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Date : 20140915


Dossier : IMM‑3702‑13

Référence : 2014 CF 868

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2014

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

ZOBON VARNEY JOHNSON

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Zobon Varney Johnson demande le contrôle judiciaire de la décision rendue par une agente d’immigration et selon laquelle il était interdit de territoire au Canada pour avoir commis un crime de guerre ou un crime contre l’humanité.

[2]               Les parties conviennent que l’agente d’immigration avait le droit de se fonder sur les conclusions de fait de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour conclure que M. Johnson était une personne décrite à l’alinéa Fa) de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés. Avant de se prononcer sur la question de l’interdiction de territoire, toutefois, l’agente d’immigration devait appuyer ses conclusions de fait sur le critère juridique approprié pour déterminer si M. Johnson était admissible au Canada. Ce qu’elle n’a pas fait.

[3]               Le défaut de l’agente de mener une véritable analyse de l’admissibilité a posé problème puisque la Cour d’appel fédérale a donné une nouvelle interprétation à la loi pour ce qui a trait à la complicité dans les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dans sa décision Ezokola c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 224, [2011] 3 F.C.R. 417, entre le moment où la Section de la protection des réfugiés a formulé une conclusion d’exclusion et le moment où l’agente d’immigration a rendu un constat d’interdiction de territoire. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

I.                   Contexte

[4]                La Section de la protection des réfugiés a accepté que M. Johnson fût né au Libéria en 1977.  Le père de M. Johnson travaillait pour les Services spéciaux de sécurité du président de l’époque, Samuel Doe. Lorsque Charles Taylor et son Front national patriotique du Libéria (NPFL) ont envahi le Libéria en 1990, M. Johnson et sa famille ont tenté de fuir le pays, mais le père de M. Johnson a été capturé et décapité.

[5]               M. Johnson, âgé de 13 ans à l’époque, a été recruté de force et obligé de se battre dans la compagnie d’enfants‑soldats (Small Boys Unit – SBU) du NPFL. Il a été promu au grade de commandant de la SBU  en 1992, grade qu’il a gardé jusqu’à la dissolution de l’organisation, en 1995. Après cela, M. Johnson a travaillé comme gardien à la résidence de Charles Taylor. En 1997, Charles Taylor est devenu président du Libéria, et M. Johnson s’est joint aux Services spéciaux de sécurité (SSS) du président où il a travaillé jusqu’en 2000.

[6]               En juillet 2000, M. Johnson a pu quitter le Libéria pour les États-Unis grâce à une bourse soccer‑études. Bien que la Commission n’ait pas accueilli sa preuve à cet égard, M. Johnson déclare qu’en 2006, il a été instruit de témoigner devant un grand jury relativement à des allégations portées au criminel contre le fils du président Taylor. Par suite de son témoignage, M. Johnson dit que d’anciens patriotes libériens lui ont fait des menaces et que le FBI a été incapable de l’aider. C’est ainsi que M. Johnson est venu au Canada avec son épouse en 2008, où tous deux ont demandé l’asile. L’épouse de M. Johnson a depuis obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention et le couple a maintenant un enfant né au Canada.  

II.                La conclusion d’exclusion de la Section de la protection des réfugiés

[7]               La Commission a rendu sa décision dans l’affaire de M. Johnson le 8 novembre 2010. À cette époque, le critère déterminant de la complicité dans les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité avait été établi par la Cour d’appel fédérale dans des décisions comme celle de Ramirez c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 CF 306, [1992] 2 A.C.F. no 109. Le critère de la complicité énoncé dans la décision Ramirez suppose « la participation personnelle et consciente à des actes de persécution » pour qu’on puisse conclure à la complicité (décision Ramirez, précitée, au paragraphe 23).

[8]               La Commission a accepté que M. Johnson avait été recruté de force comme enfant‑soldat dans la SBU du NPFL lorsqu’il avait 13 ans. Elle a également conclu que le NPFL et les SSS étaient des organisations aux fins limitées et brutales. Nul ne semble contester le fait que ces deux groupes commettaient des crimes de guerre et des crimes contre les citoyens du Libéria d’une manière systématique et généralisée. La Commission devait décider si M. Johnson avait lui‑même commis ces crimes ou en avait été complice.

[9]               Pour trancher cette question, la Commission a examiné la nature des divers rôles que M. Johnson avait tenus au sein des organisations en question ainsi que l’ampleur de sa participation aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité perpétrés par le NPFL et les SSS. La Commission a conclu que M. Johnson avait joué « un rôle important comme chef » au sein de la SBU du NPFL. Elle a également conclu qu’il était resté dans ces organisations jusqu’à ce qu’il eut 23 ans – soit pendant dix ans – et qu’il n’avait pas fait tous les efforts possibles pour quitter l’une ou l’autre de ces organisations.

[10]           Toutefois, la Commission n’a pas conclu que M. Johnson avait lui‑même directement perpétré un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, et a fait remarquer qu’il était difficile de savoir ce qu’il avait ou n’avait pas fait. Aussi la Commission a-t-elle largement fondé sa décision selon laquelle M. Johnson était complice de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité sur son inférence qu’il était sûrement au courant des atrocités commises par les organisations pour lesquelles il travaillait.

[11]           Ayant tenu compte de toutes les circonstances, la Commission a conclu que M. Johnson devait accepter sa part de responsabilité des crimes contre l’humanité commis par les partisans de Charles Taylor. Par conséquent, la Commission a conclu que M. Johnson était exclu de la définition de réfugié en application de l’alinéa 1Fa) de la Convention relative au statut de réfugié.

[12]           M. Johnson a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la Commission, mais la Cour fédérale a rejeté sa demande d’autorisation en 2011.

III.             Le constat d’interdiction de territoire de l’agente d’immigration

[13]           Après que la Commission eut accepté la demande d’asile de son épouse, M. Johnson a présenté une demande de résidence permanente au Canada en tant que membre de la famille accompagnant une personne protégée. C’est dans le cadre de sa demande de résidence de M. Johnson permanente que l’agente d’immigration a dû déterminer s’il était admissible au Canada ou s’il était interdit de territoire en vertu de l’alinéa 35(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, selon lequel un résident permanent ou un étranger est interdit de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour avoir commis, à l’extérieur du Canada, une infraction qui constituerait une infraction à une loi fédérale punissable mentionnée aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, ch. 24.

[14]           Dans son « Rapport au dossier », l’agente d’immigration a fait état de certains faits incontestés mentionnés sur le Formulaire de renseignements personnels de M. Johnson et relevé les diverses conclusions de la Commission. Elle a ensuite invoqué l’article 15b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, qui dispose ceci :

15. Les décisions ci‑après ont, quant aux faits, force de chose jugée pour le constat de l’interdiction de territoire d’un étranger ou d’un résident permanent au titre de l’alinéa 35(1)a) de la Loi :

15. For the purpose of determining whether a foreign national or permanent resident is inadmissible under paragraph 35(1)(a) of the Act, if any of the following decisions or the following determination has been rendered, the findings of fact set out in that decision or determination shall be considered as conclusive findings of fact:

[…]

[…]

b) toute décision de la Commission, fondée sur les conclusions que l’intéressé a commis un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, qu’il est visé par la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés;

(b) a determination by the Board, based on findings that the foreign national or permanent resident has committed a war crime or a crime against humanity, that the foreign national or permanent resident is a person referred to in section F of Article 1 of the Refugee Convention;

[Non souligné dans l’original.]

[my emphasis]

 

[15]           Après avoir invoqué cette disposition, l’agente a immédiatement examiné l’intérêt supérieur du jeune enfant de M. Johnson (une question que M. Johnson lui‑même n’avait pas soulevée). Elle a reconnu qu’il existait un certain degré de dépendance entre la fille et son père, mais a été convaincue que la fillette s’adapterait à ces nouvelles circonstances si M. Johnson devait quitter le Canada. L’agente a fait observer que l’épouse de M. Johnson avait un emploi rémunéré et rien n’indiquait qu’il serait impossible de faire les arrangements nécessaires pour s’assurer que la fillette ne manquerait financièrement de rien. Par conséquent, l’agente a conclu que l’intérieur supérieur de l’enfant ne serait compromis par l’absence de M. Johnson.

[16]           L’agente termine son rapport par la conclusion selon laquelle [traduction] « le demandeur est interdit de territoire en vertu de l’alinéa 35(1)a) de la Loi pour atteinte aux droits humains ou internationaux du fait d’avoir commis, hors du Canada, un acte qui constituerait une infraction mentionnée aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre ».

IV.             Question à trancher

[17]           La question déterminante en l’espèce consiste à savoir si l’agente d’immigration a fait erreur en reprenant à son compte les conclusions de la Commission quant à la complicité du demandeur dans des crimes contre l’humanité sans se livrer à une analyse indépendante des faits pour déterminer son admissibilité à la lumière des conclusions de fait de la Commission.

V.                Analyse

[18]           Pour déterminer si l’agente d’immigration a fait erreur en l’espèce, il faut tout d’abord examiner le lien entre la décision d’exclusion rendue par la Section de la protection des réfugiés et la décision d’interdiction de territoire rendue en application du paragraphe 35(1) de la LIPR. Il importe pour cela de comprendre l’alinéa 15b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

[19]           Plus exactement, il faut déterminer si, pour décider de l’admissibilité de M. Johnson au Canada, l’agente d’immigration était uniquement liée par les conclusions factuelles tirées par la Commission quant au rôle qu’avait tenu M. Johnson au sein des diverses organisations, ou si elle était également tenue par la conclusion de la Commission selon laquelle M. Johnson avait été complice de crimes contre l’humanité perpétrés par les organisations dont il était membre.

[20]           La jurisprudence de la Cour fédérale n’est pas unanime sur cette question.  Tout en reconnaissant que la question soulève des interrogations, la Cour a signalé dans Syed c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1163, 300 F.T.R. 132, que les agents d’immigration devant décider de l’admissibilité d’un demandeur en vertu de l’article 35 de la LIPR sont liés tout autant par les conclusions de fait que par les conclusions de complicité tirées par la Commission. Par ailleurs, dans la décision Abdeli c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1047, [2006] A.C.F. no 1322, la Cour a statué que les agents d’immigration ne sont liés que par les conclusions factuelles de la Commission quant aux actions d’un individu, et non par sa conclusion quant à la culpabilité juridique de l’individu (paragraphe 19).

[21]           Les parties en l’espèce conviennent que la façon dont la Cour a interprété l’alinéa 15b) du Règlement dans l’affaire Abdeli est la bonne, et je partage cet avis.

[22]           Lorsqu’elle signifie une décision d’exclusion dans le cadre d’une demande d’asile, la Commission doit d’abord tirer des conclusions de fait sur la nature de la participation du demandeur d’asile dans l’organisation en question, en tenant compte des activités particulières dans lesquelles l’individu a été impliqué. Si la Commission tient pour avéré que le demandeur a été directement impliqué dans un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, le demandeur n’a alors pas droit à la protection conférée par la Convention relative aux réfugiés, et cette conclusion de fait est généralement suffisante pour interdire l’individu de territoire aux termes du paragraphe 35(1) de la LIPR. 

[23]           Cependant, lorsque le demandeur n’a pas été directement impliqué dans la perpétration d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité, la Commission doit déterminer s’il a néanmoins été complice des crimes commis par les organisations dont il était membre. Il ne s’agit pas là simplement d’une conclusion de fait, mais d’une conclusion mixte de fait et de droit, qui nécessite l’application du critère juridique de la complicité aux faits de l’espèce que la Commission a tenus pour avérés.

[24]           L’alinéa 15b) du Règlement dispose que les décisions que prend la Commission quant aux faits dans le cadre d’une procédure d’exclusion doivent être considérées comme des conclusions de fait ayant force de chose jugée en vue de déterminer l’admissibilité selon l’article 35 de la LIPR. Cela est logique étant donné qu’on réduit ainsi l’éventualité d’une remise en cause de questions de fait qui ont déjà été tranchées par un tribunal expert dans le contexte d’une audience.

[25]           Rien de l’article 15b) du Règlement ne permet de croire que les agents sont liés par les conclusions mixtes de fait et de droit qu’a tirées la Commission. Les agents d’immigration qui doivent prendre des décisions quant à l’admissibilité doivent plutôt examiner les conclusions de fait de la Commission à la lumière des dispositions de l’article 35 de la LIPR.

[26]           Pareille analyse n’a pas été effectuée en l’espèce. L’agente a simplement repris les conclusions de fait de la Commission et a conclu que M. Johnson était interdit de territoire au Canada pour avoir porté atteinte aux droits humains et internationaux en commettant hors du Canada un acte qui constituerait une infraction à une loi fédérale punissable mentionnée aux articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Elle n’a pas cherché à déterminer la complicité de M. Johnson dans les actes perpétrés par les groupes dont il était membre.

[27]           Il est vrai que l’insuffisance des motifs d’un décideur administratif ne permet plus à elle seule de casser une décision (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708). Cependant, la Cour doit examiner les motifs fournis par le décideur, ainsi que l’issue de l’affaire, pour déterminer si la décision appartient aux issues possibles.

[28]           Bien que l’absence d’une analyse de la complicité n’invalide pas toujours une décision quant à l’admissibilité, elle pose problème en l’espèce. La Commission a précisément fait observer qu’elle était incapable de prendre une décision quant à la participation personnelle de M. Johnson à des crimes de guerre ou à des crimes contre l’humanité. Sa conclusion que M. Johnson avait été complice de ces crimes était plutôt fondée, en partie, sur la relation du demandeur avec des organisations qui avaient perpétré des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité et, en partie, sur le fait que ce dernier n’avait pas quitté les organisations lorsqu’il eut atteint l’âge adulte. Mais ce qui est plus important en l’espèce, c’est que la Commission a aussi fondé sa conclusion de complicité sur l’hypothèse que M. Johnson était sûrement au courant des atrocités commises par ces organisations dont il était membre.

[29]           Entre le moment où la Commission a rendu sa décision et le moment où l’agente d’immigration a été appelée à trancher la question de l’admissibilité de M. Johnson, la Cour d’appel fédérale a rendu une décision dans l’affaire Ezokola, précitée. Dans cet arrêt, la Cour d’appel a fait remarquer que la Commission avait fait une erreur en s’appuyant uniquement sur « la participation personnelle et consciente » de crimes commis par les organisations pour justifier une conclusion de complicité, insistant ainsi sur le fait que la connaissance des crimes ne pouvait en soi soutenir une conclusion de complicité (paragraphe 77). Comme l’a signalé la Cour d’appel,  « [a]lors que la connaissance personnelle des crimes est l’un des éléments requis pour qu’il y ait “participation personnelle et consciente”, seule la participation ainsi décrite, si établie selon la norme de preuve applicable, peut soutenir une conclusion de complicité » (paragraphe 75).  

[30]           Faute d’une analyse de l’agente d’immigration, il est impossible de savoir si son constat d’interdiction de territoire était fondé sur la même erreur qu’a relevée la Cour d’appel fédéral dans la décision Ezokola. La décision de l’agente ne satisfait donc pas aux critères de justification, de transparence et d’intelligibilité du processus décisionnel qui servent à déterminer si une décision est raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 R.C.S. 190.

VI.             L’affaire devrait-elle être renvoyée pour nouvel examen?

[31]           Le ministre soutient que si je devais conclure que l’agent d’immigration a fait erreur, je devrais néanmoins refuser de renvoyer cette affaire pour nouvel examen puisque l’issue sera inévitablement la même vu les conclusions de fait tirées par la Commission quant au rôle de premier plan que M. Johnson a joué au sein de la compagnie des enfants‑soldats et à son implication dans les activités du Front patriotique national du Libéria et des Services spéciaux de sécurité.

[32]           Le contrôle judiciaire est un recours discrétionnaire et il peut être justifiable pour la Cour de refuser d’accorder ce recours « lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir » (Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada–Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, au paragraphe 53, [1994] A.C.F. no 14; Yassine c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 172 N.R. 308, au paragraphe 9, [1994] A.C.F. no 949 (C.A.F.)).

[33]           Il ne s’agit pas de cela en l’espèce. Le droit en matière de complicité a considérablement évolué depuis que l’agente d’immigration a décidé que M. Johnson était interdit de territoire, et tout nouvel examen de la question de l’admissibilité de M. Johnson devrait donc être effectué selon les nouvelles exigences de la loi.

[34]           Par suite de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, [2013] 2 R.C.S. 678, le critère pour juger de la complicité est désormais beaucoup plus strict que le critère énoncé dans la décision Ramirez, étant donné qu’il élimine la possibilité d’une « complicité par association ». Il serait plus conforme à l’intention du législateur de renvoyer cette question au décideur expert à qui a été confiée la responsabilité de déterminer l’admissibilité afin qu’il réexamine la question de l’admissibilité de M. Johnson au Canada à la lumière du critère actuel de complicité.

VII.          Faudrait-il donner des directives quant à l’intérêt supérieur de l’enfant?

[35]           M.  Johnson fait aussi valoir qu’il était injuste pour lui que l’agente statue sur l’intérêt supérieur de sa fille sans d’abord l’informer de son intention de le faire et sans lui donner la possibilité de présenter des observations à cet égard. Il demande également, si l’affaire est renvoyée pour nouvel examen, que la Cour donne des directives pour que l’agent soit tenu de réexaminer la question de l’intérêt supérieur de son enfant. M. Johnson soutient que ces directives s’imposent étant donné que l’article 25.1 de la LIPR a récemment été modifié de manière à ce que les considérations d’ordre humanitaire, y compris l’intérêt supérieur de l’enfant, ne soient pas prises en compte dans les cas d’interdiction de territoire prévus à l’article 35 de la Loi.   

[36]           Je ne suis pas disposée à formuler pareille directive. L’agente a tenu compte de l’intérêt supérieur de la fille de M. Johnson de son propre chef. Rien ne l’y obligeait en l’absence d’une demande expresse de M. Johnson, et rien ne l’obligeait non plus à chercher à obtenir de l’information de M. Johnson au sujet du meilleur intérêt de son enfant (Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 623, aux paragraphes 39 et 40, 434 F.T.R. 69). C’est plutôt à ceux qui fondent leur demande sur des motifs d’ordre humanitaire qu’il incombe de fournir une preuve à l’appui de leur allégation (Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 5, [2004] R.C.F. 635).

[37]           N’ayant pas demandé que les considérations humanitaires soient prises en compte au départ, M. Johnson ne devrait pas se trouver maintenant dans une meilleure position que cela n’aurait été le cas autrement.

VIII.       Conclusion

[38]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La question de l’admissibilité de M. Johnson au Canada est renvoyée à un autre agent d’immigration pour réexamen conformément aux présents motifs ainsi qu’à l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ezokola. Je conviens avec les parties que l’affaire ne soulève pas de question aux fins de certification.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La présente demande est accueillie. La question de l’admissibilité de M. Johnson au Canada est renvoyée à un autre agent d’immigration pour réexamen conformément aux présents motifs et à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ezokola.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Marie-Michèle Chidiac, trad. a.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3702‑13

 

INTITULÉ :

ZOBON VARNEY JOHNSON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 AOÛT 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 SEPTEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Maureen Silcoff

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Kareena R. Wilding

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Silcoff, Shacter

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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