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Date : 20140926


Dossier : IMM-1482-14

Référence : 2014 CF 920

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2014

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

UZMA IJAZ

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 à l’encontre de la décision en date du 10 janvier 2014 (la décision) par laquelle un agent des visas (l’agent) a rejeté la demande de résidence permanente au Canada que la demanderesse avait présentée au titre de la catégorie des candidats des provinces.

II.                CONTEXTE

[2]               La demanderesse est une citoyenne du Pakistan âgée de 43 ans. Elle occupe un emploi d’enseignante au Pakistan depuis 1999. Elle a fait une demande auprès du Programme Candidats immigrants pour la Saskatchewan (PCIS) au titre de la catégorie des membres de la famille, que la province de la Saskatchewan a approuvée en juin 2012.

[3]               La province de la Saskatchewan sélectionne des candidats dans le cadre du PCIS, mais Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) rend la décision définitive quant à leur admission au Canada. La demanderesse a présenté une demande de résidence permanente par l’entremise du Haut‑commissariat du Canada à Londres (R.‑U.). La demande faisait état des notes de la demanderesse à l’examen de l’International English Language Testing System (IELTS), de son métier envisagé (enseignante) et de son métier désigné (caissière).

[4]               Dans un courriel envoyé le 28 mars 2013 (la lettre relative à l’équité procédurale), l’agent a fait savoir à la demanderesse qu’il ne considérait pas qu’elle avait la capacité de réussir son établissement économique au Canada. Il a traité expressément de ses notes à l’examen de l’IELTS par rapport à son métier envisagé et à son métier désigné. L’agent a accepté les observations de la demanderesse concernant le soutien de sa famille en Saskatchewan, mais affirmé que ce soutien ne dissipait pas les réserves soulevées par sa compétence en anglais ni ses doutes quant à sa capacité à réussir son établissement économique. 

[5]               Le courriel se terminait par un passage expliquant qu’une copie de la lettre serait envoyée à la province de la Saskatchewan, laquelle aurait 90 jours pour faire connaître ses préoccupations ou demander des précisions.

[6]               En réponse, la demanderesse a fourni un document faisant état des notes qu’elle avait obtenues à l’examen de l’IELTS, supérieures aux notes fournies antérieurement, qui montraient qu’elle avait atteint ou dépassé le seuil minimum requis pour chaque compétence évaluée. Elle a dit qu’elle avait choisi par erreur le métier d’enseignante comme métier envisagé et qu’elle souhaitait travailler comme caissière. Elle a également souligné qu’elle avait aussi fait état d’une offre d’emploi pour un poste de caissière dans sa demande auprès du PCIS et que l’offre était encore valide.

III.             DÉCISION CONTRÔLÉE

[7]               Dans une lettre datée du 10 janvier 2014, l’agent a rejeté la demande de visa de résident permanent présentée par la demanderesse au titre de la catégorie des candidats des provinces. La décision s’ouvre sur un rappel des exigences du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), applicables à la catégorie des candidats des provinces (dossier de la demanderesse, à la page 4) :

[traduction]

Aux termes du paragraphe 87(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, si le fait que l’étranger est visé par le certificat de désignation mentionné à l’alinéa (2)a) n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut, après consultation auprès du gouvernement qui a délivré le certificat, substituer son appréciation aux critères prévus au paragraphe (2).

[8]               L’agent a écrit qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse possédait les compétences linguistiques nécessaires pour réussir son établissement économique au Canada et que la réponse de la demanderesse à la lettre relative à l’équité procédurale n’avait pas dissipé ses réserves. L’agent a souligné qu’il avait consulté la province de la Saskatchewan et qu’un autre agent avait confirmé son appréciation de substitution de la capacité de la demanderesse à réussir son établissement économique au Canada.

[9]               La lettre relative à l’équité procédurale et les notes entrées dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC) renferment des explications détaillées sur les motifs à l’appui de la décision de l’agent.

[10]           La lettre relative à l’équité procédurale fait état des préoccupations de l’agent suscitées par les notes de la demanderesse à l’examen de l’IELTS relativement à son métier désigné et à son métier envisagé, par l’absence d’offre d’emploi jointe à sa demande et par le soutien de sa famille (dossier de la demanderesse, à la page 106) :

[traduction]

La capacité à communiquer efficacement dans l’une des langues officielles du Canada est considérée comme un facteur d’une importance cruciale à la réussite de l’établissement économique. L’information figurant sur le site Web officiel de Saskatchewan Immigration confirme que les nouveaux immigrants [traduction] « doivent comprendre et parler l’anglais pour pouvoir faire quoi que ce soit en Saskatchewan » et, s’agissant plus particulièrement de l’emploi : [traduction] « Pour être compétent dans la plupart des emplois, il est recommandé d’avoir atteint le niveau de compétence [linguistique canadien] 4 au minimum. » Le niveau de compétence linguistique canadien 4 équivaudrait dans l’IELTS à des notes d’au moins 4,5 en compréhension de l’oral, 3,5 en compréhension de l’écrit, 4,0 en expression écrite et 4,0 en expression orale. Le Programme Candidats immigrants pour la Saskatchewan (PCIS) exige que les candidats présentent une preuve de leur compétence en anglais; si les notes à un examen de l’IELTS sont présentées en preuve, les candidats doivent avoir obtenu un résultat [traduction] « équivalant au niveau NCLC 4 au minimum dans toutes les catégories ». Bien que vos notes individuelles dans les catégories de l’expression orale, de l’expression écrite et de la compréhension de l’écrit égalaient ou dépassaient le niveau minimum recommandé, votre note dans la catégorie de la compréhension de l’oral était inférieure au niveau recommandé.

De plus, aux termes du PCIS, les candidats doivent posséder [traduction] « des compétences suffisantes en anglais pour assumer les fonctions du poste que leur a offert un employeur de la Saskatchewan ou pour obtenir un emploi dans [leur] domaine d’études ou de formation ». Vous n’avez pas mentionné qu’un employeur de la Saskatchewan vous avait offert en emploi. Votre métier désigné est celui de caissière. Le métier dans lequel vous avez dit posséder de l’expérience et que vous avez dit vouloir continuer d’exercer au Canada est celui d’enseignante. J’estime que vous ne possédez pas les compétences linguistiques nécessaires pour pouvoir accomplir les tâches requises par l’un ou l’autre de ces métiers. Le métier de caissier comprend généralement des interactions avec le public et quiconque l’exerce doit comprendre les exigences et les informations relatives au service. Selon Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), l’expression orale est l’une des compétences essentielles les plus importantes pour exercer le métier de caissier, et le niveau de compétence linguistique requis pour exercer les fonctions habituelles de caissier doit être supérieur au niveau de base ou au niveau moyen. RHDCC mentionne entre autres la communication verbale, la lecture, l’utilisation de documents et la rédaction au nombre des compétences essentielles pour accomplir le travail d’enseignant, la communication verbale étant l’une des plus importantes. Quiconque désire être enseignant en Saskatchewan doit aussi obtenir un brevet d’enseignement, conditionnel à la maîtrise de l’anglais ou du français. Il ne semble pas que vous connaissiez suffisamment l’anglais pour obtenir un brevet d’enseignement en Saskatchewan ou pour réussir toute formation complémentaire qui pourrait être nécessaire pour l’obtention du brevet. Compte tenu du niveau de connaissance de l’anglais que vous avez démontré, je ne pense pas que vous seriez en mesure d’accomplir les fonctions de votre métier envisagé ou de votre métier désigné. J’estime donc que vous ne seriez pas apte à exercer un emploi au Canada ou que, si vous décrochiez tout de même un emploi, celui‑ci ne serait pas suffisant pour vous permettre de réussir votre établissement économique. J’ai également constaté que vous avez mentionné avoir le soutien d’un membre de votre famille résidant en Saskatchewan, mais le soutien d’un membre de la famille ne serait pas considéré comme un établissement économique et ne serait pas suffisant pour dissiper les préoccupations soulevées par votre faible niveau de compétence en anglais.

[11]           Dans les notes entrées dans le SMGC le 28 novembre 2013, l’agent a consigné son évaluation de la réponse de la demanderesse à cette lettre (dossier certifié du tribunal [DCT], à la page 3) :

[traduction]

La DP [demanderesse principale] a fourni les notes à l’examen de l’IELTS qu’elle avait repassé, mais n’a pas répondu aux préoccupations soulevées dans la lettre relative à l’équité procédurale. À part le fait qu’elle a souligné que les résultats à l’examen de l’IELTS passé plus récemment étaient supérieurs au NCLC 4 recommandé par la Saskatchewan, la DP n’a pas expliqué comment elle pourrait réussir son établissement économique avec le niveau de connaissance linguistique qu’elle a montré. La DP reconnaît qu’elle aurait besoin [traduction] « de formation intensive, y compris en anglais » pour pouvoir travailler comme enseignante, mais affirme qu’elle a indiqué le métier d’enseignante comme métier envisagé par erreur, le métier qu’elle envisage étant celui de caissière. La DP dit qu’elle s’est fait offrir un emploi de caissière, mais ne donne aucune preuve ni aucun détail sur cette offre d’emploi en particulier ni sur aucune autre offre d’emploi. Les notes à l’examen de l’IELTS que la DP a repassé montrent que son résultat global a légèrement augmenté, de 4,5 à 5, ce qui la place dans la catégorie des [traduction] « utilisateurs modestes » de l’anglais, que l’IELTS décrit comme ceux ayant une connaissance partielle de la langue, une compréhension globale dans la plupart des situations, mais qui peuvent commettre de nombreuses fautes, et qui auraient la capacité d’avoir des échanges simples dans leur domaine. Il convient de noter que le domaine de la DP est l’enseignement, non le travail de caissière. Les notes individuelles obtenues par la DP à l’examen de l’IELTS qu’elle a repassé étaient de 5,0 pour la compréhension de l’oral et de 5,0 ou 5,5 pour l’expression écrite et l’expression orale, mais sa note individuelle pour la compréhension de l’écrit était de 4,0 ([traduction] « utilisateurs limités »). La connaissance de l’anglais de la DP d’après les seconds résultats à l’examen de l’IELTS correspond maintenant au NCLC 5, qui est encore un niveau de compétence de base. Même si le métier de caissier est considéré comme peu spécialisé, on peut raisonnablement penser qu’un caissier doit posséder davantage qu’une connaissance de base de l’anglais pour accomplir l’éventail des tâches qui lui incombent habituellement – particulièrement celles qui requièrent une interaction et une communication directes avec les consommateurs. Aucun commentaire au sujet de la lettre relative à l’équité procédurale antérieure au rejet n’a été reçu de la province ayant délivré le certificat de désignation. En raison des motifs susmentionnés et des motifs figurant dans les notes, la demanderesse ne semble pas correspondre à la définition d’un candidat des provinces au sens de l’article 87 du Règlement. Même si elle est visée par un certificat de désignation délivré par une province, la DP ne semble pas posséder les connaissances linguistiques requises pour réussir son établissement économique au Canada. Je ne puis conclure que la DP répond aux critères de la catégorie de l’immigration économique au titre de laquelle elle a fait sa demande.

[12]           Un deuxième agent a confirmé l’appréciation substituée par l’agent, comme en témoignent les notes du SMGC entrées le 27 décembre 2013 (DCT, à la page 3) :

[traduction]

Demande m’ayant été renvoyée – aux fins de confirmation en vertu du paragraphe 87(4) du Règlement de la substitution d’appréciation faite par l’agent en vertu du paragraphe 87(3) du Règlement […] Renseignements recueillis (entre autres) : la DP mentionne qu’elle travaille comme enseignante depuis 1999. Les moyens financiers dont elle dispose sont très limités. Je n’ai vu aucun élément de preuve relatif aux fonds disponibles. Note globale à l’examen de l’IELTS : 5,0. La demanderesse a mentionné qu’elle a une offre d’emploi comme caissière. Je n’ai pas vu cette offre d’emploi. Impossible de savoir clairement si l’offre d’emploi tient toujours et si l’entreprise est rentable, etc. […] Il est aussi étrange, compte tenu de l’expérience de travail et de la formation de la demanderesse, que son métier désigné soit celui de caissière alors que rien ne montre qu’elle possède une expérience de caissière. Le métier envisagé ne semble pas bien cadrer avec son expérience de travail et sa formation. Une lettre relative à l’équité procédurale a été envoyée par l’agent chargé de l’examen, car il doute que la demanderesse puisse réussir son établissement économique. La réponse a été examinée et consignée dans les notes. D’après les renseignements disponibles et l’évaluation de l’agent chargé de l’examen, il semble raisonnable de douter que l’étrangère, c’est‑à‑dire la demanderesse principale, réussisse son établissement économique. Ainsi, j’approuve l’appréciation substituée en application du paragraphe 87(3) du Règlement.

IV.             QUESTIONS EN LITIGE

[13]           La demanderesse soulève en l’espèce les questions suivantes :

  1. L’agent a‑t‑il manqué à l’obligation d’équité procédurale en ne respectant pas l’exigence réglementaire de consulter la province de la Saskatchewan avant de se prévaloir d’une substitution de l’appréciation défavorable?
  2. L’agent a-t-il mal interprété l’article 87 du Règlement?
  3. L’agent a‑t‑il rendu une décision déraisonnable en ayant omis de tenir compte de tous les éléments de preuve avant de substituer son appréciation défavorable?

V.                NORME DE CONTRÔLE

[14]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle qui s’applique à la question en litige est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque les recherches sont vaines, ou si la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire, que la cour chargée du contrôle doit entreprendre l’examen des quatre facteurs constituant l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[15]           La première question soulève une question d’équité procédurale et il n’est pas contesté qu’elle est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte : voir Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, au paragraphe 100; Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53.

[16]           La demanderesse fait valoir que la deuxième et la troisième question devraient faire l’objet d’un contrôle selon deux normes différentes. Elle affirme que l’interprétation du Règlement faite par un agent d’immigration devrait être contrôlée selon la norme de la décision correcte : Hilewitz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); De Jong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 57. Elle affirme que la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable à une décision d’un agent des visas concernant les visas de résident permanent : Singh Tathgur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1293.

[17]           Le défendeur affirme que cette décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Le fait de déterminer si un demandeur est en mesure de réussir son établissement économique au Canada est un exercice clairement axé sur les faits dans lequel les agents d’immigration possèdent une expérience et une expertise considérables : Debnath c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 904, au paragraphe 8; Roohi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1048, au paragraphe 26 [Roohi]. 

[18]           La jurisprudence de la Cour a établi que la norme de la décision raisonnable s’applique à la décision d’un agent des visas de substituer son appréciation à un certificat de désignation délivré par une province : Wai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 780, au paragraphe 18 [Wai]; Singh Sran c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 791, au paragraphe 9 [Sran]; Noreen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1169, au paragraphe 11 [Noreen].

[19]           Dans le cadre du contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse se rapporte « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[20]           Les dispositions suivantes du Règlement s’appliquent en l’espèce :

Candidats des provinces

Provincial Nominee Class

Catégorie

Class

87. (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des candidats des provinces est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

87. (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the provincial nominee class is hereby prescribed as a class of persons who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada.

Qualité

Member of the class

(2) Fait partie de la catégorie des candidats des provinces l’étranger qui satisfait aux critères suivants :

a) sous réserve du paragraphe (5), il est visé par un certificat de désignation délivré par le gouvernement provincial concerné conformément à l’accord concernant les candidats des provinces que la province en cause a conclu avec le ministre;

b) il cherche à s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation.

(2) A foreign national is a member of the provincial nominee class if

(a) subject to subsection (5), they are named in a nomination certificate issued by the government of a province under a provincial nomination agreement between that province and the Minister; and

(b) they intend to reside in the province that has nominated them.

Substitution d’appréciation

Substitution of evaluation

(3) Si le fait que l’étranger est visé par le certificat de désignation mentionné à l’alinéa (2)a) n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut, après consultation auprès du gouvernement qui a délivré le certificat, substituer son appréciation aux critères prévus au paragraphe (2).

(3) If the fact that the foreign national is named in a certificate referred to in paragraph (2)(a) is not a sufficient indicator of whether they may become economically established in Canada and an officer has consulted the government that issued the certificate, the officer may substitute for the criteria set out in subsection (2) their evaluation of the likelihood of the ability of the foreign national to become economically established in Canada.

[21]           Les dispositions suivantes de l’Accord Canada‑Saskatchewan sur l’immigration de 2005 (l’Accord) s’appliquent en l’espèce :

But, objectifs et définitions

Purpose, Objectives, and Definitions

1.2 Les objectifs de l’Accord sont les suivants :

1.2 The objectives of this Agreement are:

[…]

[…]

b. établir des processus pour que le Canada et la Saskatchewan puissent se consulter et collaborer en vue de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques, de programmes et de mécanismes destinés à influencer l’ampleur et la composition du mouvement d’immigration en Saskatchewan et au Canada, notamment en ce qui touche les immigrants sélectionnés en vue d’appuyer le développement des collectivités de langues officielles minoritaires en Saskatchewan;

b. to establish processes for Canada and Saskatchewan to consult and cooperate on the development and implementation of policies, programs, and mechanisms to influence the levels and composition of immigrants to Saskatchewan and to Canada, including those to support and assist the development of minority official language communities in Saskatchewan.

[…]

[…]

Annexe A – Candidats de la province

Annex A – Provincial Nominees

4.9 Le Canada considère le certificat de désignation délivré par la Saskatchewan comme une première preuve que l’admission favorise le développement économique de la Saskatchewan de façon notable, et que le candidat a la capacité de réussir son établissement économique au Canada.

4.9 Canada shall consider a nomination certificate issued by Saskatchewan as initial evidence that admission is of significant benefit to the economic development of Saskatchewan and that the nominee has the ability to become economically established in Canada.

4.10 Lorsqu’un refus est probable, le Canada avise la Saskatchewan avant que l’avis de refus final ne soit délivré au candidat. La Saskatchewan peut faire valoir ses préoccupations ou obtenir des éclaircissements auprès de l’agent d’appréciation à la mission concernée, ou du gestionnaire concerné. En cas de refus pour des raisons autres que la santé, la sécurité ou la criminalité, la Saskatchewan a 60 jours pour faire valoir ses préoccupations ou obtenir des éclaircissements avant que le candidat de la province soit avisé par l’agent d’immigration.

 

4.10 : When a refusal of a nominee is likely, Canada will notify and advise Saskatchewan of the reasons for possible refusal prior to the refusal notice being issued to the provincial nominee. Saskatchewan may raise concerns with, or seek clarification from, the assessing officer at the relevant mission or the appropriate manager, when a Provincial Nominee is likely to be refused. Where the refusal is for reasons other than health, security, or criminality concerns, Saskatchewan will have 90 days to raise concerns and seek clarification before notification is given to the provincial nominee by the immigration officer.

VII.          ARGUMENTS

A.                Demanderesse

(1)               Équité procédurale

[22]           La demanderesse affirme que l’agent a manqué à l’obligation d’équité procédurale en ne consultant pas la province de la Saskatchewan avant de rejeter sa demande.

[23]           Aux termes du Règlement et de l’Accord, l’agent a le devoir de consulter la province de la Saskatchewan avant de substituer son appréciation de la question de déterminer si un demandeur réussira son établissement économique dans la province. La demanderesse s’appuie sur la décision Kikeshian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 658, aux paragraphes 11 et 15, qui établit trois principes relatifs à ce devoir :

          L’obligation vise à accroître le niveau d’équité procédurale exigé à l’égard des demandeurs dans la catégorie des candidats des provinces;

          Il s’agit d’une obligation prévue dans le Règlement à laquelle l’agent ne peut se soustraire;

          Tout manquement à cette obligation est un manquement à l’équité procédurale.

[24]           La demanderesse affirme que l’obligation de consulter exige que l’agent informe la province de sa position et qu’il amorce une communication bilatérale : Lakeland College Faculty Association c Lakeland College, 1998 ABCA 221, au paragraphe 38. Elle affirme que la mention [traduction] « cc » sur le courriel qu’elle a reçu de l’agent ne constitue pas une preuve suffisante que la province de la Saskatchewan avait même été informée de l’intention de l’agent de rejeter sa demande.

(2)               Interprétation de l’établissement économique

[25]           La demanderesse affirme que l’agent a commis une erreur en faisant une interprétation du Règlement selon laquelle elle devait montrer qu’elle était déjà apte à réussir son établissement économique au Canada.

[26]           La demanderesse fait valoir que la Loi et le Règlement n’imposent pas aux candidats d’une province l’obligation de démontrer qu’ils peuvent devenir autonomes sur le plan économique dans l’immédiat : Margarosyan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 123 FTR 196, au paragraphe 7; Rezaeiazar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 761, au paragraphe 85. Elle affirme que ce principe est établi dans le Guide de traitement des demandes à l’étranger OP 7b – Candidats des provinces de CIC (à la page 8) :

La loi ne contient pas de définition de « s’établir sur le plan économique », ce qui donne lieu à des interprétations. Il n’y a pas non plus d’indication de la période exacte après laquelle un demandeur doit s’être établi sur le plan économique : immédiatement après son installation ou après une période d’ajustement initiale. […] [Les agents] doivent refuser la désignation s’ils ont de fortes raisons de croire qu’un demandeur ne s’établira très vraisemblablement pas sur le plan économique, même à moyen terme et avec l’aide des autres membres de sa famille. Or, il est conforme à la loi d’approuver les cas pour lesquels il existe une certaine probabilité d’établissement réussi sur une période raisonnable.

[27]           La demanderesse affirme qu’en présentant les notes supérieures qu’elle avait obtenues à l’examen de l’IELTS, elle a montré qu’elle était apte à réussir son établissement économique au Canada sur une période raisonnable, ce qui aurait dû dissiper les préoccupations de l’agent qui doutait qu’elle connaisse assez bien l’anglais pour réussir son établissement économique. Par conséquent, l’agent n’aurait dû rejeter sa demande que s’il avait eu de fortes raisons de croire qu’elle ne s’établirait pas sur le plan économique à moyen terme et avec l’aide des membres de sa famille.

(3)               Omission de tenir compte de tous les éléments de preuve

[28]           Selon la demanderesse, l’agent n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve dont il disposait avant de décider qu’il substituerait, au certificat de désignation provincial, son appréciation de l’aptitude de la demanderesse à réussir son établissement économique au Canada.

[29]           D’après la demanderesse, le processus en deux étapes exposé dans la décision Roohi, précitée, qui concerne la substitution d’appréciation par l’agent de la question de savoir si un travailleur qualifié est apte à réussir son établissement économique, devrait être utilisé pour la catégorie des candidats des provinces en raison des similitudes avec le libellé du Règlement. La demanderesse indique que, pour les candidats d’une province, l’agent des visas doit d’abord déterminer si le certificat de désignation ne reflète pas l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada. L’agent des visas doit ensuite évaluer l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada en effectuant une appréciation fondée sur des motifs légitimes. La demanderesse affirme que les facteurs à prendre en considération pour déterminer la probabilité de réussite de l’établissement économique sont énoncés au paragraphe 44 de la décision Wai, précitée : « l’âge, l’instruction, les qualités, l’expérience professionnelle antérieure, les avis de la province, ainsi que la motivation et l’esprit d’initiative révélés par ce que le demandeur a fait de son temps au Canada ».

[30]           La demanderesse estime que, à la première étape de son analyse, l’agent a conclu que le certificat ne reflétait pas son aptitude à réussir son établissement économique au Canada parce qu’il aurait mis l’accent sur ses connaissances de l’anglais. Plutôt que de prendre en considération les facteurs susmentionnés, à la deuxième étape, l’agent s’est encore appuyé fortement sur les notes de la demanderesse à l’examen de l’IELTS. Elle affirme que l’agent a omis de tenir compte de son âge, de son baccalauréat, de son expérience de travail en tant qu’enseignante dans une école secondaire, du baccalauréat de son époux et de l’expérience de travail de celui‑ci dans le domaine de la construction, de l’offre d’emploi qu’elle a eue à Saskatoon, du soutien de sa famille au Canada et de l’appui de la province de la Saskatchewan.

[31]           La demanderesse dit également que l’agent a commis une erreur en mettant l’accent sur son métier désigné et sur son métier envisagé pour évaluer son aptitude à réussir son établissement économique au Canada : Sran, précitée, au paragraphe 24. En tant que candidate d’une province, elle n’est pas obligée de s’établir sur le plan économique en exerçant son métier désigné ou son métier envisagé à son arrivée au Canada : Noreen, précitée, au paragraphe 7.

[32]           La demanderesse fait également valoir que l’agent n’était pas en mesure d’évaluer ses qualités et de conclure qu’elle ne serait pas apte à travailler comme enseignante au Canada : Dogra c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 166 FTR 264, aux paragraphes 27 à 30. L’agent a écrit ce qui suit :

[traduction]

Quiconque désire être enseignant en Saskatchewan doit obtenir un brevet d’enseignement, conditionnel à la maîtrise de l’anglais ou du français. Il ne semble pas que vous connaissiez suffisamment l’anglais pour obtenir un brevet d’enseignement en Saskatchewan ou pour réussir toute formation complémentaire qui pourrait être nécessaire pour l’obtention du brevet.

(Dossier de la demanderesse, à la page 106.)

[33]           La demanderesse fait valoir que l’agent ne disposait de rien pour corroborer sa conclusion selon laquelle elle ne pourrait trouver du travail ou ne serait pas apte à réussir son établissement économique. Elle affirme que ses notes à l’examen de l’IELTS montrent qu’elle a atteint le seuil exigé pour les besoins du PCIS. Elle déclare en outre qu’elle avait une offre d’emploi valide et qu’elle était prête et disposée à faire son entrée sur le marché du travail au Canada.

[34]           La demanderesse demande à la Cour d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire pour qu’une nouvelle décision soit rendue. 

B.                 Défendeur

(1)               Équité procédurale

[35]           Le défendeur affirme que l’agent s’est conformé au Règlement en consultant la province de la Saskatchewan avant de substituer son appréciation.

[36]           Le défendeur convient du fait que l’obligation de l’agent de consulter la province qui a délivré le certificat de désignation, et la nature de cette obligation, sont établies par le Règlement et l’Accord.  

[37]           Les notes du SMGC montrent qu’une copie de la lettre relative à l’équité procédurale a été envoyée à la province le 28 mars 2013. Des notes entrées le 28 novembre 2013 dans le SMGC indiquent qu’aucune réponse n’a été reçue de la province. Selon le défendeur, rien ne permet d’affirmer que la province n’ait pas reçu de copie de la lettre relative à l’équité procédurale.

(2)               Interprétation de l’établissement économique

[38]           Le défendeur avance que l’appréciation que l’agent a faite de l’aptitude de la demanderesse à réussir son établissement économique au Canada était raisonnable. Le fait de déterminer si un demandeur a des chances de réussir son établissement économique est un exercice dans lequel les agents d’immigrations possèdent une expertise et une expérience considérables, et la Cour ne devrait pas substituer sa décision à celle du décideur si celle‑ci appartient aux issues possibles acceptables : Kousar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 12, au paragraphe 12 [Kousar]; Noreen, précitée, au paragraphe 11; Wai, précitée, aux paragraphes 46 à 50.

[39]           Le défendeur affirme que la compétence linguistique est un facteur d’une importance fondamentale pour la réussite de l’établissement économique, et l’agent n’était pas lié par les exigences ou recommandations linguistiques minimales lorsqu’il a évalué la probabilité de réussite de l’établissement économique : Kousar, précitée, au paragraphe 9; Noreen, précitée, au paragraphe 10; Sran, précitée, au paragraphe 13.

(3)               Aucune omission de tenir compte de tous les éléments de preuve

[40]           Le défendeur affirme que la décision de l’agent selon laquelle la demanderesse ne serait pas en mesure de se trouver un emploi convenable n’est pas corroborée par le dossier. L’aptitude à réussir l’établissement économique est une exigence prévue par la loi, et il incombait à la demanderesse de soumettre suffisamment d’éléments de preuve pour amener l’agent à conclure qu’elle réussirait à s’établir sur le plan économique. L’agent n’était aucunement obligé d’informer la demanderesse de ses réserves découlant directement de cette exigence : Zulhaz Uddin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1005, au paragraphe 38. Même s’il n’était pas obligé de le faire, l’agent a mis la demanderesse au fait de ses réserves, et la demanderesse a eu la possibilité d’y répondre. Sa réponse n’a pas modifié l’appréciation de l’agent ni dissipé ses réserves quant à la compétence linguistique en anglais de la demanderesse.

[41]           Selon le défendeur, les notes que l’agent a entrées dans le SMGC le 28 novembre 2013 montrent qu’il a tenu compte de la réponse de la demanderesse à sa lettre, y compris de ses résultats plus récents à l’examen de l’IELTS. Les notes du SMGC révèlent que même si l’agent a estimé que le métier de caissier était peu spécialisé, il a conclu qu’il fallait posséder davantage qu’une connaissance de base de l’anglais pour accomplir l’éventail des tâches y étant associées. Le défendeur est d’accord pour dire qu’un demandeur n’est pas obligé de devenir autonome sur le plan économique dans sa profession désignée, mais il affirme que le demandeur doit tout de même montrer qu’il réussira son établissement économique dans un délai raisonnable : Noreen, précitée, aux paragraphes 7 et 8. Avoir obtenu une note supérieure à la note minimale exigée à l’examen de l’IELTS n’établit pas de quelle façon un demandeur réussira à s’établir sur le plan économique ni en combien de temps il y parviendra : Noreen, précitée.

[42]           Le défendeur avance que la demanderesse n’a relevé aucune considération pertinente que l’agent aurait laissée de côté ni aucun facteur non pertinent qu’il aurait pris en compte. La déférence est de mise à l’égard du poids accordé par l’agent aux considérations pertinentes, car l’appréciation de la preuve relève de ses connaissances et de son expertise. L’agent était fondé à exercer sa discrétion de manière à accorder un poids important au fait que la demanderesse avait une compétence linguistique insuffisante pour exercer le métier qu’elle envisageait.

VIII.       ANALYSE

[43]           La demanderesse soulève trois questions dans le cadre du présent contrôle.

A.                Équité procédurale

[44]           La demanderesse soutient que l’agent a manqué à l’obligation d’équité procédurale en ne respectant pas l’exigence réglementaire de consulter la province ayant délivré le certificat de désignation avant de substituer son appréciation défavorable.

[45]           La demanderesse pousse très loin son analyse des paragraphes 87(1) et 87(2) du Règlement, mais la plupart de ses affirmations ne sont pas mises en doute ou contestées en l’espèce. À la lumière des faits de l’espèce, la seule véritable question est celle de savoir si l’agent s’est acquitté de l’obligation de consultation en envoyant une copie de la lettre relative à l’équité procédurale à la province et en donnant à celle‑ci le temps de répondre aux préoccupations soulevées.

[46]           La demanderesse affirme que ces mesures n’avaient pas suffi à satisfaire à l’obligation de consulter la province, mais elle laisse de côté les décisions de la Cour dans lesquelles il a été déclaré qu’elles étaient suffisantes. Comme le juge Barnes l’a dit dans Hui c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1098 [Hui] (au paragraphe 12) :

M. Hui prétend également que l’agent des visas a manqué à l’obligation d’équité en omettant de consulter les fonctionnaires de la Saskatchewan avant de rejeter sa demande. Cet argument est sans fondement. En vertu de l’article 4.10 de l’Accord CanadaSaskatchewan sur l’immigration, le Canada est tenu d’aviser la Saskatchewan des raisons du refus possible d’un candidat provincial. Cela a été fait en l’espèce lorsque le Canada a envoyé à la Saskatchewan une copie de la lettre d’équité de l’agent des visas et la Saskatchewan a préféré ne pas intervenir. Le Canada a respecté ses obligations contractuelles et n’avait aucune autre obligation envers M. Hui.

J’ai suivi et confirmé l’approche du juge Barnes dans Bharma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 239 [Bharma].

[47]           La courtoisie judiciaire exige que je suive ces précédents dans la mesure où j’estime que les décisions ne sont pas erronées : voir Allergen c Canada (Ministre de la Santé), 2012 CAF 308, aux paragraphes 43 et 46 à 48. Rien dans les faits de la présente affaire ne permet de distinguer celle‑ci de Hui et de Bharma à cet égard. Il n’y a donc pas eu manquement à l’obligation d’équité procédurale, puisqu’il y a bel et bien eu une communication avec la province.

[48]           Sur ce point, la demanderesse affirme que rien n’indique qu’une copie de la lettre relative à l’équité procédurale ait été envoyée à la province. Le défendeur admet qu’aucun élément de preuve concluant ne montre que la lettre a été reçue par la province, mais affirme que la mention [traduction] « cc » sur la lettre et qu’une entrée dans les notes du SMGC permettent de voir qu’elle a été envoyée (dossier de la demanderesse, à la page 63, note 11). La demanderesse reconnaît l’existence de cette note et de la mention « cc », mais soutient que rien ne montre que l’envoi a eu lieu dans les faits.

[49]           Par ailleurs, la demanderesse affirme que l’agent, sachant que cette question posait problème, aurait dû en traiter dans l’affidavit qu’il a déposé dans le cadre de la présente demande. En fait, la demanderesse demande à la Cour de tirer une inférence négative du fait que l’agent n’a pas abordé cette question dans son affidavit. Pour ce faire, la Cour devrait supposer que l’agent savait au moment où il a rendu sa décision que la lettre n’avait pas été envoyée à la province, ou qu’il l’avait appris avant de déposer son affidavit et avait délibérément choisi de ne pas révéler ce point crucial. Je pense qu’une telle façon d’agir sous‑entendrait un niveau de malhonnêteté et un manque de professionnalisme que rien ne corrobore en l’espèce. La demanderesse aurait pu contre‑interroger l’agent sur son affidavit et examiner la question de plus près, mais a choisi de ne pas le faire. Il est difficile de concevoir que l’agent aurait dissimulé le fait qu’il savait que la lettre n’avait pas été envoyée à la province alors qu’il aurait pu être contre‑interrogé sur ce point. Je ne puis supposer que l’agent aurait pris un tel risque. Je refuse de tirer une inférence fondée sur une information n’ayant pas été traitée dans l’affidavit.

[50]            Par conséquent, aucun élément de preuve ne permet de penser que la lettre n’a pas été envoyée à la province, ou n’a pas été reçue par celle‑ci, et les éléments de preuve dont nous disposons semblent indiquer que la lettre a été envoyée. Selon moi, la demanderesse n’a pas démontré qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale sur ce point.

B.                 Interprétation de l’article 87 du Règlement

[51]           La demanderesse affirme que l’agent a commis une erreur lorsqu’il a exigé que la demanderesse montre qu’elle réussirait à s’établir sur le plan économique immédiatement à son arrivée au Canada, plutôt que dans un délai raisonnable.

[52]           Pour répondre brièvement à cette allégation, disons que la lecture de l’intégralité de la décision permet de voir qu’elle est tout à fait incorrecte. L’agent n’insiste pas sur l’établissement économique immédiat, mais tente de voir comment la demanderesse pourrait [traduction] « parvenir à réussir son établissement économique » avec le temps, et non si elle sera autonome sur le plan économique à son arrivée : [traduction] « Je ne peux donc pas conclure que vous pourriez être en mesure de décrocher un emploi au Canada ou, si vous en décrochiez un, que celui‑ci serait suffisant pour que vous puissiez parvenir à réussir votre établissement économique » (dossier de la demanderesse, à la page 106). Le mot [traduction] « parvenir » signifie manifestement que l’établissement sur le plan économique ne doit pas obligatoirement se réaliser dans l’immédiat, mais qu’il peut être atteint avec le temps.

C.                 Caractère déraisonnable – Omission de tenir compte de tous les éléments de preuve

[53]           Je suis d’avis que l’affirmation de la demanderesse selon laquelle l’agent a omis de tenir compte de tous les éléments de preuve constitue son seul argument solide. Ses observations renferment de nombreuses répétitions, mais les principales assertions qui s’en dégagent semblent être les suivantes :

a)      L’agent doit évaluer l’aptitude de l’étranger à réussir son établissement économique au Canada en procédant à une substitution d’appréciation adéquate fondée sur des motifs légitimes;

b)      Dans le cadre de cette évaluation, l’agent doit prendre en considération des facteurs comme l’âge, l’instruction, les qualités, l’expérience professionnelle antérieure, les avis de la province, ainsi que la motivation et l’esprit d’initiative;

c)      En l’espèce, l’agent n’a pas dûment pris en considération l’âge, l’instruction, les qualités, l’expérience professionnelle antérieure de la demanderesse, ni l’offre d’emploi approuvée par la province, ni les qualités et l’expérience professionnelle de l’époux de la demanderesse, ni les avis de la province dans l’évaluation de la probabilité que la demanderesse puisse réussir son établissement économique au Canada;

d)     L’agent a également omis de prendre en considération l’âge, l’instruction, les qualités et l’expérience professionnelle antérieure de l’époux de la demanderesse et le fait qu’il travaille comme ouvrier de la construction depuis 2002 (un domaine où la demande de travailleurs est forte en Saskatchewan);

e)      L’agent s’est fondé uniquement sur les notes de la demanderesse à l’examen de l’IELTS pour conclure que le certificat de désignation délivré par la province n’était pas un indicateur suffisant de l’aptitude de la demanderesse à réussir son établissement économique au Canada.

[54]           Les motifs à l’appui de la décision sont dispersés dans les notes du SMGC, dans la lettre relative à l’équité procédurale datée du 28 mars 2013 et dans la lettre de refus datée du 10 janvier 2014.

[55]           La lettre relative à l’équité procédurale établit le cadre et la portée des éléments pris en considération par l’agent (dossier de la demanderesse, à la page 105) :

[traduction]

Les candidats des provinces font partie de la catégorie des immigrants économiques. Il est expliqué sur le site Web officiel de Citoyenneté et Immigration (www.cic.gc.ca) que les immigrants économiques sont « sélectionnés pour leurs compétences et leur capacité à contribuer à l’économie canadienne ». Aux paragraphes 87(1) et 87(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR), la catégorie des candidats des provinces est définie comme « une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada » et qui « [sont] visée[s] par un certificat de désignation délivré par le gouvernement provincial concerné conformément à l’accord concernant les candidats des provinces que la province en cause a conclu avec le ministre [et] qui cherche[nt] à s’établir dans la province qui a délivré le certificat de désignation ». La définition des candidats des provinces est précisée sur le site de www.cic.gc.ca : « Immigrants économiques sélectionnés par une province ou un territoire en raison de leurs compétences particulières et qui contribueront à l’économie locale en répondant à des besoins précis en matière de main‑d’œuvre. » Il est attendu que, pour qu’ils réussissent leur établissement économique, les demandeurs seront aptes à se trouver un emploi au Canada. Les certificats de désignation délivrés par les provinces sont considérés comme une première preuve que les candidats sont aptes à réussir leur établissement économique au Canada et qu’ils représenteront un avantage économique pour la province et qu’ils ont satisfait aux exigences du Programme des candidats des provinces de leur province. Le Canada détient le pouvoir final de décision et est chargé de s’assurer que les demandeurs admis en vertu du programme ont rempli les conditions d’admissibilité à la catégorie d’immigration économique. Même si vous êtes visée par un certificat de désignation délivré par une province ou un territoire, je ne puis conclure que les renseignements que vous avez fournis avec votre demande de résidence permanente indiquent que vous avez l’aptitude de réussir votre établissement économique au Canada ou que vous correspondez à la définition des candidats des provinces au sens de l’article 87 du RIPR.

[56]           Les trois derniers paragraphes de la lettre font état des principales réserves de l’agent (dossier de la demanderesse, à la page 106) :

[traduction]

La capacité à communiquer efficacement dans l’une des langues officielles du Canada est considérée comme un facteur d’une importance cruciale à la réussite de l’établissement économique. L’information figurant sur le site Web officiel de Saskatchewan Immigration confirme que les nouveaux immigrants [traduction] « doivent comprendre et parler l’anglais pour pouvoir faire quoi que ce soit en Saskatchewan » et, s’agissant plus particulièrement de l’emploi : [traduction] « Pour être compétent dans la plupart des emplois, il est recommandé d’avoir atteint le niveau de compétence [linguistique canadien] 4 au minimum. » Le niveau de compétence linguistique canadien 4 équivaudrait dans l’IELTS à des notes d’au moins 4,5 en compréhension de l’oral, 3,5 en compréhension de l’écrit, 4,0 en expression écrite et 4,0 en expression orale. Le Programme Candidats immigrants pour la Saskatchewan (PCIS) exige que les candidats présentent une preuve de leur compétence en anglais; si les notes à un examen de l’IELTS sont présentées en preuve, les candidats doivent avoir obtenu un résultat [traduction] « équivalant au niveau NCLC 4 au minimum dans toutes les catégories ». Bien que vos notes individuelles dans les catégories de l’expression orale, de l’expression écrite et de la compréhension de l’écrit égalaient ou dépassaient le niveau minimum recommandé, votre note dans la catégorie de la compréhension de l’oral était inférieure au niveau recommandé.

Par ailleurs, aux termes du PCIS, les candidats doivent posséder [traduction] « des compétences suffisantes en anglais pour assumer les fonctions du poste que leur a offert un employeur de la Saskatchewan ou pour obtenir un emploi dans [leur] domaine d’études ou de formation ». Vous n’avez pas mentionné qu’un employeur de la Saskatchewan vous avait offert un emploi. Votre métier désigné est celui de caissière. Le métier dans lequel vous avez dit posséder de l’expérience et que vous avez dit vouloir continuer d’exercer au Canada est celui d’enseignante. J’estime que vous ne possédez pas les compétences linguistiques nécessaires pour pouvoir accomplir les tâches requises par l’un ou l’autre de ces métiers. Le métier de caissier comprend généralement des interactions avec le public et quiconque l’exerce doit comprendre les exigences et les informations relatives au service. Selon Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), l’expression orale est l’une des compétences essentielles les plus importantes pour exercer le métier de caissier, et le niveau de compétence linguistique requis pour exercer les fonctions habituelles de caissier doit être supérieur au niveau de base ou au niveau moyen. RHDCC mentionne entre autres la communication verbale, la lecture, l’utilisation de documents et la rédaction au nombre des compétences essentielles pour accomplir le travail d’enseignant, la communication verbale étant l’une des plus importantes. Quiconque désire être enseignant en Saskatchewan doit aussi obtenir un brevet d’enseignement, conditionnel à la maîtrise de l’anglais ou du français. Il ne semble pas que vous connaissiez suffisamment l’anglais pour obtenir un brevet d’enseignement en Saskatchewan ou pour réussir toute formation complémentaire qui pourrait être nécessaire pour l’obtention du brevet. Compte tenu du niveau de connaissance de l’anglais que vous avez démontré, je ne pense pas que vous seriez en mesure d’accomplir les fonctions de votre métier envisagé ou de votre métier désigné. J’estime donc que vous ne seriez pas apte à exercer un emploi au Canada ou que, si vous décrochiez tout de même un emploi, celui‑ci ne serait pas suffisant pour vous permettre de réussir votre établissement économique. J’ai également constaté que vous avez mentionné avoir le soutien d’un membre de votre famille résidant en Saskatchewan, mais le soutien d’un membre de la famille ne serait pas considéré comme un établissement économique et ne serait pas suffisant pour dissiper les préoccupations soulevées par votre faible niveau de compétence en anglais.

Une copie de la présente lettre est également envoyée à la province ayant délivré le certificat de désignation pour l’informer du rejet possible de votre demande et des raisons de ce rejet. La province a 90 jours pour faire valoir ses préoccupations ou pour obtenir des éclaircissements auprès du bureau des visas au sujet de l’évaluation de votre demande, après quoi la décision définitive sera rendue. Vous devrez soumettre dans la même période de 90 jours toute autre information que vous souhaiteriez faire examiner.

[57]           À lecture de la totalité du dossier, rien ne laisse penser que l’agent ait écarté, ou omis de prendre en considération, aucun des facteurs avancés par la demanderesse. L’extrait cité précédemment indique que le soutien de la famille a été pris en compte, mais qu’il n’a pas dissipé les préoccupations soulevées par le faible niveau de compétence en anglais de la demanderesse. L’agent explique en détail pourquoi il a mis l’accent sur ce facteur dans le contexte de l’établissement économique.

[58]           L’agent reconnaît aussi que [traduction] « [l]es certificats de désignation délivrés par les provinces sont considérés comme une première preuve que les candidats ont la capacité de réussir leur établissement économique au Canada et qu’ils profiteront à l’économie de la province, et qu’ils répondront aux exigences du Programme des candidats des provinces de leur province » (dossier de la demanderesse, à la page 105).

[59]           Le fait qu’un facteur (la compétence linguistique) est mis de l’avant et investi d’une importance particulière ne signifie pas que tous les autres facteurs importants n’ont pas été pris en compte dans le processus d’évaluation.

[60]           Comme l’agent le fait remarquer, en dépit de tous les autres facteurs, la demanderesse devait montrer qu’elle serait apte à trouver un emploi qui lui procurerait le soutien nécessaire, ainsi qu’à sa famille, et qui lui permettrait donc de réussir son établissement économique.

[61]           Comme le défendeur le fait remarquer, rien n’indique que l’offre d’emploi a été soumise à l’agent, et il ressort clairement des notes du SMGC qu’aucun élément de preuve ne montre qu’une offre d’emploi a été présentée à l’agent. Par conséquent, il n’était pas déraisonnable pour l’agent de substituer son appréciation de la situation, car il ne pouvait être absolument certain que la demanderesse avait été considérée comme qualifiée par un éventuel employeur.

[62]           En raison de ses notes au second examen de l’IELTS, la demanderesse s’est retrouvée dans la catégorie des « utilisateurs modestes » de l’anglais, ce qui veut dire qu’elle se débrouille en anglais, mais qu’elle fait encore beaucoup de fautes. Il n’était pas déraisonnable pour l’agent de conclure qu’elle aurait besoin d’avoir une bonne compétence linguistique pour communiquer avec les clients si elle occupait les fonctions de caissière.

[63]           Somme toute, la demanderesse n’avait pas de plan en vue de poursuivre une carrière d’enseignante, elle n’avait pas fourni l’offre d’emploi pour un poste de caissière, et elle n’avait qu’une connaissance modeste de l’anglais. Il n’est pas difficile de voir pourquoi l’agent avait des réserves vu le fait que la demanderesse n’avait pas montré de quelle façon elle réussirait son établissement économique si elle venait au Canada.

[64]           La demanderesse ne m’a pas convaincu que l’agent n’avait pas substitué une appréciation adéquate et raisonnable. Elle est évidemment déçue et voudrait que la Cour procède à une réévaluation de tous les facteurs et tire une conclusion qui soit à son avantage. La Cour ne peut faire une telle chose. Je conclus que l’agent a soupesé les facteurs de manière raisonnable.

D.                Certification

[65]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est du même avis.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.      Il n’y a aucune question à certifier.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Myra-Belle Béala De Guise

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1482-14

 

INTITULÉ :

UZMA IJAZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 SeptembrE 2014

 

JUGeMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 SeptembrE 2014

 

COMPARUTIONS :

Haidah Amirzadeh

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Don Klassen

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Amirzadeh

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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