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Date : 20140930


Dossier : IMM-5397-13

Référence : 2014 CF 926

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2014

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

GETTI FARHADI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

Introduction

[1]               Le contexte de la présente affaire est plutôt étrange. L’affaire découle de demandes d’asile déposées par la demanderesse dans le cadre de l’Entente sur les pays tiers sûrs entre le Canada et les États‑Unis (l’Entente), lesquelles, selon l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence), étaient irrecevables et ne pouvaient être déférées à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission). La demanderesse n’a pas contesté ces conclusions devant les tribunaux. Elle souhaitait plutôt que ces conclusions soient revues, mais l’Agence n’a apparemment jamais reçu la demande de réexamen.

[2]               Cette situation a mené, après plus d’un an, au dépôt de la présente demande de contrôle judiciaire en vue d’obtenir une ordonnance contraignant l’Agence à réexaminer ses conclusions d’irrecevabilité et à déférer l’affaire de la demanderesse à la Commission (la procédure de mandamus). L’Agence affirme avoir été mise au courant de la demande de réexamen de la demanderesse par le truchement de la procédure de mandamus, après quoi elle a décidé de procéder au réexamen. Toutefois, la décision rendue à l’issue du réexamen a été communiquée à la demanderesse cinq semaines seulement avant l’audience relative à la procédure de mandamus fixée au 4 septembre 2014. La demanderesse a alors demandé que la procédure de mandamus soit modifiée pour inclure le contrôle judiciaire de la décision rendue à l’issue du réexamen.

[3]               La procédure de mandamus et la requête en modification ont été entendues le 4 septembre 2014. Pour les motifs énoncés ci‑dessous, les deux sont rejetées.

I.                   Contexte factuel

[4]               La demanderesse (ou Mme Farhadi) est citoyenne de l’Afghanistan. En juillet 2007, après la mort de son père, elle a quitté l’Afghanistan pour aller étudier aux États‑Unis. Le 24 mai 2011, alors qu’elle demeurait encore aux États-Unis, elle est entrée au Canada par le poste frontalier de Fort Erie et a demandé l’asile, affirmant craindre ses oncles qui s’étaient occupés d’elle et de sa famille après la mort de son père, et qui reprochaient à sa mère et à elle‑même l’éducation occidentale qu’elle avait reçue.

[5]               Comme sa demande d’asile était visée par l’Entente, dont l’objet est de veiller à ce que le demandeur d’asile présente sa demande dans le premier pays où il arrive, Mme Farhadi a invoqué l’exception à l’Entente fondée sur la famille de manière à ce que sa demande soit jugée recevable et puisse être déférée à la Commission. Pour que l’exception s’applique, elle devait établir qu’elle avait un membre de la famille prêt à aider vivant au Canada. Elle ne l’a pas fait.

[6]               Par conséquent, il a été conclu que sa demande était irrecevable et ne pouvait être déférée à la Commission, aux termes de l’alinéa 101(1)e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), qui dispose que la demande est irrecevable si le demandeur est « arrivé[...], directement ou indirectement, d’un pays désigné par règlement autre que celui dont il a la nationalité ou dans lequel il avait sa résidence habituelle ». Les États-Unis, par application de l’Entente, ont été ainsi désignés.

[7]               Mme Farhadi est repartie aux États-Unis le jour même de son entrée au Canada (le 24 mai 2011). En décembre 2011, elle est revenue au poste frontalier de Fort Erie afin de renouveler sa demande d’asile. Elle a pu, à ce moment‑là, établir qu’elle avait un membre de la famille prêt à aider vivant au Canada au sens de l’Entente. Toutefois, compte tenu de l’irrecevabilité prononcée auparavant, sa demande d’asile renouvelée a aussi été jugée irrecevable, cette fois aux termes de l’alinéa 101(1)c) de la Loi, qui dispose que la demande est irrecevable si l’irrecevabilité d’une demande d’asile antérieure présentée par le même demandeur a été prononcée. Une mesure de renvoi a donc été prise contre Mme Farhadi, bien que cette mesure ne puisse être exécutée actuellement en raison du présent moratoire imposé sur les renvois en Afghanistan.

[8]               Mme Farhadi n’a contesté devant les tribunaux ni l’une ni l’autre de ces décisions prononçant l’irrecevabilité.

[9]               Toutefois, environ quatre mois après la deuxième décision prononçant l’irrecevabilité, c’est‑à‑dire le 28 mars 2012, l’avocat de Mme Farhadi a envoyé une lettre à l’Agence pour lui demander de réexaminer la décision prononçant l’irrecevabilité rendue le 24 mai 2011.

[10]           C’est là où l’affaire prend une tournure bizarre.

[11]           L’Agence affirme n’avoir jamais reçu de demande de réexamen et avoir été mise au courant d’une telle demande seulement le 15 août 2013 ou vers cette date, quand Mme Farhadi a introduit la procédure de mandamus. L’Agence souligne à cet égard que Mme Farhadi ne s’est jamais informée de l’état de sa demande de réexamen entre mars 2012 et août 2013.

[12]           Par sa procédure de mandamus, Mme Farhadi cherchait à contraindre l’Agence a) à réexaminer si sa demande est recevable et peut être déférée à la Commission, b) à déterminer que sa demande est recevable et peut être déférée, et c) à déférer sa demande à la Commission en vue d’une audience qui devra avoir lieu dans les 90 jours de l’ordonnance de la Cour. Subsidiairement, elle demande que soit prononcée une déclaration portant que l’alinéa 101(1)c) de la Loi est inopérant dans son cas ou qu’il est sans effet au motif qu’il enfreint les articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[13]           L’Agence a répondu à la procédure de mandamus en informant Mme Farhadi qu’elle se pencherait sur la demande de réexamen et accepterait tout élément de preuve supplémentaire que Mme Farhadi souhaiterait déposer à l’appui de cette demande. Comme elle acceptait de revoir sa décision initiale prononçant l’irrecevabilité, l’Agence a également exprimé l’avis que la procédure de mandamus était devenue théorique et devait donc être abandonnée. Mme Farhadi a refusé d’abandonner la procédure de mandamus au motif qu’elle demandait également une ordonnance contraignant l’Agence à déterminer que sa demande d’asile était recevable et à la déférer à la Commission.

[14]           Après réexamen, l’Agence a conclu, motifs écrits à l’appui, que la demande d’asile de Mme Farhadi était irrecevable et ne pouvait être déférée à la Commission. L’Agence soutient que cette décision a été rendue le 22 novembre 2013, mais communiquée à l’avocat de Mme Farhadi le 30 juillet 2014 seulement, par inadvertance.

[15]           Dans l’intervalle, la Cour avait autorisé l’introduction de la procédure de mandamus, et l’audience devait se tenir cinq semaines plus tard. Mme Farhadi a choisi de continuer la procédure de mandamus, mais a voulu la modifier pour inclure le contrôle judiciaire de la décision rendue à l’issue du réexamen.

II.                Question en litige

[16]           C’est dans ce contexte factuel assez particulier que la Cour doit décider :

i.                 s’il faut accueillir la requête en modification de la procédure de mandamus déposée par Mme Farhadi;

ii.               s’il faut néanmoins accueillir la procédure de mandamus, compte tenu de la décision de l’Agence de se pencher sur la demande de réexamen de Mme Farhadi.

[17]           La réponse à ces deux questions est non.

III.             Analyse

A.                La requête en modification

[18]           Comme je l’ai indiqué à l’audience, le paragraphe 72(1) de la Loi fait, à mon avis, totalement obstacle à la requête en modification de Mme Farhadi. Selon cette disposition, la Cour n’a pas compétence pour effectuer le contrôle judiciaire de toute mesure – décision, ordonnance, question ou affaire – prise dans le cadre de la Loi si une demande d’autorisation n’a pas d’abord été déposée puis accueillie. En d’autres mots, dans le contexte de toute mesure prise dans le cadre de la Loi, le contrôle judiciaire est subordonné au dépôt d’une demande (Varela c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, [2010]1 RCF 129, au paragraphe 24).

[19]           Le paragraphe 72(1) sert de disposition de « contrôle » (Varela, précité, au paragraphe 27), de sorte que la demande de contrôle judiciaire qu’un demandeur introduit dans le cadre de la Loi sans avoir au préalable demandé et obtenu l’autorisation est irrégulièrement formée et ne peut être accueillie (Wong c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 949, au paragraphe 15).

[20]           Dans un tel contexte, le fait de fonder sa requête en modification sur les articles 3 (disposition concernant l’interprétation) et 75 (disposition concernant les modifications avec autorisation) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, n’aide en rien Mme Farhadi, car il est de jurisprudence constante que les Règles ne peuvent s’appliquer de façon à permettre à la Cour de dispenser une partie de l’application d’une disposition législative édictée par le Parlement (Westclox Canada Ltd. c Pyrotronics of Canada Ltd [1981] 2 CF 68 (CAF), au paragraphe 3; Dawe c Ministre du Revenu national (Douanes et Accise) 86 FTR 240 (1994), [1994] ACF no 1327 (QL) (CAF)).

[21]           Mme Farhadi affirme qu’il est dans l’intérêt de la justice d’accueillir sa requête en modification parce que la décision rendue à l’issue du réexamen repose sur les mêmes faits que ceux qui sous‑tendent la procédure de mandamus. Il en va de même pour les demandeurs devant faire face à une décision, à une ordonnance, à une mesure ou à une question à diverses étapes du traitement de leur demande d’asile sous le régime de la Loi : les faits sous‑jacents sont généralement les mêmes, que l’affaire concerne la recevabilité de la demande aux fins de son renvoi à la Commission, les conclusions de la Commission quant au bien‑fondé de la demande d’asile, l’évaluation des risques avant renvoi d’une éventuelle mesure de renvoi ou la décision rendue relativement à une demande de résidence permanente présentée à l’intérieur du pays pour des motifs d’ordre humanitaire.

[22]           À ma connaissance, la Cour n’a jamais rendu de décision par laquelle elle permettait l’instruction d’une demande de contrôle judiciaire sans que l’autorisation ait d’abord été demandée et obtenue au motif que l’ensemble des faits était semblable à celui qui sous-tendait une demande de contrôle judiciaire précédente ayant été introduite par le même demandeur. En fait, les affaires sur lesquelles se fonde Mme Farhadi concernaient des modifications apportées à des demandes d’asile. Toutefois, aucune ne concernait des modifications qui avaient pour but d’ajouter à une procédure existante une question qui ne pouvait être contestée devant les tribunaux sans autorisation judiciaire préalable, que ce soit dans le cadre de la Loi ou dans tout autre contexte.

[23]           Quoi qu’il en soit, la procédure de mandamus et le contrôle judiciaire de la décision rendue à l’issue du réexamen comportent d’importantes différences. La procédure de mandamus vise à contraindre l’Agence à agir, et à agir d’une certaine façon. Aucune décision comme telle n’est contestée. La décision rendue à l’issue du réexamen est la réponse directe de l’Agence à la procédure de mandamus. Cette décision marque une nouvelle étape, déclenchée par la procédure de mandamus, dans le traitement de la demande d’asile de Mme Farhadi. La décision est assortie de ses propres motifs, élaborés dans le contexte particulier de la demande de réexamen. Sa contestation serait de la nature d’un bref de certiorari et supposerait, par conséquent, une façon d’aborder l’analyse du contrôle judiciaire différente de la procédure de mandamus. De plus, il faudrait peut-être que certaines modifications soient apportées au dossier présenté à la Cour.

[24]           Pour ces motifs, Mme Farhadi n’est pas autorisée à modifier sa procédure de mandamus pour y inclure le contrôle judiciaire de la décision rendue par l’Agence à l’issue du réexamen. Il ne faut pas comprendre que ma conclusion sur cette question empêche Mme Farhadi de chercher à obtenir l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette décision sous le régime du paragraphe 72(1) de la Loi.

B.                 La procédure de mandamus

[25]           Mme Farhadi soutient que l’Agence a l’obligation légale de réexaminer si sa demande d’asile est recevable et peut être déférée à la Commission, de déterminer que sa demande d’asile est recevable et peut être déférée, et de la déférer à la Commission aux fins d’une audience.

[26]           À supposer que l’Agence a l’obligation légale de procéder ainsi, ce qui est loin d’être certain d’un point de vue strictement juridique, l’Agence, comme le dossier le révèle, a choisi de réexaminer ses décisions antérieures sur la recevabilité de la demande d’asile de Mme Farhadi en vue de son renvoi à la Commission. Dans cette mesure, la procédure de mandamus est théorique parce qu’il n’existe plus de litige actuel ni de différend concret entre les parties à cet égard (Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342, à la page 353).

[27]           La question est donc celle de savoir s’il est possible d’accorder un mandamus pour contraindre l’Agence à agir d’une certaine façon, à savoir la contraindre à déterminer que la demande d’asile de Mme Farhadi est recevable et qu’elle peut être déférée à la Commission, et à procéder au renvoi.

[28]           Le mandamus est une mesure de réparation exceptionnelle et discrétionnaire, et il est bien établi en droit que si le bref de mandamus sert à ordonner l’exécution d’une obligation légale, il ne peut cependant pas dicter le résultat à atteindre (Singh c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et l’Agence des services frontaliers du Canada, 2010 CF 757, 372 FTR 40, au paragraphe 52; Orr c Première Nation de Peerless Trout, 2012 CF 590, 411 FTR 224, aux paragraphes 25 et 26; Kahlon c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 3 CF 386, [1986] ACF no 930 (QL), au paragraphe 3 (CAF)).

[29]           L’unique exception à la règle voulant que le mandamus ne puisse dicter le résultat de l’exécution d’une obligation légale survient lorsque la seule façon d’exécuter légitimement cette obligation consiste à accorder la réparation demandée. En d’autres mots, bien qu’il soit parfois indiqué de donner des directives précises dans le cadre d’une demande de mandamus, ce pouvoir peut être exercé seulement en présence de « circonstances très rares et exceptionnelles », c’est‑à‑dire quand un seul résultat est possible (Singh, précitée, au paragraphe 52; Lebon c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CAF 55, au paragraphe 14).

[30]           Dans la mesure où elle demande une ordonnance contraignant l’Agence à déterminer que sa demande est recevable et peut être déférée à la Commission, le résultat unique demandé par Mme Farhadi équivaut à attaquer indirectement les décisions sur la recevabilité rendues en mai et en décembre 2011, décisions que, pour des raisons inconnues, Mme Farhadi a choisi de ne pas contester. Le problème de cette démarche, c’est que les tribunaux ont toujours hésité à prononcer des ordonnances ou à donner des directives qui, essentiellement, infirmeraient des décisions administratives valides et non contestées (Chamchuk c Canada (Procureur général), 2011 CAF 93, au paragraphe 6).

[31]           Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c TeleZone Inc., 2010 CSC 62, [2010] 3 RCS 585 [TeleZone], la Cour suprême du Canada a indiqué que l’attaque indirecte est une attaque qui se produit dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance ou du jugement (TeleZone, au paragraphe 60; Wilson c La Reine, [1983] 2 RCS 594, à la page 599). Cette doctrine jurisprudentielle est fondée sur des considérations générales ayant trait à l’administration de la justice (TeleZone, au paragraphe 61). La doctrine de la contestation indirecte vise à empêcher une partie de contourner les effets d’une décision prononcée contre elle (Garland c Consumers’ Gas Co., 2004 CSC 25, [2004] 1 RCS 629, au paragraphe 72).

[32]           Je ne vois aucune raison de m’écarter de ces principes en l’espèce. La procédure de mandamus est soit théorique, soit mal conçue comme attaque indirecte des décisions rendues en mai et en décembre 2001. Dans de telles circonstances, le seul résultat possible, à mon avis, consiste à rejeter la procédure de mandamus et à la rejeter dans sa totalité. Ce rejet vise aussi les conclusions subsidiaires demandées par Mme Farhadi quant à la validité et à l’effet sur le plan constitutionnel de l’alinéa 101(1)c) de la Loi, puisque de telles conclusions équivalent à une forme subsidiaire d’attaque indirecte de ces deux décisions.

[33]           De toute façon, il s’agit d’une affaire qui commande la retenue judiciaire. En effet, les tribunaux hésitent généralement à aborder des questions constitutionnelles qui ne sont pas nécessaires pour résoudre une affaire, surtout quand le fondement sur lequel la procédure avait été introduite a cessé d’exister (Phillips c Nouvelle‑Écosse (Commission d’enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 RCS 97, au paragraphe 9; Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de I.P.E.; Renvoi relatif à l'indépendance et à l'impartialité des juges de la Cour provinciale de I.P.E., [1997] 3 RCS 3, au paragraphe 301; Procureur général (Québec) c Cumming, [1978] 2 RCS 605; Sa Majesté la Reine en chef de la province du Manitoba c Air Canada, [1980] 2 RCS 303; Winner v S.M.T. (Eastern) Ltd., [1951] SCR 887; Law Society of Upper Canada c Skapinker, [1984] 1 RCS 357).

[34]           En l’espèce, le contexte qui sous‑tendait la procédure de mandamus a évolué. Une nouvelle décision, la décision rendue à l’issue du réexamen, assortie de ses propres motifs, a été rendue sur la recevabilité de la demande d’asile de Mme Farhadi aux fins de son renvoi à la Commission. Cette décision a, en définitive, été rendue à la demande même de Mme Farhadi. À ce moment‑ci, l’affaire repose sur ce nouveau fondement, et c’est dans ce contexte que la question de la validité constitutionnelle de l’alinéa 101(1)c) de la Loi devra être examinée, s’il devenait nécessaire de le faire.

[35]           À l’audience, l’avocat de Mme Farhadi a pressé la Court de considérer le [traduction] « facteur humain ». Mme Farhadi affirme subir un stress intense du fait que sa demande d’asile pourrait ne pas être tranchée dans un avenir prévisible, soit par la Commission, ou, étant donné qu’il est impossible de procéder pour l’instant à son renvoi en raison du moratoire imposé sur les renvois en Afghanistan, par le truchement d’un examen des risques avant renvoi réalisé conformément à l’article 112 de la Loi.

[36]           Toutefois, Mme Farhadi peut encore contester la décision rendue à l’issue du réexamen, pourvu qu’elle le fasse de la bonne façon. Entre-temps, la mesure de renvoi prise contre elle ne peut être exécutée en raison du moratoire imposé sur les renvois en Afghanistan. Autrement dit, Mme Farhadi ne peut être renvoyée dans le pays à l’origine des craintes qui lui ont fait demander l’asile. En outre, le dossier montre qu’elle pouvait obtenir et a bien obtenu un permis de travail, et qu’elle est donc en mesure de gagner sa vie au Canada.

[37]           En outre, Mme Farhadi n’a produit aucun élément de preuve concernant ses vaines tentatives de recevoir des soins de santé ni n’a établi qu’on avait refusé de la traiter dans un centre médical d’urgence. En sa qualité de résidente de l’Ontario, il semble également qu’elle soit admissible à l’assurance-santé de l’Ontario.

[38]           Malgré la compassion qu’inspire Mme Farhadi, sa situation n’est, à mon avis, ni intolérable ni désespérée tant du point de vue humain que du point de vue juridique.

[39]           Aucune partie n’a proposé de question de portée générale. Aucune ne sera certifiée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La requête en modification de la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

3.                  Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-5397-13

INTITULÉ :

GETTI FARHADI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION, LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 SEPTEMBRE 2014

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

DATE DES MOTIFS :

LE 30 SEPTEMBRE 2014

COMPARUTIONS :

Raoul S. Boulakia

POUR LA demanderesse

Bridget O’Leary

Leila Jawando

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raoul S. Boulakia

Toronto (Ontario)

POUR LA demanderesse

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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