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Date : 20140821


Dossier : IMM-7165-13

Référence : 2014 CF 817

Montréal (Québec), le 21 août 2014

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

REYNA JOHANA LOYO DE XICARA

EILYN FERNANDA XICARA LOYO

HILLARY ANDREA XICARA LOYO

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Au préalable

[1]               Un tribunal n’est pas lié par son raisonnement, ni par ses conclusions dans une décision suite à une nouvelle audience. Une audience de novo est une audience nouvelle, du début à la fin, incluant la décision éventuelle suite à une étude du cas (Hernandez Rodriguez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1331 au para 4).

[2]               C’est-à dire, une nouvelle audience doit être considérée entièrement dans son ensemble, en contexte comme repris complètement par une nouvelle audience.

[3]               Le dossier dans son ensemble démontre des incohérences et des lacunes majeures en plus d’un manque de crédibilité de la part de la demanderesse principale. La décision du tribunal repose sur la preuve au dossier. Cette première décision, de la façon analysée, démontre que le tribunal est arrivé à une décision raisonnable selon les issues se justifiant en fait et en droit et que le comportement du décideur était acceptable.

II.                Introduction

[4]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], d’une décision rendue le 15 octobre 2013 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la SPR] rejetant la demande des demandeurs de se faire reconnaître la qualité de réfugiés ou de personnes à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR.

III.             Faits

[5]               La demanderesse principale, madame Reyna Johana Loyo de Xicara, et ses deux filles mineures, Eilyn et Hillary, sont citoyennes du Guatemala.

[6]               En septembre 2008, elle allègue que des membres de la Mara Salvatrucha [Maras] auraient exigé de son mari le paiement de 15 000 quetzales. Son mari aurait payé ce montant pour éviter de mettre sa famille en danger.

[7]               Le même jour, les Maras auraient exigé un autre paiement de 150 000 quetzales, menaçant de tuer sa famille si l’argent n’était pas payé.

[8]               Le 3 novembre 2008, le mari de la demanderesse aurait porté plainte à la police. Trois jours plus tard, il aurait été battu et hospitalisé.

[9]               Le 27 février 2009, quatre mois plus tard, le mari de la demanderesse a quitté le pays et est venu demander l’asile au Canada le 7 mars 2009. La demanderesse aurait continué à vivre chez elle avec ses filles, malgré le fait qu’elle avait obtenu un visa américain qui était valide jusqu’en 2018.

[10]           En juin 2009, le mari de la demanderesse est retourné au Guatemala, car l’une de ses filles était gravement malade.

[11]           Le 1er juin 2010, soit un an après le retour de son mari, la demanderesse aurait reçu un appel des Maras l’informant qu’ils savaient que son mari était de retour. Elle aurait porté plainte à la police. Quelques jours plus tard, les Maras auraient tiré sur sa résidence lorsque la famille était absente.

[12]           Le 7 juin 2010, la demanderesse aurait contacté le Ministère public pour demander une surveillance de sa maison. La demanderesse, son mari et ses enfants ont quitté le Guatemala pour les États-Unis le lendemain.

[13]           Le 11 juillet 2010, la demanderesse et ses filles sont entrées clandestinement au Canada, sans avoir demandé l’asile aux États-Unis. Son mari n’aurait pas non plus demandé l’asile aux États-Unis et continue à vivre là illégalement à ce jour.

IV.             Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[14]           La SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs, car elle la jugea non crédible.

[15]           La SPR a conclu qu’il y avait plusieurs omissions importantes dans le récit de la demanderesse principale et qu’elle aurait ajouté des faits importants, notamment qu’elle n’aurait pas en fait resté chez elle après le départ de son mari vers le Canada, elle aurait plutôt été vivre avec la grand-mère de son mari. La SPR n’a pas accepté l’explication de la demanderesse qu’elle ne savait pas que son Formulaire de renseignements personnels [FRP] devait être si détaillé que ça. La SPR nota que ce détail était central à la question du risque que suscitent les Maras dans sa famille. La SPR ne trouvait pas cet élément de son récit crédible. La SPR n’a également pas accordé de poids aux allégations quant à sa dénonciation au Ministère public, ni que les Maras auraient maintenant exhorté de l’argent de ses parents et qu’ils avaient approprié la maison de la demanderesse; ces derniers faits n’avaient pas été allégués avant la date de l’audience.

[16]           La SPR n’a également pas cru la demanderesse que les Maras surveillaient sa maison ou qu’ils auraient tirée sur sa résidence, car ils sont tout de même restés dans la maison jusqu’au 8 juin 2010. Ce comportement, quant à la SPR, ne démontrait pas qu’elle craignait véritablement pour sa vie. Or, l’allégation que les Maras surveillaient sa maison n’apparaissait nulle part dans son FRP. Cette deuxième omission minait davantage la crédibilité de la demanderesse.

[17]           Par ailleurs, la SPR a conclu que la demanderesse et ses filles n’étaient pas personnellement exposées à un risque tel que décrit à l’article 97 de la LIPR. Le risque auquel les demandeurs faisaient face était le même auquel sont généralement exposés les autres guatémaltèques.

[18]           La SPR nota que le mari de la demanderesse a été ciblé par les Maras parce qu’ils le percevaient comme étant riche. Ils l’ont donc extorqué deux fois en 2008 sur cette base. Il n’y a personne au Guatemala à l’abri de l’extorsion ou la violence qu’exercent les Maras en lien avec l’extorsion.

V.                Point en litige

[19]           La SPR a-t elle erré en concluant que les demandeurs n'étaient pas crédibles?

VI.             Dispositions législatives pertinentes

[20]           Les articles 96 et 97 de la LIPR s'appliquent en l'espèce :

Définition de « réfugié »

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Personne à protéger

Person in need of protection

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

VII.          Position des parties

[21]           Les demandeurs avancent trois arguments clés dans leurs soumissions à la Cour :

a)      La SPR a rendu une décision déraisonnable en concluant que la demanderesse principale n’était pas crédible, alors qu’un tribunal antérieur a conclu qu’elle était crédible;

b)      La SPR a rendu une décision déraisonnable en concluant qu’il y a des omissions importantes dans le dossier, alors qu’un tribunal antérieur a conclu que le récit était plausible et n’a trouvé aucune omission;

c)      La SPR a rendu une décision déraisonnable en omettant d’évaluer la situation personnelle de la demanderesse à l’égard de la situation générale du pays.

[22]           Quant au premier et deuxième argument, le défendeur soutient que la demanderesse a démontré un comportement qui n’était pas compatible avec l’existence d’une vraie crainte pour sa vie. De même, le récit de la demanderesse comportait des omissions importantes qu’elle ne pouvait pas expliquer de façon satisfaisante. La SPR a également noté des incohérences dans le témoignage de la demanderesse. Ces éléments étaient suffisants pour conclure que la demanderesse n’était pas crédible.

[23]           Quant au troisième argument, le défendeur soutient que la demanderesse avait le fardeau d’établir le bien-fondé de ses allégations. Elle n’a pas réussi d’établir que les faits allégués avaient eu lieu; entre autres, les menaces de mort reçues. La demanderesse ne s’est pas comportée comme quelqu’un qui craignait les Maras en retournant vivre chez elle pendant 19 mois après avoir reçu des menaces de mort.

VIII.       Analyse

[24]           Les questions en litige sont répondues ensemble.

[25]           Les problèmes de crédibilité dans ce dossier sont déterminants. Dans ce cas, il y a simplement trop d’omissions pour que l’histoire soit crédible. De plus, la demanderesse principale, au fils des années, n’a aucunement agi comme si elle craignant pour sa vie. Elle est restée dans sa maison après le départ de son mari, malgré le fait qu’elle aurait pu quitter pour les États-Unis avec un visa qui était valide jusqu’en 2018. Lorsque la demanderesse principale a finalement quitté pour les États-Unis, elle n’a pas demandé l’asile pour elle et ses enfants. De plus, elle n’a pas démontré que le risque était personnalisé pour elle ou ses enfants. À l’égard de l’allégation de la demanderesse principale que le tribunal antérieur l’avait jugé crédible, cette jurisprudence confirme que les membres de la SPR ne sont pas liés par des décisions antérieures des autres (Hernandez Rodriguez, ci-dessus).

[26]           La demanderesse principale a présenté de nouveaux faits qui ne se retrouvent pas dans son dossier antérieur (Loyo de Xicara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 593, 433 FTR 263).

[27]           En plus, la demanderesse principale n’a pas soulevé une crainte de partialité en temps opportun; plutôt, la demanderesse principale n’a pas démontré un comportement à reprocher à cet égard (Committee for Justice and Liberty c Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 RCS 369).

IX.             Conclusion

[28]           Pour toutes les raisons ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire des demandeurs soit rejetée sans aucune question d’importance générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7165-13

 

INTITULÉ :

REYNA JOHANA LOYO DE XICARA, EILYN FERNANDA XICARA LOYO, HILLARY ANDREA XICARA LOYO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 août 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 août 2014

 

COMPARUTIONS :

Oscar Rodas

 

Pour la partie demanderesse

 

Alain Langlois

 

Pour la partie défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Oscar Rodas

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la partie défenderesse

 

 

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