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Date : 20140912


Dossier : IMM-750-13

Référence : 2014 CF 867

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 septembre 2014

En présence de monsieur le juge de Montigny

ENTRE :

JASVINDER SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, à l’égard de la décision par laquelle l’agent d’examen des risques avant renvoi R. Gawlick (l’agent) a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) de Jasvinder Singh (le demandeur). La décision a été rendue le 9 mars 2011, mais elle n’a été communiquée au demandeur que le 18 décembre 2012.

[2]               Pour les motifs qui suivent, j’en suis venu à la conclusion que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.

I.                   Les faits

[3]               Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Il est marié et il a deux enfants. Il n’a pas de famille au Canada.

[4]               Le demandeur allègue que son cousin Manjit était mêlé aux activités de contrebandiers. Manjit a été arrêté et torturé par la police en 2002 et en 2003, mais il a été remis en liberté dans les deux cas, après avoir soudoyé la police. Selon le demandeur, Manjit a continué de faire l’objet de harcèlement et il a ultimement quitté le pays en août 2003 sans en informer qui que ce soit.

[5]               Le demandeur mentionne qu’il a signalé l’affaire à la police, mais que les policiers lui ont répondu que Manjit avait probablement rejoint les contrebandiers. Ils ont ajouté les noms de Manjit et du demandeur à une liste de présumés militants. Les policiers ont aussi commencé à poser des questions aux membres de la famille du demandeur.

[6]               Le demandeur allègue qu’en octobre 2005, soit après qu’il eût dit à la police qu’il ne savait rien à propos de Manjit, il a été conduit au poste de police et qu’il y a été torturé. Il a ultimement été remis en liberté après qu’on eût soudoyé la police.

[7]               Certains des militants arrêtés par la police ont confessé qu’ils avaient des liens avec le demandeur, ce qui soulevait des doutes supplémentaires quant au fait que le demandeur était mêlé aux activités des militants. On a dit à sa famille que le défaut du demandeur de se rendre au poste de police aurait des conséquences.

[8]               Après le départ du demandeur en direction du Canada, son père a été arrêté et torturé, en vue que les autorités mettent éventuellement la main sur le demandeur.

[9]               Le 9 juin 2006, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté la demande d’asile du demandeur, au motif qu’il pouvait se réclamer de la protection de l’État. Le demandeur a eu l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire, mais sa demande a finalement été rejetée par le juge Noël le 9 février 2007 (Singh Sran c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 145).

[10]           Le demandeur a ensuite présenté une demande d’ERAR, dans laquelle il avait produit, à titre de nouvelle preuve, divers affidavits et lettres rédigés par des membres de sa famille et des connaissances. Il a aussi produit des copies des rapports découlant des plaintes que son père avait faites à la commission des droits de la personne du Pendjab, à Chandigarh.

[11]           Le 9 mars 2011, la demande d’ERAR du demandeur a été rejetée, et cette décision a été délivrée en personne au demandeur le 18 décembre 2012, soit 21 mois après la date à laquelle elle avait été rendue.

[12]           Le 28 janvier 2013, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard de la décision au stade de l’ERAR. Le juge O’Keefe lui a accordé cette autorisation le 23 septembre 2013.

II.                La décision visée par le contrôle

[13]           La conclusion générale de l’agent était celle selon laquelle il n’avait pas été établi que le demandeur serait exposé au risque de persécution ou à celui d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il était renvoyé en Inde.

[14]           Après avoir examiné les faits ayant conduit à la demande d’asile du demandeur et résumé les motifs de la SPR dans sa décision datée du 9 juin 2006, l’agent a porté son attention sur la nouvelle preuve produite par le demandeur dans le contexte de son ERAR.

[15]           L’agent n’a pas accepté en preuve un article daté du mois de décembre 2002, parce qu’il n’y avait pas de version originale, que la traduction n’était pas claire et que le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi cet article n’avait pas été produit à la SPR en premier lieu. Il a cependant mentionné que toutes les autres observations avaient été acceptées à titre de nouveaux éléments de preuve.

[16]           Tout d’abord, l’agent a accordé peu de poids à la lettre rédigée par Des Raj Singh Dhugga datée du 26 juin 2008, puisque rien dans cette lettre n’expliquait comment son auteur avait eu connaissance de l’affaire. Les incidents, tels que relatés par l’auteur de l’affidavit, étaient les mêmes que ceux qui avaient été relatés à la SPR, à l’exception d’une contradiction, ce qui avait pour effet de lui donner moins de crédibilité.

[17]           L’agent a aussi accordé peu de poids aux affidavits, datés d’août 2006 et rédigés par l’épouse, le père et la sœur du demandeur, au motif qu’il ne comprenait pas pourquoi ces affidavits avaient été rédigés en anglais et non en pendjabi. Une étampe mentionnant [traduction] « Prendra effet à l’extérieur de l’Inde » soulevait aussi un doute quant à la validité des affidavits. De plus, l’agent croyait que ces affidavits ne faisaient qu’énoncer de nouveau ce qui avait déjà été soumis à la SPR. L’agent a cependant souligné que, dans son affidavit, le père du demandeur mentionnait que la police se présentait toujours à sa maison et qu’il avait été torturé, même si le demandeur était au Canada.

[18]           L’agent a aussi tenu compte des trois versions des plaintes déposées à la commission des droits de la personne du Pendjab. Il a constaté que le papier, la police de caractères et les timbres de signature étaient différents sur chaque document, même si ceux‑ci provenaient prétendument du même bureau. L’agent a conclu que les documents ne semblent pas avoir été rédigés au moyen d’un papier muni d’un en-tête officiel, et il a fait remarquer que, comme dans le cas des affidavits, ceux‑ci étaient rédigés en anglais plutôt qu’en pendjabi. Il a aussi conclu que les versions étaient contradictoires, en ce sens qu’on y alléguait que le demandeur était recherché par la police, mais qu’on y mentionnait aussi que ce dernier n’avait pas l’obligation de comparaître devant la police, et que la plainte avait finalement été rejetée. L’agent a conclu que ces documents ne traitaient pas de manière importante des points soulevés par la SPR et qu’il n’était pas convaincu que ces documents étaient authentiques.

[19]           L’agent a ultimement conclu que les documents, selon la prépondérance des probabilités, avaient été conçus par le père du demandeur ou par un tiers en vue de bonifier la demande d’ERAR du demandeur. Il a aussi conclu que la nouvelle preuve n’établissait pas l’existence d’un changement significatif dans la situation générale dans le pays ou dans la situation particulière à M. Singh.

III.             Les questions en litige

[20]           La présente demande soulève deux questions en litige :

A.                Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale du fait que le demandeur a reçu la décision d’ERAR 21 mois après que celle‑ci eût été rendue, sans qu’il ait eu l’occasion de produire des éléments de preuve supplémentaires entre‑temps?

B.                 L’agent a-t-il correctement pondéré la nouvelle preuve?

IV.             Analyse

[21]           La première question en litige doit être contrôlée selon la norme de la décision correcte : la jurisprudence est sans équivoque quant au fait qu’il s’agit de la norme à appliquer aux questions d’équité procédurale : voir, à titre d’exemple, Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43; Ghasemzadeh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 716, au paragraphe 16; Karami c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 788, au paragraphe 18. En ce qui a trait à l’appréciation de la nouvelle preuve, la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité. Par conséquent, la Cour n’interviendra pas si la « décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47.

A.                Le retard à communiquer la décision au demandeur

[22]           Le demandeur soutient que l’agent a commis une entorse à l’équité procédurale en attendant presque deux ans avant de lui communiquer la décision, sans aucun motif, raison ou explication. Selon le demandeur, ce retard contrevient à l’article 15.1 du Guide opérationnel sur les personnes protégées (chapitre PP 3), qui ne fait aucun doute quant au fait que les décisions doivent être rendues en temps opportun. Le demandeur se fonde aussi sur la décision Pathmanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 6 [Pathmanathan], à l’appui de sa thèse selon laquelle ce retard est déraisonnable, parce que la décision ne repose plus sur des renseignements courants. En dernier lieu, il prétend qu’il y a eu un changement de politique au sein du gouvernement indien en ce qui a trait à la délivrance des passeports et à l’admissibilité à un tel document. Aux termes de cette politique, la délivrance de passeports et la prestation de services de passeport sont maintenant refusées aux personnes qui ont demandé l’asile dans quelque pays que ce soit à partir de l’Inde. Puisque le demandeur n’avait pas connaissance de ce changement de politique jusqu’à un certain moment en 2011, il n’a pas pu produire ces renseignements à l’agent d’ERAR avant que la décision ne soit rendue. Le demandeur croit que le défendeur aurait dû être au courant de ce changement de politique et qu’il aurait dû en tenir compte. Cette politique pourrait aussi engendrer, selon lui, un risque potentiel dans l’éventualité où il devait retourner en Inde, puisqu’il avait présenté une demande d’asile au Canada.

[23]           Je conviens avec le défendeur qu’un retard ne constitue pas en soi un manquement à l’équité procédurale; le demandeur doit démontrer qu’il a subi quelque préjudice en raison de ce retard : voir Budh Singh Gill c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1984] 2 CF 1025, aux pages 1028 et 1029 (CAF); Akthar c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 3 CF 32, [1991] ACF no 513, au paragraphe 20 (CAF); Dacosta c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 41 ACWS (3d) 706, [1993] ACF no 674, au paragraphe 6 (CF); Maraj c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 62 FTR 256, 19 Imm LR (2d) 90, à la page102 (CF); Qazi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1667, aux paragraphes 23 et 24.

[24]           Il ne fait aucun doute que l’on s’attend des agents d’ERAR à ce qu’ils soient capables de s’assurer que leurs appréciations soient raisonnablement actuelles. Cela dit, ils partagent cette obligation avec les demandeurs; comme le juge O’Reilly l’a mentionné dans la décision Pathmanathan, précitée, « les demandeurs d'ERAR doivent s'assurer que leurs demandes sont fondées sur les conditions existant dans leur pays au moment où elles sont présentées » (au paragraphe 7). L’article 15.1 du Guide opérationnel sur les personnes protégées (chapitre PP 3) est explicite quant au fait que l’agent d’ERAR doit tenir compte des observations formulées par un demandeur d’ERAR jusqu’au moment où ce dernier est avisé qu’une décision a été rendue. En l’espèce, le demandeur n’a pas tenté de mettre à jour ses observations ou de demander des renseignements à propos de son dossier dans les 21 mois entre le moment où la décision a été rendue et la date à laquelle elle lui a été communiquée.

[25]           Le seul changement dans la situation dans le pays qui a été soulevé par le demandeur est la modification à la politique relative aux passeports, au titre de laquelle les services de passeport sont refusés à tous les demandeurs d’asile. Il prétend que ce changement aurait dû être pris en considération dans le cadre de l’ERAR, puisqu’il s’agit d’une illustration d’un possible risque. Le défendeur a répondu en mentionnant qu’un tel changement de politique ne pouvait pas avoir d’incidence sur la demande d’ERAR, puisque la décision quant à la demande d’asile a été rendue en 2006, et donc bien avant le changement de politique allégué. Cet argument est sans fondement. Le fait que le demandeur aurait été touché, même si la décision lui avait été communiquée peu après qu’elle eût été rendue en mars 2011, ne change rien au fait que l’objet de l’ERAR est d’apprécier les changements dans la situation dans le pays et dans les circonstances personnelles avant de procéder au renvoi d’un demandeur d’asile débouté. Cela dit, l’argument du demandeur contient deux failles, qui lui sont fatales.

[26]           Tout d’abord, cet élément de preuve n’a pas été produit à l’agent. Il est possible que ce changement n’ait pas eu lieu avant que la décision soit rendue, le 9 mars 2011; le demandeur ne sait pas à quel moment ce changement a été mis en place et il affirme seulement que c’était [traduction] « à quelque moment en 2011 ». Dans tous les cas, on ne pouvait présumer que l’agent avait connaissance de ce changement de politique, ni lui exiger de demander des renseignements à ce sujet. On s’attend d’un demandeur à ce qu’il en connaisse davantage à propos des risques auxquels il pourrait être exposé à son retour dans son pays natal qu’un agent d’ERAR. Le fait que l’Agence des services frontaliers du Canada prenne les dispositions pour expulser certaines personnes du Canada n’a pas pour effet d’imposer quelque obligation que ce soit aux agents d’ERAR de se tenir à jour en ce qui concerne les exigences relatives au renouvellement de passeports dans chaque pays. Il incombe toujours au demandeur de relever un nouveau risque et de produire une preuve à l’appui d’un tel risque : Bayavuge c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 65, au paragraphe 43; Mandida c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 491, au paragraphe 30.

[27]           La deuxième lacune dans l’argument du demandeur est qu’il n’y a actuellement aucune preuve qui tend à démontrer que les demandeurs d’asile qui sont retournés en Inde ont fait l’objet de persécution ou qu’ils ont été accueillis durement par les autorités de l’Inde en raison de la nouvelle politique. Le fait qu’un demandeur d’asile débouté peut être empêché d’obtenir un nouveau passeport et de voyager à l’étranger ne constitue pas de la persécution fondée sur un motif de la Convention, un risque à la vie ou une peine ou un traitement cruel ou inusité.

[28]           En l’absence de quelque preuve démontrant que le demandeur a subi un préjudice en raison du retard à lui délivrer la décision rendue au stade de l’ERAR, je ne peux donc conclure qu’on a violé son droit à l’équité procédurale. Si le demandeur peut rassembler une telle preuve, il lui sera toujours loisible de présenter une deuxième demande d’ERAR et, pendant que cette demande sera en traitement, de demander de reporter son renvoi ou un sursis à ce renvoi auprès de la Cour.

B.                 L’examen de la nouvelle preuve

[29]           Il ne fait aucun doute, à la lecture de la décision, que l’agent n’a pas omis de tenir compte des nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur à l’appui de sa demande. L’agent a effectivement procédé à l’examen de tous les nouveaux affidavits, ainsi que de la plainte que son père avait déposée auprès de la commission des droits de la personne, et qu’il a aussi donné une explication à savoir pourquoi il n’a pas tenu compte de l’article de journal datant de 2002.

[30]           Cependant, le demandeur soutient que l’agent a mal interprété la preuve. En ce qui a trait au fait que les affidavits étaient rédigés en anglais plutôt qu’en pendjabi et accompagnés d’une traduction, il prétend que cela est certes possible que les auteurs des affidavits maîtrisent bien l’anglais, et qu’ils ont par conséquent rédigé leurs affidavits dans cette langue. En ce qui a trait à l’analyse de l’agent au sujet de l’étampe portant la mention « Prendra effet à l’extérieur de l’Inde », il est clairement mentionné dans la Réponse à la demande d’information IND102462.EF, provenant de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, que « [c]e ne sont pas tous les notaires qui soient habilités à authentifier des documents afin qu'ils aient effet à l'extérieur de l'Inde ». Le demandeur fait aussi remarquer qu’on ne lui a pas donné l’occasion de produire une réponse à l’égard des préoccupations de l’agent en ce qui a trait aux affidavits.

[31]           Je conviens avec le demandeur qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de tirer une conclusion en ce qui a trait au caractère non authentique des affidavits en se fondant seulement sur le fait que ceux‑ci avaient été rédigés en anglais et non en pendjabi. Comme l’a mentionné le demandeur, l’anglais est l’une des langues officielles de l’Inde, et la conclusion selon laquelle les affidavits auraient dû être rédigés en pendjabi n’appartient pas aux issues acceptables. Il était tout aussi déraisonnable de remettre en doute la validité en raison du timbre. Il semble, d’après les motifs de l’agent, qu’il ne comprenait pas l’utilité du timbre. Puisque les affidavits ont été souscrits en Inde, c’est le droit indien qui s’applique. L’agent aurait dû consulter la réponse à la demande d’information susmentionnée, laquelle l’aurait dissipé de tout doute à propos de l’authentification des documents qui prennent effet à l’extérieur de l’Inde.

[32]           Cela dit, je conviens avec le défendeur que, même si les affidavits avaient été considérés comme étant authentiques, ils se rapportent tous aux risques au sujet sur lesquels la SPR s’était penchée précédemment et ils réaffirment surtout ce qui avait été antérieurement relaté par le demandeur dans sa demande d’asile. Aucun de ces affidavits ne traite des conclusions de la SPR de quelque manière que ce soit; dans ces circonstances, il n’était pas déraisonnable de la part de l’agent d’ERAR de conclure que la nouvelle preuve ne l’emportait pas sur les conclusions de la SPR. Comme l’a clairement mentionné la Cour dans la décision Perez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1380, au paragraphe 12, une demande d’ERAR n’a pas pour objectif de revenir sur les mêmes allégations de risque que celles ayant été examinées par la SPR. De plus, l’agent s’est penché sur la question de savoir si la nouvelle preuve démontrait l’existence de changements suffisants dans la situation personnelle du demandeur ou dans celle du pays par rapport à la preuve dont la SPR disposait, ce qui justifierait une décision différente, et il a conclu que ce n’était pas le cas. Il s’agissait des lacunes les plus graves relevées par l’agent d’ERAR en ce qui a trait aux affidavits, et celles‑ci sont suffisantes pour que je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

[33]           En ce qui concerne les plaintes que le père du demandeur avait déposées auprès de la commission des droits de la personne, je suis d’avis qu’il était loisible à l’agent, dans le contexte de son pouvoir discrétionnaire, de ne pas tenir compte de cette preuve. Les plaintes en question ne semblent effectivement pas avoir été rédigées sur du papier officiel, ni arborer une signature officielle. Il existe aussi des contradictions entre ces plaintes, comme l’a relevé l’agent. Dans la première plainte, datée du 13 juillet 2007 (dossier certifié du tribunal, p. 72), il est mentionné que le demandeur n’est pas recherché par la police, alors que la plainte est fondée sur le fait que la police exerce des pressions sur le père du demandeur pour que celui‑ci livre son fils. Il est intéressant de constater que, dans ce premier rapport, on y fait état que la commission a décidé de ne pas effectuer une enquête approfondie sur cette affaire, alors que, sur ce qui semble être un deuxième rapport quant à la plainte (dossier certifié du tribunal, p. 201), il est fait mention d’une preuve prima facie pour justifier une enquête, selon les mêmes allégations que dans le premier rapport. Compte tenu de ces contradictions, et en gardant à l’esprit qu’il n’appartient pas à la Cour de pondérer à nouveau la preuve, la conclusion de l’agent selon laquelle les rapports avaient été rédigés par le père du demandeur ou par une personne inconnue en vue d’aider M. Singh, appartiennent aux issues possibles acceptables.

V.                Conclusion

[34]           Pour l’ensemble des motifs susmentionnés, je conclus que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Même si certaines des conclusions de l’agent en ce qui concerne l’authenticité des affidavits rédigés par les membres de la famille du demandeur n’étaient pas justifiées, ces erreurs ne rendent pas la décision dans son ensemble déraisonnable. La nouvelle preuve produite par le demandeur à l’appui de la demande d’ERAR ne renvoyait pas à quelque nouvelle situation que ce soit dans le pays, ou de changement dans la situation personnelle du demandeur. De plus, même si la décision avait été communiquée au demandeur environ 21 mois après qu’elle eût été rendue, le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait subi un préjudice en raison de ce retard.

[35]           Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à des fins de certification et je n’énonce aucune question.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Yves de Montigny »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-750-13

 

INTITULÉ :

JASVINDER SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE MaI 5 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

LE 12 SEPTEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Narindarpal Singh Kang

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Camille Audain

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kang & Company

Avocats

Surrey (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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