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Date : 20140821

Dossier : IMM-3683-13

Référence : 2014 CF 816

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 21 août 2014

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

NHUT VO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que Nhut Vo n’avait pas établi que son mariage avec son épouse actuelle, Thi Tuyet Trinh Le, était authentique et n’avait pas été contracté principalement à des fins d’immigration.

[2]               La Commission a rejeté l’appel de monsieur Vo notamment parce que ce dernier n’avait pas produit d’élément de preuve concernant les plans du couple pour l’avenir. Selon monsieur Vo, cette conclusion était injuste parce que la Commission ne lui a posé aucune question à ce sujet. Monsieur Vo a aussi allégué que la conclusion de la Commission quant à l’authenticité du mariage était déraisonnable.

[3]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, j’ai conclu que monsieur Vo n’a pas été traité injustement en l’espèce et que la décision de la Commission était raisonnable. Par conséquent, la demande de monsieur Vo sera rejetée.

I.                   Le contexte

[4]               Le mariage en question était le troisième de monsieur Vo, et c’était la troisième fois qu’il essayait de parrainer une femme afin que cette dernière obtienne la résidence permanente au Canada. Après la fin de sa première union de fait, monsieur Vo a présenté une demande pour parrainer une fiancée en 1995. Il semble qu’il ait par la suite retiré sa demande de parrainage lorsque la relation s’est terminée. Monsieur Vo a épousé sa deuxième femme en 2004, et il l’a parrainée peu de temps après. Son épouse a quitté le Vietnam pour venir au Canada en 2005, mais le couple a divorcé peu de temps après son arrivée.

[5]               Monsieur Vo a marié madame Le au Vietnam en 2007, et il a présenté une demande en vue de la parrainer peu de temps après.

[6]               Après une entrevue avec madame Le, une agente des visas a rejeté la demande de monsieur Vo en vue de parrainer son épouse. L’agente n’était pas convaincue que le mariage était authentique et qu’il n’avait pas été contracté principalement pour acquérir un statut ou un privilège sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[7]               Il est évident que l’agente des visas avait des doutes quant à l’authenticité du mariage. L’agente des visas a notamment estimé que la description que madame Le a faite des qualités personnelles de monsieur Vo ainsi que la description des intérêts communs des époux et de leurs plans pour l’avenir étaient toutes [traduction] « d’ordre général ». L’agente des visas a également conclu que madame Le [traduction] « n’avait rien dit qui témoignait de l’existence d’un mariage de près de 4 ans ». La demande de parrainage a été rejetée notamment en raison de ces doutes.

[8]               Monsieur Vo a interjeté appel de cette décision à la Commission. Cette dernière a rejeté l’appel, et la Cour est saisie du contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

II.                La question de l’équité procédurale

[9]               Après avoir examiné la preuve produite en appel, la Commission a conclu qu’un certain nombre de doutes soulevés par l’agente des visas (notamment l’omission de monsieur Vo de divulguer la demande de parrainage de sa fiancée en 1995 et le fait que ce dernier ait peut‑être continué à fréquenter sa conjointe de fait) avaient fait l’objet d’un examen adéquat à la lumière des nouveaux éléments de preuve produits par monsieur Vo.

[10]           La Commission a toutefois souligné que monsieur Vo et madame Le n’avaient aucunement fait état des plans d’avenir qu’ils avaient quant à leur vie commune au Canada. Cette préoccupation, conjuguée aux autres doutes, notamment le peu de renseignements quant à la façon dont la relation entre monsieur Vo et madame Le s’était développée et le peu de temps que le couple avait passé ensemble pendant leur mariage, a mené la Commission à conclure que monsieur Vo ne s’était pas acquitté de sa charge de présentation ou de persuasion.

[11]           La Commission n’était donc pas convaincue que le mariage était authentique et qu’il n’avait pas été contracté à des fins d’immigration.

[12]           Monsieur Vo conteste en particulier la conclusion de la Commission sur l’absence de preuve concernant les plans d’avenir que madame Le et lui avaient quant à leur vie commune au Canada puisque le commissaire n’a posé aucune question à ce sujet lors de l’audience relative à l’appel. Selon monsieur Vo, l’omission de la Commission de soulever cette question et de lui donner l’occasion d’y répondre a entraîné un manquement à l’équité procédurale.

[13]           Puisqu’il est ici question d’équité procédurale, la tâche de la Cour consiste à déterminer si le processus que le décideur a suivi respectait le degré d’équité requis en toute circonstance : voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43.

[14]           Il incombait à monsieur Vo d’établir l’authenticité de son mariage. Il n’appartenait pas à la Commission ou à l’avocat du défendeur d’établir le bien‑fondé de la demande de monsieur Vo en posant des questions et lors des contre‑interrogatoires.

[15]           Il ressort clairement de la lettre de décision de l’agente des visas que cette dernière avait fait état de ses doutes à madame Le au cours de l’entrevue et qu’elle avait accordé à celle‑ci, en toute équité, l’occasion d’y répondre.

[16]           Dans le cadre du processus d’appel, on a fourni à monsieur Vo les notes que l’agente des visas avait consignées dans le « STIDI » concernant l’entrevue de madame Le, et les doutes de l’agente y sont clairement exposés. L’un de ces doutes découlait de l’absence de renseignements concernant les plans d’avenir que monsieur Vo et madame Le avaient quant à leur vie commune au Canada. Par conséquent, monsieur Vo était pleinement au fait de la nature des doutes que les autorités canadiennes de l’immigration avaient quant à l’authenticité de son mariage ainsi que les motifs sous‑jacents à ces doutes. Qui plus est, on a accordé à monsieur Vo, en toute équité, l’occasion de répondre à ces doutes lors de l’audition de son appel devant la Section d’appel de l’immigration.

[17]           La présente situation peut être distinguée de celle dont a été saisie la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Sadeghi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 337, [2000] ACF no 675. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale parce que le demandeur n’avait pas été mis au fait des doutes de l’agente et parce qu’on ne lui avait pas non plus donné l’occasion d’y répondre.

[18]           Je ne suis donc pas convaincue qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale dans la présente affaire.

III.             La décision de la Commission était‑elle raisonnable?

[19]           Monsieur Vo conteste aussi le caractère raisonnable de la décision de la Commission.

[20]           Lorsqu’elle contrôle une décision en fonction de la norme de la raisonnabilité, la Cour doit s’attarder à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59, [2009] 1 RCS 339.

[21]           Lorsqu’elle applique la norme de la raisonnabilité, la Cour n’a pas pour rôle d’apprécier à nouveau la preuve dont la Commission était saisie : Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113, au paragraphe 99, 459 NR 367.

[22]           Dans la présente affaire, la Commission a accepté que certains éléments de preuve, notamment ceux concernant les transferts de fonds et les appels téléphoniques, donnaient à penser que le mariage était authentique. D’autres éléments preuve, notamment ceux concernant les circonstances entourant la période de fréquentations du couple, la vitesse à laquelle la demande en mariage a été faite, les connaissances limitées de madame Le quant aux détails de la vie de monsieur Vo au Canada, le fait que monsieur Vo avait déjà tenté, en vain, de parrainer d’autres personnes et l’absence de renseignement concernant les plans d’avenir qu’ils avaient quant à leur vie commune au Canada, donnaient à penser que le mariage avait été contracté à des fins d’immigration.

[23]           Il ressort clairement des motifs de la Commission que cette dernière a attentivement examiné la preuve dont elle était saisie, qu’elle a soupesé les éléments de preuve qui donnaient à penser que le mariage était authentique par rapport à ceux qui étayaient la conclusion contraire. Monsieur Vo souhaite maintenant que la Cour apprécie de nouveau la preuve dont la Commission avait été saisie et tire une conclusion différente. Là n’est pas le rôle de la Cour saisie du contrôle judiciaire d’une décision de la Commission, et monsieur Vo ne m’a pas convaincue que la décision de la Commission était déraisonnable.  

IV.             Conclusion

[24]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

V.                Certification

[25]           Monsieur Vo propose de certifier la question suivante :

[traduction]

Puisque le fardeau incombe au demandeur, ce dernier doit‑il anticiper les doutes que le commissaire peut avoir et y répondre, que ces doutes soient invoqués ou non dans les motifs de rejet?

[26]           Il ne s’agit pas d’une question qu’il convient de certifier, car la réponse ne trancherait pas la présente affaire. Il n’a pas été demandé à monsieur Vo « [d’]anticiper les doutes que le commissaire peut avoir et [d’]y répondre ». Monsieur Vo a été avisé, en toute équité, que l’authenticité de son mariage était mise en doute et il a été mis au fait de ces doutes. On lui a ensuite donné l’occasion, en toute équité, de répondre à ces doutes devant la Section d’appel de l’immigration.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Anne Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3683-13

 

INTITULÉ :

NHUT VO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 18 août 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge MACTAVISH

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 21 août 2014

 

COMPARUTIONS :

Mme Barbara Jackman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

M. Manuel Mendelzon

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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