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Date : 20140916


Dossier : T-374-13

Référence : 2014 CF 887

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 septembre 2014

En présence de monsieur le juge O’Keefe

Dossier : T-374-13

ENTRE :

DREXAN ENERGY SYSTEMS INC.

demanderesse

et

LE COMMISSAIRE AUX BREVETS ET

THERMON MANUFACTURING CO.

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Drexan Energy Systems Inc. (la demanderesse ou Drexan) s’adresse à présent à la Cour, au titre de l’article 52 de la Loi sur les brevets, RSC 1985, c P‑4 [la Loi], pour solliciter les trois mesures de redressement suivantes : un jugement déclarant que Steve Makar et Konrad Mech sont coïnventeurs du câble chauffant décrit dans le brevet canadien no 2,724,561, une ordonnance enjoignant au commissaire aux brevets de modifier en conséquence toute inscription dans les registres du Bureau des brevets et l’adjudication des dépens.

[2]               Le commissaire aux brevets ne prend pas position, mais Thermon Manufacturing Co. (la défenderesse ou Thermon) s’oppose à la présente demande.

I.                   Contexte

[3]               Dans des environnements caractérisés par des conditions froides, les tuyaux, conduites et canalisations servant au transport de diverses substances peuvent geler s’ils ne sont pas équipés de dispositifs de réchauffage. Steve Makar, Konrad Mech, Wells Whitney et Umesh Sopory ont relevé certaines lacunes dans les produits disponibles en 2006 et ont décidé de joindre leurs efforts pour créer un nouveau type de câble chauffant ne présentant pas lesdites lacunes. Leurs travaux ont mené à la production de l’invention visée par le brevet canadien no 2,724,561, dont l’abrégé (ci‑après) contient la description :

L’invention concerne un câble chauffant qui comprend une structure de fil commun qui comprend une pluralité de fils omnibus. Une couche d’isolation est fournie pour isoler la pluralité de fils omnibus. Une pluralité de zones nodales exposent des parties des fils omnibus à partir de l’isolation. Un élément chauffant est enveloppé autour de la structure de fils omnibus de manière hélicoïdale. L’élément chauffant comprend un noyau isolant et un ou plusieurs fils de résistance enveloppés autour du noyau de manière hélicoïdale. L’élément chauffant est couplé électriquement au nœud de la structure de fil commun au niveau de la pluralité de zones nodales. Le noyau isolant peut être fait d’un ruban replié constitué d’un matériau textile, tel un tissu de verre. Des pluralités de chemins redondants entre deux nœuds sont fournis pour permettre au courant de circuler dans une zone si l’un des chemins redondants est interrompu.

[4]               Or, la relation entre les quatre personnes avait pris fin en 2010. M. Whitney, Ph. D., et M. Sopory étaient les seuls inventeurs qui figuraient dans la demande de brevet, mais MM. Mech et Makar avaient demandé au commissaire aux brevets, en octobre 2011, d’être ajoutés comme coïnventeurs. Ils ont eu d’abord gain de cause, mais la décision du commissaire a finalement été infirmée pour des motifs qui n’ont pas été dévoilés et le brevet délivré ne désignait que MM. Whitney et Sopory comme inventeurs.

[5]               Messieurs Whitney et Sopory ont cédé leurs droits de propriété sur le brevet à leur employeur, WWUS, qui a ensuite cédé ces droits à Thermon. MM. Makar et Mech ont cédé les droits qu’ils pouvaient avoir sur le brevet à Drexan, l’un des concurrents de Thermon.

II.                Question en litige

[6]               La demanderesse ne conteste pas la validité du brevet canadien no 2,724,561, ni n’invoque la contrefaçon. Dans la présente demande, il n’y a que la question suivante à trancher :

Steve Makar et Konrad Mech sont‑ils des coïnventeurs du câble chauffant décrit dans le brevet canadien no 2,724,561?

III.             Les observations de la demanderesse

[7]               La demanderesse soutient que l’article 52 de la Loi confère à la Cour le pouvoir d’ajouter des inventeurs à un brevet ou de retirer des inventeurs d’un brevet, mais reconnaît qu’elle ne peut pas avoir gain de cause, sauf si elle prouve que MM. Makar et Mech sont des coïnventeurs au brevet.

[8]               De façon générale, la demanderesse demande à la Cour de retenir les dépositions de ses témoins et de rejeter les dépositions des témoins de la défenderesse. Plus précisément, la demanderesse affirme que MM. Whitney et Sopory ne sont pas crédibles et qu’ils refusent à admettre certains faits, même s’ils sont interrogés sur la preuve documentaire qui contredit leur version des faits. En ce qui concerne les déclarations portant que la paternité de l’invention n’a été mise en doute qu’au moment où MM. Whitney et Sopory avaient cédé leurs droits sur le brevet à la défenderesse, la demanderesse dit qu’elles sont tout simplement fausses et que M. Mech a soulevé cette question antérieurement. Selon la demanderesse, aucune conclusion défavorable ne devrait être tirée à cet égard, puisque M. Whitney avait été chargé de régler les questions relatives au brevet et que MM. Makar et Mech lui avaient fait confiance. En outre, jusque‑là, ils tentaient toujours d’établir une relation constructive avec MM. Whitney et Sopory et la question de la paternité de l’invention aurait été théorique s’ils avaient réussi à parvenir à une entente.

[9]               De plus, la demanderesse résume l’état du droit en matière de paternité d’une invention et fait valoir que quiconque aide à réaliser l’idée originale est coïnventeur, même si d’autres contribuent par la suite à présenter l’invention sous une forme définie et pratique requise pour qu’il y ait brevetabilité. Selon la demanderesse, on satisfait à ce critère lorsque les gens discutent ensemble des idées qui permettent de réaliser l’invention, quelle que soit l’importance de la contribution d’un coïnventeur.

[10]           En l’espèce, la demanderesse affirme que MM. Makar et Mech ont tous deux apporté une telle contribution. Le processus a été amorcé en 2006. M. Makar, qui était passager à bord d’une voiture de marque Subaru, a téléphoné à M. Whitney, et a esquissé son idée de nouveau câble chauffant (cette conversation particulière est désignée par l’expression « conversation tenue dans la Subaru »). Les caractéristiques du produit comprenaient une construction parallèle, l’utilisation d’une gaine métallique ondulée et la redondance du trajet du courant électrique. Au début de 2007, des décisions avaient été prises au sujet de bon nombre des caractéristiques du produit et de plus, elles avaient été illustrées dans une présentation PowerPoint préparée à l’intention de Fujikura Inc., entreprise que les membres de l’équipe souhaitaient recruter aux fins de financement.

[11]           En juillet 2007, les quatre personnes se sont rencontrées pour discuter du produit chez M. Whitney, à Glen Ellen, en Californie (cette réunion particulière est désignée par l’expression « réunion de Glen Ellen »). Selon la demanderesse, il s’agissait d’une séance de remue‑méninges axée sur la collaboration, à laquelle MM. Makar et Mech ont participé pleinement et ont même fait des suggestions au sujet de quelques‑uns des éléments qui apparaissent dans le brevet. À la fin de cette rencontre, les quatre personnes avaient convenu que la conception privilégiée du produit était la suivante :

a)                  un câble chauffant;

b)                  une paire de fils omnibus isolés et des entailles dans le matériau isolant, lesquelles permettent d’exposer les fils omnibus, en des emplacements espacés;

c)                  un élément chauffant comportant deux fils de résistance enroulés de manière hélicoïdale, dans le sens antihoraire, autour d’un noyau isolant en fibre de verre;

d)                 l’élément chauffant est enroulé autour des fils omnibus isolés de telle manière qu’il enveloppe aussi les entailles, lesquelles jouent ainsi le rôle de nœuds électriques qui permettent le contact avec les fils omnibus, et l’enroulement hélicoïdal en sens antihoraire des fils de résistance assure la redondance du trajet du courant électrique entre les nœuds;

e)                  les éléments susmentionnés sont enveloppés à l’aide de ruban de mica ou d’un autre matériau isolant;

f)                   une gaine métallique ondulée enveloppe tous les éléments susmentionnés.

[12]           Selon la demanderesse, il s’agissait d’une forme définie et pratique de l’invention. À son avis, l’idée originale peut exister et il est possible d’apporter une contribution à sa réalisation avant de décider d’une manière définitive des détails de construction. La demanderesse estime que MM. Makar et Mech ont tous deux aidé à réaliser l’idée originale.

[13]           La demanderesse ajoute que, fait important, ni M. Whitney ni M. Sopory n’ont nié que bon nombre des caractéristiques figurant dans la revendication 1 avaient été proposées par MM. Makar et Mech. Ils se sont contentés de contester la prétention selon laquelle les caractéristiques étaient « établies » à ce stade. M. Whitney affirme simplement que ces caractéristiques étaient connues dans les documents d’antériorité. La demanderesse soutient toutefois qu’il n’est pas nécessaire que l’invention soit établie pour qu’une personne contribue à sa conception. En outre, même si certaines caractéristiques figurent dans les documents d’antériorité, leur combinaison dans un unique câble chauffant constitue l’invention en l’espèce. La demanderesse ajoute que ni l’antériorité ni l’évidence ne sont en cause devant la Cour, la validité du brevet n’étant pas contestée.

[14]           Quant au travail que MM. Whitney et Sopory ont effectué après la rencontre, la demanderesse affirme qu’il s’est limité essentiellement aux essais et aux vérifications. En tout état de cause, la demanderesse ajoute qu’ils ne peuvent pas s’attribuer tout le mérite à cet égard, puisque MM. Makar et Mech ont tous deux participé pleinement aux essais.

IV.             Les observations de la défenderesse

[15]           La défenderesse convient que le fardeau de la preuve incombe à la demanderesse, mais soutient que celle‑ci ne s’en est pas acquittée. La défenderesse souligne que MM. Whitney et Sopory comptent tous deux des dizaines d’années d’expérience en conception et en fabrication des câbles de réchauffage, alors que M. Makar est vendeur de profession et que M. Mech est ingénieur en mécanique qui n’a jamais conçu de câble de réchauffage.

[16]           En outre, la défenderesse s’attaque à la crédibilité de MM. Makar et Mech tout au long de ses observations, affirmant que leurs témoignages en contre‑interrogatoire étaient souvent contradictoires, vagues et truffés d’arguments. La défenderesse ajoute que les affidavits qu’ils ont déposés auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada comprenaient des déclarations différentes de celles formulées dans le cadre de la présente demande, ce qui montre qu’ils exagèrent leur participation à l’invention. La défenderesse fait remarquer la présence de certaines similitudes dans l’énoncé de leurs deux affidavits et affirme qu’ils ont collaboré à la rédaction des affidavits ou que l’énoncé a été choisi par l’avocat. D’une façon ou d’une autre, voilà ce qui soulève, selon la défenderesse, des doutes sérieux quant à l’exactitude de leurs souvenirs spontanés dont font état les affidavits.

[17]           La défenderesse affirme que MM. Makar et Mech n’ont eu aucune contribution à l’idée originale et met en doute la version des évènements donnée par la demanderesse. M. Whitney se souvient bien de la conversation tenue dans la Subaru, mais celle‑ci ne constituait pas un « moment de révélation » et les personnes mentionnées avaient eu de nombreuses conversations de ce type auparavant, ce que M. Makar a lui‑même admis en contre‑interrogatoire. Bien qu’il soit possible que M. Makar ait offert des suggestions relatives à certaines caractéristiques que le câble devait présenter, ces dernières constituaient des caractéristiques connues que tout câble devant être commercialisé doit nécessairement posséder pour constituer un produit concurrentiel. La portée de la conversation n’englobait pas les aspects pratiques de la conception du produit et M. Whitney a nié la déclaration de M. Makar portant qu’il avait alors suggéré le concept de redondance du trajet du courant électrique. Tous les concepts en question constituaient des connaissances que n’importe quelle personne versée dans l’art possédait à cette époque.

[18]           Dans le même ordre d’idées, la défenderesse affirme que rien n’était réglé au moment où ils ont fait leur présentation à Fujikura et soutient que le témoignage de M. Makar sur ce point était contradictoire. Quant à la réunion de Glen Ellen, elle portait principalement, selon la défenderesse, sur la constitution en société et la commercialisation et tout au plus peut‑on affirmer qu’ils se sont mis d’accord sur les caractéristiques recherchées pour le produit, mais ils n’ont jamais discuté de sa conception. MM. Whitney et Sopory nient également que M. Makar ait fait l’une ou l’autre des suggestions particulières en matière de conception qu’ils affirment avoir faites. En outre, la défenderesse avance que le compte rendu de la rencontre rédigé et distribué par M. Whitney corrobore le témoignage de celui‑ci ainsi que le témoignage de M. Sopory.

[19]           Les quatre personnes se sont aussi rencontrées à San Francisco, les 28 et 29 février 2008 (cette réunion particulière est désignée par l’expression « réunion de San Francisco ») pour discuter de l’obtention du brevet. La défenderesse affirme qu’une copie de la demande de brevet a été distribuée et que la page couverture indiquait comme inventeurs seuls MM. Whitney et Sopory. À son avis, l’absence d’objection de la part de MM. Makar et Mech montre que ceux‑ci ne se considéraient pas comme des inventeurs à l’époque. De plus, M. Mech a, en effet, proposé une variante au cours de cette réunion; une demande distincte a été rédigée à ce sujet. La demande indiquait M. Mech comme inventeur et celui‑ci avait signé une déclaration pour confirmer son rôle. La défenderesse fait par conséquent valoir que M. Mech ne pouvait pas ignorer qu’il n’avait pas été désigné comme inventeur dans le cadre des autres demandes de brevet puisqu’il n’avait pas eu à faire les mêmes démarches.

[20]           D’ailleurs, la défenderesse ajoute que MM. Makar et Mech n’ont commencé à se considérer comme des inventeurs que lorsque le concurrent de Drexan, Thermon, avait obtenu de MM. Whitney et Sopory les droits de propriété. La seule fois où M. Mech a soulevé la question de la paternité de l’invention c’était au sujet de la variante qu’il avait proposée. MM. Whitney et Sopory avaient finalement retiré la revendication concernant cette variante des brevets pour lesquels ils étaient désignés comme seuls inventeurs. Par conséquent, la défenderesse dit qu’une conclusion défavorable devrait être tirée à cet égard.

[21]           De plus, la défenderesse soutient que la demanderesse donne une interprétation erronée du droit en matière de paternité de l’invention. Elle souligne qu’une simple idée ou suggestion ne saurait constituer une invention et qu’elle doit être présentée sous forme pratique. En contre‑interrogatoire, M. Makar a qualifié la rencontre des quatre personnes de [traduction] « réunion pour échanger des idées ». La défenderesse affirme que les renseignements échangés ne tombent pas sous le coup de cette catégorie. De plus, la défenderesse distingue la présente affaire de certains des précédents cités par la demanderesse, affirmant plutôt que l’idée originale en l’espèce repose sur la combinaison d’éléments. En conséquence, la suggestion d’éléments individuels n’a pas pour effet d’apporter une contribution à l’idée originale.

[22]           La défenderesse rejette également l’argument de la demanderesse selon lequel, après la réunion de Glen Ellen, le travail de MM. Whitney et Sopory s’est limité aux essais et aux vérifications. Il a fallu plusieurs mois d’essais et d’erreurs pour créer un produit comportant les caractéristiques recherchées et aucun argument raisonnable ne permet de résumer ce travail à une simple vérification. En ce qui concerne les essais que MM. Makar et Mech auraient effectués, ni l’un ni l’autre ne l’ont mentionné dans leurs affidavits. En fait, seul M. Sopory fait mention de ces essais, affirmant qu’ils se limitaient à préparer des échantillons pour les clients potentiels ou à définir les exigences en matière d’essais liées à l’homologation réglementaire. Aucun de ces essais n’a contribué à l’élaboration du câble.

V.                Analyse et décision

A.                Question en litige – Steve Makar et Konrad Mech sont‑ils des coïnventeurs du câble chauffant décrit dans le brevet canadien no 2,724,561?

[23]           Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que la Cour est compétente, en application de l’article 52 de la Loi, pour ordonner que les noms des inventeurs soient inscrits ou radiés d’un brevet (voir Comstock Canada c Electec Ltd (1991), 45 FTR 241, au paragraphe 61, 38 CPR (3d) 29 (1re inst.)). Je partage également l’avis des parties selon lequel, pour avoir gain de cause, il revient à la demanderesse de prouver que MM. Makar et Mech sont probablement des coïnventeurs (voir Weatherford Canada Ltd c Corlac Inc, 2010 CF 602, au paragraphe 238, 370 FTR 54 [Weatherford (CF)], conf. par 2011 CAF 228, au paragraphe 99, 95 CPR (4th) 101 (mais aussi modifiée pour d’autres motifs) [Weatherford (CAF)]).

[24]           Pour y arriver, la demanderesse doit démontrer que M. Makar ou M. Mech sont en quelque sorte les auteurs de l’idée originale (voir Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77, au paragraphe 96, [2002] 4 RCS 153 [Wellcome]). Toutefois, ils n’ont pas besoin d’être des auteurs à part entière. Comme l’a affirmé la Cour suprême dans l’arrêt Wellcome, au paragraphe 99, « un individu qui aide à réaliser l’idée originale peut être un coïnventeur sans être le principal auteur de cette idée ». La demanderesse fait donc valoir que ce critère est rempli si elle démontre que MM. Makar et Mech ont rencontré MM. Whitney et Sopory et ont « discuté des concepts qui ont été incorporés dans les réalisations divulguées » (voir Plasti-Fab Ltd c Canada (Procureur général), 2010 CF 172, au paragraphe 15, 364 FTR 217 [Plasti-Fab]).

[25]           La défenderesse soutient que la décision Plasti‑Fab n’est pas pertinente puisque la paternité de l’invention n’était pas contestée dans cette affaire. Je ne suis pas d’accord, dans la mesure où cet argument laisse entendre que le critère de la paternité de l’invention varie selon que la demande est contestée ou non. Comme le fait remarquer la Cour d’appel fédérale dans Weatherford (CAF), au paragraphe 104, « l’existence d’une “entente” entre les parties ne résout pas la question de la paternité de l’invention. Une personne peut contribuer ou ne pas contribuer à l’idée originale ». Même dans la décision Plasti-Fab, au paragraphe 15, la Cour a appliqué le critère établi dans l’arrêt Wellcome, même s’il est peut‑être plus facile de prouver leur contribution lorsque les coïnventeurs présumés livrent un témoignage cohérent au sujet de leurs rôles respectifs.

[26]           De plus, je conviens avec la demanderesse que, quelque petite qu’elle soit, la contribution apportée à l’idée originale permet de faire d’une personne un coïnventeur, dans la mesure où cette personne consacre son ingéniosité à la réalisation de l’idée originale plutôt qu’à la vérification (voir Gerrard Wire Tying Machines Co v Cary Manufacturing Co, 1926 CarswellNat 22, au paragraphe 32, [1926] Ex CR 170, [1926] 3 DLR 374 [Gerrard Wire]; Wellcome, au paragraphe 99).

[27]           Toutefois, j’estime aussi, comme la défenderesse, que l’idée originale en cause en l’espèce repose sur la combinaison d’éléments particuliers, non sur les éléments eux‑mêmes. Comme l’a fait observer le juge Michael Phelan dans Weatherford (CF), au paragraphe 240 :

Bien que les mêmes problèmes d’analyse se posent que l’invention soit un brevet par combinaison ou non, c’est la combinaison proprement dite qui est la nouveauté, non les éléments combinés. Ainsi que l’a confirmé Lovell Manufacturing Co. c. Beatty Brothers Ltd. (1962), 41 C.P.R. 18, même si d’autres personnes que l’inventeur désigné ont contribué à certains éléments, cela ne fait pas d’eux des coïnventeurs de la combinaison.

[28]           La Cour d’appel fédérale a confirmé cette analyse (voir Weatherford (CAF), au paragraphe 99).

[29]           En conséquence, l’analyse doit porter sur la question de savoir si la contribution de MM. Makar et Mech reposait non seulement sur les caractéristiques suggérées (voir Weatherford (CF), au paragraphe 260), mais aussi sur la façon de réaliser effectivement leur combinaison. En d’autres mots, dans le cas de deux produits concurrents qui présentent différents avantages et inconvénients, le fait d’indiquer l’utilité d’un autre produit qui comporte les avantages des deux sans présenter pour autant leurs inconvénients ne constitue pas du tout une preuve d’ingéniosité. S’il existe une idée originale quelconque dans la combinaison de ces deux produits, elle consiste à découvrir comment réaliser un produit qui possède les attributs souhaités des deux autres et c’est à ce processus que la contribution à l’idée originale doit s’appliquer.

[30]           Par conséquent, l’issue de la présente affaire tient en grande partie à une question de crédibilité. MM. Makar et Mech affirment tous deux avoir offert des suggestions et avoir participé à la conception du produit, notamment en ce qui a trait, entre autres, aux éléments suivants : l’enroulement hélicoïdal, en sens antihoraire, des fils de résistance autour d’un noyau isolant; l’idée consistant à utiliser des liens autour de l’élément chauffant, l’utilisation d’une gaine métallique ondulée et une configuration de la conception particulière semblable au produit final. Certains de ces éléments constituent des revendications concrètes dont les détails sont présentés dans le brevet et, aux fins de la présente demande, je suppose que le texte pertinent bénéficie de la présomption de validité prévue au paragraphe 43(2) de la Loi. Par conséquent, si je considère que les affirmations de M. Makar ou de M. Mech sont véridiques, je conclurai que ceux‑ci ont contribué à l’idée originale du brevet.

[31]           Toutefois, MM. Whitney et Sopory contestent formellement leurs témoignages, et affirment que rien n’avait réellement été établi lors de la réunion de Glen Ellen. En fait, ils disent que la contribution de MM. Makar et Mech se limitait en grande partie à la commercialisation et à l’énumération des caractéristiques qu’ils souhaitaient pour le produit. Si c’est effectivement le cas, ils n’ont apporté aucune contribution à l’idée originale et ne sont pas des coïnventeurs.

[32]           Or, en matière de crédibilité, les parties ont toutes les deux exagéré la présentation des faits. C’est surtout la défenderesse qui invoque plusieurs arguments douteux. Par exemple, elle soutient que les similitudes dans les affidavits de M. Makar et de M. Mech montrent qu’ils ont collaboré à leur rédaction ou que l’énoncé a été choisi par l’avocat. En effet, MM. Makar et Mech ont admis avec franchise que certains passages étaient rédigés par l’avocat avec leur accord (voir le contre‑interrogatoire de M. Makar, dossier de la défenderesse, page 302, question 528; le contre‑interrogatoire de M. Mech, dossier de la défenderesse, page 512, question 328).

[33]           Leur crédibilité n’est pas pour autant mise en doute. Il est courant que les avocats aident les témoins à préparer leurs affidavits. Très souvent, les avocats excluraient les détails non pertinents ou utiliseraient un énoncé plus précis que les témoins, s’ils devaient se débrouiller tout seuls. Je n’ai cependant aucune raison de croire que l’un ou l’autre des témoins mentaient lorsqu’ils avaient souscrit leurs affidavits. En outre, M. Sopory, le témoin de la défenderesse, a également admis en contre‑interrogatoire qu’il n’avait pas rédigé, entre autres, le paragraphe 8 de son affidavit (voir le contre‑interrogatoire de M. Sopory, dossier de la demanderesse, page 703). S’il y a lieu d’écarter les témoignages de M. Makar ou de M. Mech du fait qu’ils n’ont pas choisi chacun des mots utilisés, il en va de même pour le témoignage de M. Sopory. Je préfère ne pas le faire. Je suis plutôt d’avis de rejeter l’argument de la défenderesse.

[34]           La défenderesse fait aussi valoir qu’il existe d’importantes modifications dans la formulation des présents affidavits et celle des affidavits soumis à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada. Par exemple, dans l’affidavit antérieur, M. Makar déclare que la réunion de Glen Ellen avait pour but de [traduction] « discuter de la conception, de la mise au point et de la commercialisation du câble ». Dans le présent affidavit, il affirme qu’elle avait pour but de [traduction] « discuter de la conception et des détails connexes, de la mise au point et de la commercialisation » du câble. De même, alors que dans l’affidavit antérieur il déclare qu’il avait [traduction] « proposé des idées relatives à l’utilisation de multiples fils de résistance », il a par la suite affirmé qu’il avait [traduction] « proposé des approches de conception particulières relatives à l’utilisation de multiples fils de résistance ».

[35]           En contre‑interrogatoire, lorsqu’il a été invité à expliquer ces modifications, M. Makar a dit que son affidavit antérieur ne se rapportait pas à la présente affaire (voir le contre‑interrogatoire de M. Makar, dossier de la défenderesse, page 250, question 294), qu’il comprenait, en général, les mêmes renseignements (voir le contre‑interrogatoire de M. Makar, dossier de la défenderesse, page 300, question 517) et que les modifications qu’il avait apportées visaient à faire en sorte que le nouvel affidavit soit complet et exact (voir le contre‑interrogatoire de M. Makar, dossier de la défenderesse, page 302, question 524).

[36]           À mon avis, il s’agit d’explications valables. Il convient de souligner qu’aucun des exemples cités par la défenderesse ne constituait une incohérence. De façon générale, les modifications apportées avaient pour objet de produire un témoignage plus détaillé. Par exemple, l’expression « approches de conception particulières » a une portée plus restreinte que le terme « idées », en ce sens qu’une idée pourrait correspondre à une approche de conception particulière, mais elle peut aussi revêtir de nombreuses autres connotations. J’estime que les différences entre le paragraphe 8 de son affidavit antérieur et le paragraphe 50 de son nouvel affidavit sont de la même nature (voir le contre‑interrogatoire de M. Makar, dossier de la défenderesse page 334, questions 664 à 668). Dans l’ensemble, j’accepte le fait que M. Makar voulait juste rendre son témoignage complet et exact et qu’il ne mentait pas pour étoffer sa demande. Je ne considère donc pas que ces modifications ont véritablement incidence sur la crédibilité.

[37]           En outre, je ne tire aucune conclusion défavorable au sujet de la crédibilité des témoins de la demanderesse de leur omission de mentionner qu’ils se considéraient comme des inventeurs auparavant. Premièrement, je doute qu’une page de couverture où seuls MM. Whitney et Sopory étaient désignés comme inventeurs ait été distribuée à la réunion de San Francisco. Il en est peut‑être ainsi, mais ni M. Makar ni M. Mech ne se rappellent avoir vu de page couverture et le compte rendu de la réunion rédigé par M. Whitney ne fait pas état de la distribution de la description du brevet ou de la page couverture (voir l’affidavit de M. Whitney, pièce L). De plus, si le document n’avait été examiné qu’une fois, en personne, il est possible que la page couverture soit passée inaperçue vu la confiance qui existait entre ces personnes à l’époque (voir le contre‑interrogatoire de M. Makar, dossier de la défenderesse, pages 374 et 375, questions 857 et 860).

[38]           Certes, M. Mech avait été désigné comme inventeur dans l’un des brevets pour la variante proposée à San Francisco et il doit avoir constaté que le processus était alors différent. Toutefois, j’accepte également le fait que M. Mech a soulevé des questions quant à la paternité de l’invention avant que les droits de propriété soient cédés à Thermon. Dans le courriel qu’il a envoyé à M. Whitney le 1er novembre 2009, M. Mech fait notamment part de ses préoccupations au sujet de la variante qu’il avait proposée, mais il ajoute aussi ce qui suit : [traduction] « Je poursuis petit à petit l’examen [des brevets] pour repérer les revendications auxquelles Makar ou moi‑même avons apporté une contribution. » La mention de M. Makar signifie que M. Mech n’entendait pas assumer exclusivement la paternité de la variante et que, du moins, il estimait détenir aussi un intérêt lié à la paternité de l’invention.

[39]           De plus, compte tenu des discussions qui ont eu lieu dans les mois précédant la cession des droits à Thermon, il était compréhensible que M. Mech ne poursuive pas cette question à l’époque, car il risquait de contrarier MM. Whitney et Sopory et de réduire les chances d’une entente à cet égard.

[40]           Quant à l’allégation de la défenderesse voulant que le témoignage de M. Makar soit vague et [traduction] « truffé d’incohérences », (voir le dossier de la défenderesse, page 604, paragraphe 51), je ne saurais être d’accord. M. Makar a admis à quelques reprises avoir un trou de mémoire (voir le contre‑interrogatoire de M. Makar, dossier de la défenderesse, pages 234 à 236, questions 226 à 234), mais les autres critiques formulées par la défenderesse ne sont pas fondées. De nombreuses critiques reposent sur l’énoncé ambigu de l’affidavit de M. Makar, que ce dernier a librement expliqué lors du contre‑interrogatoire (voir, par exemple, l’affidavit de M. Makar, au paragraphe 35; contre‑interrogatoire de M. Makar, dossier de la défenderesse, pages 271 à 274, questions 376 à 384) et que je ne considère pas problématique.

[41]           Par ailleurs, la défenderesse soutient que, s’agissant de la redondance du trajet du courant électrique, M. Makar est revenu en contre‑interrogatoire sur l’affirmation faite dans son affidavit selon laquelle cette caractéristique « avait été établie » lors de la réunion de Glen Ellen, et a admis que la caractéristique « n’avait pas été établie » à la réunion de Glen Ellen.

[42]           Toutefois, compte tenu du contexte, j’estime que cette affirmation ne saurait être qualifiée de recul. Même si M. Makar semble avoir mal choisi ses mots, sa déclaration portant que la caractéristique en question n’avait pas été intentionnellement établie a été faite de manière volontaire et ne constitue pas une réponse à une contestation sur ce point. Il entendait dire qu’à la réunion de Glen Ellen, [traduction] « nous avons décidé d’envisager et d’analyser tout élément possible, même si nous nous sommes rendu compte que nous écarterions probablement la plupart de ces éléments » (voir le contre‑interrogatoire de M. Makar, dossier de la défenderesse, pages 295 et 296, questions 491 à 493). Il s’agit d’un processus de création et je ne tiens pas pour acquis que cette affirmation contredit son affidavit.

[43]           Dans l’ensemble, j’estime que le témoignage de M. Makar n’a pas été affaibli en contre‑interrogatoire.

[44]           En ce qui concerne le témoignage de M. Mech, les critiques formulées par la défenderesse à cet égard ne sont pas non plus fondées. Interrogé quant à savoir si l’avocat avait préparé une certaine phrase de son affidavit, M. Mech a répondu qu’il avait bénéficié de l’aide de l’avocat, mais qu’il n’arrivait pas à se souvenir s’il avait lui‑même rédigé cet énoncé en particulier. Il a néanmoins déclaré sous serment que cette déclaration était exacte. Selon la défenderesse, cette déclaration est vague, mais je ne saurais être d’accord.

[45]           De même, la défenderesse critique le fait que M. Mech ne se rappelle pas si [traduction] « M. Makar l’avait informé du fait que, lors de la conversation téléphonique tenue dans la Subaru, il avait conseillé à M. Whitney que la conception du produit comporte la redondance du trajet du courant électrique ». Toutefois, ceci constitue un détail particulier « de seconde main », provenant d’une conversation à laquelle M. Mech ne participait pas, et il n’est guère surprenant qu’il ne s’en souvienne pas (voir le contre‑interrogatoire de M. Mech, dossier de la défenderesse, pages 477 et 478, question 193).

[46]           Cela dit, je conviens que le contre‑interrogatoire de M. Mech pose quelques problèmes. Il était parfois truffé d’arguments. Même si, d’après ses interjections, M. Mech essayait d’obtenir des éclaircissements sur certaines questions (voir, par exemple, le contre‑interrogatoire de M. Mech, dossier de la défenderesse, page 491, question 249), souvent il semblait que son intérêt dans le résultat de l’affaire l’empêchait de donner une réponse ferme (voir, par exemple, le contre‑interrogatoire de M. Mech, dossier de la défenderesse, pages 557 et 558, question 498). Fait plus important, son témoignage comportait quelques contradictions réelles, là où ses réponses et explications prêtaient fortement à confusion (voir le contre‑interrogatoire de M. Mech, dossier de la défenderesse, pages 429 à 531, questions 392 à 396).

[47]           Pour ce qui est des témoins de la défenderesse, les critiques de la demanderesse n’étaient pas non plus particulièrement convaincantes. Les quelques contradictions qu’a révélées la demanderesse n’étaient qu’incidemment liées au litige. Par exemple, l’avocat de la demanderesse a demandé à M. Whitney s’il respectait Fujikura Inc. et, après avoir reçu une réponse affirmative, il l’a confronté à un courriel de mécontentement qu’il avait rédigé. Lorsqu’on lui a demandé de nouveau s’il respectait Fujikura Inc., son avocat lui a dit de ne pas répondre (voir le contre‑interrogatoire de M. Whitney, dossier de la demanderesse, pages 795 à 798). Puisque M. Whitney n’a pas expliqué le ton et le contenu du courriel, je suis d’avis qu’il s’agit d’une contradiction, mais elle n’est pas pertinente au regard des questions dont je suis saisi.

[48]           Dans le cas de certains autres exemples de la demanderesse, je ne crois pas qu’on puisse dire qu’il y a eu réticence significative. Ainsi, M. Whitney a été confronté au contenu d’une conversation qu’il a eue, par courriel, avec M. Makar. Ce dernier y décrivait une action ou une réalisation quelconque de M. Sopory et demandait à M. Whitney [traduction] « Est-ce ce que vous entendez, lorsque vous dites qu’Umesh n’est pas sérieux? » La réaction de M. Whitney a alors été la suivante : [traduction] « Exactement! Vous avez bien saisi ce que je voulais dire! » Lors du contre‑interrogatoire, lorsqu’on lui a demandé plus d’information sur cette conversation, M. Whitney a refusé d’indiquer si sa réaction était directement liée à la question de M. Makar (voir le contre‑interrogatoire de M. Whitney, dossier de la demanderesse, page 180, lignes 12 et 13). Je suis d’accord avec l’interprétation que fait la demanderesse de la conversation tenue par courriel, mais je ne tire toutefois aucune inférence défavorable à M. Whitney en raison de son refus de répondre, car il n’avait aucun souvenir particulier du sujet auquel sa réaction faisait référence.

[49]           La demanderesse fait aussi valoir qu’au paragraphe 55 de l’affidavit, M. Whitney avait incorrectement laissé entendre qu’à la suite de la réunion de Glen Ellen, la conception privilégiée de l’élément chauffant était plus apparentée à un modèle antérieur de câble, qui avait déjà fait l’objet de leurs travaux, qu’au produit final, mais je ne considère pas que l’énoncé du paragraphe 55 laisse entendre une telle chose.

[50]           Malgré ce fait,  je ne suis pas non plus d’accord avec la défenderesse, lorsqu’elle affirme que ses témoins sont demeurés [traduction] « inébranlables, durant les contre‑interrogatoires ». Par exemple, selon le témoignage de M. Sopory, dans son affidavit, [traduction] « lors de la réunion de Glen Ellen, nos discussions portaient uniquement sur un certain nombre de caractéristiques possibles qui auraient pu nous sembler dignes de travaux exploratoires subséquents ». Toutefois, la défenderesse a aussi soutenu qu’une note, rédigée par M. Whitney le 24 juillet 2007, contient une description exacte de la conception privilégiée de l’élément chauffant qui avait été établie à la suite des travaux de la réunion de Glen Ellen. Lorsqu’il a été confronté à la teneur de la note, lors de son contre‑interrogatoire, M. Sopory a admis qu’il ne se rappelait pas avoir discuté des aspects de cette conception privilégiée de l’élément chauffant, à la réunion de Glen Ellen (voir le contre‑interrogatoire de M. Sopory, dossier de la demanderesse, page 696, lignes 8 à 10) et qu’il ne se rappelait pas du tout de certains autres éléments de la note et était même surpris de les y retrouver (voir, le contre‑interrogatoire de M. Sopory, dossier de la demanderesse, page 697, lignes 2 à 13). Ceci me porte à croire que la teneur de la note n’est pas exacte ou que la mémoire de M. Sopory lui fait défaut, en ce qui a trait à la réunion.

[51]           Or, je suis d’avis, en dernière analyse, que MM. Makar et Mech ne sont pas des coïnventeurs pour un certain nombre de raisons.

[52]           Premièrement, ils possédaient des connaissances dans le domaine des ventes, alors que MM. Whitney et Sopory possédaient une expertise dans les domaines de la recherche, du développement et de la fabrication. Bien que l’expérience de MM. Makar et Mech dans l’industrie leur permette vraisemblablement, selon moi, d’apporter une contribution valable en matière de conception (et c’est ce que M. Mech a fait au regard de la variante qu’il avait proposée à la réunion de San Francisco), il me semble plus probable qu’ils partagent le travail en fonction de leur expérience (voir l’affidavit de M. Whitney, au paragraphe 51; affidavit de M. Sopory, au paragraphe 16). En outre, j’estime que l’affirmation de M. Sopory dans un courriel en date du 2 mars 2009 ne constitue pas une admission du fait que les quatre personnes ont inventé le produit. Tout ce que M. Sopory dit, c’est qu’ils étaient tous à l’origine du produit et qu’ils [traduction] « ont joint leurs efforts pour rendre le produit prêt à la commercialisation ». Cette affirmation est tout aussi compatible avec la thèse de la défenderesse sur le partage des travaux ainsi qu’avec la thèse de la demanderesse sur la copaternité de l’invention.

[53]           Deuxièmement, M. Whitney a présenté de nombreux documents de l’époque montrant le travail de conception qu’il avait accompli dans les jours précédant la réunion de Glen Ellen. De plus, M. Whitney a distribué des notes de service après la réunion de Glen Ellen, ce qui confirme sa version des faits. Bien que M. Makar affirme avoir probablement communiqué avec M. Whitney par téléphone au sujet d’imprécisions qu’il avait relevées, il n’y a aucune preuve documentaire à l’appui de cette prétention.

[54]           La demanderesse fait valoir que le courriel que Steve Makar a envoyé aux autres personnes le 16 février 2007 appuie sa prétention à cet égard, mais je ne suis pas de cet avis. Le descriptif du produit figurant dans le courriel en question ne comprend que les caractéristiques du câble, non sa conception et, selon moi, il ressemble plutôt à une présentation de nature publicitaire.

[55]           Troisièmement, MM. Whitney et Sopory ont montré qu’ils étaient prêts à désigner M. Mech comme inventeur pour la variante que celui‑ci a proposée à la réunion de San Francisco. Par conséquent, je m’attends à ce qu’ils soient tout aussi bien prêts à faire autant si M. Makar ou M. Mech avaient apporté une contribution à l’idée originale.

[56]           Compte tenu de l’état actuel du dossier, je préfère le témoignage de MM. Whitney et Sopory à celui de MM. Makar et Mech. Ces derniers ont contribué sans doute de façon pertinente à la conception du câble, mais la demanderesse n’a pas démontré que cette contribution ne se limitait pas à la suggestion des caractéristiques souhaitées et à la transmission de la rétroaction des clients potentiels. Bien qu’elles ne soient certainement pas dépourvues d’utilité (voir le contre‑interrogatoire de M. Sopory, dossier de la demanderesse, pages 660 et 661), ces démarches sont dénuées d’inventivité et je suis d’avis que MM. Makar et Mech ne sont pas des coïnventeurs.

[57]           La demanderesse n’a pas démontré que M. Makar et M. Mech étaient probablement des coïnventeurs du câble chauffant décrit dans le brevet canadien n2,724,561. Par conséquent, je suis d’avis de rejeter la présente demande et d’accorder les dépens à la défenderesse, Thermon Manufacturing Co.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse, Thermon Manufacturing Co.

« John A. O’Keefe »

Juge


ANNEXE

Dispositions législatives applicables

Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4

2. Sauf disposition contraire, les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2. In this Act, except as otherwise provided,

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

“invention” means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter;

(2) Une fois délivré, le brevet est, sauf preuve contraire, valide et acquis au breveté ou à ses représentants légaux pour la période mentionnée aux articles 44 ou 45.

43.(2) After the patent is issued, it shall, in the absence of any evidence to the contrary, be valid and avail the patentee and the legal representatives of the patentee for the term mentioned in section 44 or 45, whichever is applicable.

52. La Cour fédérale est compétente, sur la demande du commissaire ou de toute personne intéressée, pour ordonner que toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet soit modifiée ou radiée.

52. The Federal Court has jurisdiction, on the application of the Commissioner or of any person interested, to order that any entry in the records of the Patent Office relating to the title to a patent be varied or expunged.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-374-13

 

INTITULÉ :

DREXAN ENERGY SYSTEMS INC. c

LE COMMISSAIRE AUX BREVETS et

THERMON MANUFACTURING CO.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑bRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 MARS 2014

 

motifs du jugement et jugement :

le juge O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 SEPTEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Paul Smith

Lawrence Chan

 

POUR LA DEMANDERESSE

David W. Aitken

 

POUR LA DÉFENDERESSE

THERMON MANUFACTURING CO.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smiths IP

Avocats et conseillers juridiques

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Aitken Klee LLP

Avocats et conseillers juridiques

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

THERMON MANUFACTURING CO.

 

 

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