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Date : 20140919


Dossier : IMM-3510-13

Référence : 2014 CF 901

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2014

En présence de monsieur le juge O'Reilly

ENTRE :

JKWON JAHEIM CORNEILLE

(REPRÉSENTÉ PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, JEANNETTE CORNEILLE)

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Jkwon Jaheim Corneille avait huit ans lorsqu’un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a instruit sa demande d’asile. Jkwon affirmait avoir été agressé physiquement et verbalement à Sainte‑Lucie parce que sa mère est lesbienne. La Commission a rejeté la demande d’asile de Jkwon principalement parce qu’elle n’a pas cru le témoignage de sa mère à propos de son orientation sexuelle.

[2]               Jkwon soutient que la conclusion de la Commission était déraisonnable parce que cette dernière n’a pas évalué son témoignage indépendamment de celui de sa mère. La Commission a plutôt écarté le témoignage de Jkwon au motif que le témoignage de sa mère manquait de crédibilité. Jkwon me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner qu’un autre tribunal de la Commission réexamine sa demande d’asile.

[3]               Je conviens avec Jkwon que la Commission a commis une erreur dans sa façon de traiter son témoignage. À mon avis, la Commission n’a pas évalué la demande d’asile de Jkwon indépendamment de celle de sa mère. Par conséquent, j’estime que la conclusion de la Commission était déraisonnable, et je dois ainsi accueillir la demande de contrôle judiciaire.

[4]               La seule question à trancher est celle de savoir si la décision de la Commission était déraisonnable.

II.                Décision de la Commission

[5]               La mère de Jkwon agissait en qualité de représentante désignée de ce dernier à l’audience de la Commission. Jkwon et sa mère ont tous deux témoigné.

[6]               La Commission n’a pas cru la mère de Jkwon, qui disait être lesbienne ou bisexuelle. Jkwon ne serait donc pas tourmenté ni maltraité à Sainte‑Lucie en raison de l’orientation sexuelle de sa mère.

[7]               Dans son témoignage, Jkwon a décrit la violence conjugale subie par sa mère, ses propres cauchemars et les railleries dont il a été la cible à l’école en raison de l’orientation sexuelle de sa mère. Toutefois, à cause de l’âge de Jkwon et de son manque de compréhension à l’égard de la procédure, la Commission a accordé peu de poids à son témoignage. La Commission a également accordé peu d’importance à une lettre révélant que Jkwon avait été battu à l’école qu’il fréquentait à Sainte‑Lucie, parce que sa mère n’avait pas fait mention de la lettre dans son exposé circonstancié. La Commission a rejeté la demande d’asile de Jkwon.

III.             La décision de la Commission était‑elle déraisonnable?

[8]               Le ministre fait valoir que les conclusions de la Commission appellent la retenue. La Commission a examiné le témoignage de Jkwon, et elle a jugé que ce dernier ne semblait pas bien comprendre la nature de la procédure et que ses réponses étaient candides et simplistes. Par ailleurs, la Commission a examiné le témoignage de Jkwon dans le contexte de l’ensemble de la preuve, comme elle était tenue de le faire.

[9]               Je ne suis pas d’accord. La Commission avait le devoir d’évaluer le témoignage de Jkwon [traduction] « en fonction des critères pertinents compte tenu de son développement mental, de sa compréhension et de sa facilité de communiquer » (R v JJB, 2013 ONCA 268, au paragraphe 71). En l’espèce, la Commission a écarté le témoignage de Jkwon principalement parce qu’elle doutait de la crédibilité de sa mère, ce qui ne constitue pas un critère pertinent.

[10]           Selon la Commission, si la mère de Jkwon n’est pas lesbienne (ou bisexuelle), alors ce dernier ne peut être victime de mauvais traitements en raison de l’orientation sexuelle de sa mère. Toutefois, la Commission n’a pas évalué le témoignage de Jkwon indépendamment de celui de sa mère. En outre, elle n’a pas tenu compte de la possibilité que la mère de Jkwon puisse être perçue comme étant lesbienne (ou bisexuelle) et que, dans un pays ouvertement homophobe comme Sainte‑Lucie, cela puisse avoir des conséquences négatives sur Jkwon. Certains éléments de preuve appuyaient cette possibilité, et, à mon avis, la Commission les a rejetés sans donner d’explication valable. Compte tenu de la preuve, la conclusion de la Commission ne peut se justifier.

IV.             Conclusion et décision

[11]           La Commission n’a pas évalué le témoignage de Jkwon indépendamment de celui de sa mère. Compte tenu de la preuve dont disposait la Commission, la décision de rejeter la demande d’asile de Jkwon ne peut se justifier. Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un autre tribunal de la Commission réexamine la demande d’asile de Jkwon. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et aucune n’est énoncée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  L’affaire est renvoyée à un autre tribunal de la Commission pour nouvel examen.

3.                  Aucune question n’est certifiée.

« James W. O'Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Champagne

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3510-13

 

INTITULÉ :

JKWON JAHEIM CORNEILLE (REPRÉSENTÉ PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE, JEANNETTE CORNEILLE) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 JUILLET 2014

jugEment ET MOTIFS :

LE JUGE O'REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 SEPTEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

D. Clifford Luyt

 

POUR LE DEMANDEUR

 

IldikoErdei

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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