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Date : 20140915

Dossier : IMM-7762-13

Référence : 2014 CF 878

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2014

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

AMADOU DIAROUGA DIALLO

demandeur

Et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur conteste la légalité d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [Tribunal] déterminant qu’il n’a pas la qualité de réfugié ou de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [Loi].

[2]               Le demandeur est un citoyen guinéen d’ethnie peule. Il allègue que son père était un proche de l’ancien président de la Guinée et qu’en janvier 2007, son père, son oncle et lui-même ont été arrêtés par la garde présidentielle sous prétexte que son père avait été impliqué dans une tentative de renversement. À cette occasion, le demandeur est blessé par une balle (mollet gauche). Le demandeur et son oncle seront libérés, mais le père du demandeur (mort depuis) demeurera en résidence surveillée. Le demandeur arrive au Canada le 25 août 2007 muni d’un visa étudiant pour étudier à l’Université de Moncton. Il demande l’asile le 11 novembre 2010, mais sa demande est rejetée le 21 octobre 2013 parce qu’il n’a pu établir son identité et, subsidiairement, parce que son histoire n’est pas crédible et qu’il a trop tardé à faire sa demande d’asile.

[3]               C’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique en l’espèce. La question de l’identité est déterminante, car le Tribunal n’est pas tenu d’évaluer le mérite de la demande d’asile si le demandeur ne peut prouver son identité. La présente demande de contrôle judiciaire m’apparaît non fondée.

[4]               Le demandeur reproche notamment au Tribunal d’avoir arbitrairement écarté le certificat de décès et la déclaration de décès de son père, un certificat médical du demandeur et un mandat d’arrêt émis à l’encontre du père. Ces documents n’établissent pas que le demandeur est bien la personne qu’il dit être. Force est de constater que ces preuves ont toutes été examinées et que leur valeur probante a été discutée par le Tribunal dans sa décision. D’ailleurs, les circonstances et l’endroit où le père du demandeur est mort posent problème. Au demeurant, une déclaration de décès ou un rapport de police ne constituent pas des documents d’identité primaires ou secondaires, tels un passeport ou un permis de conduire, et ne sont donc pas suffisants en eux‑mêmes pour établir l’identité du demandeur (Diarra c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 123 aux paras 28-30).

[5]               En l’espèce, le demandeur dit avoir déjà fourni des photocopies de son passeport, de son visa, de sa carte d’étudiant et de son acte de naissance au bureau de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] de Moncton, qui était satisfait de son identité. Il n’empêche, le Tribunal n’est pas lié par la détermination d’identité faite par le bureau de CIC (Jackson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1098 au para 34; Matingou-Testie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 389 au para 27). Lors de la première audience, le 23 mai 2013, le Tribunal a justement accordé une remise d’audience au demandeur pour lui permettre de présenter des documents d’identité acceptables, alors qu’il disait posséder un permis de conduire, un extrait de naissance et une photocopie d’un passeport perdu qu’il pourrait soumettre. Pourtant, lors de la deuxième audience, le 5 septembre 2013, le demandeur s’est contenté de déposer un permis de conduire international de la Guinée (émis d’ailleurs après l’audience du 23 mai 2013) et une lettre de l’ambassade de la Guinée au Canada indiquant ne pas délivrer des documents de voyage. Malgré tout, le Tribunal a accepté le dépôt tardif de trois nouvelles pièces d’identité, soit des photocopies du passeport perdu, de l’extrait de naissance et de la carte étudiante du demandeur, mais ne leur a accordé aucune valeur probante. Le permis de conduire n’était pas authentique à sa face même – puisque la photo a été apposée sur le sceau. Le Tribunal ne croyait pas non plus que le demandeur avait perdu son passeport. L’acte de naissance ne contenait aucun élément de sécurité tandis que la photocopie de la carte étudiante ne permettait pas de distinguer la photo. Le demandeur me n’a pas convaincu du caractère capricieux ou autrement déraisonnable de ces motifs.

[6]               Or, le Tribunal est mieux placé que la Cour pour déterminer si les explications fournies pour ne pas produire des papiers d’identité acceptables sont raisonnables. L’article 106 de la Loi prescrit :

106. La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s’agissant de crédibilité, le fait que, n’étant pas muni de papiers d’identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n’a pas pris les mesures voulues pour s’en procurer.

106. The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.

 

[7]               L’article 11 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256 [Règles], reprend les mêmes principes :

11. Le demandeur d’asile transmet des documents acceptables qui permettent d’établir son identité et les autres éléments de sa demande d’asile. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour se procurer de tels documents.

11. The claimant must provide acceptable documents establishing their identity and other elements of the claim. A claimant who does not provide acceptable documents must explain why they did not provide the documents and what steps they took to obtain them.

 

[8]               De plus, un demandeur d’asile qui a soumis une photocopie doit, de façon générale, transmettre au Tribunal l’original du document au plus tard au début de la procédure au cours de laquelle le document sera utilisé (paragraphe 42(1)b) des Règles; Hernandez Flores c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1138 au para 7 [Hernandez Flores]). Dans le cas présent, les originaux des documents d’identité invoqués en l’espèce n’ont pas été soumis par le demandeur.

[9]               Le demandeur allègue que le Tribunal n’a pas respecté la présomption de validité des documents d’identité émis par des autorités étrangères, en concluant arbitrairement que le permis de conduire n’était pas authentique. Le défendeur rétorque que le Tribunal n’avait pas l’obligation de faire expertiser le permis de conduire puisqu’il avait de bonnes raisons de conclure que le document n’était pas valide, car la photo du demandeur avait été apposée sur le sceau et non en dessus.  Je suis d’accord avec le défendeur. Dans l’affaire Diarra, précitée, au para 24, la Cour note que lorsqu’une altération apparaît à la face même du document, le Tribunal peut ne lui accorder aucune valeur probante.

[10]           Selon le demandeur, en n’accordant aucune valeur probante à la photocopie du passeport et du visa canadien du demandeur, le Tribunal a rejeté l’authenticité du visa et a arbitrairement insinué que le consulat canadien d’Abidjan délivre de faux visas. De son côté, le défendeur allègue que le Tribunal pouvait ne pas accorder de valeur probante à cette photocopie puisqu’elle est incomplète et ne contient que quatre pages du passeport. Je suis d’accord avec le défendeur. Contrairement à ce qui est avancé par le demandeur, le Tribunal ne s’est pas prononcé sur l’authenticité du passeport ou du visa. Plutôt, le Tribunal n’a accordé aucune valeur probante à la pièce déposée, qui n’est pas un original, mais une photocopie, puisqu’elle est incomplète et puisque le Tribunal n’a pas cru le demandeur lorsqu’il dit avoir perdu son passeport dans des circonstances justifiant un questionnement légitime du Tribunal. Il était loisible au Tribunal de tirer une conclusion défavorable de l’absence des originaux et du retard du demandeur et de ne pas accorder de valeur probante à une photocopie incomplète (Hernandez Flores, précité, au para 10).

[11]           En considérant l’ensemble des motifs de la décision, la conclusion du Tribunal selon laquelle le demandeur n’a pas démontré son identité est transparente, intelligible et appartient aux issues possibles acceptables eu égard aux faits et au droit applicable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, 2008 CSC 9 au para 47), de sorte que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[12]           Les procureurs n’ont soulevé aucune question de droit d’importance générale et aucune question ne sera certifiée par la Cour.
JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7762-13

 

INTITULÉ :

AMADOU DIAROUGA DIALLO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 septembre 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 15 septembre 2014

 

COMPARUTIONS :

Me Angelica Pantiru

 

Pour le demandeur

 

Me Sherry Rafai Far

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Angelica Pantiru

Avocate

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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