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Date : 20140902


Dossier : T-1724-13

Intitulé : 2014 CF 836

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 septembre 2014

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

JOSE LUIS FIGUEROA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur sollicite la délivrance d’un bref de mandamus enjoignant au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le défendeur] de délivrer un certificat selon lequel il n’est pas une « entité inscrite » aux termes du Code criminel, LRC 1985, c C-46 [le Code]. Un peu de contexte est nécessaire pour comprendre l’objet de la présente instance, qu’il faut envisager au regard d’autres instances auxquelles le demandeur est partie.

[2]               Citoyen d’El Salvador, le demandeur vit au Canada depuis 16 ans et a trois enfants canadiens. Leur demande d’asile ayant été déboutée, le demandeur et son épouse ont présenté en 2002 une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire. Au terme de l’entretien du 6 juillet 2009 avec un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC], celui-ci a conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était interdit de territoire pour raison de sécurité sur le fondement de l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Le 5 mai 2010, la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié a pris une mesure d’expulsion à son encontre au motif qu’il s’était livré au terrorisme ou avait été membre d’une organisation se livrant au terrorisme, puisqu’il avait appartenu au Frente Farabundo Martí para la Liberación Nacional [FMLN] de 1986 à 1995 environ. Le demandeur a demandé le contrôle judiciaire de cette décision. Le 30 août 2010, la Cour a rejeté sa demande d’autorisation; la mesure d’expulsion prise contre lui est donc devenue exécutoire.

[3]               Fait à noter, le 28 juillet 2010, le demandeur a présenté dans l’intervalle une demande de dispense de l’interdiction de territoire pour des motifs d’ordre humanitaire. Le 28 mars 2013, la déléguée du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a rejeté la demande au motif que son interdiction de territoire était « grave », soulignant que le FMLN est une « organisation terroriste ». Et pourtant, l’épouse du demandeur a été autorisée à demeurer au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire. Le demandeur a présenté une demande contrôle judiciaire. Dans l’intervalle, le 4 octobre 2013, il a cherché refuge dans une église de Langley pour éviter son expulsion du Canada. Le 29 octobre 2013, la Cour a suspendu la mesure d’expulsion, jusqu’à ce que la décision finale soit prononcée sur le contrôle judiciaire de la demande présentée pour des motifs d’ordre humanitaire. Le 10 juillet 2014, après avoir fait droit à la demande de contrôle judiciaire de la décision, le juge Mosley a rejeté, en raison de son caractère déraisonnable, la demande présentée pour des motifs d’ordre humanitaire et renvoyé l’affaire pour nouvel examen par un autre agent : Figueroa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 673.

[4]               Il convient de souligner que le juge Mosley a conclu dans ses motifs que la décision de la déléguée était déraisonnable, car elle n’a pris en compte ni la nature du conflit salvadorien – en particulier la violence politique que les militaires et les forces de sécurité ont infligée à la population pendant de nombreuses années – ni le rôle personnel du demandeur qui avait milité politiquement, sans combattre, pour tenter de motiver les jeunes à l’université afin qu’ils participent au mouvement pour réformer politiquement le pays (aux paragraphes 32 et 33).

[5]               À propos de l’appartenance au FMLN, que le demandeur a reconnue, de 1986 à 1995 (l’année de son arrivée au Canada), le juge Mosley a par ailleurs souligné ce qui suit au paragraphe 38 :

La déléguée a déraisonnablement désigné le FMLN comme une « organisation terroriste ». Ce terme ne figure pas à l’article 34 et ce n’est pas un terme technique utilisé dans la loi. La LIPR mentionne le fait d’être membre d’une organisation qui s’est livrée, se livre ou se livrera au terrorisme. Le FMLN n’a jamais été un groupe pour qui la terreur politique constituait une tactique primaire. Il obtenait un vaste appui auprès de la population et forme aujourd’hui le gouvernement élu par la voie démocratique. L’organisation a attiré de 80 000 à 100 000 membres dans un pays de cinq millions d’habitants. C’était un groupe de résistance légitime diversifié. Les éléments armés du FMLN étaient essentiellement des forces militaires engagées dans une guerre civile contre un régime oppresseur, tout comme le Congrès national africain lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Le FMLN n’est pas une « entité terroriste » proscrite figurant sur la liste du gouvernement du Canada. Le gouvernement du Canada entretient des relations normales avec le gouvernement du Salvador, dirigé maintenant par le FMLN. La déléguée aurait dû accorder une certaine attention à toutes ces considérations avant de conclure que l’appartenance au FMLN du demandeur était de nature si grave qu’elle l’emportait sur les facteurs d’ordre humanitaire favorables qui militaient en faveur de la dispense.

[6]               Le 27 mai 2013, parallèlement à l’institution de l’instance susmentionnée pour faire annuler la décision de la déléguée, sur le fondement de l’article 83.07 du Code, l’avocat du demandeur a sollicité auprès du défendeur un certificat ministériel attestant que le demandeur n’est pas une « entité inscrite ». La lettre de l’avocat, datée du 27 mai 2013, expose clairement l’objet de la demande de certificat que présente le demandeur :

[traduction] [Le demandeur] sollicite un certificat attestant qu’il n’est pas une entité inscrite afin de préciser que, malgré la conclusion rendue contre lui – et contre le FMLN – aux termes de la LIPR, les fonctionnaires canadiens savent pertinemment qu’il n’est pas un terroriste et qu’il n’a pas participé à une organisation terroriste. Il veut obtenir ce certificat pour être certain de ne plus faire face à d’autres difficultés à cause de la décision rendue sous le régime de la LIPR.

[7]               Le 11 septembre 2013, le directeur général de la direction des Opérations de la sécurité nationale a accusé réception de la demande de certificat ministériel, mais a fait remarquer qu’elle ne précise pas quelle confusion suscite la comparaison du nom du demandeur à ceux de la liste des entités terroristes. En l’absence de toute preuve de confusion, il n’y aurait aucune raison d’envisager la possibilité de délivrer un certificat, et le défendeur n’en a délivré aucun, d’où l’institution de la présente instance.

[8]               La demande visant la délivrance d’un bref de mandamus a été instruite à Vancouver le 14 août 2014. Le demandeur était absent, mais représenté par avocat. Des dispositions spéciales avaient été prises pour lui permettre de suivre le procès par téléconférence. Sans s’opposer à ce point, l’avocate du défendeur a informé la Cour par lettre du 11 août 2014, que le demandeur ne risquait plus l’expulsion s’il quittait l’Église luthérienne Walnut Grove. De fait, l’ASFC a accepté le 15 juillet 2014 de reporter l’expulsion jusqu’à ce que soit rendue une nouvelle décision relativement à sa demande de dispense d’interdiction de territoire pour des motifs d’ordre humanitaire. Dans l’intervalle, il a été prié de se présenter à l’ASFC et d’accepter les conditions de mise en liberté que celle-ci a proposées par lettre du 15 juillet 2014.

[9]               Les conditions pour rendre une ordonnance de mandamus sont exposées dans l’arrêt de principe Apotex Inc. c Canada (Procureur Général), [1994] 1 CF 742 (CAF), conf. par [1994] 3 RCS 1100 (CSC). La Cour d’appel fédérale a établi le cadre suivant :

1. Il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public […]

2. L’obligation doit exister envers le requérant […]

3. Il existe un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation, notamment :

a) le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation […]

b) il y a eu (i) une demande d'exécution de l'obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n'ait été rejetée sur-le-champ, et (iii) il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable […]

4. Lorsque l'obligation dont on demande l'exécution forcée est discrétionnaire, les règles suivantes s'appliquent :

a) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire ne doit pas agir d'une manière qui puisse être qualifiée d'« injuste », d’« oppressive » ou qui dénote une « irrégularité flagrante » ou la « mauvaise foi »;

b) un mandamus ne peut être accordé si le pouvoir discrétionnaire du décideur est « illimité », « absolu » ou « facultatif »;

c) le décideur qui exerce un pouvoir discrétionnaire « limité » doit agir en se fondant sur des considérations « pertinentes » par opposition à des considérations « non pertinentes »;

d) un mandamus ne peut être accordé pour orienter l'exercice d'un « pouvoir discrétionnaire limité » dans un sens donné;

e) un mandamus ne peut être accordé que lorsque le pouvoir discrétionnaire du décideur est « épuisé », c'est-à-dire que le requérant a un droit acquis à l'exécution de l'obligation.

5. Le requérant n’a aucun autre recours […]

6. L'ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique […]

7. Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le tribunal estime que, en vertu de l'équité, rien n'empêche d'obtenir le redressement demandé […]

8. Compte tenu de la « balance des inconvénients », une ordonnance de mandamus devrait (ou ne devrait pas) être rendue.

[10]           Le demandeur soutient tout d’abord que le ministre a envers lui l’obligation légale manifeste aux termes de l’article 83.07 du Code de délivrer un certificat indiquant qu’il n’est pas une entité inscrite. Il soutient qu’il y a eu une demande d’exécution de cette obligation, un délai raisonnable pour permettre de donner suite à la demande et un refus ultérieur. Il soutient aussi qu’il existe un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation : il est une entité qui affirme ne pas être une entité inscrite et qui a demandé au ministre un certificat, satisfaisant ainsi aux exigences du paragraphe 83.07(1). Si le ministre est convaincu que le demandeur n’est pas une entité inscrite, il lui appartient donc aux termes du paragraphe 83.07(2) de délivrer le certificat. Le demandeur déclare que le mandamus est le seul recours dont il dispose et qu’il aura une incidence sur le plan pratique, car on ne craindra pas de traiter avec lui. Bien que son conseil déclare certes que la présente demande n’est pas une contestation incidente de la conclusion d’interdiction de territoire et de la mesure d’expulsion, un certificat délivré en vertu de l’article 83.07 du Code précisera que « les fonctionnaires canadiens savent pertinemment qu’il n’est pas un terroriste et qu’il n’a pas participé à une organisation terroriste ». Invoquant les conséquences défavorables qui découlent du fait de se voir caractériser de terroriste (Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, au paragraphe 14), le demandeur soutient qu’en vertu de l’équité, rien n’empêche d’obtenir réparation, et que la prépondérance des inconvénients le favorise.

[11]           Le défendeur affirme en revanche qu’il n’existe pas en l’espèce d’obligation légale envers le demandeur, car les certificats délivrés aux termes de l’article 83.07 visent uniquement des situations d’« erreur sur la personne ». Cette interprétation est corroborée par un extrait des délibérations du Comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-36. Il est manifeste que le certificat a été établi pour les situations où le nom d’une personne pourrait être confondu avec un nom inscrit sur la liste des entités. Le défendeur fait valoir que ceci produirait un résultat absurde si toutes les personnes dont le nom ne figure pas sur la liste pouvaient obliger le ministre à délivrer un certificat dans un délai de 15 jours. En l’espèce, le demandeur, dont le nom n’est pas inscrit sur la liste des entités, n’a pas le moindrement justifié pourquoi il pourrait être confondu avec une personne dont le nom figure sur la liste. Le ministre n’a donc pas d’obligation de lui délivrer un certificat. Le défendeur allègue en outre qu’une demande présentée en vertu de l’article 83.07 du Code ne vise pas à surmonter les conclusions d’une interdiction de territoire prononcée en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Par ailleurs, le certificat n’aurait pour le demandeur aucune incidence sur le plan pratique. Celui-ci peut se fonder sur la liste des entités, qui est publique, pour établir que son nom n’y figure pas. Un certificat ne ferait pas état que l’on croie qu’il n’appartient pas à une organisation terroriste ni qu’il n’est pas un terroriste. Un certificat se limiterait à indiquer que son nom n’est pas inscrit sur la liste des entités.

[12]           La présente demande doit être rejetée, parce que la Cour n’étant pas convaincue que toutes les conditions pour délivrer le mandamus sont en l’espèce réunies. En particulier, je doute fort, il est vrai, que le ministre ait une obligation légale envers le demandeur, et la délivrance d’un mandamus n’aurait manifestement aucune incidence sur le plan pratique en l’espèce.

[13]           La partie II.1 du Code (articles 83.01 à 83.33) traite du terrorisme, notamment des infractions qui lui sont liées, des systèmes de saisie et de blocage ou de confiscation de biens contrôlés par un groupe terroriste, des règles de procédure pour poursuivre en cas d’infraction de terrorisme, de la procédure d’enquête, des règles de dépôt d’une dénonciation, de l’arrestation et du cautionnement ainsi que du rapport annuel. Je souscris à l’interprétation du droit que propose le défendeur. Le fait d’inscrire une entité (y compris une personne) sur la liste établie en vertu de l’article 83.05 du Code a pour conséquence pratique de faciliter la poursuite en cas d’infraction liée au terrorisme. Cette inscription permet au ministère public, en cas de poursuite pour infraction de terrorisme, de faire valoir que l’entité est un « groupe terroriste ». La liste toutefois n’est pas exhaustive. Les groupes terroristes ne sont pas forcément des « entités inscrites ».

[14]           L’article 83.05 vise la liste des entités que peut établir le gouverneur en conseil :

(1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, établir une liste sur laquelle il inscrit toute entité dont il est convaincu, sur la recommandation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, qu’il existe des motifs raisonnables de croire :

 

(1) The Governor in Council may, by regulation, establish a list on which the Governor in Council may place any entity if, on the recommendation of the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness, the Governor in Council is satisfied that there are reasonable grounds to believe that

 

a) que, sciemment, elle s’est livrée ou a tenté de se livrer à une activité terroriste, y a participé ou l’a facilitée;

 

(a) the entity has knowingly carried out, attempted to carry out, participated in or facilitated a terrorist activity; or

 

b) que, sciemment, elle agit au nom d’une entité visée à l’alinéa a), sous sa direction ou en collaboration avec elle.

 

(b) the entity is knowingly acting on behalf of, at the direction of or in association with an entity referred to in paragraph (a).

 

(1.1) Le ministre ne fait la recommandation visée au paragraphe (1) que s’il a des motifs raisonnables de croire que l’entité en cause est visée aux alinéas (1)a) ou b).

 

(1.1) The Minister may make a recommendation referred to in subsection (1) only if he or she has reasonable grounds to believe that the entity to which the recommendation relates is an entity referred to in paragraph (1)(a) or (b).

 

(2) Le ministre, saisi d’une demande écrite présentée par une entité inscrite, décide s’il a des motifs raisonnables de recommander ou non au gouverneur en conseil de radier celle-ci de la liste.

 

(2) On application in writing by a listed entity, the Minister shall decide whether there are reasonable grounds to recommend to the Governor in Council that the applicant no longer be a listed entity.

 

(3) S’il ne rend pas sa décision dans les soixante jours suivant la réception de la demande, le ministre est réputé avoir décidé de ne pas recommander la radiation.

 

(3) If the Minister does not make a decision on the application referred to in subsection (2) within 60 days after receipt of the application, he or she is deemed to have decided to recommend that the applicant remain a listed entity.

 

(4) Le ministre donne sans délai au demandeur un avis de la décision qu’il a rendue ou qu’il est réputé avoir rendue relativement à la demande.

 

(4) The Minister shall give notice without delay to the applicant of any decision taken or deemed to have been taken respecting the application referred to in subsection (2).

 

(5) Dans les soixante jours suivant la réception de l’avis, le demandeur peut présenter au juge une demande de révision de la décision.

 

(5) Within 60 days after the receipt of the notice of the decision referred to in subsection (4), the applicant may apply to a judge for judicial review of the decision.

 

(6) Dès qu’il est saisi de la demande, le juge procède de la façon suivante :

 

(6) When an application is made under subsection (5), the judge shall, without delay

 

a) il examine à huis clos les renseignements en matière de sécurité ou de criminalité qui ont été pris en considération pour l’inscription du demandeur sur la liste et recueille les autres éléments de preuve ou d’information présentés par le ministre ou en son nom; il peut, à la demande de celui-ci, recueillir tout ou partie de ces éléments en l’absence du demandeur ou de son avocat, s’il estime que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

 

(a) examine, in private, any security or criminal intelligence reports considered in listing the applicant and hear any other evidence or information that may be presented by or on behalf of the Minister and may, at his or her request, hear all or part of that evidence or information in the absence of the applicant and any counsel representing the applicant, if the judge is of the opinion that the disclosure of the information would injure national security or endanger the safety of any person;

 

b) il fournit au demandeur un résumé de l’information dont il dispose — sauf celle dont la divulgation pourrait, à son avis, porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui — afin de lui permettre d’être suffisamment informé des motifs de la décision;

 

(b) provide the applicant with a statement summarizing the information available to the judge so as to enable the applicant to be reasonably informed of the reasons for the decision, without disclosing any information the disclosure of which would, in the judge’s opinion, injure national security or endanger the safety of any person;

 

c) il donne au demandeur la possibilité d’être entendu;

 

(c) provide the applicant with a reasonable opportunity to be heard; and

 

d) il décide si la décision est raisonnable compte tenu de l’information dont il dispose et, dans le cas où il décide que la décision n’est pas raisonnable, il ordonne la radiation.

(d) determine whether the decision is reasonable on the basis of the information available to the judge and, if found not to be reasonable, order that the applicant no longer be a listed entity.

 

(6.1) Le juge peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’il estime digne de foi et approprié — même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité — et peut fonder sa décision sur cet élément.

 

(6.1) The judge may receive into evidence anything that, in the opinion of the judge, is reliable and appropriate, even if it would not otherwise be admissible under Canadian law, and may base his or her decision on that evidence.

 

(7) Une fois la décision ordonnant la radiation passée en force de chose jugée, le ministre en fait publier avis sans délai dans la Gazette du Canada.

 

(7) The Minister shall cause to be published, without delay, in the Canada Gazette notice of a final order of a court that the applicant no longer be a listed entity.

(8) L’entité inscrite ne peut présenter une nouvelle demande de radiation en vertu du paragraphe (2) que si sa situation a évolué d’une manière importante depuis la présentation de sa dernière demande ou que si le ministre a terminé l’examen mentionné au paragraphe (9).

 

(8) A listed entity may not make another application under subsection (2), except if there has been a material change in its circumstances since the time when the entity made its last application or if the Minister has completed the review under subsection (9).

 

(9) Deux ans après l’établissement de la liste et tous les deux ans par la suite, le ministre examine celle-ci pour savoir si les motifs visés au paragraphe (1) justifiant l’inscription d’une entité sur la liste existent toujours et recommande au gouverneur en conseil de radier ou non cette entité de la liste. L’examen est sans effet sur la validité de la liste.

 

(9) Two years after the establishment of the list referred to in subsection (1), and every two years after that, the Minister shall review the list to determine whether there are still reasonable grounds, as set out in subsection (1), for an entity to be a listed entity and make a recommendation to the Governor in Council as to whether the entity should remain a listed entity. The review does not affect the validity of the list.

 

(10) Le ministre termine son examen dans les meilleurs délais mais au plus tard cent vingt jours après l’avoir commencé. Une fois l’examen terminé, il fait publier sans délai un avis à cet effet dans la Gazette du Canada.

 

(10) The Minister shall complete the review as soon as possible and in any event, no later than 120 days after its commencement. After completing the review, he or she shall cause to be published, without delay, in the Canada Gazette notice that the review has been completed.

 

(11) Au présent article, « juge » s’entend du juge en chef de la Cour fédérale ou du juge de cette juridiction désigné par celui-ci.

 

(11) In this section, “judge” means the Chief Justice of the Federal Court or a judge of that Court designated by the Chief Justice.

 

[15]           Une entité peut être ajoutée à la liste si le gouverneur en conseil est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que, sciemment, elle s’est livrée ou a tenté de se livrer à une activité terroriste, y a participé ou l’a facilitée, ou bien si, sciemment, elle agit au nom d’une telle entité. L’entité qui est ajoutée à la liste en vertu de l’article 83.05 devient une « entité inscrite ». Ainsi que le prévoit le paragraphe 83.01(1), celle-ci est un « groupe terroriste » :

(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

 

(1) The following definitions apply in this Part.

 

 

« entité » Personne, groupe, fiducie, société de personnes ou fonds, ou organisation ou association non dotée de la personnalité morale.

 

“entity” means a person, group, trust, partnership or fund or an unincorporated association or organization.

 

« entité inscrite » Entité inscrite sur la liste établie par le gouverneur en conseil en vertu de l’article 83.05.

 

“listed entity” means an entity on a list established by the Governor in Council under section 83.05.

 

« groupe terroriste »

 

“terrorist group” means

a) Soit une entité dont l’un des objets ou l’une des activités est de se livrer à des activités terroristes ou de les faciliter;

 

(a) an entity that has as one of its purposes or activities facilitating or carrying out any terrorist activity, or

 

b) soit une entité inscrite.

 

(b) a listed entity,

 

Est assimilé à un groupe terroriste un groupe ou une association formé de groupes terroristes au sens de la présente définition.

 

and includes an association of such entities.

[16]           Ces précisions nous amènent à l’article 83.07 du Code, lequel dispose :

(1) L’entité qui prétend ne pas être une entité inscrite peut demander au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de lui délivrer un certificat à cet effet.

 

 

(1) An entity claiming not to be a listed entity may apply to the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness for a certificate stating that it is not a listed entity.

 

(2) S’il est convaincu que le demandeur n’est pas une entité inscrite, le ministre délivre le certificat dans les quinze jours suivant la réception de la demande.

 

(2) The Minister shall, within 15 days after receiving the application, issue a certificate if he or she is satisfied that the applicant is not a listed entity.

 

[17]           Selon l’article 83.07, « [l]’entité qui prétend ne pas être une entité inscrite » peut demander au défendeur de lui délivrer un certificat à cet effet. S’il est convaincu que le demandeur n’est pas une entité inscrite, le défendeur délivre le certificat dans un délai de 15 jours. Le sens de « [l]’entité qui prétend ne pas être une entité inscrite » est plus étroit que « quiconque n’est pas une entité inscrite ». Si le législateur avait voulu dire par là que quiconque pouvait demander un certificat, il l’aurait indiqué clairement. La délivrance de certificat en vertu de l’article 83.07 est fonction de l’existence de la prétention de ne pas être une entité inscrite. La liste est publique, c’est-à-dire que les personnes sont tenues de vérifier si leur nom y est inscrit ou non. L’« entité inscrite » qui croit que son nom ne devrait pas y figurer peut soit contester la légalité de la décision et celle du règlement ayant placé son nom sur la liste, soit demander au défendeur, en vertu du paragraphe 83.05(2) du Code, que son nom en soit retiré.

[18]           Dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27, au paragraphe 21 [Rizzo], la Cour suprême du Canada a cité Elmer A. Driedger, Construction of Statutes, 2éd. (Toronto : Butterworths, 1983) et affirmé en ces termes le principe moderne de l’interprétation des lois :

[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[19]           Interprété littéralement, le texte du paragraphe 83.07(1) est absurde. Pourquoi une personne, ou une entité, non inscrite sur la liste, laquelle est un document public, voudrait-elle obtenir un autre document indiquant qu’elle n’est pas une entité inscrite?

[20]           L’interprétation de l’erreur sur la personne que propose le défendeur est une réponse logique, qui coïncide avec la position ministérielle exposée le 4 décembre 2001 lors des délibérations du Comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-36. Il peut être bon que la Cour se reporte à des preuves extrinsèques, car elles peuvent jouer un rôle limité en matière d’interprétation législative : Rizzo, précité, aux paragraphes 31 et 35. Le solliciteur général du Canada Lawrence MacAulay a déclaré ce qui suit :

Dans les cas peu probables d'identité erronée, la personne ou l'organisation en question pourra demander au solliciteur général de délivrer un certificat attestant qu'elle n'est pas celle figurant sur la liste. Ce certificat ne sera délivré que si je suis persuadé qu'il s'agit bel et bien d'une erreur.

[21]           Incidemment, la note marginale de l’article 83.indique : « erreur sur la personne ». Certes, les notes marginales ne figurent qu’à titre de repère ou d’information (Loi d’interprétation, LRC 1985, c I-21, article 14), mais dans l’arrêt Cie pétrolière Impériale ltée c Canada, 2006 CSC 46, paragraphe 57, le juge Lebel a ainsi commenté l’utilité des notes marginales dans les lois :

Bien que ces notes marginales ne soient pas complètement inutiles, elles ne possèdent qu’une valeur limitée pour un tribunal chargé de régler un problème difficile d’interprétation législative.  Je serais peu enclin à m’en remettre à l’une d’elles pour ce faire, et je reviendrai au texte de loi lui-même, après avoir examiné les autres arguments interprétatifs avancés par les parties.

[22]           Je conclus qu’un bref de mandamus n’aurait en l’espèce aucune incidence ni aucun effet sur le plan pratique. Le certificat ministériel attestera uniquement que le demandeur n’est pas une « entité inscrite », et non que le FMLN n’est pas une « organisation terroriste », ni que le demandeur n’est pas un « terroriste ». Il n’y a aucune preuve de confusion possible. D’autres voies de recours existent pour que le demandeur soit « certain de ne plus faire face à d’autres difficultés à cause de la décision rendue sous le régime de la LIPR », et de fait, il les a exercées. À propos de l’interdiction de territoire prononcée pour raison de sécurité en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, il a demandé par lettre du 28 juillet 2010 une dispense en vertu du paragraphe 34(2) (abrogé en 2013 par le projet de loi C-43, Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers, sanctionné le 19 juin 2013) et de l’article 25 de la LIPR. Après le jugement rendu le 10 juillet 2014, sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été renvoyée pour nouvel examen par un autre agent, tandis que sa demande de dispense ministérielle fondée sur le paragraphe 34(2) de la LIPR n’avait pas encore été tranchée (2014 CF 673, aux paragraphes 2 et 11) à la date du présent jugement.

[23]           Pour tous ces motifs, la Cour, exerçant son pouvoir discrétionnaire, n’est pas disposée à délivrer un bref de mandamus. Je répète que le demandeur ne figure pas sur la liste des entités inscrites, il n’affirme pas être membre d’aucune d’elles, le FMLN n’est pas une entité inscrite et il n’a jamais figuré sur la liste établie par le gouverneur en conseil en vertu de l’article 83.05 du Code. La présente demande est rejetée et, eu égard aux faits particuliers de l’espèce, il n’y a aucune adjudication de dépens aux parties.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE : la demande de bref de mandamus est rejetée, et il n’y a aucune adjudication de dépens aux parties.

« Luc Martineau »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-1724-13

 

INTITULÉ :

JOSE LUIS FIGUEROA c MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 AOÛT 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE :

LE 2 SEPTEMBRE 2014

 

COMPARUTIONS :

Peter Edelmann

 

POUR LE demandeur

 

Caroline Christiaens

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Edelmann & Co.

Law Offices

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE défendeur

 

 

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