transition de CGI avait été déposé, mais deux semaines avant son acceptation) des cas où les clients étaient insatisfaits et inquiets :

[traduction]

Bonjour Michel,

Je suis très inquiet au sujet de certains éléments de la stratégie de transition de TPSGC relativement au marché IST. Je m’inquiète principalement du délai de 60 jours, soit la date du 21 décembre 2007, qui, à mon avis, fait courir à nos clients le risque d’une baisse de la qualité du service et donne une image négative de TPSGC dans ce contexte, particulièrement en ce qui concerne les services partagés.

Selon la DP, la transition doit s’effectuer comme suit : dix jours pour l’obtention des curriculum vitæ, 60 jours pour la période de transition elle‑même, plusieurs prolongations de 15 jours si les critères ne sont pas respectés et, s’ils ne le sont pas encore par la suite, le processus peut être repris. Pendant cette période, le nouveau fournisseur n’est pas payé. De toute évidence, si le personnel affecté au contrat existant décide de travailler pour le nouveau fournisseur, le processus sera plus harmonieux, mais j’ai l’impression qu’un grand nombre des personnes affectées au contrat existant sont hostiles à CGI à cause du faible taux de rémunération quotidien que cette entreprise offre.

Le délai serré s’explique principalement par le fait que TPSGC a dû négocier avec TPG pour obtenir une prolongation jusqu’au 21 décembre 2007. Le contrat de cette dernière a été prolongé à plusieurs reprises, de sorte que nous pourrions encore le faire jusqu’à ce que nous estimions que le nouvel entrepreneur est en mesure d’accomplir les mêmes fonctions que l’entrepreneur actuel. Je suis convaincu que ce sera difficile à négocier, mais il est préférable de confier à des gens mieux préparés la tâche d’accomplir les fonctions que de prendre le risque d’aller de l’avant avec des gens qui ne comprennent pas les divers environnements, les relations avec les clients, les complexités techniques, les nombreux processus et le fonctionnement interne de TPSGC. Et, en fait, ce ne serait pas juste pour eux‑mêmes et pour nos clients.

Combien d’ANS en subiront les contrecoups si nous sommes mal préparés? La DP a été rédigée de façon à ce que nous puissions nous protéger : c’est donc ce que nous devons faire. Faisons donc une vérification approfondie des critères relatifs à nos fonctions. Chaque gestionnaire de fonction peut interroger les nouvelles personnes et, en fait, élaborer les tests auxquels elles seront soumises pour savoir si elles comprennent les modalités de la fonction avant que nous acceptions les nouveaux entrepreneurs. Nous pourrions le faire à plusieurs reprises au cours de la période de transition afin de vérifier si les employés éventuels progressent dans leur compréhension des environnements, des relations et des processus.

L’an dernier, la vie n’a pas été facile en ce qui concerne le marché IST; ne compliquons pas encore plus les choses en accélérant le rythme de la transition.

Autres inquiétudes : (qui, je pense, sont en voie d’être réglées?) 

Comment trouver les locaux où installer les nouveaux entrepreneurs de même que les anciens pour permettre le transfert des connaissances?

Qui inspectera leurs PC avant que nous les autorisions à se brancher à notre réseau et où se brancheront‑ils?

Comment traitons‑nous les demandes visant de grands groupes concernant les DSBL, la sécurité, les badges, l’accès aux pilotes de périphérique, les exigences particulières en matière de logiciels, etc.?

Que devons‑nous dire à nos clients?

[206]       Encore une fois, même si certains indices laissent voir un sentiment de panique et d’inquiétude, aucun des problèmes mentionnés dans le courriel de M. Swimming n’est attribuable à CGI. En fait, M. Swimming souligne que ce qui donne principalement l’impression que le délai est serré, c’est la négociation qui s’est déroulée entre TPG et TPSGC. De plus, il faut se rappeler qu’avant novembre 2007, TPG avait déposé plusieurs plaintes et plusieurs demandes devant la Cour fédérale et le TCCE. D’autres préoccupations ont trait à des questions logistiques ne relevant pas de CGI, comme les locaux libres, l’évaluation de la sécurité et de l’inspection de la technologie et les autorisations de sécurité.

[207]       Il est évident que le processus de transition ne se déroulait pas de façon optimale. Il y avait peu de gens sur place pour apprendre du personnel affecté au contrat existant – une pratique que plusieurs témoins, y compris M. Bartlett, ont décrite comme la façon idéale d’effectuer un transfert efficace des connaissances :

[traduction]

R. Eh bien pas nécessairement, mais je pense qu’il s’agissait de la formation par observation. Nous avions pensé que le personnel du nouveau fournisseur observerait le personnel de TPG sur place de façon à apprendre les trucs de base du métier pour ainsi dire. Parce que je pense qu’il ne suffit vraiment pas, dans un environnement très technique, de se contenter de remettre un paquet de cartables à quelqu’un et de lui dire : voilà, faites votre travail. Dans un monde idéal, il serait possible de gérer ainsi les choses, mais il y a toujours de petits détails, des petites choses cachées, que je n’oserais pas appeler des secrets, mais des choses qui s’apprennent uniquement en effectuant le travail. Donc, nous espérions qu’il y aurait une période de formation par observation et je pense que c’est ce que CGI voulait faire.

Q. Est‑ce que, dans votre groupe, dans votre fonction, vous avez été témoin d’activités de formation par observation?

R. Non, je ne pense pas que TPG serait d’accord avec cette affirmation.

Q. Vous ne savez pas si TPG serait d’accord ou non?

R. Je suis convaincu que TPG ne serait pas d’accord.

[208]       Cependant, peu importe les inquiétudes exprimées, la transition, dans les faits, s’est déroulée sans les perturbations que craignaient les gestionnaires fonctionnels. Par exemple, dans une série de courriels commençant le 22 décembre 2007 – le jour suivant la transition – on peut voir ce qui avait été accompli à cette date :

Le travail est terminé pour aujourd’hui. C’est ainsi que se termine la phase 1 de la transition de l’équipe de TPG à celle de CGI. Voici une partie des activités qui ont été réalisées au cours de cette phase :

* Toutes les équipes (c.‑à‑d. gestionnaires fonctionnels, gestionnaires des domaines, personnel du soutien au service de dépannage, personnel de l’ALE, personnel des clients légers, personnel du soutien technique, personnel de l’accès à l’ordinateur central, personnel du système Infoman, personnel des installations, personnel du stockage intermédiaire, personnel de l’ordinateur central, personnel du réseau, personnel de l’exploitation, etc.) ont fourni un soutien exceptionnel, dans les locaux et à l’extérieur des locaux.

* Le personnel de TPG a quitté tous les locaux à 17 h hier.

* Tout s’est bien déroulé – 50 employés de CGI ont été formés aujourd’hui sur les systèmes APDC, KEDC et PDP.

* Tout le personnel proposé par IBM a aussi suivi une formation.

Les clients auxquels sont affectées des ressources spécialisées ont accès aux services pendant les vacances.

* Les gestionnaires fonctionnels se sont présentés pour faire de la supervision.

* L’équipe de CGI a aussi été exceptionnelle ... elle est très bien structurée.

* Le personnel opérationnel des TI était sur place pour garantir une transition en douceur et la continuité du soutien.

* Tous les postes de travail de CGI ont été livrés, installés et vérifiés.

* Tous les accès ont été vérifiés et sont sous contrôle.

* Le personnel sur appel dispose de téléavertisseurs CGI adéquats.

* Le système Infoman et les systèmes automatisés ont été mis à jour avec les nouveaux numéros de téléavertisseur.

* Tout incident ayant des effets sur le service sera traité selon les procédures opérationnelles habituelles.

* La structure de soutien après les heures normales de bureau est intacte ... le plan d’intervention sur appel est maintenant opérationnel (ci‑joint).

* Nous sommes protégés quant à tous les aspects des opérations.

* Le niveau de dotation pour la période des Fêtes est plus qu’adéquat (permet une période de formation supplémentaire).

* En cas d’extrême d’urgence, CGI a une ligne directe avec son centre d’appels à Montréal.

J’estime que nous nous trouvons dans une très bonne position sur le plan opérationnel du fait que la Couronne et CGI ont très bien travaillé ensemble. J’aimerais ajouter que les gestionnaires de domaine de CGI et les gestionnaires fonctionnels de la Couronne (Rita Jain et Dave Holdham) ont effectué un travail exceptionnel et que c’est à cause d’eux que la transition entre l’équipe de TPG et celle de CGI cette fin de semaine s’est bien déroulée. De plus, nous aimerions remercier en particulier tous les directeurs qui ont offert (par l’intermédiaire de leur personnel) un soutien optimal au cours de cette phase.

Enfin, je suis convaincu que tous les angles sont couverts pour les fêtes de fin d’année. Veuillez noter qu’il y a encore beaucoup de travail à faire notamment en ce qui concerne l’acceptation de toute l’équipe du personnel de CGI dans les fonctions. Il nous reste encore à accepter officiellement les fonctions et le personnel au moyen des autorisations de tâche, selon les besoins, etc.

Nous serons donc très occupés encore au cours des deux prochains mois.

[209]       Il n’y a pas eu d’interruption de service malgré le remplacement du personnel affecté au contrat existant, le 21 décembre 2007, par celui de CGI, le 22 décembre 2007.

[210]       De plus, le 28 mars 2008, la transition des 133 fonctions à CGI avait été effectuée avec succès, comme l’expliquait un courriel de M. Boileau à M. Rondeau :

[traduction]

Patrice, la transition des services IST pour l’ensemble des 19 fonctions d’ingénierie a été officiellement terminée avec succès le 26 mars, à l’intérieur du nombre de jours prévu par le contrat (105 jours... confirmé).

Sur le plan opérationnel, la transition des 19 fonctions d’ingénierie du fournisseur en place (TPG) au nouveau fournisseur de services (CGI) s’est effectuée de façon relativement harmonieuse. Aucune interruption de services importante ni aucune répercussion négative sur le service à la clientèle n’ont été enregistrées par suite de la transition. Malgré la piètre qualité du transfert de connaissances par le fournisseur en place, le nouveau fournisseur a réussi à maintenir tous les services de TI dans leur intégrité et les incidents survenus au jour le jour ont été réglés rapidement selon les ANS approuvés.

...

De plus, les membres du personnel affecté aux services d’IST ont tous réussi leur formation grâce à la mise en œuvre de nouvelles méthodologies et de nouveaux processus ITIL dans nos activités de TI. Globalement, la transition dans les services d’IST a été une réussite complète!

[211]       M. Boileau a déclaré au cours de son témoignage que la transition s’était effectuée à l’intérieur du délai prévu dans le processus de questions et réponses de la DP :

[traduction]

[Sous réserve des prolongations prévues dans la DP] Le soumissionnaire commencera à livrer des services conformément aux exigences de la DP au plus tard 60 jours ouvrables suivant l’acceptation du plan de transition exposé dans les présentes.

[212]       En résumé, malgré les premières frustrations et préoccupations quant à l’absence de transfert de connaissances et les craintes au sujet des interruptions de service, la transition de l’ensemble des fonctions a été terminée avec succès le 28 mars 2008, sans interruption majeure de services. CGI s’est donc conformée aux conditions de la DP.

XVI.    Conclusion

[213]       Pour les motifs susmentionnés, la Cour conclut que (1) TPG ne s’est pas pleinement prévalue des voies de recours que lui offrait la loi sur le TCCE, et il s’agit là d’un moyen de défense complet contre la demande; (2) TPSGC n’a pas effectué de façon juste et équitable l’évaluation de la soumission de TPG; cependant, rien ne démontre que cette violation du contrat A ait entraîné des pertes pour TPG; et (3) CGI a respecté les conditions de la DP et, par conséquent, il n’y avait pas lieu pour TPSGC de rejeter sa proposition et d’accorder le contrat à TPG.

[214]       Bien que TPG ait réussi à prouver qu’il y avait eu injustice à son égard, elle n’a pas eu gain de cause en l’espèce et la Couronne a droit à ses dépens. Comme il a été mentionné à la fin du procès, la Cour demeurera saisie de l’affaire sur la question des dépens au cas où les parties seraient incapables de s’entendre à ce sujet. À défaut d’entente, la Couronne doit signifier et déposer ses observations relatives aux dépens (maximum de 15 pages) dans les 20 jours ouvrables de la date des présents motifs; TPG dispose pour répondre d’un délai supplémentaire de 15 jours ouvrables et la Couronne peut alors déposer une brève réplique (maximum de 5 pages) dans les 5 jours ouvrables suivants.

[215]       J’aimerais remercier tous les avocats (y compris leurs étudiants en droit et assistants judiciaires, qui ont sans doute joué un rôle important dans la présente affaire) pour leurs observations très pertinentes et, en particulier, pour la façon très professionnelle dont la présente instance s’est déroulée.

 


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la présente action et réserve sa compétence sur la question des dépens.

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme
Édith Malo, LL.B.

 

 


ANNEXE A

no

Exigence

Critères d’évaluation

Pond

2.2.3.1

[E] La proposition doit contenir une description de l’approche du soumissionnaire pour ce qui est de mettre en œuvre et de tenir à jour les processus administratifs de façon à respecter les exigences du contrat. La proposition doit tenir compte des exigences ci‑après et chacune des exigences sera évaluée en fonction des critères donnés (maximum de 5 points par exigence) :

1. Administration du contrat – processus de tenue à jour des documents, y compris ordres de changement, autorisations de tâche, gestion du rendement, et tout autre document pertinent.

2. Comptabilisation du temps et rapports pertinents – processus d’enregistrement du temps, appariement avec les autorisations de tâche et les fonctions, approbations des clients et autres tâches en matière de comptabilisation du temps et d’établissement de rapports pertinents.

3. Processus garantissant l’exactitude de la facturation.

4. Planification des ressources conformément au calendrier du projet, aux autorisations de tâche, aux exigences des fonctions et aux besoins des clients ayant accès à des ressources spécialisées. (Veiller à ce que des ressources compétentes soient disponibles au besoin).

5. Processus de remplacement du personnel clé.

Modification no 4, réponse 41 : Au point 5, le personnel clé s’entend du personnel technique lié par contrat dans les diverses fonctions.

Modification no 8, réponse 80 : La réponse 41 était erronée. Il s’agit du personnel de gestion des contrats dont les services sont non facturables.

Modification no 16, réponse 152 : La gestion du rendement comprend des activités comme la collecte de renseignements sur l’exécution des fonctions, le nombre d’incidents qui font problème, etc.

Réponse 153 : Un ordre de changement est une demande de modification de la fonction qui entraînerait une modification du contrat. Par exemple, une demande de fonds supplémentaires pour compenser le travail supplémentaire.

 

5 = la réponse est claire et détaillée, respectant 100 % ou plus de l’exigence.

4 = la réponse respecte de façon substantielle l’exigence, de 80 % à 99 %.

3 = la réponse respecte de façon satisfaisante l’exigence, de 60 % à 79 %.

2 = la réponse est passable, respectant de 40 % à 59 % de l’exigence.

1 = la réponse est faible, respectant de 20 % à 39 % de l’exigence.

0 = aucune réponse ou réponse insuffisante, respectant moins de 20 % de l’exigence.

Maximum 5 x 5 = 25 points

1,3533 %

2.3.1.1

[E] Migration et personnalisation du logiciel de serveur d’entreprise

 

Cotez l’approche proposée par le soumissionnaire :

5 = la réponse est claire et détaillée, respectant 100 % ou plus de l’exigence.

4 = la réponse respecte de façon substantielle l’exigence, de 80 % à 99 %.

3 = la réponse respecte de façon satisfaisante l’exigence, de 60 % à 79 %.

2 = la réponse est passable, respectant de 40 % à 59 % de l’exigence.

1 = la réponse est faible, respectant de 20 % à 39 % de l’exigence.

0 = aucune réponse ou réponse insuffisante, respectant moins de 20 % de l’exigence.

Maximum 5 x 5 = 25 points

2,4500 %

2.3.1.2

[E] Installation et service technique du logiciel de serveur d’entreprise

 

Cotez l’approche proposée par le soumissionnaire :

5 = la réponse est claire et détaillée, respectant 100 % ou plus de l’exigence.

4 = la réponse respecte de façon substantielle l’exigence, de 80 % à 99 %.

3 = la réponse respecte de façon satisfaisante l’exigence, de 60 % à 79 %.

2 = la réponse est passable, respectant de 40 % à 59 % de l’exigence.

1 = la réponse est faible, respectant de 20 % à 39 % de l’exigence.

0 = aucune réponse ou réponse insuffisante, respectant moins de 20 % de l’exigence.

Maximum 5 x 5 = 25 points

2,4500 %

2.3.1.4

[E] Service d’ingénierie multiplateforme; et

 

Cotez l’approche proposée par le soumissionnaire :

5 = la réponse est claire et détaillée, respectant 100 % ou plus de l’exigence.

4 = la réponse respecte de façon substantielle l’exigence, de 80 % à 99 %.

3 = la réponse respecte de façon satisfaisante l’exigence, de 60 % à 79 %.

2 = la réponse est passable, respectant de 40 % à 59 % de l’exigence.

1 = la réponse est faible, respectant de 20 % à 39 % de l’exigence.

0 = aucune réponse ou réponse insuffisante, respectant moins de 20 % de l’exigence.

Maximum 5 x 5 = 25 points

2,4500 %

3.1.4

[R] La DGSIT s’attend à ce que le fournisseur dont les services sont retenus possède de l’expérience dans la prestation de services semblables à d’autres clients. La proposition doit comprendre un exemple des plans de transition que le soumissionnaire a préparés pour un projet semblable. Le modèle de plan de transition doit traiter en détail des sujets ci‑après et chacun d’eux sera évalué selon les critères donnés (maximum 5 points par sujet) :

1. Exhaustivité du plan de transition.

2. Potentiel de réalisation du plan de transition.

3. Rôles et responsabilités du client, du soumissionnaire et du fournisseur de services précédent.

4. Calendrier des activités en matière de transition et de services.

5. Contrôles d’assurance de la qualité/activités d’essai.

6. Plans d’urgence.

Modification no 6, réponse 57 : Le soumissionnaire peut fournir des notes explicatives qui montrent de quelle façon le plan de transition existant satisfait aux exigences.

Modification no 20, réponse 189 : Renvoi à l’exigence 3.1.4.1 Le plan sera évalué à partir des six catégories énumérées à l’annexe 0‑1, exigence 3.1.4. Il est possible qu’une initiative réussisse en l’absence d’un plan complet; par conséquent, la réussite du plan est un facteur à prendre en compte, mais elle n’est pas le seul indice d’un plan complet.

Modification no 20, réponse 190 : Renvoi à l’exigence 3.1.4.2.  Le plan sera évalué à partir des six catégories de l’annexe 0‑1, exigence 3.1.4. Le potentiel de réalisation a trait au caractère raisonnable du plan, p. ex. est‑ce que les délais sont raisonnables, etc.? Il est possible qu’une initiative réussisse en l’absence d’un plan complet réalisable; par conséquent, la réussite du plan est un facteur à prendre en compte, mais elle n’est pas le seul indice d’un plan complet.

Réponse 194 : renvoi à l’exigence 3.1.4. Le soumissionnaire sera évalué au moyen des critères de l’exigence 3.1.4. Il n’est pas nécessaire que le projet de transition proposé ait été réalisé en 60 jours. L’accent est placé sur l’adéquation entre le projet et l’exigence visée par la présente DP. Il n’est pas nécessaire que le délai soit exactement de 60 jours.

Cotez l’approche proposée par le soumissionnaire :

5 = la réponse est claire et détaillée, respectant 100 % ou plus de l’exigence.

4 = la réponse respecte de façon substantielle l’exigence, de 80 % à 99 %.

3 = la réponse respecte de façon satisfaisante l’exigence, de 60 % à 79 %.

2 = la réponse est passable, respectant de 40 % à 59 % de l’exigence.

1 = la réponse est faible, respectant de 20 % à 39 % de l’exigence.

0 = aucune réponse ou réponse insuffisante, respectant moins de 20 % de l’exigence.

Maximum 6 x 5 = 30 points

3,6000 %

3.3.3

[E] La proposition doit comprendre une liste des paramètres d’exécution et des mesures du niveau de service qui, de l’avis du soumissionnaire, peuvent être pertinents pour les services IST et peuvent être utilisés efficacement dans le cadre contractuel du « niveau de service ».

La proposition sera cotée selon les mesures pertinentes proposées.

Un (1) point pour chaque paramètre de rendement/mesure du niveau de service pertinent et quantifiable dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils soient utilisés par la DGSIT dans un cadre contractuel de « niveau de service ».

Maximum 100 points

3,4892 %

3.3.5

[E] La proposition doit comprendre la description d’un projet ou d’un contrat antérieur à l’occasion duquel le soumissionnaire a fourni des services tout en respectant un cadre contractuel de « niveau de service » faisant appel à des paramètres de rendement et à des mesures du niveau de service semblables à ceux qui sont proposés à l’exigence 3.3.3 ci‑dessus.

La proposition doit comprendre le nom et les coordonnées d’une personne‑ressource qui représentait le client dans le projet donné en exemple et avec lequel l’équipe d’évaluation peut communiquer afin de vérifier les renseignements qui ont été transmis.

Réponse 147 : L’évaluation sera effectuée à un niveau général et si une réponse détaillée est exigée, l’évaluateur demandera à la personne‑ressource de lui fournir le nom d’une personne qui peut transmettre l’information requise (p. ex. le nombre des analystes techniques en câblages intermédiaires).

Modification no 16, réponse 156 : Le recours à un consortium (entrepreneur principal et sous‑traitant(s)) est acceptable.

Réponse 162 :

La personne dont le nom est donné comme référence doit être une personne qui était considérée comme « le client » pendant la durée du contrat.

La proposition sera cotée selon les mesures pertinentes utilisées dans le projet donné en exemple.

Un (1) point pour chaque paramètre de rendement/mesure du niveau de service pertinent et quantifiable dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’ils soient utilisés par DGSIT dans un cadre contractuel de « niveau de service ».

Maximum 50 points

3,4892 %

3.4.2

[E] La proposition doit comprendre la description d’un projet ou d’un contrat antérieur à l’occasion duquel le soumissionnaire a utilisé une approche semblable à celles qui sont proposées à l’exigence 3.4.1 ci‑dessus, et/ou une méthode permettant de conseiller et d’aider un autre client quant à la tenue à jour des processus d’ISTI, qui tiennent compte des nouvelles meilleures pratiques dans l’industrie.

La proposition sera évaluée selon les actions pertinentes dont il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elles profitent à la DGSIT. La proposition doit comprendre le nom et les coordonnées d’une personne qui représente le client dans le projet modèle et que l’équipe d’évaluation peut joindre pour vérifier l’exactitude des renseignements fournis.

Modification no 16, réponse 156 : Les références d’un consortium (entrepreneur principal et sous‑traitant(s)) sont acceptables.

Réponse 157 : Les termes (dans le paragraphe ci‑dessus) « un autre client » sont remplacés par « un client ».

Réponse 162 :

La personne dont le nom est donné comme référence devait être considérée comme « le client » pendant la durée du contrat.

Un (1) point pour chaque action pertinente dont il est raisonnablement possible de s’attendre à ce qu’elle favorise de façon cohérente les meilleures pratiques en matière d’ISTI.

Maximum 8 points.

1,5120 %

3.6.1

[E] La proposition doit comprendre une description du processus que le soumissionnaire a l’intention de mettre en œuvre afin de collaborer avec la DGSIT et de pouvoir procéder à un examen continu des services fournis, et en modifier la prestation en conséquence, et ce, afin de les améliorer et/ou de réduire les coûts que doit assumer la DGSIT.

5 = réponse claire et détaillée

3 = réponse qui respecte de façon substantielle l’exigence.

0 = aucune réponse ou réponse insuffisante.

Maximum 5 points

1,3569 %

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑494‑08

 

INTITULÉ :

TPG TECHNOLOGY CONSULTING LTD. c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

12 ‑15, 20‑22, 26‑29 mai 2014

02‑04, 09‑11, 17‑18 et 26 juin 2014

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 OCTOBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Peter N. Mantas

Leslie J. F. Milton

Alexandra Logvin

Sean Stephenson

Leslie E. Wilbur

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Peter J. Osborne

Monique Jilesen

Brian Harvey

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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