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Date : 20140911


Dossier : T-1426-12

Référence : 2014 CF 865

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2014

En présence de madame la juge Heneghan

entre :

CLAUDIO LUBAKI

demandeur

et

Banque de Montréal groupe financier

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               M. Claudio Lubaki (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), qui a rejeté sa plainte de discrimination raciale contre son employeur, la Banque de Montréal Groupe financier (le défendeur). La Commission a rejeté la plainte, en vertu du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H-6 (la Loi).

II.                LE CONTEXTE

[2]               Les faits énoncés ci-dessous sont extraits des documents déposés par le demandeur et le défendeur, ainsi que les documents transmis par la Commission, en vertu de l’article 317 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

[3]               Un Dossier du tribunal a été déposé par la Commission; il était accompagné d’une lettre datée du 23 août 2012. Selon cette lettre, les documents dont la Commission disposait avant de rendre sa décision étaient : le rapport d’enquête, le formulaire de plainte et les observations des parties en réponse au rapport d’enquête.

[4]               À la demande écrite des avocats du défendeur, le commissaire a fourni un Dossier complémentaire accompagné d’une lettre datée du 1er novembre 2012. Ce Dossier complémentaire contenait des « documents » en la possession de la Commission relativement à la plainte du demandeur. Le commissaire ne disposait pas de tous ces documents quand la décision a été rendue, et ces documents n’ont pas été pris en compte pour les besoins de la présente instance.

[5]               Le demandeur travaille dans un centre d’appels du défendeur. Il s’identifie comme un Africain noir. Il est bilingue et a aidé des consommateurs en français au cours de son emploi.

[6]               Le demandeur a commencé à travailler pour le défendeur en septembre 2006, à titre d’employé contractuel, sur une base temporaire. En juillet 2007, il a été embauché, sur une base permanente, à titre d’agent de centre d’appels de niveau I. Le demandeur qualifie le poste d’agent de niveau I comme un poste de niveau d’entrée qui peut mener à une promotion au poste d’agent de niveau II après environ 6 à 10 mois. Selon les échelons de carrière du centre d’appels, lorsqu’un employé a occupé le poste d’agent de niveau II, il peut obtenir une promotion au poste d’agent de recouvrement après environ quatre mois.

[7]               En septembre 2008, le demandeur était toujours employé au poste d’agent de niveau I, malgré le fait que d’autres personnes qui ont été embauchées en même temps que lui avaient obtenu des promotions. Le demandeur a communiqué avec le service des ressources humaines du défendeur, il a fait valoir que son défaut de promotion était discriminatoire.

[8]               Le service des ressources humaines a mené une enquête et déterminé que le demandeur n’était pas victime de discrimination. L’enquêteur a conclu que le défaut de promotion était dû au fait que le demandeur ne satisfaisait pas aux critères requis de rendement. Selon le demandeur, après l’enquête interne, on lui a dit qu’il devait suivre une formation assistée par ordinateur (FAO), après laquelle il obtiendrait une promotion.

[9]               Le demandeur a suivi la FAO en octobre 2009. Il n’a pas obtenu de promotion après avoir terminé la formation. Son rendement professionnel s’est détérioré en 2010. Le demandeur attribue cette détérioration au fait que son gestionnaire a manipulé son évaluation de rendement.

[10]           Le 5 août 2010, le demandeur a déposé une plainte à la Commission, il alléguait avoir subi un traitement différent et préjudiciable et un refus d’une possibilité d’emploi fondé sur sa race, sa couleur, ou son origine nationale ou ethnique, en contravention à l’article 7 de la Loi. Il se plaint aussi que son salaire est le même que celui des agents unilingues du centre d’appels.

[11]           Le demandeur a fait allusion à [traduction] « une discrimination systémique grave » fondée sur la race, et il a allégué que les employés noirs étaient [traduction] « forcés » de démissionner soit directement soit indirectement. Dans sa réponse au rapport d’enquête, il a aussi allégué que ceux qui voulaient obtenir une promotion au centre d’appels devaient [traduction] « corrompre » le gestionnaire et lui apporter des cadeaux et autres choses semblables, et il a fait référence à la corruption [traduction] « psychologique ».

[12]           Le demandeur a obtenu une mesure corrective, en septembre 2010, relativement à son rendement professionnel. Le demandeur soutient que cette mesure a été prise en réponse à sa plainte déposée à la Commission. Quoi qu’il en soit, en avril 2011, il a obtenu une promotion au poste d’agent de niveau II.

III.             LE Rapport de l’enquêteur

[13]           La Commission a mené une enquête relativement à la plainte du demandeur et interrogé le demandeur, ainsi que des employés du défendeur, notamment Richard Elliott, conseiller juridique du défendeur; Mario Bruno, ancien gestionnaire supérieur du demandeur; Andrew Callahan, gestionnaire supérieur actuel du demandeur; Eshwari Sukhdeo, gestionnaire d’unité actuel du demandeur; Mary Dorn, une autre gestionnaire d’unité du centre d’appels.

[14]           Tant le demandeur que le défendeur ont eu l’occasion de faire des commentaires sur la preuve, sur leurs observations respectives et sur le rapport de l’enquêteur. Le rapport d’enquête définitif a été présenté le 12 mars 2012; il recommandait que la plainte soit rejetée, en vertu du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi.

[15]           L’enquêteur a examiné la preuve relative à l’évaluation des employés et aux mesures de rendement, le processus de promotion, le régime de mesures incitatives de points Bravo et la FAO, de même que l’évaluation du demandeur et ses mesures de rendement. L’enquêteur a conclu qu’il ne semblait pas que le demandeur s’était vu refuser une promotion en raison de la discrimination.

[16]           L’enquêteur a examiné les propres mesures de rendement du demandeur et conclu que, bien qu’il satisfasse à la majorité des mesures, son rendement n’était pas constant et il n’a pas eu de rendement très supérieur à celui de ses collègues. L’enquêteur a conclu que le demandeur n’avait pas satisfait aux critères de rendement.

[17]           L’enquêteur a conclu que les statistiques présentées par le défendeur établissaient que les employés noirs ou africains obtenaient des promotions dans une plus grande proportion que leur représentativité au sein de la main-d’œuvre. Il ne semblait pas qu’un nombre disproportionnellement plus élevé d’employés noirs ou africains avait démissionné ou avait été congédié par le défendeur.

[18]           L’enquêteur a aussi formulé des commentaires relativement à l’allégation du demandeur selon laquelle d’autres employés avaient quitté leur emploi auprès du défendeur en raison de traitements similaires à ceux qu’il avait subis. L’enquêteur a conclu que plusieurs employés ne pouvaient pas être identifiés, et qu’il y avait une attente raisonnable pour le départ d’autres employés. L’enquêteur a conclu que la preuve n’étayait pas les allégations du demandeur relativement au traitement discriminatoire des employés.

[19]           L’enquêteur n’a pas trouvé d’élément à l’appui de l’allégation du demandeur selon laquelle le défendeur ne payait pas de prime au bilinguisme parce que la plupart des employés bilingues étaient noirs ou africains. L’enquêteur a relevé que le défendeur employait des agents bilingues qui n’étaient ni noirs ni africains et que, quoi qu’il en soit, il y avait une politique selon laquelle aucun employé ne recevait de prime au bilinguisme. L’enquêteur a conclu que la preuve n’étayait pas l’allégation du demandeur relative au non-paiement d’une prime au bilinguisme fondé sur un motif illicite de distinction.

[20]           Enfin, l’enquêteur n’a trouvé aucune preuve étayant l’allégation du demandeur selon laquelle pour obtenir une promotion, il fallait corrompre les gestionnaires. Par conséquent, l’enquêteur a conclu que la preuve ne permettait pas d’établir une conclusion de discrimination.

IV.             LES Observations

A.                Les observations du demandeur

[21]           Le demandeur conteste maintenant la conduite de l’enquête et allègue que celle‑ci ne correspond pas aux normes requises d’objectivité et de rigueur. En particulier, il soutient que l’enquêteur n’a pas interrogé des témoins dont il avait fourni les noms, que l’enquêteur n’a pas examiné les renseignements disponibles relatifs aux allégations que le demandeur a avancées concernant des déclarations erronées aux gestionnaires quant à certains appels des consommateurs, et que l’enquêteur n’a pas mené une enquête suffisante sur les allégations touchant le refus de promotion.

[22]           Le demandeur allègue aussi que l’enquête est viciée, parce que l’enquêteur n’a pas mené d’enquête rigoureuse relativement à sa plainte quant au refus d’une promotion fondé sur un motif illicite de distinction.

B.                 Les observations du défendeur

[23]           Le défendeur soutient que l’enquêteur a examiné toutes les allégations du demandeur. Malgré la proposition faite dans le rapport d’enquête selon laquelle la plainte ne sera examinée que sur la base du refus d’une promotion, c’est-à-dire le refus [traduction] « d’une occasion d’emploi », il est évident que l’enquêteur a examiné toutes les allégations soulevées et, en fait, a élargi le champ de l’enquête afin de traiter de la question de la discrimination systémique.

[24]           Le défendeur soutient que l’allégation du demandeur selon laquelle sa rémunération n’était pas proportionnelle à ses compétences a principalement trait au défaut de prime au bilinguisme, et que cette question a été examinée par l’enquêteur.

[25]           Le défendeur soutient que l’enquêteur n’a pas fait fi de l’allégation selon laquelle les gestionnaires du demandeur n’avaient pas correctement rapporté les conversations avec les consommateurs, mais qu’il a examiné cette question.

[26]           En outre, le défendeur soutient que, si l’enquête était limitée, c’était en réponse à la demande formulée par le demandeur qu’une réparation appropriée serait qu’il obtienne une promotion avec un salaire rétroactif à 2008, date à laquelle il dit qu’il aurait dû obtenir une promotion.

[27]           Aussi, le défendeur soutient que, lorsque le demandeur se plaint du manque de rigueur de l’enquête, il se plaint essentiellement du processus d’enquête. Le défendeur laisse entendre que cette question devrait être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable.

[28]           En outre, le défendeur soutient qu’il faut faire montre de déférence à l’égard de la Commission lorsqu’elle décide de l’étendue d’une enquête. Vu la conclusion de l’enquêteur selon laquelle les mesures de rendement du demandeur n’étayaient pas l’octroi d’une promotion, il n’était pas nécessaire qu’il y ait une enquête plus approfondie sur la question de la FAO.

[29]           Le défendeur soutient que l’enquêteur a examiné de façon adéquate l’allégation du demandeur relative aux déclarations erronées concernant les appels des consommateurs. L’enquêteur a interrogé un témoin dont le seul témoignage aurait fait l’objet de commentaires sur cette question.

[30]           Enfin, le défendeur soutient que l’enquêteur a droit à la déférence quant au choix des témoins à interroger. Les témoins importants étaient les employés du défendeur responsables de l’évaluation du demandeur, et ce sont ces employés qui ont été interrogés.

V.                Analyse et décision

[31]           La décision contestée en l’espèce a été rendue en vertu du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi, lequel est libellé ainsi :

44(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

44(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

[…]

[…]

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié,

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

[…]

[…]

[32]           Le premier résumé de la plainte décrit les motifs de la plainte comme étant la distinction fondée sur la race, la couleur, l’origine nationale ou ethnique, contrairement à l’article 7 de la Loi, ainsi qu’une pratique alléguée de traitement différent et préjudiciable, et le refus d’une occasion d’emploi.

[33]           Le résumé de la plainte révisé reprend les mêmes allégations de distinction contraires à l’article 7 de la Loi, mais [traduction] « l’acte discriminatoire allégué » renvoie uniquement au refus d’une occasion d’emploi.

[34]           Au paragraphe 3(1) de la Loi, les motifs illicites de distinction sont ainsi énoncés :

3. (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

3. (1) For all purposes of this Act, the prohibited grounds of discrimination are race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability and conviction for an offence for which a pardon has been granted or in respect of which a record suspension has been ordered.

[35]           Le paragraphe 3.1 s’applique en l’espèce, et est libellé ainsi :

3.1 Il est entendu que les actes discriminatoires comprennent les actes fondés sur un ou plusieurs motifs de distinction illicite ou l’effet combiné de plusieurs motifs.

3.1 For greater certainty, a discriminatory practice includes a practice based on one or more prohibited grounds of discrimination or on the effect of a combination of prohibited grounds.

[36]           Selon l’article 7, un « acte discriminatoire » est :

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

 

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

 

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

 

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee,

 

on a prohibited ground of discrimination.

[37]           La décision de ne pas renvoyer une plainte à un tribunal est discrétionnaire et susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable; voir la décision rendue dans Balogun c Canada (Ministre de la Défense nationale) (2009), 345 FTR 67 (CF).

[38]           La norme de la décision raisonnable est énoncée au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, ainsi :

[…] Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à [page 221] l’appartenance de la décision aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[39]           Le demandeur formule la question en litige dans la présente demande comme étant une question d’équité procédurale, c’est-à-dire, le défaut de l’enquêteur de mener une enquête rigoureuse et objective. La rigueur et l’objectivité d’une enquête sont des aspects de l’équité procédurale; voir le paragraphe 112 de l’arrêt Sketchley c Canada (Procureur général), [2006] 3 RCF 392 (CAF). Une enquête manque de rigueur et d’équité procédurale lorsque des omissions déraisonnables sont faites ou que des preuves fondamentales ne sont pas prises en compte ou ne sont pas accessibles; voir les paragraphes 55 à 57 de la décision Slattery c Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] 73 FTR 161 (CF 1re inst).

[40]           En général, les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43.

[41]           En l’espèce, la question de l’équité procédurale sera contrôlée selon la norme de la décision correcte, et la décision rendue en vertu de l’alinéa 44(3)b) sera contrôlée selon la norme de la décision raisonnable.

[42]           Selon l’arrêt de la Cour d’appel fédéral dans Sketchley, précité, l’enquête ne satisfait pas à la norme requise de « rigueur » s’il n’y a pas d’enquête sur les allégations. Au paragraphe 124, la Cour a déclaré ce qui suit :

Les lacunes de l’enquête ne sont pas, comme le prétend l’appelant, de simples erreurs peu importantes qui n’influent en rien sur le « caractère raisonnable » de la décision de la Commission. Au contraire, la preuve omise est à ce point cruciale et fondamentale que l’intimée ne pouvait d’aucune façon compenser son absence par ses observations en réponse, même si ces dernières représentent un effort louable pour ce faire. Par exemple, comment l’intimée pouvait‑elle établir que l’appelant ne lui avait proposé aucun accommodement à compter du congé, comme elle l’alléguait, alors que l’enquêteur ne s’était aucunement penché sur cette allégation? De même, comment pouvait‑elle étayer l’allégation selon laquelle la politique du CT avait été appliquée d’une manière rigide et discriminatoire à son endroit alors que l’enquêteur n’avait pas examiné comment cette politique avait été appliquée dans le cas d’autres employés dans une situation semblable?

[43]           Après avoir examiné le dossier et les observations des parties, je suis convaincue que l’enquête était suffisamment rigoureuse. Je rejette l’argument du demandeur selon lequel l’enquêteur n’a pas examiné la plainte quant au traitement différent.

[44]           Bien que la plus grande partie de l’enquête ait porté sur le refus de promotion, le demandeur s’est aussi plaint de traitement différent; il a notamment allégué qu’il recevait une rémunération moindre que celle des autres personnes occupant un poste d’agent de niveau II. L’enquêteur n’a pas décrit précisément cette question comme étant une question de traitement différent fondé sur un motif illicite, mais je suis convaincue que cet aspect de la plainte a fait l’objet d’une enquête et a été pris en compte.

[45]           L’allégation portant sur le traitement différent illicite en cours d’emploi est basée sur l’argument de discrimination fondée sur la race. Cet élément de la plainte du demandeur a trait à son allégation selon laquelle il n’avait pas obtenu de promotion pour des raisons raciales, qu’il n’avait pas reçu de prime au bilinguisme pour la même raison et qu’il n’avait pas reçu de salaire à la mesure de ses compétences en raison de sa race.

[46]           La question du salaire est inextricablement liée à la plainte portant sur le défaut de promotion et le défaut de prime au bilinguisme. Le demandeur a sollicité, en guise de réparation, une promotion au poste d’agent de recouvrement, ainsi qu’un salaire rétroactif à 2008, date à laquelle il dit qu’il aurait dû obtenir la promotion.

[47]           Lorsque l’enquêteur a conclu qu’il n’y avait pas de discrimination relative au défaut de promotion du demandeur, selon moi, il a aussi traité de l’aspect de la plainte portant sur le traitement différent fondé sur un motif illicite. Lorsque j’examine le dossier, il me semble que l’enquêteur a examiné tous les aspects de la plainte en référence à la race, notamment la plainte de traitement différent.

[48]           L’enquêteur a fait la déclaration suivante au paragraphe 3 du rapport d’enquête :

[traduction]

Il appert que l’ensemble des allégations de la plainte concerne son défaut de promotion. Bien que le plaignant ait décrit le traitement différent dans son formulaire de plainte, les questions seront examinées uniquement eu égard au refus d’une occasion d’emploi.

[49]           Selon moi, l’enquêteur a implicitement pris en compte et examiné les allégations de traitement différent, lorsqu’il a traité la question du refus de promotion. Les deux plaintes sont fondées sur la race ou l’origine nationale comme motif illicite de distinction.

[50]           Au paragraphe 358 de la décision Commission canadienne des droits de la personne c Canada (Procureur général) et autres (2012), 411 FTR 14 (CF), la juge Mactavish a formulé des commentaires sur le sens de l’expression « défavoriser à l’occasion de leur fourniture » de l’alinéa 5b) de la Loi de la façon suivante :

Selon le sens ordinaire des mots, « le fait […] de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture » veut dire accorder à une personne ou un groupe de personnes un traitement différent pour un motif de distinction illicite.

[51]           L’article 5 de la Loi traite de l’acte discriminatoire dans le refus de biens, de services, d’installations ou d’hébergement destinés au public. L’article 7 de la Loi renvoie à l’acte discriminatoire dans le domaine de l’emploi. L’alinéa 7b) utilise le mot « défavoriser ».

[52]           En ce qui concerne la plainte du demandeur selon laquelle le traitement différent dans la question de son emploi avec le défendeur est fondé sur la race, un motif illicite de distinction, je suis convaincue que cet aspect de la plainte a été examiné par l’enquêteur, conformément aux normes requises d’objectivité et de rigueur. Le fond de la plainte du demandeur portant sur le traitement différent a été examiné, comme le requiert la décision McNabb c Société canadienne des postes (2006), 300 FTR 57 (CF), au paragraphe 63. L’enquêteur a en particulier conclu qu’il n’y avait pas de discrimination relativement au paiement d’une prime au bilinguisme, étant donné que le défendeur ne payait pas une telle prime.

[53]           Dans le dossier, rien n’étaye les allégations de partialité.

[54]           Je suis convaincue que l’enquêteur a mené une enquête objective et rigoureuse quant à tous les motifs soulevés par le demandeur dans sa plainte. Il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale.

[55]           L’enquêteur a conclu que la plainte du demandeur portant sur le refus d’une promotion fondé sur un motif discriminatoire, c’est-à-dire la race, n’était pas établie. Cette conclusion est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, c’est-à-dire qu’elle doit être justifiable, transparente et intelligible; voir le paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, précité.

[56]           Après avoir examiné le dossier, je suis convaincue que la conclusion de l’enquêteur satisfait à la norme de la décision raisonnable. Il n’y a donc aucun fondement à l’intervention de la Cour dans la décision de la Commission relativement à la plainte de discrimination. Cette plainte a fait l’objet d’une enquête complète, et la conclusion de l’enquêteur est raisonnable.

[57]           Lorsque les recommandations d’un enquêteur sont adoptées par la Commission, elles deviennent les motifs de la Commission, lorsque celle‑ci rend une décision en vertu de l’alinéa 44(3)b); voir le paragraphe 37 de l’arrêt Sketchley, précité.

[58]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée, et les dépens seront adjugés au défendeur.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Laroche


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1426-12

 

INTITULÉ :

CLAUDIO LUBAKI

c

Banque de Montréal groupe financier

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 mars 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

Le 11 septembre 2014

 

COMPARUTIONS :

Jayson W. Thomas

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Christopher J. Hunter et Michael Torrance

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thomas Law P.C.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Norton Rose Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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