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Date : 20141017


Dossier : IMM-5123-13

Référence : 2014 CF 860

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2014

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

AJEET SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE la protection civile

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS modifiés

[1]               M. Ajeet Singh sollicite le contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), de la décision du délégué du ministre canadien de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’agent de renvoi), datée du 26 juillet 2013, rejetant la demande de report de son renvoi du Canada vers l’Inde, parce qu’il devait subir une opération au cœur le mois suivant. L’opération a eu lieu depuis lors, et au moins 180 jours se sont écoulés.

[2]               Pour les exposés ci‑dessous, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

Le contexte

[3]               Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Il est arrivé au Canada en août 2011 muni d’un permis de travail et a demandé l’asile en tant que jeune religieux sikh baptisé, chanteur et joueur de tambour qui a souffert de torture grave. Il a commencé à avoir des problèmes de santé peu de temps après.

[4]               Le 5 octobre 2012, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile du demandeur, au motif qu’il n’avait pas de crainte crédible de persécution, et que subsidiairement, il avait une possibilité de refuge intérieur en Inde. La Cour a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire visant cette décision.

[5]               Le 5 juin 2013, on a avisé le demandeur que son renvoi devait avoir lieu le 17 juillet 2013.

[6]               Le 16 juillet 2013, le demandeur a sollicité un report de son renvoi auprès de l’agent de renvoi parce qu’il devait subir une opération au cœur, afin qu’on lui remplace une valve aortique. Il a allégué qu’il ne serait pas en mesure d’assumer le coût, en Inde, de cette opération nécessaire. Il a en particulier demandé un report de 180 jours après la date de son opération. L’agent a rejeté sa demande, parce que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment de renseignements expliquant que son état de santé l’empêchait de voyager.

[7]               Le 17 juillet 2013, le demandeur ne s’est pas présenté à l’aéroport pour son renvoi.

[8]               Le 26 juillet 2013, le demandeur a été invité à une autre entrevue. Il ne s’y est pas présenté.

[9]               Le 30 juillet 2013, le demandeur a été arrêté et on l’a avisé qu’il allait être renvoyé le 2 août 2013.

[10]           Le 2 août 2013, le demandeur a présenté à la Cour une demande de sursis à son renvoi. Toutefois, cette demande n’a pas été entendue, parce que le défendeur a accepté le sursis administratif au renvoi du demandeur.

[11]           Peu de temps après, on a avisé le demandeur qu’il allait être renvoyé le 11 août 2013.

[12]           Encore une fois, le demandeur a sollicité le report de son renvoi. Une fois de plus, l’agent de renvoi a rejeté la demande, au motif qu’il n’y avait pas de raison de reporter l’expulsion, selon l’article 25 ou de l’alinéa  3(3)f) de la Loi. C’est cette décision qui est contestée à la Cour.

[13]           Le 9 août 2013, la Cour a fait droit à la demande de sursis au renvoi du demandeur, jusqu’à ce que la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire soit tranchée. Le demandeur a subi une opération au début du mois de septembre 2013.

La décision contestée

[14]           L’agent de renvoi a conclu que les billets médicaux présentés par le demandeur ne donnaient pas suffisamment de renseignements permettant d’établir que le demandeur ne pouvait pas retourner en Inde par avion. L’opération nécessaire pour le remplacement de la valve aortique ne l’empêchait pas de voyager. L’agent de renvoi a aussi relevé que le demandeur continuait à travailler en tant que machiniste alors qu’il demandait un report de son renvoi.

[15]           L’agent de renvoi s’est fondé sur le rapport rédigé par le Dr Patrick Thériault, un médecin qui travaille pour le compte du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à Ottawa, qui a conclu que le demandeur pouvait voyager en avion, compte tenu de son état de santé, et que les hôpitaux en Inde pouvaient lui offrir le traitement dont il avait besoin. Le Dr Thériault n’a pas personnellement examiné le demandeur, mais il s’est fondé sur la preuve au dossier du demandeur (les diagnostics de ses médecins) pour rendre cet avis. L’agent de renvoi a aussi fait sienne la proposition du médecin selon laquelle le ministre devrait envoyer une infirmière dans l’avion avec le demandeur, et lui fournir de l’oxygène pendant son voyage vers l’Inde.

Les questions en litige et la norme de contrôle

[16]           Le demandeur avance un certain nombre de questions qui, en toute déférence, ne sont pas liées à la présente affaire. La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

1.                  La demande est‑elle maintenant théorique, étant donné que le demandeur a subi son opération, et que plus de 180 jours se sont écoulés depuis l’opération?

2.                  Si la demande n’est pas théorique, les conclusions de l’agent de renvoi appartiennent‑elles aux issues possibles et acceptables?

Analyse

[17]           Le billet du médecin rédigé pour le compte du demandeur met l’accent sur le fait que ce dernier [traduction] « ne devrait tenter ni de voyager ni de se livrer à aucune activité entraînant un stress physique ou émotionnel pendant qu’il attend son opération ». Rien n’indique à la Cour que le demandeur n’est pas rétabli de son opération ou subsidiairement, que même après le rétablissement, il était toujours exposé à une menace à sa vie parce qu’il embarquerait dans un avion. De plus, le demandeur a sollicité originellement un report de 180 jours à partir de la date de son opération. Le délai requis est écoulé. Il n’y a donc plus de question en litige à la Cour.

[18]           La Cour est consciente que le demandeur allègue que le fait de retourner dans un endroit où il a prétendument été torturé peut l’exposer à un important stress émotionnel, ce qui peut être néfaste pour son cœur. Toutefois, lorsque le ministre procédera en réalité à l’expulsion, rien n’empêche le demandeur de solliciter un autre sursis administratif. Ce faisant, il devra présenter de nouvelles preuves médicales convaincantes au ministre, selon lesquelles son retour en Inde compromettrait sa santé, si en réalité tel était le cas. Tout ce dont la Cour dispose, c’est l’argument de l’avocat du demandeur selon lequel ce dernier serait exposé à une mort certaine, s’il était renvoyé en Inde. Il s’agit d’une conjecture, et elle n’est pas étayée par la preuve.

[19]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est théorique (Banga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1332; Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ), 2009 CAF 81; Hakeem c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ), 2011 CF 1302); Joseph c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ), 2013 CF 562; Ren c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ), 2012 CF 1345).

[20]           L’avocat du demandeur propose les questions de portée générale suivantes aux fins de certification :

[traduction]

1-         Quelle est l’obligation des agents de renvoi de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) lorsqu’ils disposent de plusieurs demandes de médecins, en l’espèce des cardiologues, selon lesquelles une personne ne devrait pas voyager ou subir quelque stress indu que ce soit? Y a‑t‑il une obligation de solliciter l’avis d’un médecin dans une telle situation? Quelle est l’obligation qui pèse sur cet agent de l’État?

2-         Le décideur a‑t‑il une obligation de s’informer complètement avant d’autoriser une expulsion qui pourrait mettre la vie du demandeur en danger, contrairement aux principes généraux de droit administratif ou à la Charte canadienne des droits et libertés? Faut-il que les cardiologues visés utilisent l’expression « menace à la vie » pour que l’agent de l’ASFC vérifie la situation?

[21]           Toutes ces questions sont théoriques, elles ne permettent pas de trancher la présente affaire, elles ne permettraient pas non plus de trancher un appel; elles ne seront pas certifiées (Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CAF 168).

Le 16 septembre 2014, l’avocate du défendeur a demandé à la Cour la modification de l’intitulé de la cause afin de remplacer le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à titre de défendeur. Le demandeur ne s’oppose pas à cette demande.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile remplace le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à titre de défendeur;

3.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Jocelyne Gagné »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5123-13

 

INTITULÉ :

AJEET SINGH

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MontrÉal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 juillet 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

le 10 septembre 2014

 

modifiés :

Le 17 octobre 2014

COMPARUTIONS :

Stewart Istvanffy

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sherry Rafai Far

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Étude Légale Stewart Istvanffy

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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