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Date : 20140919


Dossier : IMM-3586-13

Référence : 2014 CF 902

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2014

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

PARMINDER KAUR GILL

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Madame Parminder Kaur Gill désirait parrainer son époux, un citoyen de l’Inde, pour la résidence permanente au Canada. L’agent qui a examiné la demande l’a rejetée parce que, bien que le mariage fût authentique, le couple l’avait contracté principalement en vue d’acquérir un statut aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. Par conséquent, l’époux de Mme Gill ne pouvait pas être considéré comme étant un époux aux termes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, paragraphe 4(1) (voir l’annexe).

[2]               Mme Gill a interjeté appel de la décision de l’agent à la Section d’appel de l’immigration. La SAI a rejeté l’appel car elle souscrivait à la conclusion de l’agent selon laquelle le mariage était motivé par le désir d’obtenir un avantage en matière d’immigration.

[3]               Mme Gill prétend que la décision de la SAI était déraisonnable parce qu’elle ne tenait pas compte de certains facteurs pertinents et ne tenait pas compte d’éléments de preuve qui militaient en sa faveur. Elle me demande d'annuler la décision de la SAI et d'ordonner que sa demande soit réexaminée par un tribunal différemment constitué.

[4]               Je suis d’accord avec Mme Gill pour affirmer que la décision de la SAI était déraisonnable. La SAI a trop insisté sur le fait que les parents de son époux sont déjà résidents canadiens et sur les antécédents de la famille en matière d’immigration. En conséquence, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

[5]               La seule question qui se pose est de savoir si la décision de la SAI était déraisonnable.

II.                La décision de la SAI

[6]               La SAI a énuméré cinq facteurs qui ont amené l’agent à rejeter la demande de Mme Gill :

                     La famille de l’époux de Mme Gill se trouvait déjà au Canada, celui-ci était donc fortement motivé à venir les rejoindre au Canada. Il a déjà tenté de s’installer au Canada grâce à un visa d’étudiant, lequel lui a été refusé. Il a reconnu qu’il avait consenti au mariage arrangé avec Mme Gill parce que ses parents voulaient qu’il vive près d’eux au Canada.

                     L’époux de Mme Gill ne voulait pas se marier avant que ses parents ne trouvent cette personne pour lui.

                     Après le mariage, le couple a vécu avec ses parents pendant deux mois et n’a pas eu de lune de miel.

                     Les parents de l’époux de Mme Gill s’étaient également mariés vers la même époque, mais leurs demandes de parrainage ont été rejetées parce qu’ils s’étaient fiés à de faux documents.

                     Le reçu concernant la réception après le mariage du couple semblait faux parce que le numéro de téléphone qui figurait dessus n’existait pas.

[7]               La SAI a appliqué le raisonnement énoncé dans Gill c Canada (MCI), 2012 CF 1522. Elle a examiné la question de savoir si, compte tenu des intentions de l’un des époux ou des deux époux, le couple s’était engagé dans la relation principalement en vue d’acquérir un statut aux termes de la LIPR. Elle s’est également penchée sur la question de l’authenticité du mariage en tenant compte d’un certain nombre de facteurs, y compris la compatibilité, l’évolution de la relation, la communication entre les époux et la connaissance qu’ils ont chacun de l’autre, le soutien financier et les liens familiaux avec le Canada.

[8]               La SAI a conclu qu’un certain nombre de facteurs révélaient l’existence d’un mariage authentique – par exemple, la compatibilité entre les époux et le fait qu’un enfant était issu du mariage – mais d’autres éléments indiquaient que le mariage avait été arrangé et avait été conclu principalement pour faciliter l’immigration. En particulier, les parents de l’époux de Mme Gill voulaient faciliter l’immigration de leur fils au Canada. Selon la SAI, le fait qu’une fausse facture avait été produite à l’appui de la demande démontrait que les motifs du couple étaient suspects.

[9]               Dans l’ensemble, la SAI a été convaincue que le mariage avait été contracté principalement afin de faciliter l’immigration.

III.             La décision de la SAI était-elle déraisonnable?

[10]           Le ministre prétend que la décision de la SAI était raisonnable, même si elle ne renvoyait pas à tous les éléments de preuve dont la SAI était saisie. De plus, la SAI a fait mention des principaux éléments de preuve et a expliqué correctement le fondement de sa conclusion selon laquelle le mariage avait été conclu afin de faciliter l’immigration, malgré que, selon preuve, le mariage était dès le départ, et avait continué d’être, une relation authentique entre partenaires conjugaux.

[11]           Je ne souscris pas à cette prétention. Selon moi, la SAI a, de façon déraisonnable, mis l’accent sur les motivations de la famille de l’époux de Mme Gill ainsi que sur les antécédents de la famille en matière d’immigration. Ce faisant, la SAI a tiré une conclusion déraisonnable concernant l’objectif principal visé par le mariage.

[12]           La SAI a conclu que les parents de l’époux de Mme Gill voulaient que leur fils vienne les rejoindre au Canada et ils ont donc arrangé un mariage entre lui et une résidente permanente. Toutefois, elle a omis de tenir compte du fait que les parents passaient une grande partie de l’année en Inde, ce qui atténuait le soi-disant « facteur d’attraction » vers le Canada. De plus, le fils n’avait pas nécessairement les mêmes motifs que les parents.

[13]           De plus, la SAI a déduit des antécédents de la famille en matière d’immigration qui démontraient que d’autres membres de la famille tentaient d’immigrer au Canada, notamment au moyen de demandes de parrainage, que l’époux de Mme Gill avaient les mêmes intentions que ceux-ci. Selon moi, il était injuste d’attribuer à l’époux de Mme Gill les présumées intentions d’autres personnes, surtout lorsqu’il y avait de forts indices que le mariage était bel et bien authentique. Le couple s’était peut-être réjoui des possibilités sur le plan de l’immigration qui découlaient du mariage, mais cela ne signifiait pas pour autant que c’était là sa principale motivation.

[14]           Enfin, la SAI s’est fiée à la déclaration faite à l’agent par l’époux de Mme Gill dans laquelle il a dit qu’il avait consenti au mariage parce que ses parents souhaitaient qu’il vive au Canada. Toutefois, la SAI a omis de prendre en compte le témoignage du couple qu’elle a entendu et dans lequel celui-ci avait précisé que les avantages procurés par le mariage sur le plan de l’immigration avaient une importance secondaire comparativement aux véritables motifs pour lequel il avait été contracté. L’audience devant la SAI était une audience de novo et la preuve dont la SAI était saisie, et non pas seulement la preuve qui avait été soumise à l’agent, devait être examinée dans son ensemble (Janjua c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1521, au paragraphe 12, et voir également El Assadi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 58, au paragraphe 21).

[15]           Il est évident que ce genre d’affaires comporte deux éléments d’appréciation distincts – l’authenticité du mariage et la raison principale pour laquelle il a été contracté. Un demandeur de résidence permanente n’est pas considéré comme un époux si le mariage n’est pas authentique ou si le mariage a été contracté en vue de faciliter l’immigration. Les deux éléments d’appréciation sont cependant reliés (Grabowski c Canada (MCI), 2011 CF 1488, au paragraphe 24). Cela signifie que plus la preuve concernant l’authenticité du mariage est forte (et lorsqu’il est question d’un enfant, cet élément constitue à lui seul une forte preuve), moins il sera probable que le mariage a été contracté principalement en vue d’acquérir un avantage en matière d’immigration (Gill c MCI, 2010 CF 122, aux paragraphes 6 à 8). Et vice versa. Plus la preuve que le couple visait l’acquisition d’un statut en matière d’immigration, plus il était probable que le mariage n’était pas authentique.

[16]           En l’espèce, la preuve démontrait clairement que le mariage était authentique – sa durée, le fait que le couple avait eu un enfant et la véritable compatibilité entre les époux. Par ailleurs, la preuve que le mariage avait été contracté en vue d‘acquérir le statut d’immigrant, ce qui était souhaité par les autres membres de la famille et non pas par le couple, était faible. À la lumière de ces conclusions, je conclus que la décision de la SAI était déraisonnable, puisqu'elle n'appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

IV.             Conclusion et décision

[17]           La SAI, en se fiant aux motifs que d’autres personnes avaient pour qu’il y ait mariage entre Mme Gill et son futur époux, a rendu une décision déraisonnable concernant le but principal visé par le mariage authentique du couple. En conséquence, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu'un tribunal différemment constitué de la SAI réexamine la demande. Aucune des parties n'a proposé de question de portée générale à certifier et aucune n'est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que

1.                La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour réexamen à un tribunal de la SAI différemment constitué;

2.                Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227, s 4(1)

4. (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

b) n’est pas authentique.

4. (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

(b) is not genuine.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3586-13

 

INTITULÉ :

PARMINDER KAUR GILL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 JUILLET 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O'REILLY

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 19 SEPTEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Krassina Kostadinov

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Suranjana Bhattacharyya

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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