Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140915


Dossier : IMM-1332-13

Référence : 2014 CF 874

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2014

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

RAJENDRA GOVIND DURVE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’ IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire porte sur les conditions de résidence imposées par l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), pour le maintien du statut de résident permanent et sur leur application aux résidents permanents qui passent une partie de leur temps hors du Canada à travailler à leur compte. Le demandeur, Rajendra Govind Durve, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 28 janvier 2013 par laquelle la Section d’appel de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a conclu qu’il n’avait pas respecté les conditions de résidence et a confirmé la décision de ne pas renouveler son statut de résident permanent.

Aperçu

[2]               M. Durve, un citoyen de l’Inde, s’est établi au Canada en 2002 et s’est vu accorder plus tard le statut de résident permanent. En 2004, il a constitué en société, en Ontario, une entreprise qu’il conviendrait de qualifier d’entreprise exploitée par une seule personne. Il se rendait fréquemment en Inde et dans d’autres pays, où il effectuait des séjours prolongés. En mai 2009, Citoyenneté et Immigration Canada a refusé de renouveler sa carte de résident permanent, parce qu’il n’avait pas respecté la condition de résidence des 730 jours au Canada pendant une période quinquennale. La Commission a confirmé la décision. Dans Durve c Canada (Citoyenneté et Immigration Canada), 2011 CF 995, [2011] ACF no 1226 (Durve n1), la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a renvoyé l’affaire à la Commission pour qu’elle procède à un nouvel examen (audience de novo).

[3]               La Commission a tenu une audience de novo à l’issue de laquelle elle a une fois de plus rejeté l’appel, au motif que M. Durve n’avait pas respecté les conditions de résidence prévues à l’article 28 de la Loi : en plus de n’avoir pas été effectivement présent au pendant 730 jours, il ne s’était pas non plus conformé aux autres conditions puisqu’il n’avait pas travaillé, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne. La Commission a conclu que son entreprise n’avait pas été « exploitée de façon continue au Canada ». C’est cette décision qui fait maintenant l’objet du présent contrôle.

[4]               Le demandeur soutient que la Commission l’a privé de son droit à l’équité procédurale, qu’elle a commis des erreurs dans l’interprétation des dispositions de la Loi et la formulation du critère servant à déterminer s’il y a exploitation continue au Canada, qu’elle a également commis une erreur dans l’application de ce critère et qu’elle a refusé, sans raison légitime, d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour des considérations d’ordre humanitaire.

[5]               J’ai examiné la décision de la Commission, le volumineux dossier de l’affaire et les arguments des parties, et j’estime qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale et que la décision est raisonnable.

[6]               La Commission a procédé à un examen approfondi et minutieux de la preuve documentaire, qui était abondante. Appliquant les directives données par juge Gauthier dans la décision Durve n1, la Commission a tenu compte de plusieurs facteurs ou indices afin de déterminer si l’entreprise individuelle de M. Durve répondait aux critères d’une exploitation continue au Canada. S’il est vrai qu’il faut tenir compte de toute une gamme de facteurs, aucun d’eux n’est déterminant, car les entreprises individuelles et les autres petites entreprises se caractérisent par d’infinies variations. En l’espèce, M. Durve était travailleur autonome et l’entreprise, c’était lui. Il a prétendu que, peu importe où il se trouvait, il travaillait pour le compte de son entreprise canadienne. En réalité, il n’a effectué que de rares séjours de plus de quelques jours à la fois au Canada (soit quatre visites d’environ un mois) au cours de la période quinquennale et il n’y avait guère de preuve de l’existence d’un lien entre les conseils ou les services de consultant qu’il offrait à ses clients et le Canada. La Commission s’est prononcée sur une question d’ordre factuel en se fondant sur l’ensemble de la preuve, et il n’y a aucune raison de modifier ses conclusions.

[7]               La Commission a également conclu à juste titre qu’il n’existait aucune considération d’ordre humanitaire l’autorisant à exercer son pouvoir discrétionnaire afin de soustraire M. Durve aux conditions de résidence.

[8]               Le demandeur soutient qu’il est un atout pour le Canada, et il n’y a aucune raison d’en douter, mais le fait est qu’il n’a pas observé les conditions de résidence, qu’il connaissait pourtant très bien et qui n’étaient pas onéreuses, et qu’il n’a pas non plus établi l’existence d’un lien suffisant entre le Canada et son entreprise pour que celle‑ci puisse être considérée comme étant exploitée de façon continue au Canada.

[9]               Pour les motifs plus amplement exposés ci-après, la demande sera rejetée.

Le contexte

[10]           M. Durve s’est établi au Canada le 25 mai 2002. En mars 2008, il a demandé le renouvellement de son statut de résident permanent (RP) avant qu’il n’expire, mais il s’est absenté du pays avant d’obtenir la décision. En mars 2009, on l’a avisé que Citoyenneté et Immigration Canada ne disposait pas de suffisamment de renseignements pour établir qu’il avait respecté l’obligation des 730 jours de résidence au cours de la période quinquennale allant du 1er avril 2004 au 31 mars 2009. Plus tard au cours de ce même mois de mars 2009, il a présenté au haut‑commissariat du Canada à New Delhi une demande de titre de voyage l’autorisant à rentrer au Canada. En juin 2009, on l’a informé de la révocation de son statut de RP et du rejet de sa demande de titre de voyage. L’appel qu’il a interjeté à l’encontre de cette décision a été rejeté. Au paragraphe 23 de la décision Durve n1, la juge Gauthier a conclu que la Commission avait omis de prendre en compte tous les éléments de preuve et que sa très brève « décision ne satisfai[sait] pas aux exigences de justification et de transparence applicables selon la norme de la décision raisonnable » .

[11]           Lors d’une audience de novo, la Commission s’est penchée sur cette même période de cinq années s’échelonnant du 1er avril 2004 au 31 mars 2009. Elle a tenu compte de toute la preuve, des dossiers de l’appel portant sur la première audience, des trois pièces versées au dossier lors de cette première audience et des nouveaux documents communiqués, représentant six volumes et plus de 1000 pages.

Les faits relatifs au demandeur

[12]           M. Durve a d’abord demandé à immigrer au Canada au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés. Il se présente comme un conseiller financier se spécialisant dans la promotion des relations commerciales indo-canadiennes. Il a obtenu un visa d’immigrant et s’est établi au Canada le 25 mai 2002. En 2004, après deux ans à chercher un emploi, il a enregistré, sous la dénomination sociale 1623709 Ontario Inc., une entreprise de conseil financier ayant son siège social à la résidence de son conseiller en établissement, M. Kapoor.

[13]           Au cours de la période quinquennale en cause, soit de 2004 à 2009, M. Durve a effectué autour de 25 à 30 voyages d’affaires à l’extérieur du Canada. Au nombre des contrats de services‑conseils qu’il a déclaré avoir conclus, il a mentionné les suivants :

         une entente intervenue le 16 octobre 2004 avec Skyport Financial Group Inc. (Skyport), une société établie à Mississauga;

         un contrat permanent avec la multinationale Adept Consulting Services Inc. (Adept);

         une relation contractuelle permanente avec Time Media and Entertainment (PvT) Ltd (Time Media), établie à Mumbai;

         un contrat permanent avec Lakeland Chemicals (India) Ltd (Lakeland), établie à Mumbai;

[14]           Devant la Commission, le demandeur a fait les déclarations suivantes :

         Il se rendait en Inde pour plusieurs raisons : pour poursuivre sa convalescence après un traitement médical, pour venir en aide à sa mère par suite du décès de son père et, plus généralement, pour prendre soin de sa mère vieillissante, à qui il rend visite cinq ou six fois par année;

         Il se rend régulièrement dans d’autres pays, dont les États‑Unis, plusieurs pays européens, la Thaïlande, le Royaume-Uni et les Émirats arabes unis, afin de rencontrer des clients actuels et potentiels et d’aider à la mise en œuvre des systèmes de gestion financière, notamment en supervisant les opérations. Ces voyages comprennent de courts séjours effectués à des fins personnelles lorsqu’il se rend en Thaïlande;

         Il revient fréquemment au Canada, où il possède une résidence. Il s’est défait de la propriété qu’il avait en Inde et d’une partie des propriétés de ses parents dans ce pays. Il a acheté un logement en copropriété au Canada, logement dont la construction a été achevée seulement en 2011 et qui demeure non meublé en attendant que soit tranchée sa demande de statut de résident permanent. Lorsqu’il se trouve au Canada, il loge dans des hôtels ou à la résidence de son conseiller en établissement;

         Le Canada est sa base d’exploitation. Il a liquidé l’entreprise de services‑conseils qu’il avait en Inde. Son statut incertain sur le plan de l’immigration et le ralentissement économique ont nuit aux efforts qu’il a déployés pour bâtir son entreprise au Canada. Il n’a aucun compte bancaire commercial en Inde, mais il y possède des comptes personnels. Lorsqu’il séjourne en Inde, il s’installe dans le bureau de son père, maintenant décédé. Il touche des revenus à la fois au Canada et en Inde et produit des déclarations de revenus auprès des autorités des deux territoires.

Les dispositions législatives applicables

[15]           Les dispositions applicables de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés sont les suivantes :

La Loi

28. (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

(2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

(i) il est effectivement présent au Canada,

(ii) il accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents,

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

(iv) il accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

(v) il se conforme au mode d’exécution prévu par règlement;

b) il suffit au résident permanent de prouver, lors du contrôle, qu’il se conformera à l’obligation pour la période quinquennale suivant l’acquisition de son statut, s’il est résident permanent depuis moins de cinq ans, et, dans le cas contraire, qu’il s’y est conformé pour la période quinquennale précédant le contrôle;

c) le constat par l’agent que des circonstances d’ordre humanitaire relatives au résident permanent — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — justifient le maintien du statut rend inopposable l’inobservation de l’obligation précédant le contrôle.

 

28. (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period.

(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

(i) physically present in Canada,

(ii) outside Canada accompanying a Canadian citizen who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent,

(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

(iv) outside Canada accompanying a permanent resident who is their spouse or common-law partner or, in the case of a child, their parent and who is employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province, or

(v) referred to in regulations providing for other means of compliance;

(b) it is sufficient for a permanent resident to demonstrate at examination

(i) if they have been a permanent resident for less than five years, that they will be able to meet the residency obligation in respect of the five-year period immediately after they became a permanent resident;

(ii) if they have been a permanent resident for five years or more, that they have met the residency obligation in respect of the five-year period immediately before the examination; and

(c) a determination by an officer that humanitarian and compassionate considerations relating to a permanent resident, taking into account the best interests of a child directly affected by the determination, justify the retention of permanent resident status overcomes any breach of the residency obligation prior to the determination.

Le Règlement

61. (1) Sous réserve du paragraphe (2), pour l’application des sous-alinéas 28(2)a)(iii) et (iv) de la Loi et du présent article, constitue une entreprise canadienne :

a) toute société constituée sous le régime du droit fédéral ou provincial et exploitée de façon continue au Canada;

b) toute entreprise non visée à l’alinéa a) qui est exploitée de façon continue au Canada et qui satisfait aux exigences suivantes :

(i) elle est exploitée dans un but lucratif et elle est susceptible de produire des recettes,

(ii) la majorité de ses actions avec droit de vote ou titres de participation sont détenus par des citoyens canadiens, des résidents permanents ou des entreprises canadiennes au sens du présent paragraphe;

c) toute organisation ou entreprise créée sous le régime du droit fédéral ou provincial.

(2) Il est entendu que l’entreprise dont le but principal est de permettre à un résident permanent de se conformer à l’obligation de résidence tout en résidant à l’extérieur du Canada ne constitue pas une entreprise canadienne.

(3) Pour l’application des sous‑alinéas 28(2)a)(iii) et (iv) de la Loi respectivement, les expressions « travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale » et « travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale », à l’égard d’un résident permanent, signifient qu’il est l’employé ou le fournisseur de services à contrat d’une entreprise canadienne ou de l’administration publique, fédérale ou provinciale, et est affecté à temps plein, au titre de son emploi ou du contrat de fourniture :

a) soit à un poste à l’extérieur du Canada;

b) soit à une entreprise affiliée se trouvant à l’extérieur du Canada;

c) soit à un client de l’entreprise canadienne ou de l’administration publique se trouvant à l’extérieur du Canada.

[…]

61. (1) Subject to subsection (2), for the purposes of subparagraphs 28(2)(a)(iii) and (iv) of the Act and of this section, a Canadian business is

(a) a corporation that is incorporated under the laws of Canada or of a province and that has an ongoing operation in Canada ;

(b) an enterprise, other than a corporation described in paragraph (a), that has an ongoing operation in Canada and

(i) that is capable of generating revenue and is carried on in anticipation of profit, and

(ii) in which a majority of voting or ownership interests is held by Canadian citizens, permanent residents, or Canadian businesses as defined in this subsection; or

(c) an organization or enterprise created under the laws of Canada or a province.

(2) For greater certainty, a Canadian business does not include a business that serves primarily to allow a permanent resident to comply with their residency obligation while residing outside Canada.

(3) For the purposes of subparagraphs 28(2)(a)(iii) and (iv) of the Act, the expression “employed on a full-time basis by a Canadian business or in the public service of Canada or of a province” means, in relation to a permanent resident, that the permanent resident is an employee of, or under contract to provide services to, a Canadian business or the public service of Canada or of a province, and is assigned on a full-time basis as a term of the employment or contract to

(a) a position outside Canada;

(b) an affiliated enterprise outside Canada; or

(c) a client of the Canadian business or the public service outside Canada.

[…]

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[16]           La Commission a motivé sa décision de manière exhaustive sur 49 pages. Cette décision est résumée ci‑dessous dans le but de situer dans leur contexte les arguments formulés par le demandeur concernant les erreurs que la Commission aurait commises.

[17]           La Commission a analysé avec minutie les observations des parties et les directives données par la juge Gauthier dans la décision Durve n1; elle a ainsi relevé qu’il lui fallait, à la demande de cette dernière, indiquer plus précisément les indices qu’elle examinerait lorsqu’elle appliquerait les dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement dans le contexte spécifique des petites entreprises. La Commission a également relevé que, de l’avis de la juge Gauthier, la question de savoir si une entreprise est exploitée de façon continue au Canada est une question de fait qui doit être tranchée au cas par cas en fonction de la nature et des activités de la société en cause et qu’aucun indice précis n’est déterminant.

[18]           La Commission a ensuite pris note de la thèse du demandeur et de ses observations, dont les suivantes :

         Bien qu’il n’ait pas été effectivement présent au Canada, il s’est conformé à l’obligation de résidence, étant donné qu’il se trouve hors du Canada afin de travailler pour son entreprise canadienne, ce qui satisfait au sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la Loi.

         Son entreprise est constituée en société sous le régime du droit de l’Ontario et est exploitée de façon continue. L’entreprise n’a pas été constituée en société pour lui permettre de satisfaire à ses obligations en matière de résidence.

         Il n’y a aucune exigence que l’entreprise canadienne soit [traduction] « à but lucratif » ou qu’une preuve de son travail soit donnée au moyen de contrats d’affaires conclus en bonne et due forme. Le simple fait qu’il n’ait pas gagné beaucoup d’argent grâce à son entreprise ne veut pas dire qu’il n’a pas travaillé pour son entreprise canadienne.

         L’exploitation continue de son entreprise n’a pas besoin d’avoir lieu au Canada. Peu importe où il se rend, il continue de travailler, et ce, à temps plein. Sa situation pourrait être assimilée, par exemple, à celle des sociétés minières canadiennes qui ont des actifs à l’étranger.

         Il n’a pas de résidence à l’extérieur du Canada.

         Il [traduction] « exploite seul » une petite entreprise et connaît ses clients personnellement.

         Son temps est consacré à travailler pour son entreprise canadienne, en travaillant sur des contrats, en élaborant des contrats, en élaborant des projets d’affaires pour attirer des entreprises au Canada, sans être rémunéré dans certains cas.

         Il a les moyens de subvenir à ses besoins tout en cultivant des relations avec ses clients.

[19]           À titre préliminaire, la Commission s’est penchée sur l’allégation de M. Durve selon laquelle on l’aurait privé de la possibilité d’expliquer ses états financiers, en réponse aux observations du défendeur concernant les divergences qu’il avait constatées dans ces documents. La Commission a rappelé que l’appel est un appel de novo et qu’il est de nature contradictoire. Il incombe donc au demandeur d’établir ses prétentions, selon la prépondérance des probabilités, au moyen d’une preuve claire et convaincante. La Commission a souligné qu’elle était rompue à l’appréciation des documents des sociétés, notamment ceux de nature financière, et en mesure de comprendre la teneur des documents financiers produits par le demandeur sans autres explications. Elle a rejeté l’argument du demandeur selon lequel il serait injuste qu’elle tienne compte de cette preuve, concluant qu’il était contraire au processus d’appel de laisser entendre que des éléments de preuve qu’on a versés soi‑même au dossier ne devraient pas être pris en compte. La Commission a rappelé que, dans sa décision, la juge Gauthier lui avait donné comme directive de réexaminer l’affaire sur le fondement de « tous les faits et les éléments de preuve présentés au décideur ».

[20]           La Commission s’est ensuite concentrée sur les principales questions en litige, soit de savoir si l’appelant avait satisfait aux conditions de résidence de l’article 28, telles qu’elles sont précisées par l’article 61 du Règlement et, dans la négative, s’il y avait des considérations d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales.

[21]           La Commission s’est demandé si l’appelant avait satisfait aux conditions de résidence parce qu’il avait « [travaillé], hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne » conformément au sous‑alinéa 28(2)a)(ii). Eu égard à cette question, elle a souligné que cela exigeait une analyse des définitions énoncées dans le Règlement en plus de soulever quatre sous‑questions :

         L’entreprise canadienne est-elle une société constituée sous le régime du droit canadien (alinéa 61(1)a) du Règlement)?

         L’entreprise canadienne est-elle une société et est-elle exploitée de façon continue au Canada (alinéa 61(1)a) du Règlement)?

         M. Durve est-il un employé à plein temps de l’entreprise canadienne ou un fournisseur de services à contrat de l’entreprise canadienne (paragraphe 61(3))?

         M. Durve est-il un employé ou un fournisseur de services à contrat de l’entreprise canadienne et est-il affecté à temps plein dans le cadre de son emploi ou de son contrat à un poste à l’extérieur du Canada ou à un client de l’entreprise canadienne se trouvant à l’extérieur du Canada (alinéa 61(3)c))?

Entreprise canadienne; exploitation continue au Canada

[22]           L’entreprise a été constituée en société sous le régime du droit de l’Ontario; la Commission se devait donc de déterminer si elle était ou avait été exploitée de façon continue au Canada.

[23]           Dans un premier temps, la Commission a établi une distinction entre les entreprises de services personnels comme celle du demandeur et les grandes sociétés dont les actionnaires, administrateurs et employés sont nombreux, notant qu’il n’était pas forcément évident de déterminer si une société est exploitée au Canada lorsqu’elle compte un seul actionnaire, administrateur ou employé, qu’elle ne produit aucun bien tangible et que ses services sont fournis par cet unique actionnaire, administrateur ou employé.

[24]           Faisant écho à la référence que fait la juge Gauthier, dans la décision Durve no 1, à l’affaire Faeli c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] IADD no 267, la Commission a noté que l’expression « exploitée de façon continue » devait avoir une signification qui ne se limitait pas au seul fait que l’entreprise avait été constituée en société. À l’instar de ce qu’écrit la juge Gauthier au paragraphe 15 de ses motifs, la Commission a reconnu l’importance « d’examiner la nature des activités du demandeur lorsqu’il est à l’extérieur du Canada en rapport avec l’entreprise de sa société canadienne ».

[25]           La Commission s’est penchée sur le sens ordinaire et naturel du terme « exploitation de façon continue » [« ongoing operation », en anglais] et la définition du dictionnaire, qui le faisait correspondre à des « activités continues » (« continuing activities » en anglais]. Elle a également examiné l’exigence voulant que l’exploitation ait lieu « au Canada » et en a conclu que, pour qu’il y ait « exploitation de façon continue au Canada », les activités continues de la société devaient avoir lieu entièrement au Canada.

[26]           La Commission a conclu que M. Durve produisait des services et que son principal outil était son cerveau. Il n’a donc pas besoin d’être situé à un endroit particulier pour fournir ses services.

[27]           La Commission a examiné la preuve et les témoignages, et notamment la description donnée par M. Durve de ses services‑conseils, au nombre desquels on comptait des conseils en matière financière, de logiciels et de domaines et ses relations d’affaires avec Skyport et Adept. Elle en a conclu que, si les activités qu’il exerçait à l’extérieur du Canada lui semblaient claires, on ne pouvait en dire autant des activités exercées au Canada ni de la nature du lien entre ses activités à l’extérieur du pays et son entreprise au Canada.

[28]           Au paragraphe 34, elle fait cette observation : « Pourtant, même après avoir pris en considération l’ensemble de la preuve, y compris la transcription de la première audience devant la SAI, les renseignements et documents communiqués dans le cadre des deux audiences et les observations de la conseil de l’appelant, le tribunal a toujours beaucoup de mal à savoir ce que l’appelant fait au juste ».

[29]           Par ailleurs, la Commission a examiné en profondeur les documents portant sur le travail effectué par M. Durve pour le compte d’Adept et de Skyport.

[30]           La Commission a conclu que les lettres d’accord signées avec Adept n’aidaient pas à déterminer la nature des activités de la société 623709 Ontario Inc., ni en quoi ces activités constituaient une entreprise exploitée de façon continue au Canada. Elle a réitéré qu’elle devait s’intéresser à la relation entre la nature des activités du demandeur lorsqu’il était à l’extérieur du Canada et l’entreprise de sa société canadienne. À cet égard, elle est arrivée à la conclusion suivante :

Les activités d’un « représentant », « agent » ou « employé » d’une entreprise qui commercialise les services de TI et/ou la technologie d’une société américaine à des tiers au Moyen-Orient n’a pas de rapport avec la société canadienne. Il n’y a aucun lien entre l’exploitation de façon continue de la société canadienne et ces contrats de marketing. En l’espèce, la société n’est pas un moyen qui [a] été choisi principalement à des fins fiscales, mais plutôt à des fins d’immigration.

[31]           La Commission a également remarqué que les factures établies en 2008 n’indiquaient pas que des services comptables avaient été fournis à Adept et qu’elles ne correspondaient aux dires de M. Durve, selon lesquels il avait passé neuf mois à faire la promotion des affaires d’Adept.

[32]           En ce qui concerne Skyport, la Commission a conclu que la relation contractuelle avait pris fin en décembre 2007, soit deux ans avant l’expiration de la période quinquennale en cause, et qu’aucune preuve de sa reconduction n’avait été produite. La Commission a en outre constaté que le seul aspect du contrat intervenu avec Skyport qui aurait pu devenir une exploitation continue au Canada ne s’était jamais concrétisé. Elle a examiné les conditions du contrat de même que le témoignage de M. Durve pour conclure que ce dernier n’était pas parvenu à procurer à Skyport une clientèle suffisante en Inde, au Royaume-Uni, aux États‑Unis et à Dubaï. En fait, il n’a entrepris pour le compte de Skyport que des projets de tenue des comptes rémunérés sur une base horaire et a fait appel à des ressources qu’il avait en Inde pour les réaliser.

[33]           La Commission s’est également penchée sur le rôle joué par le conseiller en établissement, M. Kapoor. En guise d’adresse d’entreprise, M. Durve se servait de l’adresse du domicile de M. Kapoor, chez qui il lui arrivait souvent de séjourner lorsqu’il se trouvait au Canada. Selon la Commission, le fait que M. Kapoor répondait au téléphone et recevait le courrier envoyé au bureau de l’entreprise au Canada contre une rémunération symbolique de 200 $ par mois n’était pas le signe de quelque forme que ce soit d’exploitation continue au Canada. Après avoir examiné d’autres éléments de preuve, dont des chèques oblitérés et une entente de services non datée, la Commission a conclu que M. Kapoor n’était pas un employé de l’entreprise, mais plutôt un fournisseur de services.

[34]           En ce qui a trait aux diverses lettres rédigées par d’autres entreprises et produites par M. Durve, la Commission a constaté qu’elles ne faisaient que décrire ses activités professionnelles en termes généraux et ne démontraient pas qu’il avait effectué du travail rémunéré pour les particuliers ou les entreprises concernées. S’agissant des lettres de Time Media et de Lakeland, la Commission a signalé qu’aucune des deux ne faisait état d’une relation avec 1623709 Ontario Inc. : elles parlaient plutôt d’une relation personnelle avec M. Durve.

[35]           La Commission a reconnu que M. Durve accomplissait beaucoup de travail de manière informelle grâce à ses relations personnelles avec ses clients et qu’une partie du travail de développement des affaires n’était pas rémunéré. Toutefois, elle a conclu à l’insuffisance de preuve de l’existence d’une entreprise exploitée de façon continue au Canada. Selon elle, l’entreprise n’avait pas de lien avec le Canada, mais était liée au lieu physique où M. Durve se trouvait, ce qui pouvait être le Canada, l’Inde ou tout autre endroit.

[36]           La Commission a déclaré ceci : « [L]orsqu’il s’agit de prouver que son entreprise canadienne fait des affaires à l’étranger pour des sociétés basées en Inde, l’absence de contrats formels, de lettres d’entente etc., a son importance pour déterminer le caractère suffisant de la preuve. […] c’est justement cette absence de preuve documentaire de tout le travail effectué par 1623709 Ontario Inc. qui remet en question la prétention de l’appelant selon laquelle il a une entreprise exploitée de façon continue au Canada. »

[37]           Après avoir examiné la nature des activités professionnelles et conclu à l’insuffisance de la preuve, la Commission a souligné que le deuxième indice le plus important de l’existence d’une « entreprise exploitée de façon continue au Canada » était les revenus de la société indiqués dans ses registres et ses documents financiers, les autres documents, tels que les factures des services publics et relevés de cartes de crédit, devant se voir accorder une valeur probante moindre, d’autant plus que le demandeur ne les avait pas véritablement situés dans le contexte de ses activités professionnelles. La Commission a soigneusement passé en revue les documents financiers et registres de la société 1623709 Ontario Inc.; elle a conclu qu’on ne pouvait s’y fier, puisqu’ils avaient été préparés par le demandeur lui‑même, qu’ils n’avaient pas été vérifiés et qu’ils n’étaient accompagnés d’aucune note explicative. La Commission a également relevé quelques divergences entre certains des états financiers et les factures.

[38]           Concernant l’argument de M. Durve selon lequel il n’y avait pas d’obligation que l’entreprise soit profitable, la Commission n’a pas conclu qu’il s’agissait là d’une exigence. Toutefois, elle a signalé que rien ne permettait de dire en quoi le travail effectué par M. Durve afin de décrocher des affaires pour l’avenir était lié à l’exploitation continue, au Canada, de son entreprise constituée en société.

[39]           La Commission a conclu que M. Durve n’avait pas réussi à démontrer l’existence de quelque exploitation continue au Canada ayant une forme quelconque de lien avec les activités déclarées de l’entreprise. Elle a en outre conclu que, puisque la présence des deux caractéristiques obligatoires de l’« entreprise canadienne » prévues à l’alinéa 61(1)a) du Règlement – à savoir l’exploitation de façon continue au Canada – n’avait pas été établie selon la prépondérance des probabilités, il n’était pas nécessaire d’analyser l’application du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la Loi, à la lumière des précisions données au paragraphe 61(3) du Règlement, afin de déterminer si le demandeur avait travaillé, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne.

[40]           Malgré cette conclusion, la Commission s’est néanmoins penchée sur la question de savoir si le sous‑alinéa 28(2)a)(iii) s’appliquait.

Travailler à temps plein pour une entreprise canadienne

[41]           Le paragraphe 61(3) guide l’application du sous‑alinéa 28(2)a)(iii), qui consiste à déterminer si le résident permanent se conforme à l’obligation de résidence parce qu’il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale.

[42]           La Commission a remarqué que les décisions de jurisprudence portant sur le sens à donner à l’expression « travaille […] à temps plein pour une entreprise canadienne », Canada (Citoyenneté et Immigration) c Jiang, 2011 CF 349, [2011] ACF no 560 (Jiang), et Bi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 293, [2012] ACF no 366 (Bi), n’étaient pas utiles eu égard aux faits de l’espèce. Dans ces affaires, les résidents permanents travaillaient pour des entreprises de plus grande taille qui exerçaient des activités et avaient des employés à la fois au Canada et à l’étranger, de sorte qu’il était possible de considérer ces employés comme étant en affectation lorsqu’ils se trouvaient à l’étranger. M. Durve, au contraire, occupe son poste peu importe où il se trouve, au Canada ou ailleurs, et son « affectation » dépend entièrement de l’endroit où il choisit de vivre pour faire son travail.

[43]           Malgré le fait que la jurisprudence ne trouve pas application dans le cas de M. Durve, la Commission a envisagé de façon globale la notion de « travail à temps plein pour une entreprise canadienne ». Elle a conclu que le travail de M. Durve ne répondait pas à cette notion, parce qu’il s’agissait essentiellement de travail de développement des affaires qui n’était commandé par aucun client en particulier et qui, par ailleurs, ne se rapportait pas à l’exploitation continue de 1623709 Ontario Inc. au Canada. Elle a rejeté l’argument de M. Durve voulant que le travail, même non rémunéré, soit néanmoins du travail, signalant qu’une telle logique lui permettrait de passer tout son temps à réaliser des études et à faire de la prospection de clients à l’étranger tout en se conformant à son obligation de résidence.

[44]           La Commission a fait l’observation suivante :

Étant donné que l’appelant définit son entreprise en fonction des services-conseils financiers qu’il fournit à ses clients, dans la mesure où il fait du travail non payé pour aucun client en particulier, on ne peut pas dire que celui‑ci travaille à temps plein.

[…]

S’il n’y avait pas ou très peu de travail à l’étranger pour son entreprise canadienne, logiquement l’appelant n’avait aucune raison de rester à l’étranger.

[45]           La Commission a également comparé le revenu personnel canadien déclaré du demandeur et ses activités professionnelles alléguées. Elle a constaté que son revenu personnel dépassait celui tiré de son entreprise, ce qui permettait de penser qu’il avait touché des revenus d’autres sources que son entreprise canadienne (1623709 Ontario Inc.) et qu’il ne travaillait pas à temps plein pour cette dernière. La Commission en a conclu que le travail réalisé par le demandeur à l’étranger n’était pas entièrement connu.

Les autres considérations

[46]           Bien que M. Durve ait affirmé que le Canada constituait son pays d’attache, la Commission a jugé que ce n’était pas le cas, puisqu’il n’y avait été présent que 279 jours au cours de la période applicable de cinq ans. Il n’avait pas de lieu de résidence au Canada et, dans sa demande de titre de voyage, il avait donné le nom et l’adresse de son conseiller en établissement. Même s’il avait vendu sa propre résidence en Inde, il y conservait une autre résidence qu’il partageait avec sa mère. La Commission a reconnu qu’il s’était porté acquéreur, en 2006, de deux logements en copropriété dans la région de Toronto; seulement, il n’avait pris possession que de l’une d’entre elles, en 2011, alors que l’achat de la seconde a été annulé en raison de retards dans la construction. Or, le simple fait d’acheter un logement faisant partie d’un immeuble en copropriété au Canada ne vaut pas établissement ni ne prouve l’existence de liens durables.

Les considérations d’ordre humanitaire

[47]           La Commission a souligné qu’au départ, le demandeur avait fait des efforts pour s’établir au Canada, mais son établissement n’avait pas progressé, et il n’avait été qu’un visiteur occasionnel. Il a passé la plus grande partie de son temps à l’étranger. La Commission a reconnu qu’il avait des obligations envers ses parents, qui étaient âgés et dont la santé était fragile, tout en soulignant qu’il aurait pu ou dû prévoir cette situation au moment de décider de venir au Canada et que sa famille avait les moyens d’embaucher des aides. La Commission a conclu que le demandeur ne devait pas s’attendre à beaucoup de compassion si ses devoirs familiaux l’avaient emporté sur ses obligations de résidence au Canada. Elle a ajouté que sa famille ne souffrirait pas s’il perdait sa résidence permanente. Il n’est pas marié et n’a pas de famille au Canada. Sa mère est restée en Inde et son unique sœur se trouve aux États‑Unis. De l’avis de la Commission, il est difficile de discerner quelles difficultés la perte du statut de résident permanent pourrait entraîner pour le demandeur, puisque celui‑ci a toujours été en mesure de travailler, peu importe où il se trouvait. La Commission s’est également intéressée au préjugé rattaché au fait d’être un homme célibataire en Inde, mais elle a jugé que son état était le fruit d’une décision personnelle. La Commission a aussi admis que le demandeur avait mis en œuvre des efforts importants pour poursuivre son appel, mais elle n’a vu là rien d’unique ou de spécial qui puisse l’inciter à exercer son pouvoir discrétionnaire pour des considérations d’ordre humanitaire.

[48]           Dans sa conclusion, la Commission a réitéré qu’à son avis, hormis sa constitution en société au Canada, il n’était pas évident que l’entreprise de M. Durve n’ait jamais été exploitée de façon continue au Canada. Elle a rejeté l’analogie avec les sociétés minières canadiennes ayant des activités dans d’autres pays, car celles‑ci comptent des employés au Canada et à l’étranger. Toutefois, la Commission n’a pas exclu la possibilité qu’une entreprise exploitée par une seule personne puisse satisfaire aux exigences de l’article 61 du Règlement, soulignant qu’une telle détermination devait se faire à la lumière des faits particuliers de chaque cas. Elle a ajouté qu’en règle générale, si le propriétaire d’une entreprise exploitée par une seule personne ne parvient pas à établir au moyen d’une preuve claire et convaincante que son entreprise canadienne est exploitée de façon continue ici, il ne pourra pas se servir du fait que l’entreprise est constituée en société au Canada pour satisfaire à son obligation de résidence. La Commission a donné deux exemples d’entreprises qui pourraient être exploitées de façon continue au Canada par une seule personne : d’une part, le cabinet comptable dont l’exploitation au Canada est bien établie et continue et qui passe un contrat pour fournir temporairement des services à une entreprise canadienne ayant des activités à l’extérieur du Canada et, d’autre part, la société commerciale qui distribue des articles au Canada et qui est exploitée par une seule personne, laquelle doit se rendre périodiquement à l’étranger pour effectuer des achats et contrôler la qualité des articles.

[49]           La Commission a conclu que l’entreprise de M. Durve était de la nature de celle visée au paragraphe 61(2), à savoir « une entreprise dont le but principal est de permettre à un résident permanent de se conformer à l’obligation de résidence ».

La thèse d’ensemble du demandeur

[50]           M. Durve soutient que la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale en ne lui donnant pas la possibilité d’expliquer les anomalies dans ses états financiers et en ne lui permettant pas de répondre aux réserves qu’elle avait formulées relativement au contrat conclu avec Skyport, dont M. Durve prétend qu’il avait un lien avec le Canada.

[51]           Il soutient en outre que la décision n’est pas raisonnable : la Commission n’a pas suivi les directives énoncées par la juge Gauthier dans Durve n1; elle a ajouté au critère de l’exploitation continue au Canada des exigences additionnelles, dont celle voulant que l’entreprise soit entièrement située au Canada; elle a commis une erreur dans l’application du critère, notamment en ne tenant pas compte de certains éléments de preuve; elle a aussi commis une erreur en concluant que le demandeur ne travaillait pas à temps plein pour son entreprise canadienne lorsqu’il se trouvait hors du Canada. Le demandeur fait valoir qu’il devrait suffire, pour l’application de l’article 28, que l’entreprise soit une [traduction] « entité en fonction » au Canada.

[52]           Enfin, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur dans son analyse et a refusé à tort de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur pour des considérations d’ordre humanitaire.

La thèse d’ensemble du défendeur

[53]           Le défendeur affirme qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale, que la Commission avait tenu compte de l’ensemble de la preuve et des témoignages que le demandeur avait présentés tant lors de l’audience précédente que dans le cadre de l’audience de novo et enfin, que le demandeur a eu l’entière possibilité de produire les éléments de preuve sur lesquels il se fondait.

[54]           La Commission a rendu une décision raisonnable : elle a correctement interprété les dispositions de l’article 28, à la lumière des précisions données dans les définitions du Règlement, elle a relevé les indices ou facteurs qu’elle a pris en compte pour déterminer si le demandeur avait une entreprise exploitée de façon continue au Canada et elle a raisonnablement conclu, en raison du caractère insuffisant de la preuve, que ce n’était pas le cas.

[55]           La Commission a également conclu à juste titre qu’aucune circonstance spéciale ne justifiait l’exercice de son pouvoir discrétionnaire pour des considérations d’ordre humanitaire.

La norme de contrôle

[56]           Les questions d’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[57]           Les questions mixtes de droit et de fait doivent être contrôlées d’après la norme de la décision raisonnable. La jurisprudence insiste sur le fait que, lorsque la norme de la décision raisonnable s’applique, le rôle de la Cour consiste à déterminer si la décision « fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, par. 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59). La Cour ne doit pas soupeser à nouveau la preuve et rendre une nouvelle décision.

Les questions en litige

[58]           Le demandeur a soulevé trois questions :

1)                  La Commission a‑t‑elle privé le demandeur de son droit à l’équité procédurale?

2)                  La Commission a‑t‑elle commis des erreurs dans la formulation et l’application des conditions de résidence de l’article 28, en particulier quant à celles du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) et au sens que doit recevoir la notion d’entreprise canadienne « exploitée de façon continue au Canada »?

3)                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse des facteurs d’ordre humanitaire et a‑t‑elle rendu une décision raisonnable?

La Commission a-t-elle privé le demandeur de son droit à l’équité procédurale?

[59]           M. Durve soutient que la Commission a commis une erreur en ne lui donnant pas la possibilité d’expliquer les lacunes et les anomalies relevées par le défendeur dans ses documents financiers. Il prétend que la Commission n’a pas tiré de conclusions précises défavorables quant à sa crédibilité et qu’elle n’aurait donc pas dû se contenter d’accepter du défendeur des arguments qui minaient indirectement son propre témoignage.

[60]           En outre, il prétend n’avoir pas été informé des réserves qu’entretenait la Commission concernant son contrat avec Skyport ni n’avoir eu la possibilité d’expliquer en quoi consistait ce travail qui avait un lien avec le Canada.

[61]           Le défendeur soutient qu’il incombait au demandeur de démontrer que la décision de lui refuser le statut de résident permanent n’était pas raisonnable et que son appel devrait être accueilli. Il a eu l’occasion d’expliquer les différences et les anomalies relevées dans ses documents financiers, mais il a choisi de s’en abstenir. M. Durve et son conseil ont été mis au courant des réserves soulevées dans les observations du défendeur et auraient pu traiter de ces éléments de preuve dans le cadre d’une réplique, mais ils ne l’ont pas fait.

[62]           Le défendeur ajoute que, bien qu’il n’y ait pas eu manquement à l’équité procédurale en ce qui a trait aux états financiers, les réserves formulées à l’égard des documents financiers n’ont eu aucune incidence sur les principales conclusions de la Commission, à savoir que la société canadienne n’était pas exploitée de façon continue et qu’il n’y avait aucun lien entre ses activités et le Canada.

Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale

[63]           Les règles d’équité procédurale n’obligent pas la Commission à confronter le demandeur sur la question des différences et des anomalies comptables qui ont été relevées dans ses propres documents financiers. Le demandeur a été informé de la présence de ces anomalies par les observations du défendeur et il a eu amplement l’occasion de produire des éléments de preuve documentaire supplémentaires ou d’appeler d’autres témoins. Il ne l’a pas fait. De même, à l’audience, son conseil ne l’a pas invité à donner des précisions sur la question. Il était pourtant bien représenté et il a produit devant la Commission un dossier comportant plus de 1 000 pages, en sus du dossier provenant de son premier appel. Il ne peut prétendre, à ce stade‑ci, qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale.

[64]           De plus, M. Durve s’est présenté comme étant conseiller financier, de sorte qu’il aurait dû être en mesure de comprendre les différences et anomalies comptables relevées par le défendeur et de donner des précisions à leur égard. Il a lui‑même produit ces documents et en connaissait bien le contenu; ni ces documents, ni les observations du défendeur ne lui ont causé de surprise.

[65]           La Commission a souligné qu’il lui aurait certes été bénéfique de disposer de connaissances spécialisées en matière comptable, mais a ajouté que sa propre expérience et son expertise étaient plus que suffisantes pour lui permettre d’analyser les observations et la preuve du demandeur. Je conviens que ces questions relevaient de l’expérience de la Commission.

[66]           En ce qui concerne l’argument de M. Durve voulant que la Commission ait omis de lui faire part de ses réserves au sujet de sa relation avec Skyport, je ne suis pas d’accord pour dire qu’il y a eu quelque manquement que ce soit à l’équité procédurale. Il incombait au demandeur d’établir que son entreprise était exploitée de façon continue au Canada. La Commission a remarqué que, lors de son témoignage, il n’avait donné que très peu de détails au sujet de Skyport. La Commission a également consulté les transcriptions de l’audience de 2010, lors de laquelle on avait interrogé le demandeur quant au travail qu’il effectuait pour Skyport; elle a relevé qu’il avait répondu de manière succincte et que son conseil ne lui avait pas posé d’autres questions sur ce point. Or, en dépit du peu d’éléments de preuve testimoniale dont elle disposait, la Commission a analysé dans le détail le contrat intervenu avec Skyport. On ne peut donc pas affirmer qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale ni que la Commission a fait fi de son témoignage concernant ses relations d’affaires avec Skyport.

La Commission a‑t‑elle commis des erreurs dans la formulation et l’application des conditions de résidence de l’article 28, en particulier quant à celles du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) et au sens que doit recevoir la notion d’entreprise canadienne « exploitée de façon continue au Canada »?

[67]           M. Durve prétend que la Commission a commis une erreur dans l’interprétation des dispositions de l’article 28 et de l’article 61 du Règlement en ce qui concerne le sens des expressions « entreprise canadienne » et « exploitée de façon continue au Canada » et qu’elle a ajouté des éléments additionnels à ceux prévus par les dispositions, y compris l’obligation pour la société d’avoir des activités continues ayant lieu entièrement au Canada. Il soutient que la Commission n’a pas appliqué les conclusions ni les directives formulées par la juge Gauthier dans Durve no 1.

[68]           Par ailleurs, la Commission aurait commis une erreur dans son appréciation de la question de savoir s’il travaillait à temps plein pour son entreprise canadienne lorsqu’il se trouvait à l’étranger.

[69]           M. Durve note que le critère à appliquer pour déterminer si une entreprise est une « entreprise canadienne » et si elle est « exploitée de façon continue au Canada » est d’ordre factuel : il n’existe aucun indicateur qui soit déterminant. Il soutient que sa situation doit être appréciée en fonction de la nature et de la taille de son entreprise ainsi que des difficultés auxquelles il s’est heurté.

[70]           Pour défendre la thèse voulant que son entreprise canadienne ait été exploitée de façon continue au Canada, M. Durve avance bon nombre d’arguments identiques à ceux qu’il a présentés devant la Commission, notamment que l’entreprise versait une rémunération à son conseiller en établissement, M. Kapoor, pour ses services et la location d’un bureau, qu’il avait créé cette entreprise parce que, deux ans après son arrivée au Canada, il n’avait toujours pas trouvé d’emploi, que, suivant la loi, l’exploitation continue d’une entreprise n’a pas à être démontrée au moyen de contrats commerciaux établis en bonne et due forme et d’une preuve de sa viabilité financière, qu’en raison du ralentissement économique et de son statut incertain sur le plan de l’immigration, ses affaires tournaient au ralenti depuis un moment, mais qu’il travaillait à temps plein et que rien n’indiquait qu’il recevait un salaire de quelque autre source que ce soit, qu’il a un bureau au Canada, à l’adresse de la résidence de M. Kapoor, que tous les honoraires de services‑conseils générés par l’entreprise étaient versés à 1623709 Ontario Inc. et enfin, qu’il n’avait d’autre résidence qu’un logement dans un immeuble en copropriété qu’il a acheté au Canada, mais qu’il n’habite pas. Il avance aussi que ses habitudes de voyage dénotent que son pays d’attache est le Canada, puisque c’est là que ses voyages commencent et se terminent.

[71]           M. Durve fait maintenant valoir, de plus, que la Commission n’a pas tenu compte de la preuve de sa relation d’affaires avec Skyport, un client canadien qui a fait appel à lui pour du travail en Inde en raison du fait qu’il possède une entreprise au Canada. Il signale que, dans son témoignage, il a précisé que Skyport l’avait choisi parce qu’il pouvait à la fois confier du travail en impartition en Inde et offrir ses services par l’entremise d’une entreprise canadienne qui adhérerait aux normes et à la réglementation canadiennes.

[72]           M. Durve soutient que la Commission a commis une erreur en interprétant de manière restrictive l’expression « exploitée de façon continue » de façon à lui donner le sens d’activités continues ayant lieu au Canada, car l’exploitation continue devrait également viser [traduction] l’« entité fonctionnelle » en continu. Il maintient que son entreprise était effectivement une entité en fonction au Canada et ayant des fonctions permanentes et que cela devrait suffire à satisfaire au critère de l’exploitation continue au Canada. Il prétend que son entreprise est active au Canada, comme en font foi sa constitution en société, l’emplacement de son bureau et les fonctions exercées par M. Kapoor au Canada.

[73]           De plus, M. Durve prétend que la Commission a commis une erreur en ajoutant l’exigence supplémentaire voulant que l’entreprise soit « entièrement » située au Canada; en effet, l’entreprise qui exerce des activités à l’étranger ne pourrait jamais se conformer à une telle exigence.

[74]           Il soutient aussi que la Commission a commis une erreur en arrivant à la conclusion qu’il ne travaillait pas à temps plein lorsqu’il travaillait à l’étranger pour sa société canadienne; selon lui, un emploi n’a pas à être rémunéré pour être considéré « à temps plein ». La Commission a conclu qu’il ne travaillait pas à temps plein, parce qu’il n’était pas payé pour la totalité du travail effectué et que ses revenus étaient peu élevés.

[75]           Dans ses observations écrites, M. Durve affirme avoir été effectivement présent au Canada pendant 730 jours au cours de la période quinquennale. Il ajoute que, lorsqu’il n’est pas au Canada, il travaille à temps plein pour son entreprise canadienne.

[76]           M. Durve soutient par ailleurs que la Cour devrait profiter de l’occasion qui lui est donnée de définir un critère précis à appliquer pour déterminer si une entreprise est « exploitée de façon continue au Canada », et ce, afin d’éviter d’autres litiges dans l’avenir et d’offrir quelques indications aux résidents permanents qui, à l’instar de M. Durve, sont propriétaires de petites entreprises et font des affaires à l’extérieur du Canada.

[77]           Le défendeur soutient que l’article 28 de la Loi, à la lumière des indications données à l’alinéa 61(1)a) du Règlement, prévoit deux exigences cumulatives : une exploitation continue qui soit au Canada. Selon lui, l’emploi du temps présent dans la disposition signifie que l’entreprise « exploitée de façon continue » doit maintenir une activité constante, comme le signale la juge Gauthier aux paragraphes 13 à 15 de la décision Durve no 1. Quant aux mots « au Canada », ils exigent que l’activité commerciale ait lieu au Canada ou qu’elle ait un lien suffisant avec l’activité commerciale exercée au Canada.

[78]           La Commission a raisonnablement conclu que l’entreprise du demandeur n’était pas « exploitée de façon continue » et qu’elle n’exerçait pas d’activités au Canada ni d’activités ayant un lien suffisant avec le Canada.

[79]           En ce qui concerne les contrats conclus et des lettres échangées avec Time Media et Lakeland, le défendeur note que la Commission en a tenu compte et qu’elle a conclu que ces documents ne faisaient pas allusion à l’existence d’une relation avec la société 1623709 Ontario Inc. Dans le cas de Skyport, le défendeur signale que la preuve révélait uniquement l’intention des parties, sans donner d’indications sur la façon dont cette relation d’affaires avait évolué.

[80]           Par ailleurs, le défendeur soutient que la Commission n’a pas posé comme condition que l’entreprise du demandeur soit rentable. La Commission a conclu que l’entreprise n’était pas exploitée en continu en raison de l’absence de véritable activité commerciale. Quoi qu’il en soit, la rentabilité étant une qualité intrinsèque de l’entreprise à but lucratif, il est raisonnable de dire que celle à l’égard de laquelle il n’y a aucune expectative de profit a plus de chances d’être considérée comme ayant été établie dans l’unique but de satisfaire aux conditions de résidence. De l’avis du défendeur, les commentaires formulés par la Commission au sujet de la question des bénéfices constituent des opinions incidentes et, du reste, ils ne sont pas déraisonnables.

[81]           Le défendeur soutient également qu’il était raisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur ne travaillait pas à temps plein pour son entreprise lorsqu’il se trouvait à l’étranger. Pour tirer cette conclusion, la Commission ne s’est pas fondée sur l’insuffisance de ses revenus, mais sur celle de la preuve. Par exemple, le demandeur n’a pas produit de preuve du temps qu’il avait consacré à la prestation de services à ses clients, et, d’après ses déclarations de revenus, il avait touché des revenus qui dépassaient les bénéfices réalisés par son entreprise.

[82]           Le défendeur renvoie au dossier afin de faire ressortir l’insuffisance des documents produits par le demandeur pour faire la preuve de ses activités commerciales : en effet, il n’a été en mesure de produire que des factures relatives au travail effectué pour la seule société canadienne, Skyport, de 2005 à 2007, période pendant laquelle il a agi comme intermédiaire pour sous-traiter du travail de comptabilité en Inde.

[83]           De même, il n’a pu produire que quelques factures relatives à des services rendus à Adept, une société américaine, à l’égard de quelques mois en 2004 et 2005 ainsi que d’un seul mois en 2007.

[84]           Le demandeur n’a pas pu établir qu’il travaillait à temps plein pour son entreprise canadienne. Entre 2005 et 2007, il a fourni des services à Skyport à raison de 80 et 90 jours par année, mais il a été incapable de fournir de renseignements quant aux heures de travail effectuées pour Skyport en 2008 ou en 2009, ni pour celles effectuées pour Adept au cours de la période quinquennale.

[85]           Le défendeur souligne également qu’en ce qui concerne le travail effectué pour le compte de Skyport, aucune preuve ne révèle qu’il était lié d’une façon ou d’une autre au droit, aux pratiques commerciales ou aux règles comptables en vigueur au Canada. La Commission a constaté que le demandeur n’avait produit aucune preuve de la reconnaissance officielle de son titre de comptable au Canada; or, les honoraires qu’il facturait à Skyport se situaient bien en deçà de ce qu’aurait exigé un comptable professionnel.

[86]           Le défendeur soutient que la Commission est arrivée à une conclusion raisonnable, à savoir qu’il devait exister un lien suffisant entre le travail et le Canada; cette conclusion est étayée par le libellé non équivoque du paragraphe 61(1) du Règlement.

La Commission n’a pas commis d’erreur dans l’interprétation ou dans l’application de l’article 28

[87]           La Commission a fait une interprétation raisonnable de l’article 28 de la Loi en se laissant guider par les indications de l’article 61 du Règlement et elle a appliqué ces dispositions à la preuve portée à sa connaissance. Elle s’est intéressée aux quatre questions énoncées dans sa décision et a répondu tour à tour à chacune d’elles. Elle a analysé tout un éventail de facteurs ou d’indices afin de déterminer si l’entreprise du demandeur était exploitée de façon continue au Canada et est arrivée à la conclusion, raisonnable, qu’elle ne l’était pas.

[88]           Ayant déterminé que l’entreprise n’était par exploitée de façon continue au Canada et, par conséquent, qu’il ne s’agissait pas d’une entreprise canadienne, la Commission n’avait pas à se demander si le demandeur était à même de remplir ses conditions de résidence en « travaill[ant], hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ».

[89]           Cela étant, la Commission a malgré tout examiné la question de savoir si le demandeur avait été ou aurait pu être un employé à temps plein de sa propre entreprise lorsqu’il travaillait à l’étranger; elle a estimé, à bon droit, qu’il ne l’avait pas été.

[90]           L’interprétation que la Commission a faite de la notion d’entreprise « exploitée de façon continue au Canada » – ou le « critère » qu’elle a élaboré à cet égard – était fondée sur le texte de l’alinéa 61(1)a) du Règlement. S’en remettant au sens ordinaire des mots, la Commission a conclu que l’expression « exploitée de façon continue » avait une signification qui ne se limitait pas au seul fait que l’entreprise avait été constituée en société et qu’elle devait correspondre à des « activités continues ». Une autre restriction est ajoutée par la présence des mots « au Canada », à savoir que les activités continues doivent avoir lieu « entièrement » au Canada. La Commission a appliqué le critère de manière raisonnable, puisqu’elle s’est demandé en quoi les activités exercées par le demandeur hors du Canada se rapportaient à son entreprise au Canada.

[91]           Je ne souscris pas à l’avis du demandeur lorsqu’il prétend qu’il est impossible que les activités continues aient « entièrement » lieu au Canada dans le cas d’une entreprise semblable à la sienne, c’est‑à‑dire celle d’un travailleur autonome effectuant du travail pour le compte de ses clients quel que soit l’endroit où il se trouve. La condition voulant que les activités continues aient lieu entièrement au Canada ne requiert pas que la totalité du travail, des services et des activités commerciales soient exécutés au Canada, mais simplement qu’il existe un lien suffisant entre le travail effectué à l’étranger et l’exploitation continue de l’entreprise au Canada. Cela dit, il faut, à mon sens, qu’une partie des activités soient exercées au Canada, et la proportion des activités qui sont exercées au Canada et hors du Canada pour l’entreprise canadienne est une considération pertinente.

[92]           Au vu de la preuve, la Commission a raisonnablement conclu qu’il était difficile de dire au juste ce que M. Durve faisait pour le compte de son entreprise au Canada lorsqu’il se trouvait à l’étranger. Elle a procédé à une analyse minutieuse de l’entreprise, en s’intéressant à sa clientèle et à ses contrats, à la relation entre M. Durve et son conseiller en établissement ainsi qu’aux revenus, pour conclure, à juste titre, que l’entreprise, au lieu d’être ancrée au Canada, le suivait plutôt dans tous ses déplacements.

[93]           La Commission a aussi raisonnablement conclu que les habitudes de voyage de M. Durve n’étayaient pas sa position voulant que le Canada soit son port d’attache. En fait, le demandeur n’avait aucun lieu de résidence au Canada. Il avait certes acheté un logement dans un immeuble en copropriété en 2006, mais il devait savoir que sa construction ne serait achevée qu’au bout de plusieurs années. Il a fini par prendre possession du logement, mais en 2011, soit deux ans après l’expiration de la période pertinente, et il persiste à ne pas y vivre. L’achat du deuxième logement a été annulé en raison des retards. Il a utilisé le nom et l’adresse de son conseiller en établissement dans la demande de titre de voyage qu’il a présentée en 2008. La Commission a donc raisonnablement conclu qu’il avait toujours une résidence hors du Canada, c’est‑à-dire en Inde, résidence qu’il partageait avec sa mère.

[94]           M. Durve soutient que la Commission a fait une interprétation trop restrictive de la notion d’exploitation continue en l’assimilant à des « activités continues » et que, si on s’en remet à des définitions tirées du dictionnaire et au sens ordinaire des mots comme la Commission l’a fait, il s’ensuit qu’une exploitation continue pourrait aussi se définir comme étant une [traduction] « entité en fonction ». Il ne donne aucune explication claire quant à la signification de la notion [traduction] d’« entité en fonction », mais il semblerait que ce terme englobe la situation qui le concerne : une entreprise constituée en société au Canada, une adresse postale et un service téléphonique en plus d’une intention de résider un jour au Canada. (Je signale au passage que le demandeur a étoffé ses idées au sujet de cette notion dans les observations qu’il a présentées après l’audience afin de justifier la certification de la question qu’il proposait.)

[95]           À mon sens, l’interprétation alternative de [traduction] l’« entité en fonction » proposée par M. Durve ne lui est d’aucune utilité. Le dictionnaire définit « entité » comme une chose qui existe par elle‑même ou ayant son individualité. Le terme inclut les entreprises. Le sens des mots « fonctionner » ou « fonctionnel » varie selon le contexte, mais de façon générale, il correspond à « exploiter » ou « exploitation ». Ainsi, une entité en fonction est une entité en exploitation, ou plus précisément, dans le cas qui nous concerne, une entreprise en exploitation.

[96]           Même en admettant qu’une [traduction] « entité en fonction » puisse être une entreprise exploitée de façon continue, la Commission a conclu, de manière raisonnable, que M. Durve n’avait pas établi qu’il possédait une entité en fonction, c’est‑à‑dire une entreprise en exploitation au Canada.

[97]           Je soupçonne M. Durve d’être à la recherche, avec cette notion [traduction] d’« entité en fonction », d’un critère moins contraignant qui correspondrait à une présence quelconque au Canada. Or, le législateur ne peut avoir envisagé une telle interprétation, puisque la loi vise à permettre aux résidents permanents qui sont propriétaires d’une entreprise ayant un véritable lien, et de préférence profitable, avec le Canada de conserver leur statut de résident permanent lorsqu’ils poursuivent leurs activités à l’extérieur du Canada.

[98]           Même si la Commission n’était pas tenue d’aborder la question du travail à temps plein pour une entreprise canadienne, elle a raisonnablement conclu que M. Durve ne travaillait pas à temps plein pour son entreprise. La Commission a examiné les propos de M. Durve, qui a affirmé qu’il n’existait pas d’obligation que l’entreprise canadienne soit viable ou à but lucratif et qu’il travaillait à temps plein, bien qu’il ne travaille pas selon un horaire fixe. Contrairement à ce que prétend M. Durve, la Commission n’est pas arrivée à cette conclusion parce qu’il gagnait peu d’argent ou effectuait du travail non rémunéré, mais parce qu’il consacrait la plupart de son temps à accomplir du travail de développement des affaires qui n’était commandé par aucun client en particulier et n’avait aucun lien avec l’exploitation continue de la société 1623709 Ontario Inc. au Canada.

[99]           La Commission a examiné les études produites par le demandeur sur la question de l’entreprise sans but lucratif relativement à un projet d’entreprise d’emballage du vin en Inde; elle a constaté que ce projet n’avait aucun rapport avec l’exploitation continue de sa société canadienne. Elle a également remarqué que les lettres rédigées par Time et Lakeland ne faisaient aucunement allusion à la société canadienne. La Commission a aussi comparé les déclarations de revenus de M. Durve aux revenus générés par l’entreprise, pour conclure que M. Durve tirait des revenus d’autres sources que la société et qu’il n’avait pu expliquer cette divergence d’une manière qu’elle jugeait satisfaisante. La Commission a tiré cette conclusion : « Étant donné que l’appelant définit son entreprise en fonction des services-conseils financiers qu’il fournit à ses clients, dans la mesure où il fait du travail non payé pour aucun client en particulier, on ne peut pas dire que celui-ci travaille à temps plein. »

[100]       La Commission a pris connaissance des décisions publiées au sujet du paragraphe 61(3) du Règlement, Bi et Jiang, et a conclu que la notion d’affectation à temps plein ne s’appliquait pas dans le cas de M. Durve.

[101]       Je reconnais que le paragraphe 61(3) du Règlement ne traite pas spécifiquement de la situation de travailleur autonome et que la Commission a retenu une interprétation plus libérale de cette disposition, mais cette interprétation était raisonnable eu égard aux faits de l’espèce; en se fondant sur la preuve produite par M. Durve, elle est arrivée à la conclusion que celui‑ci n’avait pas établi qu’il travaillait à temps plein pour sa propre entreprise et pour ses clients lorsqu’il était à l’étranger. J’aimerais d’ailleurs rappeler que la Commission n’avait pas à s’engager dans cette analyse, puisqu’elle avait déjà conclu que M. Durve n’avait pas d’entreprise canadienne.

[102]       Pour ce qui est du contrat intervenu avec Skyport, la Commission en a examiné toutes les conditions et elle a raisonnablement conclu que la partie du travail envisagé qui aurait pu avoir un lien avec le Canada et dont on pouvait présumer qu’elle aurait permis d’établir l’existence de quelque lien entre les activités professionnelles de M. Durve et l’entreprise qu’il avait au Canada, ne s’est tout simplement pas concrétisée. Qui plus est, le contrat prévoyait que, si M. Durve n’effectuait pas le travail envisagé, il pourrait fournir des services de tenue de livres. Or, l’unique preuve que du travail a été accompli pour Skyport concerne précisément la tenue de livres, et ce travail a été effectué par des personnes qui se trouvaient en Inde. Il était donc raisonnable que la Commission conclue à l’absence de lien avec l’entreprise canadienne de M. Durve. Le contrat avec Skyport a pris fin en 2007 et, comme le signale le défendeur, le travail effectué pour le compte de cette société a représenté annuellement entre 80 et 90 jours de travail pour les années 2005 à 2007.

[103]       M. Durve n’a pu établir qu’il travaillait à temps plein pour son entreprise, mais il existe néanmoins des cas où un travailleur autonome sera en mesure d’établir que, pendant une période donnée, il a travaillé à temps plein, hors du Canada, pour son entreprise canadienne. Cela dit, il lui faudra d’abord démontrer qu’il s’agissait réellement d’une entreprise canadienne, autrement dit, qu’elle a des activités continues au Canada. La Commission a donné deux exemples pour illustrer ce genre de situation.

[104]       Pour ce qui est de l’affirmation qui est faite par le demandeur dans son mémoire, à savoir qu’il a été effectivement présent au Canada pendant 730 jours, elle n’est pas du tout étayée par la preuve. Je ne peux que conclure qu’il s’agit d’une déclaration erronée et que le demandeur voulait dire par là qu’il respecterait le seuil minimal de 730 jours s’il était tenu compte du travail qu’il avait effectué à l’étranger. Or, ce n’est manifestement pas le cas. M. Durve n’a pas établi que son travail à l’étranger pouvait combler l’écart entre les 279 jours où il a été présent au Canada et l’exigence des 730 jours.

[105]       Enfin, je ne souscris pas au point de vue du demandeur selon lequel la Commission aurait omis d’observer ou d’appliquer certaines des conclusions tirées par la juge Gauthier dans Durve n1, notamment que M. Durve avait une présence au Canada et qu’il était crédible.

[106]       Je note que la juge Gauthier a expliqué très clairement qu’elle avait accueilli la demande de contrôle judiciaire parce que la Commission avait rédigé des motifs peu étoffés qui ne justifiaient pas adéquatement sa décision et manquaient de transparence. Elle a également précisé que, dans le cadre d’une audience de novo, le décideur devait tenir compte de l’ensemble de la preuve. L’audience de novo consiste à reprendre l’affaire depuis le début, et le décideur n’est pas lié par les conclusions tirées antérieurement – mais, en l’espèce, aucune conclusion n’avait été tirée. La juge Gauthier a signalé que la crédibilité du demandeur n’avait pas été mise en doute lors de l’audience précédente. On ne peut assimiler un tel commentaire à une conclusion quant à la crédibilité.

[107]       Lors de l’audience de novo, ce n’est pas la question de la crédibilité de M. Durve qui a retenu l’attention de la Commission, mais bien l’insuffisance de la preuve. De plus, la présence au Canada n’est pas le critère à appliquer en matière de résidence.

[108]       Tout au long de sa propre décision, la Commission a fait référence à celle de la juge Gauthier et, en particulier, au fait que cette dernière avait estimé nécessaire que le décideur s’interroge sur les indices ou critères à appliquer pour déterminer si une petite entreprise est exploitée de façon continue. C’est précisément ce qu’a fait la Commission.

[109]       Dans la décision Durve no 1, la juge Gauthier a bien souligné qu’il appartenait à la Commission de rendre une décision en conformité avec l’article 28 et le Règlement :

[25]      Ma décision ne devrait pas être interprétée comme admettant implicitement que la société de M. Durve est visée au paragraphe 61(1) du Règlement et qu’elle n’est pas exclue en vertu du paragraphe 61(2) du Règlement ni même que le demandeur satisferait à l’exigence du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la LIPR. La Cour estime simplement que la présente affaire n’a pas été examinée correctement sur le fondement de tous les faits et les éléments de preuve présentés au décideur et que le décideur en question n’a pas suffisamment expliqué son raisonnement pour permettre à la Cour d’évaluer convenablement la validité de ses conclusions. À cet égard, je note qu’il serait utile que la SAI indique plus précisément, si possible, quels indices elle examinera lorsqu’elle examinera l’application des dispositions susmentionnées aux entreprises fondées par de nouveaux résidents permanents à une très petite échelle et qui supposent le développement d’une clientèle à l’étranger. Par exemple, si une entreprise exploitée par une seule personne n’est pas acceptable, la SAI devrait le dire en toutes lettres.

Les considérations pertinentes

[110]       M. Durve affirme qu’il faut établir une approche claire et cohérente pour déterminer comment les conditions de résidence doivent être appliquées aux résidents permanents qui sont propriétaires de petites entreprises canadiennes et, même, d’entreprises exploitées par une seule personne.

[111]       La Commission a relevé plusieurs indices ou considérations et n’a pas exclu la possibilité qu’une entreprise exploitée par une seule personne cadre avec l’article 28. D’ailleurs, elle a donné deux exemples d’entreprises de ce type qui sont susceptibles de satisfaire aux critères d’une entreprise canadienne et de donner au résident permanent la possibilité de travailler pour elles hors du Canada. On peut penser à d’autres exemples du même genre, mais comme l’a signalé la Commission en écho aux propos de la juge Gauthier dans Durve n1, la question de la savoir si les conditions de résidence sont respectées en est une de fait. Il est impossible de prévoir tous les cas de figure possibles et imaginables et de dresser une liste des critères qui, s’ils sont respectés, signifieront qu’il y a conformité à l’obligation de résidence. Certains critères devront peser davantage que d’autres selon la nature de l’entreprise, le temps passé au Canada et à l’étranger et, surtout, l’existence d’un lien entre le travail effectué à l’étranger et l’entreprise qui se trouve au Canada.

[112]       Lorsqu’une entreprise est exploitée par une seule personne et n’a pas d’employés au Canada, on s’attardera davantage à la nature de l’entreprise au Canada et au rapport entre le travail accompli par l’unique exploitant ou le travailleur autonome et l’entreprise canadienne.

[113]       L’un des exemples cités par la Commission est celui du cabinet comptable dont l’exploitation au Canada est bien établie et continue et qui reçoit le mandat de fournir temporairement des services à une entreprise canadienne à l’extérieur du Canada. Cette situation suppose que le résident permanent exerce des activités et fournit ces mêmes services au Canada, que son expertise et ses titres de compétences, de même que les techniques, les pratiques commerciales ou les principes qu’il appliquera seront régis par les pratiques canadiennes ou s’en inspireront et que celles‑ci serviront de guide pour le travail effectué à l’étranger pour le compte de l’autre entreprise canadienne. Autrement dit, il y a livraison d’un « produit » canadien revêtant la forme des services fournis par le travailleur autonome ou l’entreprise exploitée par une seule personne.

[114]       J’ai présenté les indices ou considérations relevées par la Commission et pour certains, j’ai donné quelques précisions, mais je rappelle qu’il ne s’agit pas d’une liste de contrôle. L’applicabilité de ces considérations variera en fonction des faits, tout comme le poids qu’il faut accorder à chacune.

[115]       Les principes fondamentaux demeurent les suivants : c’est au résident permanent qu’il incombe d’établir, au moyen d’une preuve claire et convaincante, que son entreprise est une entreprise canadienne (soit une entreprise exploitée de façon continue au Canada) et que son travail à l’étranger consiste à travailler à temps plein pour l’entreprise canadienne; l’analyse procède d’une question de fait qui doit être tranchée au cas par cas, en fonction de la nature et des activités de l’entreprise du demandeur; l’accent doit être mis sur la nature des activités professionnelles du demandeur lorsqu’il se trouve hors du Canada par rapport aux activités de sa société canadienne.

[116]       L’entreprise en activité est celle qui a des activités continues au Canada. Cette détermination tient compte de ce que l’entreprise fait réellement au Canada et de la façon dont cette activité est démontrée ou documentée.

[117]       Pour déterminer si une entreprise est exploitée de façon continue, il faudra tenir compte de considérations qui varieront selon la nature et la taille de l’entreprise. S’il s’agit d’un travailleur autonome ou d’une très petite entreprise, il faudra être en mesure de bien identifier les biens ou les services qu’elle fournit, y compris les conseils.

[118]       Le décideur devrait chercher à savoir si la continuité des activités de l’entreprise au Canada est assurée par des employés (même à temps partiel), des collaborateurs ou des sous‑traitants et si des services sont fournis au Canada ou s’ils pourraient l’être pendant que le résident permanent se trouve à l’extérieur du Canada pour affaires ou pour assurer la prestation des services de l’entreprise canadienne.

[119]       L’emplacement des bureaux de la société représente une autre considération, même à l’ère du bureau virtuel et malgré le fait que l’entreprise puisse être en mesure de fournir des services depuis d’autres endroits. Il faut aussi se demander si des employés travaillent dans ce bureau (même à temps partiel) et si des tâches sont effectuées ou des services rendus à partir de cet emplacement. L’exigence posée par les mots « au Canada » suppose un examen des activités commerciales exercées ou des services fournis au Canada et du lien entre les activités exercées hors du Canada et l’entreprise qui se trouve au Canada. Il n’est pas essentiel que la totalité du travail effectué et que chaque activité commerciale exercée ou service fourni le soit au Canada, mais il doit exister un lien suffisant entre le travail effectué à l’étranger et l’exploitation continue de l’entreprise au Canada. En revanche, comme nous l’avons vu déjà, une partie des activités devrait avoir lieu au Canada, et la proportion des activités exercées au Canada par rapport à celles exercées à l’étranger constitue une considération pertinente.

[120]       La nature des activités de l’entreprise à l’extérieur du Canada, le rôle qu’elles jouent dans la promotion des objectifs d’ensemble de l’entreprise au Canada et leur rapport avec l’entreprise canadienne sont une importante considération. Par exemple, le fait que le résident permanent possède des qualifications ou des titres de compétences qui sont reconnus au Canada et auxquels se fient ceux à qui il fournit des services hors du Canada, ou encore le fait qu’il applique, dans le cadre de son travail à l’étranger, les principes et les pratiques propres aux entreprises canadiennes ou les règles de sa profession qui s’inspirent des normes canadiennes, sont tous des aspects pertinents pour apprécier la question du lien.

[121]       Les habitudes de voyage du résident permanent, le fait qu’il possède une résidence au Canada ou ailleurs (sachant qu’il lui est possible d’en avoir une au Canada et une à l’étranger) sont également des considérations pertinentes.

[122]       Pour ce qui est de déterminer si le résident permanent travaillait à temps plein pour l’entreprise canadienne, ici encore, la nature de l’entreprise doit servir à définir le contexte, puisqu’un travailleur autonome ne peut s’« affecter » lui‑même à un poste comme le prévoit le Règlement. Un registre du temps consacré à la prestation de services précis et aux affaires des clients constituera une source d’information; devraient également y être consignés le temps consacré à des tâches non rémunérées et les raisons qui motivent ce travail.

[123]       Le travail non rémunéré peut être considéré comme une activité commerciale, dans la mesure où il se rapporte à l’exploitation continue de l’entreprise au Canada. Au nombre des considérations pertinentes, mentionnons l’existence d’un plan d’affaires contenant des prévisions au sujet du travail non rémunéré ou de développement nécessaire à l’obtention de travail rémunéré par l’entreprise et la proportion du travail rémunéré par rapport au travail qui ne l’est pas.

[124]       Les revenus de l’entreprise devraient être examinés, notamment pour déterminer si ses états financiers traduisent fidèlement les activités commerciales décrites et s’ils concordent avec les factures. Il sera utile au décideur de pouvoir consulter les registres de l’entreprise qui documentent l’utilisation du temps par le résident permanent voyageant à l’étranger pour affaires. Le résident permanent pourra plus difficilement établir qu’il travaille à temps plein pour l’entreprise canadienne si ses revenus personnels dépassent ceux qu’ont générés les activités commerciales alléguées de l’entreprise.

La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse des facteurs d’ordre humanitaire et a‑t‑elle rendu une décision raisonnable?

[125]       M. Durve soutient que la Commission aurait dû aborder l’appel dans une optique positive, en se plaçant sous l’angle du maintien du statut de résident permanent du demandeur, selon le principe établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] 1 RCS 84 (Chieu).

[126]       À son avis, la Commission n’a pas tenu compte des principes énoncés dans la jurisprudence pour apprécier les considérations d’ordre humanitaire et, en particulier, elle a fait abstraction des circonstances très spéciales de son dossier, lesquelles, selon lui, sont propres à susciter la compassion chez une personne raisonnable (Chirwa c Canada (Ministre de la Main‑d’œuvre et de l’Immigration), [1970] DCAI no 1 (Chirwa)). En effet, le demandeur se décrit comme un homme célibataire et vieillissant dont la seule famille immédiate vit à l’étranger et qui a travaillé pendant plusieurs années à construire son entreprise canadienne. Par ailleurs, la seule résidence qu’il possède se trouve au Canada.

[127]       Il est financièrement bien établi et sera un atout à long terme pour le Canada. Il soutient que la perte de son statut de résident permanent constitue une sanction trop sévère compte tenu de son intention, qui était tout simplement de réussir au Canada. Il note que, dans une décision antérieure, Hussain c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2010] DSAI no 552, au paragraphe 42 (Hussain), la Commission avait déjà énoncé les facteurs à prendre en compte et qu’elle aurait dû les appliquer.

[128]       Le défendeur fait remarquer que rien ne permet d’affirmer que l’appréciation des considérations d’ordre humanitaire était déraisonnable. En outre, la norme établie dans la décision Chirwa n’est pas considérée comme le principal critère régissant l’exemption pour considérations d’ordre humanitaire, et les facteurs de la décision Hussain n’entraînent pas forcément l’octroi d’une telle exemption.

L’appréciation des considérations d’ordre humanitaire est raisonnable

[129]       L’alinéa 28(2)c) permet au décideur d’exercer son pouvoir discrétionnaire de soustraire le demandeur aux conséquences d’un manquement à l’obligation de résidence si cela est justifié par des considérations d’ordre humanitaire. Cette dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire n’est pas un droit. La Commission a raisonnablement refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire.

[130]       Le demandeur avance que les facteurs de Hussain auraient dû être pris en compte, mais la Commission a procédé à l’examen de facteurs similaires bien qu’elle n’ait pas évoqué de cas particulier de jurisprudence. C’est dans la décision Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI no 4 (Ribic), que les facteurs pertinents ont été formulés pour la première fois, puis dans l’arrêt Chieu, au paragraphe 40, qu’ils ont été confirmés par la Cour suprême du Canada, quoique dans le cadre du renvoi d’un résident permanent pour fausse déclaration. Dans la décision Tai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 248, [2011] ACF no 289, le juge Shore, après avoir souligné que les décideurs s’en étaient amplement remis à ces facteurs dans le cadre de l’appréciation des considérations d’ordre humanitaire, les a lui‑même appliqués dans le contexte de l’article 28.

[131]       Les facteurs de la décision Ribic sont les suivants :

a)                  le degré d’établissement du demandeur au Canada, notamment sur le plan de l’emploi et de la formation professionnelle;

b)                  les raisons de son départ du Canada;

c)                  celles de son séjour prolongé à l’étranger;

d)                 le fait que le demandeur ait tenté ou non de revenir au Canada à la première occasion;

e)                  le soutien familial dont il bénéficie au Canada;

f)                  les conséquences du renvoi du demandeur sur lui‑même et sur sa famille;

g)                 les difficultés qu’éprouverait l’appelant s’il était renvoyé du Canada.

[132]       Bien que la Commission n’ait pas fait référence aux facteurs de Ribic ni ne les ait ordonnés soigneusement, il ressort clairement de sa décision qu’elle a pris en compte et soupesé ces mêmes facteurs. La Commission a examiné les circonstances de l’établissement initial de M. Durve au Canada et les efforts qu’il a déployés depuis. Elle a constaté que, malgré l’existence possible d’un lien avec le Canada, il n’a jamais résidé au pays et n’est en fait qu’un visiteur occasionnel. La Commission a reconnu qu’il avait acheté une copropriété en 2006, mais a conclu à juste titre que ce n’était pas là une preuve convaincante de son établissement, puisqu’il n’en avait pris possession qu’en 2011.

[133]       La Commission a analysé ses nombreux départs du Canada ainsi que son témoignage, dans lequel il invoquait des motifs liés à son entreprise, au règlement de la succession de son père et aux soins à prodiguer à sa mère. Ces mêmes raisons s’appliquaient dans le cas de ses séjours prolongés à l’étranger. La Commission a souligné qu’il rentrait au Canada au terme de ses déplacements, mais que ce n’était pas dans l’intention d’y rester en permanence.

[134]       Étant donné que M. Durve n’a pas de famille ici et que son unique sœur se trouve aux États-Unis, la Commission n’a pas trouvé de liens avec le Canada.

[135]       La Commission a aussi conclu que la perte du statut de résident permanent n’occasionnerait pas de difficultés au demandeur, ni aux quelques membres de sa famille qui sont à l’étranger; en effet, le demandeur est travailleur autonome et a toujours pu trouver du travail, indépendamment de l’endroit où il se trouvait.

[136]       La Commission pouvait conclure que, malgré le désir de M. Durve de rester au Canada, désir dont il a fait montre par les importants efforts déployés à poursuivre ses appels, ces efforts n’ont rien d’unique non plus qu’ils équivalent à des circonstances particulières justifiant l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire en sa faveur.

[137]       Je souscris à l’avis du défendeur selon lequel les tribunaux judiciaires n’ont pas adopté les principes énoncés dans Chirwa pour trancher d’autres formes de demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire. Mentionnons, par exemple, la décision Serrano Lemus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1274, [2012] ACF no 1374, dans laquelle le juge Near (tel était alors son titre) s’est penché sur un argument analogue, quoique dans le contexte d’une demande d’examen des considérations d’ordre humanitaire fondée sur le paragraphe 25(1) de la Loi.

[138]       Quoi qu’il en soit, la Commission n’était pas tenue d’invoquer explicitement la décision Chirwa dès lors qu’elle a manifestement examiné l’ensemble des observations présentées par le demandeur et qu’elle a raisonnablement conclu à l’absence de circonstances particulières. Le demandeur estime que sa situation est propre à susciter la compassion à un point tel que la Commission devrait exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur, mais cette dernière, en revanche, n’est pas arrivée à la même conclusion au terme de son appréciation.

[139]       Je conviens que la perte du statut de résident permanent constitue une lourde sanction pour quiconque tente de faire la transition vers la résidence permanente au Canada. S’il est vrai que le demandeur espère pouvoir un jour être pleinement intégré à la société canadienne et qu’il s’est heurté à des difficultés personnelles du fait du ralentissement économique et de la santé de ses parents, les exigences des lois canadiennes en matière d’immigration sont claires et les conditions de résidence, qui exigent une présence effective de 730 jours au cours d’une période quinquennale – ce qui correspond à 40 % du temps –, et prévoient d’autres moyens d’établir sa résidence, ne sont pas onéreuses. Depuis 2002, et a fortiori depuis 2004, M. Durve a eu tout le temps voulu soit pour s’établir au Canada, soit pour établir un lien entre son travail à l’étranger et son entreprise canadienne.

La proposition de questions à certifier

[140]       M. Durve a proposé deux questions aux fins de certification et au soutien de sa proposition, il a présenté des observations destinées à mettre en relief leur portée générale, observations qui reprennent dans une certaine mesure les arguments avancés dans le cadre du contrôle judiciaire.

[141]       Il réitère les circonstances propres à son entreprise : selon lui, sa société canadienne a poursuivi ses activités au Canada par l’intermédiaire de M. Kapoor, qui le représentait.

[142]       M. Durve soutient que la conclusion tirée par la Commission, à savoir que l’alinéa 61(1)a) du Règlement, qui définit l’entreprise canadienne comme étant une entreprise « exploitée de façon continue au Canada », exige que les activités continues aient entièrement lieu au Canada, est erronée en droit et déraisonnable et qu’elle entravera le développement de bon nombre d’entreprises légitimes.

[143]       Il répète que la Commission a arrêté son interprétation en se fondant sur des définitions tirées du dictionnaire qui permettraient aussi d’affirmer que la notion d’exploitation continue équivaudrait aussi à celle [traduction] d’« entité fonctionnelle » en permanence (ou [traduction] « entité en fonction», pour reprendre le précédent terme). Il soutient que son entreprise était et demeure une entité fonctionnelle en permanence au Canada et qu’il est essentiel de retenir une telle interprétation dans le cas des entreprises, petites ou autres, dont le travail s’effectue entièrement hors du Canada et qui n’ont qu’une présence commerciale fonctionnelle au Canada.

[144]       Il fait valoir qu’il ne pouvait être dans l’intention des législateurs de nuire au développement des entreprises dont le travail s’effectue hors du Canada bien qu’elles soient situées au Canada, en proposant leurs services en tant qu’entreprises canadiennes et en faisant entrer des revenus au Canada.

[145]       Il ajoute que la Commission est arrivée à la conclusion qu’il ne travaillait pas à temps plein parce qu’elle n’a pas tenu compte des tâches non rémunérées qu’il accomplissait. Il fait remarquer que, pour bâtir une entreprise, il faut parfois y consacrer beaucoup d’heures sans rémunération. Il est possible que la conclusion de la Commission ait des conséquences pour d’autres personnes qui souhaitent maintenir leur statut de résident permanent tout en travaillant à l’étranger, de sorte que la question proposée en est une de portée générale.

[146]       Les deux questions dont la certification est proposée sont les suivantes :

[traduction]

1.      La notion d’exploitation d’une entreprise canadienne, dont il est question à l’alinéa 61(1)a) du RIPR, exige‑t-elle que l’entreprise soit pleinement engagée dans des activités commerciales au Canada, ou cela suffit-il que l’entreprise soit une entité fonctionnelle dont les activités sont principalement exercées à l’extérieur du Canada?

2.      Le « travail à temps plein », au sens du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la LIPR, vise-t-il uniquement le travail à temps plein rémunéré ou peut-il également viser le travail non rémunéré?

[147]       M. Durve soutient que les deux questions seraient déterminantes quant à l’issue de l’affaire, car, si la Commission avait tenu compte de son travail non rémunéré pour apprécier la question de savoir s’il travaillait, hors du Canada, à temps plein pour sa société canadienne et si, en outre, elle avait accepté le fait que sa société fonctionnait au Canada, par l’entremise de M. Kapoor, et que cette présence constituait une exploitation continue, elle aurait peut‑être rendu une décision différente.

[148]       Le défendeur soutient que les questions ne satisfont pas au critère de certification, car elles ne soulèvent aucune question grave de portée générale qui permettrait de régler l’appel. Les présents faits ne soulèvent qu’une question de portée limitée concernant une entreprise exploitée par une seule personne dont une grande part des activités sont exercées à l’extérieur du Canada. En outre, le sens de l’expression « exploitée de façon continue au Canada » peut être cerné à partir des règles d’interprétation législatives et les mots « au Canada » indiquent qu’il doit y avoir un lien important avec les affaires menées au Canada ou se rapportant à des activités commerciales canadiennes. Il s’agit d’une question d’interprétation législative à laquelle la Commission a apporté une solution raisonnable.

[149]       Le défendeur ajoute que la deuxième question proposée, relativement à la notion de travail à temps plein, ne permettrait pas de régler l’affaire. Selon la Commission, M. Durve n’a pas établi qu’il travaillait à temps plein pour les clients de sa société, non plus qu’il a produit de preuve de la quantité de travail qu’il avait accompli pour trouver de nouveaux clients pour sa société. Si la Cour devait trancher les questions d’une manière qui soit favorable au demandeur, l’affaire n’en serait pas pour autant réglée, car ce dernier n’a pu faire la preuve de la quantité de travail non rémunéré qu’il avait effectué pour le compte de sa société.

Aucune question à certifier

[150]       La Cour d’appel fédérale a énoncé les critères de certification d’une question au paragraphe 4 de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Liyanagamage, [1994] ACF no 1637, 176 NR 4. La question doit transcender les intérêts des parties au litige et aborder des éléments qui ont des conséquences importantes ou qui sont de portée générale, et elle doit être déterminante quant à l’issue de l’appel.

[151]       Plus simplement, pour reprendre une formule adoptée dans les causes ultérieures, une question, pour être certifiée, doit être sérieuse, de portée générale et permettre de régler l’appel.

[152]       Aucune des questions proposées par le demandeur ne satisfait à ces critères.

[153]       Par sa première question, le demandeur cherche à obtenir de la Cour qu’elle approuve une interprétation des notions d’entreprise canadienne et d’exploitation continue au Canada qui n’est pas corroborée par le texte de la Loi ou du Règlement. Il s’agit d’une question de principe, et c’est donc au législateur que devrait être laissé le soin de décider si un résident permanent peut remplir les conditions de résidence par l’entremise d’une entreprise « principalement exploitée à l’étranger ». À mon sens, ce n’est pas l’intention du législateur telle qu’elle est exprimée dans les dispositions législatives. Dans leur version actuelle, ces dispositions font état de plusieurs moyens grâce auxquels le résident permanent peut satisfaire aux conditions de résidence; ces conditions, du reste, ne sont pas particulièrement onéreuses, comme nous l’avons déjà mentionné, mais elles prévoient néanmoins qu’il doit exister un lien avec le Canada, une obligation qui ne serait pas remplie dans le cas d’une entreprise principalement exploitée à l’étranger.

[154]       Je souscris à l’avis du défendeur selon lequel on ne peut dire de l’entité en fonction dont les principales activités commerciales sont exercées à l’extérieur du Canada sans autre forme de lien avec des activités commerciales canadiennes qu’elle est exploitée de façon continue au Canada.

[155]       La thèse préconisée par M. Durve semble contredire le paragraphe 28(2), selon lequel il ne fait aucun doute que la définition de l’entreprise canadienne ne comprend pas l’entreprise dont le but principal est de permettre à un résident permanent de respecter les conditions de résidence tout en continuant de résider à l’extérieur du Canada.

[156]       Comme nous l’avons déjà mentionné, le terme [traduction] « entité en fonction » ou [traduction] « entité fonctionnelle » n’a pas de sens précis : il désigne probablement l’« entité ou entreprise en exploitation » et donc, il ne se distingue pas de la notion d’exploitation continue, que la Commission a raisonnablement interprété comme étant l’exercice continu d’activités. L’argument invoqué pour défendre une interprétation différente ou plus générale est circulaire. En outre, la Commission a conclu que M. Durve n’avait pas démontré en quoi consistaient les activités de son entreprise au Canada : autrement dit, il n’a produit aucune preuve susceptible d’établir que l’entreprise était une entité en fonction ou qu’elle était exploitée de façon continue au Canada.

[157]       La deuxième question permettrait de trancher l’affaire uniquement si le demandeur avait pu établir, premièrement, qu’il exploitait une entreprise canadienne, et deuxièmement, qu’il possédait des éléments de preuve démontrant qu’il travaillait à temps plein. Il s’agit d’une détermination qui doit être fondée sur les faits et la Commission a conclu qu’il n’avait pas fait cette démonstration. La question n’était pas de savoir si son travail était ou non rémunéré; le problème est qu’il n’a pu démontrer quel genre de travail était fait. Comme nous l’avons vu plus tôt, certaines tâches non rémunérées peuvent être considérées comme du travail à temps plein effectué pour le compte d’une entreprise canadienne si la preuve établit qu’elles sont accomplies pour faciliter l’obtention de travail rémunéré à l’avenir ou qu’elles constituent un volet du plan d’affaires, et que la part du travail non rémunéré n’est pas disproportionnée par rapport à celle du travail rémunéré.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question n’est certifiée.

« Catherine M. Kane »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1332-13

 

INTITULÉ :

RAJENDRA GOVIND DURVE c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 AVRIL 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 15 SEPTEMBRE 2014

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Martin Anderson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Nazami & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.