Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140919


Dossier : IMM-591-14

Référence : 2014 CF 903

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2014

En présence de monsieur le juge Noël

ENTRE :

MARIANNE NICOLAS

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), d’une décision rendue le 15 janvier 2014 par laquelle l’agent de Citoyenneté et Immigration, D. Fournier (agent de CIC), a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse déposée pour des motifs d’ordre humanitaire (demande pour des motifs d’ordre humanitaire) en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR.

II.                Faits

[2]               La demanderesse, Marianne Nicolas, est maintenant âgée de 74 ans et est une citoyenne haïtienne. Elle est arrivée au Canada en février 1998 et a présenté une demande d’asile en avril 1998, laquelle a été rejetée en janvier 1999.

[3]               Elle a présenté sa première demande pour des motifs d’ordre humanitaire en février 1999. Cette première demande a été rejetée en juin 1999. Elle ne s’est ensuite pas présentée pour son renvoi à la date fixée, soit le 12 juin 1999.

[4]               Elle a présenté une deuxième demande pour des motifs d’ordre humanitaire en août 2007, demande qui a été rejetée en mai 2010.

[5]               Elle a présenté une troisième demande pour des motifs d’ordre humanitaire en juin 2012. Cette demande a été rejetée le 15 janvier 2014. C’est cette la décision qui fait l’objet du présent contrôle.

[6]               La demanderesse se trouve au Canada sans statut et est visée par une mesure de renvoi. Toutefois, une suspension temporaire des renvois (STR) vers Haïti est en vigueur au Canada.

III.             Décision contestée

[7]               Dès le départ, l’agent de CIC a affirmé, dans le cadre de sa décision, qu’il incombait à la demanderesse de démontrer qu’elle subirait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives si elle devait présenter sa demande pour des motifs d’ordre humanitaire depuis Haïti.

[8]               La demande pour des motifs d’ordre humanitaire en question était fondée sur deux motifs, à savoir le degré d’établissement de la demanderesse au Canada et les conditions défavorables en Haïti. Ces motifs, selon l’agent de CIC, ne justifient pas une exemption pour des motifs d’ordre humanitaire.

[9]               L’agent de CIC s’est d’abord penché sur la question des conditions défavorables en Haïti et a étudié les déclarations de la demanderesse concernant la détérioration considérable de la situation en Haïti depuis le tremblement de terre de 2010, la criminalité généralisée dans le pays, le danger auquel elle serait exposée en raison de son sexe et l’impossibilité d’obtenir une protection de l’État. L’agent de CIC a constaté que la demanderesse est actuellement visée par la STR et ne peut donc pas retourner en Haïti. Selon l’agent de CIC, malgré l’existence de cette STR, il incombe à la demanderesse de démontrer dans quelle mesure sa situation diffère de celle du reste de la population haïtienne ainsi que de démontrer que sa situation est telle qu’elle lui occasionnerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives si elle était obligée de retourner en Haïti pour présenter sa demande de résidence permanente.

[10]           L’agent de CIC s’est ensuite penché sur la question de l’établissement de la demanderesse au Canada. Il a examiné les documents témoignant de la participation de la demanderesse à différents organismes de bénévolat, des lettres, des photos de famille ainsi que des cartes. Il a conclu que ces éléments ne suffisaient pas à justifier une exemption de l’obligation de présenter sa demande de résidence permanente depuis Haïti.

[11]           L’agent de CIC a souligné le fait que, depuis le refus de sa première demande pour des motifs d’ordre humanitaire, la demanderesse a fui les autorités de l’immigration pendant près de dix ans. Elle s’est donc établie au Canada pour des raisons qui n’échappaient pas à son contrôle. L’agent de CIC a également mentionné que ses trois enfants en Haïti constitueraient une source de soutien adéquate advenant son retour dans ce pays.

[12]           L’agent de CIC a finalement conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée de son fardeau de preuve et conserve le droit de demeurer au Canada jusqu’à la levée de la STR.

IV.             Observations des parties

[13]           La demanderesse cherche à faire annuler la décision de l’agent de CIC et à faire renvoyer l’affaire en vue d’un nouvel examen. La demanderesse soulève quatre motifs de contrôle auxquels le défendeur a répondu.

[14]           Premièrement, la demanderesse soutient que l’agent de CIC n’a pas tenu compte des facteurs particuliers dont elle a fait état dans sa demande pour des motifs d’ordre humanitaire en faisant abstraction des facteurs précis et personnels engendrant des difficultés personnelles au regard du contexte général de pauvreté en Haïti ainsi que des facteurs de difficulté qu’elle a présentés au motif que ceux‑ci sont généralisés et s’appliquent à l’ensemble de la population haïtienne. Le défendeur soutient que l’agent de CIC a analysé correctement la documentation objective qui lui a été fournie ainsi que les observations de la demanderesse au sujet des difficultés auxquelles elle se heurterait en raison des conditions défavorables en Haïti et a conclu que les conditions en question ne suffisent pas à justifier une décision favorable fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. De l’avis du défendeur, la demanderesse n’a pas personnalisé ses allégations de difficultés dans le contexte de la situation générale en Haïti pour expliquer que cette situation pourrait lui occasionner des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

[15]           Deuxièmement, la demanderesse soutient que l’agent de CIC a conclu à tort que les liens familiaux qu’elle a en Haïti suffisent à atténuer toute difficulté inhabituelle, injustifiée ou excessive inhérente à l’obligation de présenter une demande de résidence permanente depuis Haïti. Le défendeur est d’avis que l’agent de CIC a bien examiné la preuve fournie par la demanderesse au sujet de son établissement au Canada. Par ailleurs, la demanderesse ne s’est pas présentée pour son renvoi en 1999 et a décidé de demeurer au Canada. Son établissement est donc en grande partie attribuable au fait qu’elle ne s’est pas conformée à la mesure de renvoi.

[16]           Troisièmement, la demanderesse soutient que l’agent de CIC n’a pas accordé suffisamment d’importance à l’intérêt supérieur de ses petits‑enfants. À cet égard, le défendeur affirme que l’agent de CIC n’est pas tenu d’accorder une plus grande importance à l’intérêt supérieur des petits‑enfants qu’aux autres facteurs. De plus, aucune preuve n’a été fournie pour expliquer les répercussions du retour de la demanderesse en Haïti sur les petits‑enfants de cette dernière.

[17]           Finalement, la demanderesse soutient que l’analyse de ses difficultés personnelles au regard des conditions en Haïti effectuée par l’agent de CIC a été limitée du fait que ce dernier s’est fondé sur l’existence d’une STR visant Haïti. À cet argument, le défendeur répond qu’il s’agissait là d’un facteur parmi d’autres qui ont été pris en considération par l’agent de CIC.

V.                Réplique de la demanderesse

[18]           Dans sa réplique, la demanderesse soulève un nouvel argument relativement au manque d’éléments de preuve concernant les préjudices ou les menaces dont elle a fait l’objet personnellement dans le passé. Selon la demanderesse, une demande pour des motifs d’ordre humanitaire ne doit pas obligatoirement être accompagnée de preuves des expériences vécues, et l’analyse ne doit pas nécessairement se limiter aux expériences antérieures en Haïti. La demanderesse présente également une nouvelle jurisprudence en vue qu’elle soit examinée par la Cour.

VI.             Mémoire supplémentaire du défendeur

[19]           Le défendeur a présenté un mémoire supplémentaire en réponse à la réplique de la demanderesse. Dans ce mémoire, le défendeur soutient que la demanderesse n’a pas personnalisé ses allégations de difficultés dans le contexte de la situation générale en Haïti pour expliquer que cette situation pourrait lui occasionner des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. En ce qui concerne le soutien familial en Haïti, la demanderesse n’a pas démontré qu’elle ne pourrait pas être aussi dynamique et autonome en Haïti qu’elle s’est avérée l’être au Canada, tel qu’elle l’a elle‑même déclaré dans le cadre de ses propres observations. En ce qui a trait à l’intérêt supérieur des petits‑enfants, le défendeur ajoute que la demanderesse n’a pas fourni de preuve quant aux activités qu’elle a accomplies pour eux ni quant aux répercussions de son éventuel départ du Canada sur eux. Le défendeur présente à la Cour une nouvelle jurisprudence afin qu’elle l’examine dans le contexte des observations en question.

VII.          Questions à trancher

[20]           Les questions à trancher, telles qu’elles sont présentées dans le mémoire de la demanderesse, sont les suivantes.

  1. L’agent de CIC a‑t‑il commis une erreur en ne considérant pas que les facteurs particuliers présentés par la demanderesse dans sa demande pour des motifs d’ordre humanitaire lui occasionnent des difficultés personnelles au regard de la preuve objective des difficultés généralisées s’inscrivant dans le contexte de la crise humanitaire en Haïti?
  2. L’agent de CIC a‑t‑il commis une erreur en recourant, dans son analyse, à des conjectures et en fondant sa décision sur des conclusions erronées des faits tirées de façon arbitraire en ce qui concerne la famille de la demanderesse en Haïti?
  3. L’agent de CIC a‑t‑il commis une erreur en ne tenant pas compte des effets de la séparation de la demanderesse de ses petits‑enfants et en n’abordant pas la preuve présentée au sujet de l’intérêt supérieur des petits‑enfants de la demanderesse?
  4. L’agent de CIC a‑t‑il commis une erreur en limitant indûment la portée de l’analyse des difficultés auxquelles se heurterait la demanderesse en retournant en Haïti en raison de l’existence d’une STR?

[21]           Dans son mémoire supplémentaire, le défendeur soulève la question suivante.

  1. La décision de l’agent de CIC est‑elle raisonnable?

[22]           J’ai passé en revue les questions soulevées par les parties. Voici comment je les résumerais.

    1. L’agent de CIC a‑t‑il appliqué le bon critère juridique en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR au regard de la situation actuelle en Haïti pour établir la présence ou non de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives?
    2. L’agent de CIC a‑t‑il bien évalué les considérations aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR dans le contexte de son appréciation de la situation défavorable qui règne actuellement en Haïti pour déterminer la présence ou non de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives pour la demanderesse ainsi que dans le contexte de l’intérêt supérieur des petits-enfants et celui de la mention du STR en vigueur en ce qui concerne Haïti?

VIII.       Norme de contrôle

[23]           Les questions à trancher susmentionnées soulèvent des questions mixtes de fait et de droit. La norme de contrôle applicable est donc celle de la raisonnabilité. « […] on devrait faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions d’agents d’immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l’analyse, de son rôle [paragraphe 25(1) de la LIPR] d’exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi » (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, [1999] ACS no 39, au paragraphe 62). L’application de cette norme a été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, [2009] ACF no 713, au paragraphe 18, et plus récemment dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CAF 113, [2014] ACF no 472, au paragraphe 32, et Lemus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CAF 114, [2014] ACF no  439, au paragraphe 18.

[24]           La Cour intervient uniquement si elle conclut que la décision est déraisonnable, à savoir lorsqu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] ACS no 9, au paragraphe 47).

IX.             Analyse

A.                L’agent de CIC a‑t‑il appliqué le bon critère juridique en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR au regard de la situation actuelle en Haïti pour établir la présence ou non de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives?

[25]           La demanderesse soutient que l’agent de CIC a commis une erreur susceptible de contrôle en appliquant le mauvais critère juridique, à savoir en exigeant que la demanderesse démontre qu’elle se heurterait à des risques « différents » de ceux auxquels est exposée la population haïtienne en général. Dans sa décision, l’agent de CIC affirme effectivement à quelques reprises que la demanderesse n’a pas démontré en quoi sa situation est « différente » de celle du reste de la population haïtienne. La demanderesse doit démontrer qu’elle serait aux prises avec des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives si elle devait présenter sa demande de résidence permanente depuis Haïti : voilà effectivement le bon critère. Je reconnais que l’argument de la demanderesse est valide. Toutefois, l’agent de CIC a aussi clairement énoncé et réitéré le bon critère à appliquer et le fardeau qui incombait à la demanderesse tout au long de la décision (décision de l’agent de CIC, page 4, aux paragraphes 1 et 6; page 5, au paragraphe 1; page 6, aux paragraphes 1 et 5). Après avoir tenu compte des observations de la demanderesse, de la preuve produite et de la décision Lalane c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 6, [2009] ACF no  658 [Lalane], l’agent de CIC est venu à la conclusion que la demanderesse ne s’était pas acquittée du fardeau de la preuve selon le bon critère d’analyse (décision de l’agent de CIC, page 4, du paragraphe 6 à la page 5). Il se peut qu’il y ait eu une certaine confusion quant à l’application du bon critère juridique, mais en examinant la décision dans son ensemble, on constate que le bon critère juridique a été appliqué. Aucune intervention de la Cour n’est justifiée à cet égard.

B.                 L’agent de CIC a‑t‑il bien évalué les considérations aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR dans le contexte de son appréciation de la situation défavorable qui règne actuellement en Haïti pour déterminer la présence ou non de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives pour la demanderesse ainsi que dans le contexte de l’intérêt supérieur des petits-enfants et celui de la mention du STR en vigueur en ce qui concerne Haïti?

(1)               L’agent de CIC a‑t‑il commis une erreur dans son évaluation de la situation défavorable en Haïti au moment d’établir la présence ou non de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives pour la demanderesse?

[26]           Je conclus que l’agent de CIC a tenu compte de façon raisonnable des allégations de la demanderesse. Selon la Loi, il incombe à la demanderesse, même lorsqu’il est question d’Haïti où les risques sont généralisés, d’établir un lien entre la preuve et sa situation qui est telle qu’elle engendre des difficultés personnelles (Dorlean c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1024, [2013] ACF no 1075, aux paragraphes 36 et 37). En l’espèce, l’agent de CIC a tenu compte des observations de la demanderesse en ce qui concerne la criminalité généralisée, le fait qu’elle est une femme, le fait qu’elle serait en danger si elle retournait en Haïti et l’incapacité de l’État à la protéger (décision de l’agent de CIC, page 4, aux paragraphes 2 et 3). Ces observations ont été soupesées en fonction de la documentation objective fournie par la demanderesse (décision de l’agent de CIC, page 4, aux paragraphes 3 et 4). À la fin de sa décision, l’agent de CIC affirme que la demanderesse n’a pas démontré que sa situation personnelle est telle qu’elle l’exposerait à des difficultés inhabituelles, excessives ou injustifiées si elle devait présenter sa demande de résidence permanente depuis l’étranger.

[27]           La demanderesse soutient également que l’agent de CIC n’a pas évalué correctement le soutien familial que pourraient lui offrir ses trois enfants qui vivent dans des camps pour personnes déplacées en Haïti. Il s’agit là, à mon avis, du meilleur argument présenté par la demanderesse. Il aurait été plus prudent d’expliquer dans quelle mesure sa famille haïtienne aurait pu la soutenir. Cependant, malgré une analyse limitée de la question de la part de l’agent de CIC, ce dernier a comparé l’évaluation de la famille de la demanderesse en Haïti au degré d’établissement de la demanderesse au Canada. L’agent de CIC a reconnu que la demanderesse avait des liens au Canada, d’après son réseau social, ses activités de bénévolat et les liens qu’elle entretient avec sa fille et ses petits‑enfants. Toutefois, l’agent de CIC a souligné que les liens en question ont été établis parce que la demanderesse a fui les autorités de l’immigration pendant plus de dix ans et donc, pour des raisons qui n’échappaient pas à son contrôle (Serda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 356, [2006] ACF n425, au paragraphe 19). En effet, la demanderesse a décidé de demeurer au Canada après le rejet de sa demande d’asile en 1998 et celui de ses deux demandes pour des motifs d’ordre humanitaire, en 1999 et en 2010 respectivement. Même si l’agent de CIC n’a pas parfaitement évalué le soutien que recevrait (ou non) la demanderesse en Haïti, je ne peux, en me fondant sur ce point uniquement, juger que la décision de l’agent de CIC est déraisonnable.

(2)               L’agent de CIC a‑t‑il omis de tenir compte de l’intérêt supérieur des petits‑enfants?

[28]           Je suis d’accord avec le défendeur sur ce point. L’agent de CIC n’était pas tenu d’effectuer une « évaluation de l’intérêt supérieur » des petits‑enfants de la demanderesse. La demanderesse n’a jamais montré que l’intérêt supérieur de ses petits‑enfants justifiait une exemption aux termes du paragraphe 25(1) de la LIPR. Il incombe à la demanderesse de démontrer les répercussions de son éventuel départ du Canada sur ses petits‑enfants. Elle ne peut se contenter d’affirmer que l’intérêt supérieur de ses petits‑enfants n’a pas été pris en compte (Liniewska c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 591, [2006] ACF no 779, au paragraphe 20). Dans sa demande pour des motifs d’ordre humanitaire, la demanderesse ne fait que mentionner qu’elle s’occupe de ses petits‑enfants lorsque sa fille a besoin d’elle, qu’elle est proche de ses petits‑enfants et qu’elle prend part aux activités auxquelles ils participent (dossier de la demanderesse, page 16). Le dossier de la demanderesse renferme des cartes et des photos de famille à titre de documents à l’appui. Dans sa demande pour des motifs d’ordre humanitaire, ce n’est qu’à une occasion que la demanderesse vient près de démontrer le rôle que jouent ses petits‑enfants, soit lorsqu’elle affirme qu’elle entretient des liens émotionnels avec eux (dossier de la demanderesse, page 19).

[29]           La Cour d’appel fédérale s’est prononcée comme suit au sujet de l’intérêt supérieur des enfants :

« […] l’agent d’immigration qui examine une demande pour des raisons d’ordre humanitaire doit être « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur des enfants, sur lesquels l’expulsion du père ou de la mère peut avoir des conséquences préjudiciables, et il ne doit pas « minimiser » cet intérêt : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 75. Toutefois, l’obligation n’existe que lorsqu’il apparaît suffisamment clairement des documents qui ont été soumis au décideur, qu’une demande repose, du moins en partie, sur ce facteur. De surcroît, le demandeur a le fardeau de prouver toute allégation sur laquelle il fonde sa demande pour des raisons humanitaires. Par voie de conséquence, si un demandeur ne soumet aucune preuve à l’appui de son allégation, l’agent est en droit de conclure qu’elle n’est pas fondée » (Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] ACF no 158, au paragraphe 5) (non souligné dans l’original).

[30]           À la lumière de ce qui précède, il était raisonnable que l’agent de CIC n’effectue pas une « évaluation de l’intérêt supérieur » des petits‑enfants de la demanderesse.

(3)               L’agent de CIC a‑t‑il commis une erreur en ce qui a trait à l’importance accordée à la STR en vigueur à l’égard des citoyens haïtiens?

[31]           Je suis d’avis que les commentaires de l’agent de CIC au sujet de la STR n’ont pas d’incidence sur la décision finale concernant la demande pour des motifs d’ordre humanitaire présentée par la demanderesse (Piard c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 170, [2013] ACF no 165, aux paragraphes 18 et 19; Nkitabungi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 331, [2007] ACF no 449, aux paragraphes 12 et 13). Il s’agissait d’un élément manifestement digne de mention dans le cadre de la décision, mais pas d’un facteur déterminant dans l’issue de la demande pour des motifs d’ordre humanitaire.

X.                Conclusion

[32]           Bien qu’elle ne soit pas parfaite, la décision de l’agent de CIC faisant l’objet du présent contrôle est raisonnable. L’agent de CIC a évalué la demande pour des motifs d’ordre humanitaire selon le bon critère juridique, il a raisonnablement conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée du fardeau de la preuve de démontrer qu’elle serait aux prises avec des difficultés personnelles inhabituelles, injustifiées et excessives, il n’a commis aucune erreur en n’évaluant pas l’intérêt supérieur des petits‑enfants et il ne s’est pas fondé indûment sur l’existence d’une STR. La décision de l’agent de CIC appartient aux issues possibles et acceptables et doit donc être maintenue.

[33]           Les parties ont été invitées à soumettre des questions aux fins de certification, mais aucune n’a été proposée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

  1. que la présente demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par l’agent de CIC le 15 janvier 2014 est rejetée;
  2. qu’aucune question n’est certifiée.

« Simon Noël »

Juge

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Pagé, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


doSSIER :

imm-591-14

 

INTITULÉ :

mARIANNE NICOLAS C LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’immigration

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

mONTRÉAL (québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 septembRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 SeptembrE 2014

 

COMPARUTIONS :

Miriam McLeod

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Lynne Lazaroff

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Miriam McLeod

Avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.