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Date : 20141001


Dossier : IMM-5479-13

Référence : 2014 CF 932

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er octobre 2014

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

GERGO BALOGH

(ALIAS GERGOE BALOGH)

ADRIENN JUHASZ

JAZMIN LEILA BALOGH

MERCEDESZ ADRIE LIPTAI

(ALIAS MERCEDESZ ADRIENN LIPTAI) GABOR JUHASZ

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire présentée par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le demandeur], en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] visant la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la Commission], datée du 31 juillet 2013 (rendue oralement le 3 juillet 2013), par laquelle la SPR a décidé que Gergo Balogh, Adrienn  Juhasz, Jazmin Leila Balogh, Mercedesz Adrie Liptai, et Gabor Juhasz [les défendeurs] avaient qualité de réfugié au sens de la Convention.

[2]               Selon moi, la présente demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie pour les motifs énoncés ci-dessous.

II.                Les faits

[3]               Les défendeurs sont arrivés au Canada le 21 novembre 2010 et ont présenté une demande d’asile le jour même invoquant une crainte fondée de persécution en Hongrie, en raison de leur origine ethnique rom.

[4]               M. Gergo Balogh était le demandeur principal [DP]. Les demandes de Adrienn Juhasz (l’épouse du DP), Gabor Juhasz (le beau-frère du DP), Jazmin Leila Balogh et Mercedesz Adrie Liptai (les enfants mineurs du DP) ont été jointes à la demande du DP, conformément à l’article 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256.

[5]               La SPR a entendu la demande d’asile des défendeurs le 3 juillet 2013, à Toronto, et a rendu sa décision et ses motifs oralement le même jour. Les motifs écrits sont datés du 31 juillet 2013.

III.             La décision soumise au contrôle

[6]               L’identité des défendeurs a été établie au moyen d’une copie certifiée de leurs passeports.

[7]               La SPR a conclu que les défendeurs avaient témoigné de manière cohérente, même si elle a aussi conclu qu’ils étaient « relativement crédibles ». Des incohérences ont été relevées, mais aucune de celles-ci ne suffisait à entacher leurs témoignages.

[8]               La SPR a fait observer qu’il existe une présomption de la protection de l’État, sauf dans les cas où il y a un effondrement complet de l’appareil étatique. La SPR a aussi fait remarquer que les défendeurs avaient le fardeau de réfuter la présomption de la protection de l’État par la production d’éléments de preuve clairs et convaincants, selon la prépondérance des probabilités.

[9]               La SPR a fait remarquer que, bien que l’efficacité de la protection offerte par l’État soit un élément pertinent à prendre en considération, il ressort de la jurisprudence que le critère à appliquer au regard de la protection de l’État consiste à établir si la protection est suffisante, plutôt que si elle est efficace au sens strict. En d’autres termes, la protection de l’État n’a pas à être parfaite.

[10]           Lorsqu’elle a établi le caractère suffisant de la protection de l’État, la SPR a souligné l’importance d’examiner s’il existe des mécanismes légaux et procéduraux de protection, mais également si l’État, au moyen de la police ou d’autres autorités, est apte et disposé à mettre ces mécanismes en œuvre. La SPR a aussi souligné que les omissions des autorités locales d’assumer la protection n’équivalent pas à une absence de protection de l’État dans son ensemble.

[11]           La SPR a relevé que le fardeau de renverser la présomption de la protection de l’État est directement proportionnel au degré de démocratie atteint chez l’État en cause. La SPR a ensuite souligné que, sur la foi de la preuve dont elle disposait : la Hongrie est une démocratie; elle tient des élections libres et équitables; elle a un système judiciaire relativement indépendant et impartial; elle a le contrôle de son territoire; elle a une force de sécurité efficace pour faire observer sa constitution et ses lois; rien ne semble indiquer qu’il y a un effondrement complet de l’appareil étatique. La SPR a relevé l’existence d’une nouvelle loi fondamentale ainsi que celle de plus de 20 nouvelles lois cardinales qui « ont soulevé des préoccupations », du fait qu’elles pouvaient miner les institutions démocratiques du pays, mais la SPR a conclu qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve convaincants démontrant que la Hongrie n’était pas une démocratie, et que toute disposition des nouvelles lois qui allait à l’encontre des principes généraux de l’Union européenne pouvait être contestée.

[12]           Toutefois, la SPR a conclu que, en l’espèce, les défendeurs avaient été persécutés en Hongrie pour des motifs cumulatifs d’actes discriminatoires envers eux, et qu’ils avaient réfuté la présomption de la protection de l’État.

[13]           La SPR a conclu qu’« [a]près avoir examiné l’ensemble de la preuve et les observations du conseil », ainsi que la jurisprudence, les défendeurs avaient qualité de réfugié au sens de la Convention.

IV.             La question en litige

[14]           La présente affaire soulève la question suivante : la SPR a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a omis de fournir des motifs écrits adéquats quant à la question de la protection de l’État et quant à la façon dont elle a conclu que les défendeurs avaient subi de la persécution?

V.                La norme de contrôle

[15]           Aux paragraphes 57 et 62 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a décidé qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive de la norme de contrôle si « la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ».

[16]           Aux paragraphes 14 et 22 de l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses], la Cour suprême du Canada a décidé que l’« insuffisance » des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision et que le raisonnement qui sous‑tend la décision/le résultat ne peut donc être remis en question que dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable de celle‑ci.

[17]           Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a expliqué ce que doit faire une cour de révision lorsqu’elle examine une décision selon la norme de la décision raisonnable :

[47]      […] Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[18]           Au paragraphe 16 de l’arrêt Newfoundland Nurses, la Cour suprême a expliqué ce que doivent contenir les motifs d’un tribunal afin de répondre aux critères établis dans l’arrêt Dunsmuir :

[16]      Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c Nipawin District Staff Nurses Assn, [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

VI.             Observations des parties et analyse

[19]           L’article 169 de la LIPR exige que la SPR donne les motifs pour lesquels elle a tranché toutes les demandes qui lui sont soumises :

Décisions

Decisions and reasons

169. Les dispositions qui suivent s’appliquent aux décisions, autres qu’interlocutoires, des sections:

169. In the case of a decision of a Division, other than an interlocutory decision:

a) elles prennent effet conformément aux règles;

(a) the decision takes effect in accordance with the rules;

b) elles sont motivées;

(b) reasons for the decision must be given;

c) elles sont rendues oralement ou par écrit, celles de la Section d’appel des réfugiés devant toutefois être rendues par écrit;

(c) the decision may be rendered orally or in writing, except a decision of the Refugee Appeal Division, which must be rendered in writing;

d) le rejet de la demande d’asile par la Section de la protection des réfugiés est motivé par écrit et les motifs sont transmis au demandeur et au ministre;

(d) if the Refugee Protection Division rejects a claim, written reasons must be provided to the claimant and the Minister;

e) les motifs écrits sont transmis à la personne en cause et au ministre sur demande faite dans les dix jours suivant la notification ou dans les cas prévus par les règles de la Commission;

(e) if the person who is the subject of proceedings before the Board or the Minister requests reasons for a decision within 10 days of notification of the decision, or in circumstances set out in the rules of the Board, the Division must provide written reasons; and

f) les délais de contrôle judiciaire courent à compter du dernier en date des faits suivants : notification de la décision et transmission des motifs écrits.

(f) the period in which to apply for judicial review with respect to a decision of the Board is calculated from the giving of notice of the decision or from the sending of written reasons, whichever is later.

[20]           Par conséquent, la Cour a décidé que le demandeur d’asile, le ministre et le public en général ont tous un droit égal de connaître les motifs pour lesquels une demande a été rejetée ou accueillie (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration) c Shwaba, 2007 CF 81, au paragraphe 23; Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration) c Mokono, 2005 CF 1331, au paragraphe 14).

[21]           Aux paragraphes 17 à 20 de l’arrêt VIA Rail Canada Inc c Canada (Office national des transports) (2001), 193 DLR (4th) 357, la Cour d’appel fédérale a énuméré certaines des fins utiles que visent les motifs :

[17]      […] Les motifs visent plusieurs fins utiles, dont celle de concentrer l’attention du décideur sur les facteurs et les éléments de preuve pertinents. Pour reprendre les termes de la Cour suprême du Canada :

On a soutenu que la rédaction de motifs favorise une meilleure prise de décision en ce qu’elle exige une bonne formulation des questions et du raisonnement et, en conséquence, une analyse plus rigoureuse. Le processus de rédaction des motifs d’une décision peut en lui-même garantir une meilleure décision.

[18]      Les motifs garantissent aussi aux parties que leurs observations ont été prises en considération.

[19]      De plus, les motifs permettent aux parties de faire valoir tout droit d’appel ou de contrôle judiciaire à leur disposition. Ils servent de point de départ à une évaluation des moyens d’appel ou de contrôle possibles. Ils permettent à l’organisme d’appel ou de révision d’établir si le décideur a commis une erreur et si cette erreur le rend justiciable devant cet organisme. Cet aspect est particulièrement important lorsque la décision est assujettie à une norme d’examen fondée sur la retenue.

[20]      Finalement, dans le cas d’une industrie réglementée, les motifs de la décision de l’organisme de réglementation donnent des précisions à tous les autres qui sont soumis à la compétence de cet organisme. Ils fournissent une norme par rapport à laquelle il est possible d’apprécier les futures activités de ceux qui sont touchés par cette décision.

[22]           Le demandeur soutient que les motifs de la SPR ne traitent ni de la question de la protection de l’État ni de la façon dont les actes discriminatoires subis par les défendeurs équivalent à la persécution, ce qui rend ainsi la décision déraisonnable, parce qu’elle manque de justification, de transparence et d’intelligibilité.

[23]           Les défendeurs font observer que la SPR a fourni des motifs suffisants, a traité de la question de la Hongrie en tant que démocratie, a énoncé les éléments de preuve du demandeur sur lesquels la Commission s’est fondée, a pris en compte la preuve de la capacité à protéger (en opposition et autrement) de la Hongrie, et a suffisamment analysé la question de la persécution.

A.                Le caractère suffisant des motifs portant sur la protection de l’État

[24]           Les défendeurs soutiennent et j’en conviens avec eux que, « lorsque la cour de révision est saisie d’un argument qui porte sur les conséquences pour le tribunal de ne pas avoir mentionné des éléments de preuve importants, son examen consiste initialement à présumer que le tribunal a pris en compte l’ensemble du dossier » (voir le paragraphe 11 de la décision Herrera Andrade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1490).

[25]           Les défendeurs soutiennent aussi à juste titre que la SPR n’est pas tenue de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du dossier (voir Newfoundland Nurses, au paragraphe 16), et que l’obligation qui pèse sur la SPR de mentionner expressément une preuve contredisant ses conclusions principales ne s’applique pas lorsque la preuve en question se révèle être une preuve documentaire de nature générale sur la situation dans le pays (Salazar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 466, au paragraphe 59; Quinatzin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 937, aux paragraphes 29 et 30).

[26]           Toutefois, au paragraphe 28 de la décision Navarrete Andrade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 436, la Cour a décidé que :

[28]      La Commission doit effectivement analyser la preuve qu’elle mentionne et se demander en quoi cette preuve concerne la question de la protection de l’État. Il ne suffit pas de résumer une preuve abondante et de conclure ensuite que la protection de l’État est adéquate. La preuve et la conclusion doivent être rattachées à un raisonnement transparent et intelligible.

[27]           Je souscris à l’argument du demandeur. Il n’est pas clair à la lecture des motifs de la SPR que cette dernière s’est concentrée sur les questions principales telles que la façon dont les défendeurs ont réfuté la présomption de la protection de l’État au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants. Il en était ainsi parce que la SPR n’a référé à aucun fondement pour sa conclusion; la SPR a simplement déclaré qu’elle a conclu que les défendeurs « ont également réfuté la présomption de la protection de l’État en ce qui a trait à leur situation personnelle ».

[28]           Il est indubitable que la SPR a renvoyé à de nombreux précédents applicables relatifs à la doctrine de la protection de l’État. Toutefois, l’omission fondamentale fut de sauter de ce résumé de la jurisprudence à la conclusion que la présomption de la protection de l’État avait été réfutée. Il n’est simplement pas possible que la Cour détermine comment ce résultat fut obtenu. Nous ne sommes pas en présence d’un cas où la Cour peut relier des pointillés. Au contraire, il s’agit d’un cas où il n’y a pas de pointillés à relier.

[29]           Il n’incombe pas à la Cour d’apprécier la preuve (contradictoire) relative à la protection de l’État et de tirer ses propres conclusions. Nous sommes en présence d’un contrôle judiciaire et non pas d’une audience de novo. Étant donné le manquement grave dans ses motifs, la Cour est dans l’obligation de conclure que cette décision ne satisfait pas aux critères établis dans les arrêts Dunsmuir et Newfoundland Nurses. Il y a un vide analytique, car les motifs manquent d’éléments nécessaires à leur justification, leur transparence et leur intelligibilité.

B.                 Le caractère suffisant des motifs concernant la discrimination qui équivaut à la persécution

[30]           Je conviens aussi avec le demandeur que la SPR a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas étayé sa conclusion selon laquelle les actes cumulatifs de discrimination envers les défendeurs équivalent à la persécution. La SPR a manqué à son obligation de mener une analyse minutieuse de la preuve présentée et de soupeser comme il convient les divers éléments de preuve dont elle disposait. Comme la Cour d’appel fédérale l’a décidé au paragraphe 3 de l’arrêt Sagharichi c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 182 NR 398 :

[traduction]

Il est vrai que la ligne de démarcation entre la persécution et la discrimination ou le harcèlement est difficile à tracer, d’autant plus que, dans le contexte du droit des réfugiés, il a été conclu que la discrimination peut fort bien être considérée comme équivalant à la persécution. Il est également vrai que la question de l’existence de la persécution dans les cas de discrimination ou de harcèlement n’est pas simplement une question de fait, mais aussi une question mixte de droit et de fait, et que des notions juridiques sont en cause. Toutefois, il reste que, dans tous les cas, il incombe à la Section du statut de réfugié de tirer sa conclusion dans le contexte factuel particulier, en effectuant une analyse minutieuse de la preuve présentée et en soupesant comme il convient les divers éléments de la preuve, et que l’intervention de cette Cour n’est pas justifiée à moins que la conclusion tirée ne semble arbitraire ou déraisonnable. [Non souligné dans l’original.]

[31]           La conclusion de la SPR n’est étayée ni par une analyse ni par la pondération des facteurs.

[32]           La Cour a maintes fois affirmé que le fait pour la SPR de ne pas expliquer suffisamment pourquoi les actions cumulatives n’équivalent pas à la persécution constitue une erreur susceptible de contrôle (Hegedüs c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1366, au paragraphe 2).

[33]           Au paragraphe 20 de la décision Mbo Wato c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1113, la Cour a décidé que le critère énoncé dans l’arrêt Newfoundland Nurses n’a pas été pris en compte lorsque le raisonnement comporte une lacune d’une telle ampleur sur un aspect critique qu’il est difficile de savoir comment et pourquoi la Commission en est arrivée à la conclusion en question.

[34]           Le demandeur renvoie à bon droit au paragraphe 36 de la décision Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Ramirez, 2013 CF 387, et aux paragraphes 17 à 19 de l’arrêt Ralph c Canada (Procureur général), 2010 CAF 256, selon lequel :

[36]      […] les motifs de la décision doivent comporter suffisamment de renseignements pour permettre, d’une part, à une partie de comprendre son fondement et de décider s’il convient ou non d’en demander la révision judiciaire, et d’autre part, à la cour de révision d’évaluer si le tribunal a satisfait aux normes minimales de légalité. Une décision est donc justifiée et intelligible lorsque son fondement est précisé et qu’il est compréhensible, rationnel et logique.

[35]           Au paragraphe 11 de la décision Komolafe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431, la Cour a décidé que :

[11]      L’arrêt Newfoundland Nurses ne donne pas à la Cour toute la latitude voulue pour fournir des motifs qui n’ont pas été donnés, ni ne l’autorise à deviner quelles conclusions auraient pu être tirées ou à émettre des hypothèses sur ce que le tribunal a pu penser. C’est particulièrement le cas quand les motifs passent sous silence une question essentielle. […] L’arrêt Newfoundland Nurses permet aux cours de contrôle de relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent peuvent être facilement discernées. Ici, il n’y a même pas de points sur la page.

[36]           À mon avis, ces principes sont directement applicables en l’espèce et ils appuient ma conclusion selon laquelle la décision de la SPR était déraisonnable parce qu’elle manquait de justification, de transparence et d’intelligibilité à cet égard aussi. Les motifs de la SPR ne permettent ni à la Cour ni aux parties ni au public en général de comprendre la raison pour laquelle le tribunal a rendu sa décision, ils ne permettent pas non plus à quiconque de déterminer si la conclusion appartient aux issues acceptables sans avoir à deviner quelle conclusion aurait pu être tirée ou sans émettre des conjectures quant à la nature possible du raisonnement de la SPR.

[37]           Les critères énoncés dans les arrêts Dunsmuir et Newfoundland Nurses n’ont pas été pris en compte.

VII.          Dispositif

[38]           La demande de contrôle judiciaire doit donc être accueillie. La décision de la SPR est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour qu’il statue à nouveau sur celle-ci. Aucuns dépens ne sont adjugés. Ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé la certification d’une question et il n’y a aucune question de portée générale à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.                  La décision de la SPR est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour qu’il statue à nouveau sur celle-ci;

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés;

4.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-5479-13

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

c

GERGO BALOGH (ALIAS GERGOE BALOGH), ADRIENN JUHASZ, JAZMIN LEILA BALOGH, MERCEDESZ ADRIE LIPTAI (ALIAS MERCEDESZ ADRIENN LIPTAI), GABOR JUHASZ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 10 septembre 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

 

Le juge BROWN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 1er octobre 2014

 

COMPARUTIONS :

Suranjana Bhattacharyya

 

Pour le demandeur

 

Daisy MacCabe Lokos

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Rochon Genova LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les défendeurs

 

 

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