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Date : 20140915


Dossier : IMM-1405-14

Référence : 2014 CF 877

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2014

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

KULWANT SARAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par Lynne Cunningham, commissaire de la Section d’appel de l’immigration [SAI] de la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés, à Calgary (Alberta), et ayant pour effet de rejeter l’appel interjeté par le demandeur du refus d’accorder à son épouse un visa de résident permanent à titre de membre de la catégorie du regroupement familial.

I.                   Question à trancher

[2]               La SAI a-t-elle rendu une décision déraisonnable?

II.                Contexte

[3]               Le demandeur est un citoyen canadien. Il a immigré au Canada en novembre 1996 en tant que personne à charge de sa mère. Il s’est marié une première fois en mars 2002 en Inde. Il a parrainé son épouse en avril 2005, mais elle a avoué ne l’avoir épousé que pour pouvoir venir au Canada. Le couple s’est séparé en septembre 2005 et le divorce a été officiellement prononcé le 22 février 2007.

[4]               Le demandeur et sa seconde épouse sont tous deux de confession sikhe. Le demandeur a un handicap physique et son épouse a de la difficulté à marcher depuis qu’elle a contracté la poliomyélite alors qu’elle était enfant.

[5]               Le couple s’est uni en Inde le 3 mai 2009. Le demandeur est ensuite retourné au Canada le 1er juillet 2009. Il est retourné en Inde chaque année, sauf en 2011, et y a séjourné environ cinq mois et demi chaque fois.

[6]               Les époux soutiennent que lorsque le demandeur séjourne en Inde, ils vivent en tant que mari et femme dans leur maison ancestrale de Saddowal, dans le Punjab, et qu’ils essaient depuis peu de concevoir un enfant.

[7]               M. Saran a fourni des réponses différentes à l’agent et à la SAI quant à ses intentions de parrainer sa femme. Il a déclaré à l’agent avoir attendu deux années pour la parrainer parce qu’il avait quitté la Colombie‑Britannique pour s’établir en Alberta et tenait à bien s’installer avant qu’elle n’arrive. À l’audience de la SAI, M. Saran a déclaré avoir dit à sa femme et à la famille de celle‑ci qu’il ne la parrainerait pas parce qu’il craignait qu’elle ne le quitte dès qu’elle arriverait au Canada.

[8]               Le 30 mai 2012, Mme Kaur a été interviewée en personne par un agent de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC]. À la suite de cette entrevue, l’agent a rejeté la demande du demandeur au motif que son mariage n’était pas légal étant donné que les mariés n’avaient pas marché autour du Saint Livre quatre fois durant la cérémonie comme le veut la religion sikhe. Ce fait a été reconnu par le demandeur et n’est pas contesté. L’agent a également conclu que le mariage n’était pas authentique.

[9]               La SAI a entendu l’appel de la décision de l’agent des visas ayant pour effet de rejeter la demande du demandeur le 3 février 2014. Le demandeur a assisté en personne accompagné de son conseil, et son épouse a témoigné par téléphone. La SAI a rejeté l’appel du demandeur le 7 février 2014.

[10]           La décision de l’agent des visas et de la SAI de rejeter la demande de l’épouse du demandeur reposait entièrement sur la conclusion que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait essentiellement à permettre à l’épouse du demandeur d’obtenir un statut ou un privilège en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [LIPR].

III.             Norme de contrôle

[11]           La norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable (Strulovits c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 435, au paragraphe 40; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 51).

IV.             Analyse

[12]           Le demandeur fait valoir que la SAI n’a pas tenu compte des éléments de preuve convaincants et a ainsi commis une erreur susceptible de contrôle. L’audience de la SAI devait consister en une audition de novo au cours de laquelle l’ensemble de la preuve fournie par le demandeur est examiné. En ne prenant pas en considération des éléments de preuve tels que le soutien financier que le demandeur fournissait à son épouse ni la période de cohabitation du couple après le mariage et en s’attachant plutôt à des contradictions mineures, la SAI a tiré des conclusions déraisonnables qui ne sont ni justifiables ni intelligibles.

[13]           Le demandeur soutient également que la SIA ainsi que l’agent ont fondé leur décision sur des préjugés culturels inappropriés et déraisonnables. « Il faut se demander si la relation est ʺauthentiqueʺ selon l’optique des intéressés eux‑mêmes, par rapport au milieu culturel dans lequel ils vivent » (Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1490, au paragraphe 16).

[14]           La SAI avait plusieurs raisons de juger que l’union manquait de crédibilité :

a.       En dépit du fait que le demandeur a prétendu avoir vécu pendant une période totale de 18 mois avec son épouse au cours des dernières années, les deux époux ne se connaissent pas bien (comme l’ont illustré les contradictions et les lacunes de leurs déclarations sur leur vie commune;

b.      Les intéressés ont répondu de manière complètement différente à diverses questions, ils n’ont pu donner certaines précisions comme des dates et ont longuement hésité à répondre à des questions dont ils auraient normalement dû connaître les réponses à savoir, par exemple, la fréquence de leurs communications téléphoniques et les moments où ils se téléphonaient, si le demandeur vivait avec son frère ou avec son cousin, la période à laquelle le demandeur avait vécu avec sa femme en Inde en 2013;

c.       Très peu d’éléments de preuve objectifs appuyaient leur allégation selon laquelle ils étaient mariés et ils avaient vécu ensemble.

[15]           Les réserves de l’agent des visas vis‑à‑vis la validité officielle du mariage ne semblent pas raisonnables. Cependant, la question de la validité formelle du mariage n’a pas pesé beaucoup dans la décision de la SAI et ne constitue donc pas un facteur déterminant.

[16]           S’il est vrai que la SAI doit tenir compte de tous les éléments de preuve dont elle dispose, il y a lieu de présumer qu’elle les a pesés et appréciés et elle n’est donc pas tenue de tous les mentionner dans ses motifs (Lai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 125, au paragraphe 90).

[17]           J’estime que la SAI a pris en considération tous les éléments de preuve, y compris la preuve que le demandeur soutenait financièrement son épouse, ainsi que la durée de cohabitation du couple après le mariage et avant que le demandeur ne quitte pour le Canada, outre les périodes passées en Inde chez son épouse (à savoir l’élément même dont la SAI aurait déraisonnablement fait abstraction selon le demandeur).

[18]           Par ailleurs, la SAI a revu la déclaration du demandeur et celle de son épouse sur le nombre de mois qu’ils cohabitent lorsque le demandeur se trouve en Inde, apprécié la crédibilité des témoins et examiné les divergences entre leurs déclarations et a jugé que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments corroborant l’authenticité de leur union.

[19]           Je ne suis pas d’avis que la SAI et l’agent des visas ont fondé leur interprétation du comportement et de la relation du couple sur de profonds idéaux occidentaux, au point de faire déraisonnablement abstraction des éléments de preuve réfutant leurs présomptions.

[20]           Bien que certains éléments de preuve corroborent la validité de cette union, d’autres en font ressortir la fausseté. L’agent des visas était en droit de juger que cette union n’est pas authentique, tout comme la SAI a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La présente demande est rejetée;

2.                  Aucune question n’est soumise aux fins de certification.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Marie-Michèle Chidiac, trad. a.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1405-14

 

INTITULÉ :

KULWANT SARAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 SEPTEMBRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 SEPTEMBRE 2014

COMPARUTIONS :

Baldev S Sandhu

POUR LE DEMANDEUR,

KULWANT SARAN

Edward Burnett

POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sandhu Law Office

Surrey (Colombie-Britannique)

POUR LE DEMANDEUR,

KULWANT SARAN

William F. Pentney,

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

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