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Date : 20140919


Dossier : T-478-14

Référence : 2014 CF 894

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2014

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

BRUCE GRAEME TAYLOR

demandeur

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision en date du 14 janvier 2014 [la décision] par laquelle l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] a refusé une demande de deuxième niveau présentée par le demandeur en vue de faire annuler les pénalités et les intérêts accumulés sur ses déclarations de revenus de 2006 et de 2007. Cet allègement est demandé en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu [la Loi] et du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales.

[2]               Le demandeur est Bruce Graeme Taylor, un contribuable résidant à Toronto.

[3]               Suivant la jurisprudence, la cour de révision doit déterminer si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La Cour doit conclure à l’existence de graves lacunes dans la décision pour pouvoir la qualifier de déraisonnable (c.‑à‑d. pour déclarer qu’elle manque de justification, de transparence ou d’intelligibilité).

[4]               La Cour reconnaît que M. Taylor a été confronté à une série de circonstances difficiles au cours des dix dernières années et qu’il fait de son mieux en dépit d’une situation familiale éprouvante pour veiller au bien‑être de sa famille. Toutefois, la décision du fonctionnaire de l’ARC était défendable tant au regard des faits et du droit qu’au regard du résultat.

II.                Les faits

[5]               Le demandeur a réclamé le 30 juillet 2009 l’annulation des pénalités et des intérêts accumulés sur ses déclarations de revenus de 2006, 2007 et 2008. Le présent contrôle judiciaire concerne uniquement les années d’imposition 2006 et 2007.

[6]               M. Taylor a été informé par lettre datée du 18 juin 2010 du premier refus. Il a réclamé un réexamen de cette décision le 8 janvier 2013. Le 10 juin 2013, l’ARC a réclamé des détails supplémentaires au sujet de la situation mentionnée par le demandeur dans sa demande de réexamen.

[7]               Dans le cadre de l’examen de deuxième niveau, un rapport de deuxième niveau relatif à l’allégement pour le contribuable a été établi; ce rapport recommandait de refuser l’allégement demandé. Dans la décision du 14 janvier 2014 faisant suite à l’examen au second niveau, l’ARC a refusé d’annuler les intérêts et les pénalités accumulés relativement aux années d’imposition 2006 et 2007 du demandeur.

[8]               Plus précisément, l’ARC a conclu dans sa décision que le demandeur n’avait pas démontré que des circonstances indépendantes de sa volonté l’avaient empêché de respecter ses obligations en matière de déclaration. Pour répondre aux demandes d’allégement du demandeur, l’ARC a conclu ce qui suit :

-                      le fait que le demandeur avait attendu (jusqu’en septembre 2007) pour produire sa déclaration de 2006 jusqu’à ce qu’une solution ait été trouvée à un problème concernant sa déclaration de 2003 était un choix personnel et non une circonstance extraordinaire;

-                      le décès du beau-père du demandeur en février 2008, aussi regrettable qu’il soit, n’était pas une circonstance qui empêchait la production de la déclaration de 2007 (qui avait été produite le 23 janvier 2009);

-                      l’ARC avait réclamé des détails supplémentaires au sujet de la maladie et du décès du beau-père du demandeur dans une lettre datée du 10 juin 2013 et elle n’avait pas reçu de réponse;

-                      le demandeur avait des antécédents de non-conformité en ce qui concerne ses obligations en matière de production avant l’année 2007 ainsi qu’au cours des deux années d’imposition subséquentes.

III.             Question en litige

[9]               La question en litige dans le présent appel est celle de savoir si la décision de l’ARC de refuser d’annuler les pénalités et intérêts réclamés au demandeur pour les années d’imposition 2006 et 2007 était raisonnable.

IV.             Norme de contrôle

[10]           Les décisions discrétionnaires du ministre portant annulation d’intérêts et de pénalités sont assujetties au contrôle de la Cour selon la norme de la décision raisonnable : Agence du revenu du Canada c Telfer, 2009 CAF 23, au paragraphe 24; Tremblay c Canada (Procureur général), 2013 CF 1049, au paragraphe 9.

[11]           Comme nous l’avons déjà mentionné, le caractère raisonnable de la décision tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit [Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47].

A.                Observations du demandeur

[12]           Le demandeur affirme qu’il est à jour en ce qui concerne toutes ses obligations fiscales jusqu’à l’année d’imposition 2013 inclusivement. Il soutient que les pénalités et les arriérés contestés dans la présente demande découlent de circonstances indépendantes de sa volonté.

[13]           La nouvelle cotisation de 2003 (reçue en décembre 2006) s’est traduite par des pénalités et des intérêts élevés et le demandeur a déclaré qu’il voulait régler la question avant de produire ses déclarations des autres années.

[14]           Le demandeur affirme que la question relative à sa déclaration de 2003 a été réglée en sa faveur étant donné qu’il a obtenu, en septembre 2007, un remboursement au titre de sa déclaration de 2003, ce qui correspond à l’époque où son beau-père est tombé malade et est par la suite décédé, de sorte qu’il n’a pas pu produire sa déclaration de 2006 avant le 21 août 2008. La déclaration de 2007 du demandeur a également été produite tardivement, le 21 janvier 2009.

[15]           Le demandeur explique que la récupération de la somme de 56 213,88 $ en frais et intérêts pour production tardive qu’il conteste dans la présente demande aiderait grandement sa famille, qui est composée de trois enfants et d’une femme handicapée, et l’aiderait à s’occuper de leur avenir.

B.                 Observations de la défenderesse

[16]           La défenderesse affirme que l’ARC n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en rejetant la demande d’allégement de M. Taylor.

[17]           L’auteur de la décision a tenu compte de la maladie et du deuil survenus au sein de la famille du demandeur et a signalé que l’ARC n’a reçu aucune réponse après avoir réclamé des détails à ce sujet.

[18]           La défenderesse signale également que le demandeur avait de mauvais antécédents en matière de production de déclarations tant avant qu’après la maladie et le décès de son beau-père. Le demandeur avait notamment produit en retard ses déclarations de revenus de 1997, 2000, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009.

[19]           La défenderesse affirme que le demandeur n’a jamais invoqué de difficultés financières devant l’ARC et que les fonctionnaires aux deux niveaux d’examen ont cité de nombreux éléments de preuve de non-conformité qui justifiaient le refus final, par le ministre, de la mesure discrétionnaire réclamée conformément à la Loi et aux lignes directrices de l’ARC.

C.                 Analyse

[20]           La politique de l’ARC en ce qui concerne les allégements consentis aux contribuables est énoncée dans la circulaire d’information IC07‑1 [la circulaire d’information]. Le délégué du ministre peut tenir compte de ces lignes directrices par lesquelles il n’est toutefois pas lié puisqu’elles n’ont pas force de loi [3563537 Canada Inc c Agence du revenu du Canada, 2012 CF 1290, au paragraphe 62].

[21]           Le paragraphe 34 de la circulaire d’information cite les désastres naturels comme exemple de circonstances extraordinaires. Le paragraphe 33 de la circulaire d’information se veut également illustratif :

33. Lorsque des circonstances indépendantes de la volonté du contribuable, des actions de l’ARC, ou l’incapacité de payer ou les difficultés financières ont empêché le contribuable de respecter la Loi, les facteurs suivants seront considérés pour déterminer si l’ARC annulera ou renoncera aux pénalités et aux intérêts, ou non :

a) le contribuable a respecté, par le passé, ses obligations fiscales;

b) le contribuable a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;

c) le contribuable a fait des efforts raisonnables et n’a pas été négligent dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d’autocotisation;

d) le contribuable a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.

[22]           Bien que la Cour soit sensible à la situation du demandeur et tient à le féliciter pour sa détermination à offrir une vie meilleure à sa femme et à ses enfants, il n’en demeure pas moins qu’il doit malheureusement satisfaire à une norme plus exigeante pour que la Cour puisse conclure que la décision de l’ARC était déraisonnable selon la norme de contrôle applicable.

[23]           Dans sa décision, le fonctionnaire de l’ARC s’est penché sur la situation personnelle malheureuse du demandeur et a offert à M. Taylor la possibilité de formuler des observations complémentaires à ce sujet.

[24]           Les antécédents de non-conformité du demandeur à l’ARC n’ont certainement pas aidé sa cause.

[25]           Bien que la Cour souhaite au demandeur la meilleure des chances dans ses démarches pour régler une situation familiale difficile, il n’en demeure pas moins que la décision qui a été rendue est raisonnable. Les motifs invoqués témoignent de l’existence de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité tant en ce qui concerne la décision rendue le 14 janvier 2014 à la suite de la révision au deuxième niveau que le refus initial de l’ARC du 18 juin 2010.

V.                Dispositif

[26]           La demande est rejetée. Compte tenu de la situation difficile de M. Taylor et des efforts qu’il a déployés pour se représenter lui-même dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, aucuns dépens ne seront adjugés.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan Diner »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


ANNEXE A

Loi de l’impôt sur le revenu (LRC (1985), ch. 1 (5e suppl.))

Income Tax Act, RSC, 1985, c 1 (5th Supp)

(3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220. (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

Federal Courts Act (RSC, 1985, c F-7)

Loi sur les Cours fédérales (LRC (1985), ch. F-7)

18.1(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

18.1(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-478-14

 

INTITULÉ :

BRUCE GRAEME TAYLOR c AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (OntariO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 SEPTEMBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 SEPTEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Bruce Graeme Taylor

 

LE Demandeur

 

Laurent Bartleman

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

S/O

LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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