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Date : 20140902


Dossier : T‑700‑13

Référence : 2014 CF 833

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 septembre 2014

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

VILLE DE TERRACE

ET

CONSEIL DE LA BANDE DE KITASOO

demandeurs (défendeurs reconventionnels)

et

URBAN DISTILLERIES INC.

défenderesse (demanderesse reconventionnelle)

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une requête en jugement sommaire présentée par la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo [les requérants], en vertu des articles 213, 214 et 215 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, contre Urban Distilleries Inc. La requête s’inscrit dans le cadre d’une demande reconventionnelle et d’une défense déposée par Urban Distilleries Inc. en réponse à l’action en contrefaçon de marque de commerce présentée par la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo.

[2]               La ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo revendiquent la propriété de la marque officielle publiée SPIRIT BEAR, en tant que mots servant de marque, en vertu du sous‑alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 [la Loi]. La ville de Terrace a fait valoir son droit sur les mots SPIRIT BEAR comme étant sa marque officielle avant le conseil de la bande de Kitasoo; elle a demandé cette marque le 26 novembre 2003 ou vers cette date, bien que l’avis public n’en ait été donné que le 21 janvier 2004 (marque officielle no 915,508). Le conseil de la bande de Kitasoo a, pour sa part, présenté sa demande pour la marque SPIRIT BEAR vers novembre 2006 et l’avis public a été publié le 20 décembre 2006 (marque officielle no 918,006). Il semble y avoir eu un certain désaccord entre les parties sur la question de savoir laquelle d’entre elles a le droit de revendiquer la propriété de la marque SPIRIT BEAR, mais elles se partagent maintenant cette marque aux termes d’un contrat de licence. Elles ont également octroyé des licences d’emploi de la marque SPIRIT BEAR à des tiers.

[3]               Urban Distilleries Inc. vend ses produits par l’entremise de magasins d’alcool en Colombie‑Britannique, ainsi qu’à sa distillerie de la vallée de l’Okanagan et en ligne. Mike Urban est le seul administrateur d’Urban Distilleries Inc. Urban Distilleries Inc. fabrique depuis janvier 2011des spiritueux sous les marques de commerce non déposées SPIRIT BEAR VODKA, SPIRIT BEAR GIN et SPIRIT BEAR ESPRESSO INFUSED VODKA. Ces mots servant de marque figurent souvent à côté de l’illustration d’un ours Kermode (aussi appelé ours Esprit) dans sa publicité et sur ses emballages. Sur ses emballages, on trouve en grosses lettres, en caractères gras, la marque URBAN DISTILLERIES indiquant clairement la provenance du produit. L’emballage se résume aux mots suivants : « SPIRIT BEAR GIN URBAN DISTILLERIES », « SPIRIT BEAR VODKA URBAN DISTILLERIES » et « SPIRIT BEAR ESPRESSO INFUSED VODKA URBAN DISTILLERIES » sous une forme ou une autre.

[4]               En 2010, Urban Distilleries Inc. a présenté une demande concernant la marque de commerce SPIRIT BEAR VODKA. Le 26 janvier 2011, la marque a franchi avec succès l’étape de l’examen et est passée à celle de la publication de l’annonce de l’enregistrement de la marque de commerce. La ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo se sont opposés à l’enregistrement de la marque. Urban Distilleries ne s’est pas défendue et la marque a été réputée abandonnée en septembre 2011. Urban Distilleries affirme qu’elle n’a pas contesté l’opposition pour cause de manque de fonds. Il convient de signaler qu’un abandon ne signifie pas que le registraire des marques de commerce a conclu que la marque SPIRIT BEAR VODKA n’était pas enregistrable; en fait, pour qu’une marque franchisse avec succès l’étape de l’examen, l’examinateur doit avoir conclu que la marque ne crée de conflit avec aucune marque déposée ou marque officielle. Urban Distilleries Inc. estime qu’elle pourrait continuer à utiliser des marques non déposées mettant en vedette un ours Kermode ou les mots « SPIRIT BEAR » sur ses produits et que la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo n’avaient aucun droit opposable.

[5]               Le 22 août 2013, les requérants ont introduit la présente action en vue d’obtenir une injonction contre Urban Distilleries Inc. Dans le cadre de la réparation qu’ils sollicitent, la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo ont également exigé qu’Urban Distilleries Inc. détruise ses produits ne se trouvant pas déjà dans sa chaîne de distribution et qu’elle renonce aux profits réalisés grâce à la vente de ses produits arborant la marque SPIRIT BEAR sous quelque forme que ce soit. Le 9 octobre 2013, Urban Distilleries Inc. a déposé une défense et demande reconventionnelle dans laquelle elle alléguait notamment que les marques officielles SPIRIT BEAR ne lui étaient pas opposables, étant donné qu’elles n’avaient jamais été adoptées ou employées avant de faire l’objet d’un avis public, que la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo ne sont pas des autorités publiques ayant droit à des marques officielles et, enfin, que l’emploi de SPIRIT BEAR GIN et de SPIRIT BEAR VODKA n’est pas susceptible d’induire le public en erreur au sens du paragraphe 9(1) de la Loi et qu’il ne crée aucune confusion. Urban Distilleries invoque également la prescription en plus de faire valoir la préclusion et le manque de diligence en faisant valoir que la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo n’ont jusqu’ici pas cherché à faire valoir leur marque officielle contre Urban Distilleries Inc.

[6]               Le 29 avril 2014, la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo ont déposé la présente requête en vue d’obtenir un jugement sommaire. Les requérants demandent à la Cour de se prononcer sur diverses questions, et notamment sur les suivantes : 1) Les demandeurs sont‑ils des autorités publiques ayant droit à l’enregistrement d’une marque officielle en vertu du sous‑alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi? 2) Les demandeurs ont‑ils démontré qu’ils avaient adopté et employé les marques à compter de la date déterminante, en l’occurrence la date de publication de la marque officielle? 3) Les marques non déposées d’Urban Distilleries correspondent‑elles à la marque officielle SPIRIT BEAR des demandeurs ou y ressemblent‑elles au point d’être vraisemblablement confondues avec celle‑ci au sens du paragraphe 9(1) de la Loi? 4) Les moyens tirés de la prescription, de la préclusion ou du manque de diligence s’appliquent‑ils?

[7]               La Cour a récemment résumé le critère applicable aux requêtes en jugement sommaire dans le jugement Collins c Sa Majesté la Reine, 2014 CF 307, aux paragraphes 28 à 31. La Cour ne peut faire droit à une requête en jugement sommaire que si elle est convaincue qu’il n’existe pas de véritables questions litigieuses à instruire. La Cour doit se demander si les arguments sont tellement faibles ou de toute évidence dénués de tout fondement qu’ils ne méritent pas d’être examinés dans le cadre d’un procès. La Cour peut trancher des questions de fait et de droit si elle est en mesure de le faire à partir des éléments portés à sa connaissance. Le rôle de la Cour ne consiste pas à trancher les questions de fait à l’égard desquels il existe un véritable différend. Il incombe à la partie requérante de démontrer qu’il n’existe pas de véritables questions litigieuses et qu’elle a par conséquent droit à un jugement sommaire. Lorsqu’elle est saisie d’une telle requête, la Cour peut à juste titre tenir pour acquis que les parties ont présenté leurs meilleurs arguments en ce qui concerne la preuve présentée (The Rude Native Inc c Tyrone T Resto Lounge, 2010 CF 1278). Une partie ne peut se soustraire à un jugement sommaire en se contentant d’affirmer que de meilleurs éléments de preuve seraient soumis au procès.

[8]               J’ai examiné les éléments de preuve et les arguments à la lumière des observations qui ont été présentées oralement et par écrit à l’audience. Je ne me prononcerai pas sur la question de la prescription et de la confusion et je ne trancherai pas non plus la question de savoir si le conseil de la bande de Kitasoo constitue une « autorité publique » au sens du sous‑alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi. Bien que plusieurs questions intéressantes aient été soulevées, la question déterminante en l’espèce est celle de savoir si la ville de Terrace ou le conseil de la bande de Kitasoo ont démontré qu’ils avaient adopté ou employé la marque à compter de la date de la publication de la marque officielle par le registraire de marques de commerce. Si la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo n’ont pas démontré qu’ils ont adopté ou employé la marque, la Cour fédérale peut déclarer inopposable la marque de commerce dont ils revendiquent la propriété et déclarer qu’elle ne donne lieu à aucun droit ou obligation (FileNET Corp c Canada (Registraire des marques de commerce), [2002] 1 CF 266 (CF 1re inst), aux paragraphes 39 à 45; Piscitelli c Régie des alcools de l’Ontario, [2002] 1 CF 247 (CF 1re inst), aux paragraphes 17 à 22).

[9]               Une marque officielle n’est pas déposée : elle est publiée en vue de donner avis au public. Il s’ensuit que la procédure habituelle de radiation ne s’applique pas. On attaque plutôt une marque officielle soit au moyen d’une action, en affirmant que l’autorité publique ne satisfaisait pas aux exigences de la publication au moment de la publication de la marque par le registraire, soit au moyen d’une demande de contrôle judiciaire ou d’un appel interjeté en vertu de la Loi sur les marques de commerce à l’encontre de la décision, par le registraire des marques de commerce, de publier la marque officielle (Sullivan Entertainment Inc c Anne of Green Gables Licensing Authority Inc (2000), 195 FTR 199, [2000] ACF no 1683; Princess Group Inc c Canadian Standards Association, 2009 CF 926, aux paragraphes 6, 18 et 21). Une partie comme Urban Distilleries peut également se défendre contre une demande d’injonction, soit en demandant une suspension et en introduisant une demande de contrôle judiciaire, soit en présentant une demande reconventionnelle, comme elle l’a fait en l’espèce.

[10]           L’obligation d’adoption et d’emploi découle du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi. En voici le libellé :

9.(1) Nul ne peut adopter à l’égard d’une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit : […]

 

9.(1) No person shall adopt in connection with a business, as a trade-mark or otherwise, any mark consisting of, or so nearly resembling as to be likely to be mistaken for, […]

 

n) tout insigne, écusson, marque ou emblème : […]

(n) any badge, crest, emblem or mark […]

 

(iii) adopté et employé par une autorité publique au Canada comme marque officielle pour des marchandises ou services, […]

 

iii) adopted and used by any public authority, in Canada as an official mark for wares or services, […]

 

à l’égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté ou de l’université ou autorité publique, selon le cas, a donné un avis public d’adoption et emploi;

in respect of which the Registrar has, at the request of Her Majesty or of the university or public authority, as the case may be, given public notice of its adoption and use.

[11]           L’adoption est un critère peu exigeant; il suffit pour l’intéressé de déclarer qu’il a adopté la marque. L’analyse est axée sur l’emploi qui est fait relativement à des marchandises ou à des services. Il est maintenant de jurisprudence constante que, pour satisfaire à l’exigence législative de l’adoption et de l’emploi, il suffit que l’autorité publique démontre que la marque officielle a été publiquement exposée avant la publication (Cable Control Systems Inc c Office de la sécurité des installations électriques, 2012 CF 1272, au paragraphe 14, citant le jugement See You In – Canadian Athletes Fund Corp c Comité olympique canadien, 2007 CF 406, au paragraphe 48, conf. par 2008 CAF 124). Cet emploi ne peut être abstrait. Il doit être associé à une marchandise ou à un service particulier, et il faut établir l’existence d’un lien entre, d’une part la marchandise ou le service et, d’autre part, la marque. Est assimilée à une exposition publique la publication d’une marque sur un site Internet en liaison avec un service particulier tel que le service NETFILE de l’Agence du revenu du Canada, un service permettant de produire sa déclaration de revenus en ligne (FileNET Corp c Canada (Registraire des marques de commerce), 2002 CAF 418). On a également conclu à l’emploi dans le cas de la publication de l’annonce d’un service et de son logo dans un bulletin d’information public contenant la marque ainsi que l’illustration graphique de la marque (Cable Control Systems Inc, précité). Il n’y a toutefois pas emploi d’une marque lorsqu’on ne peut distinguer celle‑ci du texte qui l’accompagne (Piscitelli, précité, aux paragraphes 40 et 41). Une marque n’est également pas considérée comme étant employée en liaison avec une marchandise ou à un service si elle est employée uniquement dans des communications internes comme, par exemple, lorsqu’elle est apposée sur des ensembles de stylo et de lampe de poche qui n’ont pas encore été distribués au public (See You In, 2008 CAF 124, précité, au paragraphe 5).

[12]           Dans le cas qui nous occupe, les requérants, la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo, ont présenté leurs meilleurs éléments de preuve sur l’adoption et l’emploi antérieur. Il nous faut présumer qu’il s’agit des seuls éléments de preuve qui seraient présentés au procès. La date à retenir en ce qui concerne l’emploi des marchandises et des services par la ville de Terrace est le 21 janvier 2004, tandis que, dans le cas du conseil de la bande de Kitasoo, c’est le 20 décembre 2006.

[13]           En particulier, la ville de Terrace a présenté un extrait du site Web de la ville où il est question des ours Kermode. On y voit un tout petit ours blanc en relief sur la bannière gauche de la page Web. Le site Web ne mentionne pas les mots SPIRIT BEAR en tant que marque en liaison avec les services fournis par la ville. La ville a également présenté diverses communications qui doivent toutes être qualifiées de communications internes. La ville a soumis une note de service datée du 20 octobre 2003 dans laquelle le service des incendies reçoit pour directive de mentionner les mots « SPIRIT BEAR » dans sa correspondance. La note de service interne illustre un ours blanc en relief au-dessus de la mention « The City of Terrace » dans le coin supérieur droit. La ville a déposé un modèle de lettre daté du 27 octobre 2003 sur lequel on voit divers noms d’ours au bas de la lettre (quatre noms d’ours en texte ordinaire), ainsi que le logo d’un ours en relief blanc au‑dessus de la mention « The City of Terrace ». Enfin, la ville a versé au dossier une lettre adressée à l’avocat spécialisé en marques de commerce de la ville de Terrace lui demandant d’enregistrer les marques KERMODEI BEAR, MERMODE BEAR, SPIRIT BEAR, et MOKSGM’OL. Cette lettre énumère les mêmes noms d’ours au bas de la page en texte ordinaire que la lettre du 27 octobre 2003 et comporte, sur une autre partie de la page, le logo de l’ours en relief. La ville a déposé un affidavit complémentaire souscrit par Mme Alisa Thompson, une administratrice de la ville. Mme Thompson affirme que depuis 2003, toute la correspondance de la ville arbore la marque SPIRIT BEAR. Pour appuyer ses dires, Mme Thompson renvoie à la lettre adressée à l’avocat spécialisé en marques de commerce de la ville.

[14]           Après avoir examiné attentivement la preuve présentée par la ville, je ne puis conclure qu’elle satisfait aux exigences de la Loi pour qu’on puisse conclure à un emploi en liaison avec des marchandises ou des services. L’enregistrement de la marque officielle appartenant à la ville concerne les mots « SPIRIT BEAR ». Lorsqu’on examine la correspondance interne, on ne sait pas avec certitude si les mots « SPIRIT BEAR », que l’on trouve sur le papier à en‑tête parmi plusieurs autres noms d’ours, sont utilisés comme marque officielle pour désigner la ville ou s’il s’agit simplement d’une décoration sur le papier à en‑tête. Ces mots ne semblent pas posséder les caractéristiques distinctives d’une marque. La note de service adressée au service des incendies est une note interne et on ne sait pas avec certitude si le modèle de lettre du 27 octobre 2003 a effectivement été envoyé à des citoyens ou non. Il n’y a, en premier lieu, pas d’exposition au public et, en second lieu, aucun élément de preuve qui permettrait de penser que SPIRIT BEAR a été utilisé comme marque au sens traditionnel. La page Web sur les ours Kermode ne mentionne pas SPIRIT BEAR en tant que marque. Elle ne constitue pas une preuve d’emploi de ces mots comme marque en liaison avec des marchandises ou des services. Bien que l’auteure de l’affidavit affirme que les marques ont été employées publiquement, les éléments de preuve présentés n’appuient pas ses dires.

[15]           Le conseil de la bande de la bande de Kitasoo revendique également la propriété d’une marque officielle. L’ours Kermode est également connu sous le nom d’« ours Esprit ». Il s’agit d’une sous-espèce rare de l’ours noir au pelage blanc. Il n’y a aucun doute que l’ours Kermode joue un rôle important aux yeux de nombreux groupes autochtones. L’auteur de l’affidavit Douglas Neasloss, qui fait partie du conseil de bande de Kitasoo, affirme que l’ours Kermode fait partie de la culture de la bande depuis des générations. On a déposé en preuve l’extrait du journal du chef héréditaire Ernest Mason père. Il s’agit de ouï‑dire. L’extrait de ce journal a été photocopié le 21 octobre 2013, selon Larry Greba, qui a inscrit à la main cette date sur la photocopie. Larry Greba n’a pas souscrit d’affidavit dans le cadre de la présente instance. L’inscription ne porte pas de date et n’est pas contemporaine; on ne sait pas quand les faits mentionnés se seraient produits. L’auteur de l’affidavit affirme qu’ils se sont produits en 2002. L’extrait du journal parle de la sculpture d’un masque d’ours Kermode, d’une composition intitulée [traduction] « Chant pour l’ours Kermode » et d’un ours Kermode en chair et en os visitant le site d’une réplique d’une grande maison nouvellement érigée. Bien que l’ours Kermode soit important dans la culture des Kitasoo, cela ne suffit pas pour qu’il y ait emploi associé à des marchandises ou à des services dans la mesure où cela est envisagé pour une marque officielle.

[16]           À titre d’élément de preuve complémentaire, le conseil de la bande de Kitasoo a présenté un bulletin d’information de Klemtu Tourism Ltd., qui n’est toutefois partie à la présente instance. L’utilisation des mots SPIRIT BEAR dans cette publication n’est pas associée à une marque; on y trouve plutôt l’intitulé « Spirit Bears of the Kitasoo/Xaixais Territory ». L’article parle bien d’une « Spirit Bear Quest », une excursion offerte par Klemtu Tourism pour observer les ours Kermode et les ours Grizzly et en apprendre davantage à leur sujet. Ce bulletin d’information ne porte aucune date. Il porte également un autre titre, « Spirit Bear Quest » en plus du dessin d’un ours Kermode. On y propose une excursion de cinq jours. Parmi les autres excursions annoncées, mentionnons : « Waters of the Kitasoo » et « Fjordlands Discovery Weekend ». Différents prospectus sont offerts. L’auteur de l’affidavit affirme que ces prospectus remontent à 2001, 2002 et 2003, comme le confirment les dates de 2001 et 2003 qu’on retrouve sur deux d’entre eux. L’un de ses prospectus mentionne, en forme abrégée, « Spirit Bear Tours », tandis que les deux autres indiquent : « Spirit Bear Quest: Kermode bear viewing ». Il s’agit dans tous les cas d’excursions de cinq jours. Les brochures de Klemtu Tourism Ltd. ont une force probante très limitée, s’agissant de l’emploi des mots SPIRIT BEAR par le conseil de la bande de Kitasoo en tant que marque officielle. Étant donné qu’aucun élément de preuve n’a été présenté au sujet des liens qui existent entre le conseil de la bande de Kitasoo et Klemtu Tourism Ltd., je ne puis conclure que le conseil de la bande de Kitasoo a employé ces marques sur ces publications. De plus, la façon dont les mots « Spirit Bear » sont employés sur le bulletin d’information ne permet pas de les distinguer du texte qui accompagne l’illustration; ils se présentent plutôt sous la forme d’un titre. En ce qui concerne les prospectus, l’emploi des mots « Spirit Bear » s’accompagne toujours des mots « Quest » ou « Tour ». Il ne semble pas qu’il s’agisse du type d’emploi visé par une marque officielle. Autrement, il s’agirait de l’emploi de la marque SPIRIT BEAR QUEST ou SPIRIT BEAR TOUR et non de la marque SPIRIT BEAR. Il ne s’agit pas de l’emploi des mots SPIRIT BEAR exigé pour l’enregistrement d’une marque officielle.

[17]           Les requérants n’ont pas convaincu la Cour qu’un jugement sommaire pourrait être rendu en leur faveur. Le simple fait d’annoncer des marchandises ou des services en liaison avec la marque sur un site Web public est acceptable. Toutefois, il doit être évident que la marque est effectivement employée comme marque officielle et non comme un des éléments d’une lettre indiquant une série de noms d’ours, comme dans le cas de la correspondance de la ville, ou comme un des éléments du nom d’une excursion, comme dans le cas de la brochure d’excursion de Klemtu Tourism Ltd. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et des arguments présentés à l’appui de la présente requête en jugement sommaire, je conclus que la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo n’ont pas présenté d’éléments de preuve démontrant que la marque était « employée » en liaison avec des marchandises ou des services à compter des dates pertinentes.

[18]           Certes, la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo ont, depuis la publication, employé la marque SPIRIT BEAR de diverses façons, notamment en accordant des licences autorisant des tiers à l’employer. Rien n’empêche la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo de présenter une nouvelle demande relativement à ces marques officielles. Toutefois, il leur faudrait utiliser la nouvelle date de publication par le registraire advenant le cas où elles intenteraient une nouvelle action.

[19]           En conclusion, les deux marques officielles portant les numéros 915,508 et 918,006 sont inopposables et ne donnent lieu à aucun droit ou interdiction en vertu des articles 9 et 11 de la Loi. Compte tenu de ce résultat, les dépens sont adjugés à la défenderesse.


JUGEMENT

LA COUR REFUSE DE PRONONCER les jugements déclaratoires et les ordonnances réclamés par la ville de Terrace et le conseil de la bande de Kitasoo dans leur requête en jugement sommaire et ACCUEILLE la demande reconventionnelle d’Urban Distilleries Inc.; DÉCLARE que les marques officielles nos 915,508 et 918,006 sont inopposables et ne donnent lieu à aucun droit ou obligation en vertu des articles 9 et 11 de la Loi sur les marques de commerce, le tout avec dépens en faveur d’Urban Distilleries Inc.

« Luc Martineau »

Juge

Traduction certifiée conforme

S. Tasset

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑700‑13

 

INTITULÉ :

VILLE DE TERRACE ET CONSEIL DE LA BANDE DE KITASOO c URBAN DISTILLERIES INC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 AOÛT 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE MaRTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 SEPTEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Me Douglas B. Thompson

 

POUR LES demandeurs

(défendeurs reconventionnels)

 

Me James J.D. Wagner

 

PoUR LA DÉFENDERESSE

(demanderesse reconventionnelle)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thompson Cooper LLP

Victoria (Colombie-Britannique)

 

PoUR LES demandeurs

(défendeurs reconventionnels)

 

Magellan Law Group LLP

Langley (Colombie-Britannique)

 

PoUR LA DÉFENDERESSE

(demanderesse reconventionnelle)

 

 

 

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