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Date : 20140818


Dossier : IMM‑1138‑13

Référence : 2014 CF 803

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 août 2014

En présence de monsieur le juge O’Keefe

ENTRE :

DANIEL NEWMAN

demandeur

Et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Conformément au paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], le demandeur a demandé d’être dispensé, pour des motifs d’ordre humanitaire, de l’obligation de présenter sa demande de résidence depuis l’étranger. Sa demande a été rejetée. Il sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision en application du paragraphe 72(1) de la Loi.

[2]               Le demandeur demande à la Cour d’annuler le refus et de renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvelle décision.

I.                   Le contexte

[3]               Le demandeur est un citoyen tchèque qui souffre de schizophrénie. Il affirme que sa famille l’a déjà placé dans une institution en raison de sa maladie et qu’il a quitté son pays parce qu’il avait peur. Il a présenté en vain des demandes d’asile en Hollande, en Allemagne, en Norvège et en Pologne avant d’arriver au Canada le 20 janvier 2008.

[4]               Il a présenté ici une autre demande d’asile qui a également été rejetée le 21 juillet 2010. Sa demande de contrôle judiciaire a été rejetée. Il a demandé un examen pour des motifs d’ordre humanitaire le 19 octobre 2010.

II.                La décision

[5]               Par lettre datée du 3 décembre 2012, un agent principal a rejeté sa demande.

[6]               Dans cette lettre, l’agent a présenté un résumé des demandes du demandeur et de la décision de la Section de la protection des réfugiés, et a ensuite affirmé qu’il n’existait aucune preuve que le demandeur avait déjà été interné de force en République tchèque. De plus, l’agent a rejeté les observations présentées par l’avocat du demandeur au sujet de la situation personnelle de ce dernier parce qu’elles étaient hypothétiques et non documentées. L’agent a ensuite fait remarquer que le paragraphe 25(1.3) de la Loi interdisait la prise en compte des facteurs servant à établir la qualité de réfugié et n’a par conséquent accordé aucune force probante aux observations du demandeur concernant le risque auquel il serait exposé.

[7]               L’agent a ensuite résumé les observations formulées par l’avocat sur le degré d’établissement du demandeur. L’agent a reconnu que le demandeur s’était fait de nombreux amis au Canada et qu’il avait présenté de nombreuses lettres à ce sujet, mais il a estimé que ces liens ne seraient pas rompus s’il quittait le Canada puisqu’il existe d’autres façons de rester en contact avec des gens. L’agent a ajouté qu’il n’était pas convaincu que le demandeur ne pourrait nouer des amitiés semblables s’il retournait en République tchèque.

[8]               L’agent a précisé que, puisque le demandeur avait passé quatre ans au Canada, on pouvait s’attendre à un certain degré d’établissement de sa part, mais qu’il ne s’était pas établi de façon significative. L’agent a félicité le demandeur de s'être intégré dans sa collectivité, mais n’a pas accordé une force probante particulière à cet élément parce que le demandeur ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’il soit autorisé à demeurer au Canada de façon permanente. Il lui serait peut‑être difficile de se réadapter à la vie en République tchèque, mais l’agent a estimé que cela ne constituerait pas une difficulté excessive, injustifiée ou inhabituelle. En fin de compte, l’agent a conclu que la situation personnelle du demandeur était tout simplement celle de quelqu’un à qui l’on demande de quitter le pays après qu’il y ait séjourné pendant quatre ans et ne justifiait donc pas une dispense.

III.             L’historique subséquent

[9]               Le demandeur a également présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), qui a été rejetée par le même agent le même jour. Cette décision n’est pas en cause.

IV.             Les questions en litige

[10]           Le demandeur soulève deux questions :

1.                  L’agent a‑t‑il omis d’évaluer de façon appropriée le degré d’établissement du demandeur?

2.                  L’agent a‑t‑il limité son pouvoir discrétionnaire en omettant d’examiner les difficultés que causerait au demandeur son retour en République tchèque?

[11]           Le défendeur soutient qu’une seule question est en litige : le demandeur a‑t‑il démontré que l’agent d’immigration avait commis une erreur susceptible de contrôle?

[12]           Pour faciliter l’analyse, je retiens la façon dont le demandeur a distingué les questions en litige et je les aborderai sous les intitulés suivants :

A.                Quelle est la norme de contrôle applicable?

B.                 L’agent a‑t‑il évalué le degré d’établissement de façon déraisonnable?

C.                 L’agent a‑t‑il mal interprété le paragraphe 25(1.3) de la Loi?

V.                Les observations écrites du demandeur

[13]           Le demandeur soutient que la raisonnabilité est la norme de contrôle applicable à la deuxième question en litige, mais que c’est celle de la décision correcte qui s’applique à la troisième question.

[14]           Le demandeur cite des passages d’un certain nombre de lettres présentées à l’agent, dont une qu’il a rédigée lui‑même. On y décrit ses activités : réparation de vélos, apprentissage de l’anglais, travail bénévole, fréquentation d’une église et autres. Le demandeur affirme que [traduction] « ce qui précède ressemble aux activités d’une personne qui s’est pleinement intégrée dans la société canadienne ». Pour ce motif, il affirme que la conclusion de l’agent selon laquelle il ne s’est pas établi de façon significative est réfutée par la preuve et que cela suffit à justifier l’annulation de la décision.

[15]           Le demandeur signale en particulier deux choses. Premièrement, il critique la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur pourrait demeurer en contact avec ses amis en utilisant des moyens électroniques. Le demandeur affirme que cette conclusion ne tient pas compte du fait qu’il ressort de presque toutes les lettres que les relations du demandeur impliquaient une présence physique et il fait remarquer que l’affidavit de Constance Nakatsu mentionne que le demandeur ne l’appelait pas au téléphone parce qu’il pensait qu’il était peut‑être sur écoute. Le demandeur déduit de tout ceci que l’agent n’a jamais lu ses lettres.

[16]           Deuxièmement, le demandeur soutient que l’agent a décidé, de façon déraisonnable, qu’aucun degré d’établissement ne pourrait suffire, étant donné que le demandeur n’avait aucune attente raisonnable de demeurer au Canada de façon permanente. Le demandeur affirme que ce raisonnement est abusif et cite quelques décisions qui étayent son argument (voir Sebbe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 813, aux paragraphes 23 et 24, 414 FTR 268 [Sebbe]).

[17]           Le demandeur soutient également que l’agent a limité son pouvoir discrétionnaire en refusant d’évaluer les difficultés auxquelles ferait face le demandeur s’il retournait en République tchèque. En particulier, le demandeur craint d’être interné et il reprend ses observations selon lesquelles les personnes atteintes de maladie mentale sont traitées de façon avilissante en République tchèque. Le demandeur affirme que l’agent a reconnu qu’il avait été placé en institution (mais pas de force), mais qu’il a quand même omis d’examiner les difficultés auxquelles il serait exposé s’il était interné à son retour. Le demandeur ajoute que l’agent n’a pas tenu compte d’un document judiciaire selon lequel une audience relative à sa capacité reprendrait après son retour dans son pays.

VI.             Les observations écrites du défendeur

[18]           Le défendeur souligne que les demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire permettent de régler les cas qui ne sont pas prévus par la loi, mais qu’il ne s’agit pas là d’une voie d’immigration. Il s’agit de savoir si le fait de demander au demandeur de présenter une demande à l’étranger lui causerait des difficultés excessives, injustifiées et inhabituelles.

[19]           En l’espèce, le défendeur fait valoir que l’agent a examiné la question du risque lorsqu’il a examiné la décision de la Section de la protection des réfugiés et qu’il a ensuite conclu que les préoccupations du demandeur étaient de nature hypothétique. Le défendeur affirme que le demandeur n’a donc pas répondu au critère et n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour établir l’existence des difficultés en question.

[20]           De plus, le défendeur affirme que l’établissement n’est qu’un des nombreux facteurs à prendre en compte, mais que la question ultime est celle des difficultés. En l’espèce, l’agent a reconnu que le demandeur avait des amis et avait démontré un certain degré d’établissement dans la collectivité, mais que cela ne suffisait pas pour conclure qu’il subirait des difficultés excessives, injustifiées ou inhabituelles. Il convient donc de faire preuve de retenue à l’égard de l’importance attribuée à cet élément.

VII.          La réponse écrite du demandeur

[21]           Le demandeur a répondu que l’agent avait à peine tenu compte du risque possible et qu’il ne l’avait fait que du point de vue de la protection de l’État. Cette façon de faire était inappropriée, étant donné que la protection de l’État n’est pas un élément pertinent. En outre, l’agent n’a pas examiné tous les autres facteurs touchant les difficultés, notamment le traitement inhumain accordé aux malades mentaux en République tchèque. Par ailleurs, l’agent a expressément écarté ces questions, en affirmant qu’il ne pouvait les prendre en considération en raison du paragraphe 25(1.3), ce qui constitue, d’après le demandeur, une erreur.

[22]           De plus, le demandeur affirme qu’il ressort de la jurisprudence que, lorsque le facteur de l’établissement n’a pas été examiné de façon adéquate, l’analyse des difficultés est nécessairement lacunaire. Il affirme qu’il ne convient pas de faire preuve de retenue à l’égard de l’importance accordée à ce facteur par l’agent. En fait, la jurisprudence récente indique que la Cour peut intervenir si l’agent n’a pas apprécié le degré d’établissement et le demandeur soutient qu’il ne s’agit pas d’une question de force probante, mais d’une question d’appréciation correcte de la preuve.

VIII.       Mémoire écrit supplémentaire du défendeur

[23]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable à l’ensemble des questions soumises à la Cour est celle de la raisonnabilité.

[24]           Le défendeur affirme que la preuve documentaire sur le traitement des patients atteints de maladie mentale ne démontre pas que le demandeur serait mal traité. L’agent n’a pas reconnu que le demandeur avait déjà été privé de sa liberté personnelle pendant qu’il était en République tchèque. Le demandeur a vécu seul pendant une quinzaine d’années, et il s’est adapté à cinq nouveaux pays pendant cette période. L’agent a conclu de façon raisonnable que les difficultés associées à son renvoi en République tchèque ne répondaient pas au critère prévu au paragraphe 25(1) de la Loi.

[25]           Enfin, le défendeur reprend ses affirmations selon lesquelles l’agent a admis que le demandeur s’était en partie établi au Canada, mais que la notion d’établissement est très large et que l’appréciation de l’agent appelle la retenue.

IX.             Analyse et décision

A.                Question 1 – Quelle est la norme de contrôle applicable?

[26]           Lorsque la jurisprudence a établi la norme de contrôle applicable à une question donnée, la cour de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 57, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]).

[27]           Quant aux questions de fait ou aux questions mixtes de fait et de droit examinées dans le cadre d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, la norme applicable est celle de la raisonnabilité (voir Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 18, [2010] 1 RCF 360; Dunsmuir, au paragraphe 53; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux paragraphes 57 à 62, 174 DLR (4th) 193). Cela veut dire que je devrais m’abstenir d’intervenir si la décision est transparente, justifiable, intelligible et appartient aux issues possibles acceptables (voir Dunsmuir au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59, [2009] 1 RCS 339 [Khosa]). Ainsi que la Cour suprême l’a déclaré dans l’arrêt Khosa, aux paragraphes 59 et 61, la juridiction de révision, qui examine le caractère raisonnable d’une décision, ne peut substituer la solution qui serait à son avis préférable, ni procéder à une nouvelle évaluation de la preuve.

[28]           En matière d’interprétation des lois, la Cour d’appel fédérale a jugé que la norme de contrôle n’est importante que si la disposition à interpréter est ambigüe (voir Qin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CAF 263 aux paragraphes 32 à 34, [2013] ACF no 1264). En l’espèce, j’estime que cela pourrait être le cas et je vais déterminer quelle est la norme de contrôle applicable.

[29]           Dans l’arrêt Toussaint c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 146, au paragraphe 29, [2013] 1 RCF 3 [Toussaint], autorisation d’appel à la CSC refusée, dossier 34336 (3 novembre 2011), la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’il n’y avait pas lieu de faire preuve de déférence envers les délégués du ministre dans le cas de telles demandes lorsqu’il s’agit de questions d’interprétation des lois. D’autres décisions de notre Cour confirment cette affirmation (voir Caliskan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1190, au paragraphe 3, [2012] ACF no 1291; Guxholli c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1267, au paragraphe 17, [2013] ACF no 1369).

[30]           Toutefois, dans le jugement Diabate c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 129, aux paragraphes 9 à 17, [2013] ACF no 124 [Diabate], la juge Mary Gleason a fait observer que cette façon de voir ne s’accordait guère avec la jurisprudence de la Cour suprême suivant laquelle il y a lieu de présumer que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable lorsqu’un décideur interprète sa loi constitutive (Dunsmuir, au paragraphe 54; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 44, [2009] 1 RCS 339 [Khosa]). Je partage le malaise exprimé par la juge Gleason. L’analyse que l’on trouve dans l’arrêt Toussaint est sommaire et n’explique pas pourquoi la présomption relative à la norme de contrôle de la décision raisonnable a été réfutée. De plus, dans l’arrêt Agraira c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 50, [2013] 2 RCS 559, la Cour suprême du Canada a déclaré que la norme de la décision raisonnable était celle qui s’appliquait à l’interprétation faite par le ministre d’un pouvoir discrétionnaire de dispense semblable, qui était prévu par l’ancien paragraphe 34(2) de la Loi.

[31]           Toutefois, bien qu’il permette aux tribunaux de déterminer la norme de contrôle applicable lorsque l’analyse antérieure se révèle insatisfaisante, l’arrêt Dunsmuir ne permet pas de déroger à la hiérarchie judiciaire. L’arrêt Toussaint demeure une décision de la Cour d’appel qui fait autorité et qui porte directement sur la question qui nous occupe. L’arrêt Toussaint a été rendu après l’arrêt Dunsmuir et on peut supposer que la Cour d’appel a examiné la présomption applicable. Je ne suis pas non plus convaincu que l’arrêt Toussaint a été écarté par la jurisprudence ultérieure. L’arrêt Agraira ne faisait qu’appliquer les règles de droit énoncées dans l’arrêt Dunsmuir; il ne les modifiait pas. On pourrait soutenir que la Cour suprême a effectivement renforcé la présomption relative au caractère raisonnable en remettant en question la catégorie des véritables questions de compétence dans l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, aux paragraphes 37 à 42, [2011] 3 RCS 654. Toutefois, l’arrêt Toussaint n’était pas fondé sur la notion de véritable question de compétence. Il a plutôt étendu sa conclusion à toutes les questions d’interprétation des lois. Je suis donc lié par l’arrêt Toussaint et j’appliquerai la norme de la décision correcte.

B.                 Question 2 – L’agent a‑t‑il commis une erreur dans son examen du degré d’établissement?

[32]           Au paragraphe 15 de son mémoire en réponse, le demandeur soutient que la Cour peut intervenir [traduction] « lorsque l’agent a omis d’évaluer le degré d’établissement en question ». Je ne suis pas d’accord. Pour appliquer ce raisonnement, il faudrait que j’évalue de façon indépendante le degré d’établissement, que je compare ma réponse à celle qu’a fournie l’agent et que j’annule la décision si elle ne correspond pas à la mienne. C’est ce qu’exige la norme de la décision correcte, mais je commettrais une erreur en procédant ainsi.

[33]           En fait, les affaires invoquées par le demandeur n’indiquent pas que je devrais agir ainsi. Le terme « évaluation » est tiré de la décision El Thaher c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1439, au paragraphe 52, [2012] ACF no 1658, [El Thaher], mais au paragraphe 56, monsieur le juge James Russell précise que « l’analyse du degré d’établissement était absente en l’espèce » [non souligné dans l’original.] La Cour n’a pas annulé la décision pour la seule raison qu’elle a estimé que l’agent avait commis une erreur au sujet du degré d’établissement; elle l’a annulée parce que l’agent n’avait pas expliqué ses conclusions.

[34]           Aucune erreur de ce genre n’a été commise en l’espèce. En fait, l’agent a expressément reconnu que le demandeur avait de nombreux amis, mais il a écarté cet élément pour deux raisons. Premièrement, rien n’indiquait que le demandeur ne pourrait rester en contact avec eux en utilisant des moyens électroniques. Deuxièmement, aucun élément n’établissait qu’il ne serait pas en mesure de créer de nouvelles amitiés s’il retournait en République tchèque. Étant donné que l’intégration dans la collectivité était en réalité le seul élément appuyant l’argument du demandeur au sujet de son établissement, l’agent a conclu : [traduction] « Je ne suis pas convaincu qu’il s’est établi au Canada de façon significative. » Cela constitue une analyse et je comprends pourquoi l’agent est arrivé à cette conclusion, de sorte que l’objection fondée sur El Thaher ne s’applique pas.

[35]           Je rejette également l’affirmation du demandeur selon laquelle l’agent n’a pas lu les lettres qu’il avait présentées. L’agent a expressément reconnu que de nombreuses lettres de soutien avaient été envoyées, entre autres par [traduction] « des amis, des travailleurs de soutien, des organisations bénévoles, des églises, des travailleurs, des collègues ». Les décideurs sont présumés avoir apprécié et examiné l’ensemble de la preuve qui leur est présentée (voir Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598, au paragraphe 1, ACF no 598 (CAF)). Bien qu’il soit possible de tirer de l’omission de mentionner expressément des éléments de preuve contraires une inférence que ces éléments n’ont pas été pris en compte, c’est en fonction de l’importance de ces éléments que la cour décidera de tirer ou non une telle inférence (voir Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425,aux paragraphes 15 à 17, 157 FTR 35).

[36]           En l’espèce, les éléments de preuve contraires n’étaient pas suffisamment convaincants pour que l’agent soit tenu de les commenter en particulier. Le demandeur fait valoir que toutes les lettres indiquaient que ses relations impliquaient une présence physique. Cela n’est guère inhabituel. La plupart des gens restent en contact personnel avec leurs amis lorsqu’ils sont géographiquement proches, et l’on s’attendrait à ce que des éléments de preuve de ce type soient présentés pour prouver qu’il y a eu établissement. Cela ne veut pas dire que ce soit la seule façon de rester en contact.

[37]           Cela dit, la lettre de Mme Nakatsu donne effectivement à penser que le demandeur se méfie du téléphone, et un rapport d’examen psychiatrique mentionne en outre que le demandeur pensait que la police secrète tchèque avait introduit un dispositif d’écoute dans son baladeur‑radio. Toutefois, aucun de ces deux éléments ne fait référence aux moyens de communication mentionnés dans la décision de l’agent (courrier, courriel, messagerie instantanée et Facebook) et je ne vois aucune raison de conclure que l’agent n’a pas tenu compte d’un quelconque élément de preuve.

[38]           De plus, bien que je convienne avec le demandeur qu’une personne atteinte de sa maladie pourrait exceptionnellement être établie même si elle ne peut compter que sur l’appui de la collectivité, je ne vois aucune raison de conclure que l’agent n’a pas tenu compte de cette possibilité. L’agent était au courant par ailleurs de la maladie du demandeur et les motifs à l’appui de sa conclusion que le degré d’établissement du demandeur était faible ne donnent pas à penser qu’il aurait indûment comparé le demandeur avec une personne en bonne santé.

[39]           C’est pourquoi la décision de l’agent portant que l’établissement du demandeur n’était pas significatif était raisonnable.

[40]           Le demandeur soutient également que l’agent a aussi diminué l’importance de l’établissement du demandeur parce qu’il avait le pouvoir de le faire. En particulier, il invoque le jugement Sebbe dans lequel le juge Russel Zinn a déclaré ce qui suit, au paragraphe 23 :

L’agent a tiré une conclusion abusive de la preuve relative à l’établissement présentée par les demandeurs. Doit‑on faire abstraction de chaque placement, chaque achat, chaque entreprise mise sur pied, chaque résidence acquise, etc., au motif que ces biens ont été acquis alors même que l’on savait devoir peut‑être y renoncer ou les abandonner? L’agent laisse‑t‑il entendre que les Canadiens préfèrent que les demandeurs d’asile déboutés ne fassent rien pour réussir et pour subvenir à leurs besoins pendant qu’ils sont au Canada? Laisse‑t‑il entendre que les mesures, quelles qu’elles soient, prises pour réussir seront dénuées de valeur parce que les demandeurs savaient qu’ils pouvaient faire l’objet d’un renvoi? À mon avis, les réponses à ces questions montrent qu’il n’est nullement pertinent de se demander si les demandeurs savaient qu’ils pouvaient faire l’objet d’une mesure de renvoi lorsqu’ils ont pris des mesures pour s’établir, avec les membres de leur famille, au Canada.

[41]           Je reconnais que le degré d’établissement d’une personne ne peut être considéré comme étant moindre parce que la personne en question n’a pu s’établir que par suite d’une demande d’asile. On pourrait dire que cela est incompatible avec l’arrêt Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 CF 358 [Legault]. Au paragraphe 19 de cette décision, la Cour d’appel fédérale a examiné la disposition de l’ancienne Loi sur l’immigration, LRC 1985, c I‑2, qui a précédé l’actuel paragraphe 25(1), et elle a déclaré qu’« […] il est loisible au ministre de prendre en considération le fait que les raisons d’ordre humanitaire dont une personne se réclame soient le fruit de ses propres agissements ». Cependant, les exemples fournis portaient principalement sur des motifs d’intérêt public et le paragraphe 25(1) a été modifié en 2010 par la suppression de la référence à « l’intérêt public » (Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, LC 2010, c 8, art 4).

[42]           Quoi qu’il en soit, je ne pense pas que cela soit vraiment contradictoire. En fin de compte, il appartient toujours à l’agent d’accorder le poids qui convient à chacun des facteurs de son analyse générale (voir Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au paragraphe 37, [2002] 1 RCS 3), y compris l’établissement (voir Irimie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1906, au paragraphe 20, 10 Imm LR (3d) 206 [Irimie]; Diabate, au paragraphe 29). Cette appréciation peut être logiquement influencée par les choix faits par le demandeur, en particulier lorsqu’il s’agit d’évaluer si une difficulté est injustifiée. Comme le juge J.D. Denis Pelletier l’a déclaré dans la décision Irimie, au paragraphe 17, la question de savoir si une difficulté est injustifiée « peut bien dépendre des circonstances, mais en général, on pourrait supposer que, si une personne assume un risque, la possibilité que l’événement donnant lieu au risque survienne, n’occasionnera pas une difficulté injustifiée ». De la même façon, si une personne n’a d’autre choix que de venir au Canada, cela pourrait montrer que la difficulté découlant de la perte d’établissement est moins justifiée qu’elle pourrait l’être autrement. En fin de compte, la décision Sebbe ne modifie pas cet aspect.

[43]           En l’espèce, l’agent a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je ne suis pas convaincu que le demandeur pouvait raisonnablement s’attendre à obtenir l’autorisation de demeurer au Canada de façon permanente et, à ce titre, je n’accorde guère d’importance au temps qu’il a passé au Canada, ni à son établissement. » Tout cela signifie que l’agent n’a pas accordé plus d’importance au facteur relatif à l’établissement – à cause des circonstances entourant le séjour du demandeur au Canada – qu’il n’en aurait accordé autrement. À mon avis, cela était raisonnable.

C.                 Question 3 – L’agent a‑t‑il mal interprété le paragraphe 25(1.3)?

[44]           Dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 RCS 27, au paragraphe 21, 154 DLR (4th) 193, la Cour suprême du Canada propose la méthode suivante en matière d’interprétation des lois :

Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[45]           Le paragraphe 25(1.3) dispose :

25. …

25. …

(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande faite au titre du paragraphe (1) d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

(1.3) In examining the request of a foreign national in Canada, the Minister may not consider the factors that are taken into account in the determination of whether a person is a Convention refugee under section 96 or a person in need of protection under subsection 97(1) but must consider elements related to the hardships that affect the foreign national.

[46]           Le passage du paragraphe 25(1.3), selon lequel le ministre « ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié – au sens de la Convention – aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1) » semble clair, mais il contredit d’une certaine façon le passage suivant lequel le ministre « tient compte, toutefois, des difficultés auxquels l’étranger fait face ». L’allégation selon laquelle une personne serait exposée en cas de retour dans son pays à de la persécution ou aux risques mentionnés au paragraphe 97(1) pourrait presque toujours être considérée comme une allégation qu’elle ferait face à des difficultés, et il est donc difficile de savoir dans quel cas le paragraphe 25(1.3) aurait effectivement pour effet d’empêcher le ministre de tenir compte des facteurs se rapportant à la protection des réfugiés.

[47]           Ce problème a été examiné dans la décision Caliskan où le juge Roger Hughes s’est penché sur les circonstances ayant entouré l’adoption de cette disposition. Le juge a fait remarquer, au paragraphe 20, que la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est essentiellement « un plaidoyer auprès de l’exécutif en vue d’obtenir un traitement spécial qui n’est pas par ailleurs explicitement prévu par la loi ». Il a interprété le paragraphe 25(1.3) à la lumière de ce commentaire et il a conclu, au paragraphe 22, qu’il conviendrait de se concentrer sur les difficultés qu’éprouverait l’intéressé et d’abandonner le vieux jargon et l’ancienne jurisprudence relatifs aux risques personnalisés et généralisés dans le cas des demandes CH.

[48]           Je souscris en grande partie à ces observations. Le paragraphe 25(1) permet d’accorder une dispense dans les cas où l’application ordinaire de la loi pourrait de causer des difficultés, et ne devrait pas servir dans les cas prévus par la loi elle‑même, comme la protection des réfugiés. Corollairement, toutefois, si une demande d’asile a été rejetée ou est vouée à l’échec en raison des limites prévues par les dispositions relatives à la protection des réfugiés, notamment lorsque la discrimination n’équivaut pas à de la persécution, les difficultés auxquelles le demandeur fait face dans un tel cas devraient quand même être prises en compte. Tous les éléments de preuve se rapportant aux difficultés devraient plutôt être examinés, et le paragraphe 25(1.3) vient simplement souligner que l’accent est mis non pas sur les facteurs énumérés à l’article 96 et au paragraphe 97(1), mais bien sur les difficultés.

[49]           Cela vient étayer l’argument du demandeur selon lequel le paragraphe 25(1.3) interdit uniquement l’analyse du risque, mais pas celle des difficultés découlant du risque. Cela ne constitue toutefois pas une réponse complète. En particulier, je ne vois pas comment l’agent peut évaluer les difficultés découlant du risque sans décider au départ si ce risque existe. Après tout, si le demandeur n’est pas interné, il ne connaîtra alors aucune difficulté.

[50]           À cet égard, la disposition elle‑même limite la prise en compte d’éléments aux seules « difficultés auxquelles l’étranger fait face ». Cela veut dire que l’examen ne doit pas nécessairement porter sur toutes les difficultés qu’une personne pourrait rencontrer dans son pays d’origine. Le demandeur doit plutôt démontrer soit qu'il fera probablement face aux difficultés en question soit que, à tout le moins, le fait de vivre dans un contexte où ce genre de difficultés est susceptible de se produire constitue en soi une difficulté excessive, injustifiée et inhabituelle. D’ailleurs, dans le jugement Kanthasamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 802, au paragraphe 33, [2013] ACF no 848, [Kanthasamy], la juge Catherine Kane est allée dans le même sens en faisant observer qu’il était nécessaire que « des facteurs, dont les conditions défavorables dans le pays et la discrimination, aient une incidence néfaste directe sur le demandeur ».

[51]           En l’espèce, l’agent a conclu que le demandeur n’avait jamais été interné de force en République tchèque et que les observations de l’avocat du demandeur au sujet de la situation personnelle de celui‑ci étaient hypothétiques et non fondées. C’est seulement après que l’agent cite le paragraphe 25(1.3) de la Loi et déclare ce qui suit :

[traduction]
Compte tenu du fait que les facteurs de risque soulevés par le demandeur dans sa demande concernent la crainte d’être persécuté, la torture, le danger pour sa vie ou des peines cruelles et inusitées, j’estime que l’évaluation de ces facteurs n’entre pas dans le cadre d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire telles que définies par la LIPR et, par conséquent, je n’ai donné à ces facteurs aucune importance dans la présente évaluation.

[52]           À vrai dire, le fait qu’une personne puisse être internée en République tchèque en raison d’une maladie pour laquelle elle ne le serait pas ici est un élément pertinent qu’il conviendrait de prendre en compte même si l’internement en soi n’équivaut pas à de la persécution.

[53]           Il appartient toutefois au demandeur de démontrer que la difficulté alléguée le toucherait (voir Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 8, [2004] 2 RCF 635). En l’espèce, l’agent a expressément conclu que le demandeur n’avait jamais été interné contre son gré et que ses prétentions selon lesquelles il pourrait l’être étaient hypothétiques et non fondées. Il est vrai qu’une audience relative à sa capacité a été ajournée après qu’il ait quitté le pays, mais il était raisonnable de ne pas attribuer une grande force probante à cet élément, étant donné que le demandeur avait vécu seul pendant plus d’une dizaine d’années et était probablement en mesure de se défendre. Les observations du demandeur concernant la situation dans le pays sont en fait de simples observations selon lesquelles, d’une façon générale, les malades mentaux sont persécutés dans les institutions en République tchèque, et l’agent n’a pas commis d’erreur en les écartant. Puisque l’agent avait déjà conclu que le demandeur ne serait pas interné, il n’avait pas de raison d’examiner si, dans le cas contraire, cela aurait constitué une difficulté.

[54]           Le demandeur soutient également dans sa réplique que l’agent a tenu compte de façon inappropriée de la protection de l’État. Toutefois, la seule référence qu’a faite l’agent à la protection de l’État faisait partie du résumé de la décision de la Section de la protection des réfugiés. Il n’a pas tenu compte de ce facteur dans son analyse.

[55]           Cela dit, j’estime que le refus de l’agent d’examiner certains éléments de preuve qui auraient pu être liés à de la persécution pose problème. Le dossier comprend un rapport psychiatrique concernant le demandeur qui a été préparé par le Dr Levy le 30 janvier 2008. Le docteur faisait remarquer ce qui suit : [traduction] « Le contenu de ses pensées révèle qu’il craint que la police tchèque ait introduit des dispositifs dans son matériel électronique en République tchèque. Il nie toutefois avoir des idées paranoïaques au sujet de son environnement actuel ou de son radio baladeur actuel. » Dans son affidavit, le demandeur affirme, au paragraphe 7, que [traduction] « […] en République tchèque, les psychiatres ne sont pas comme ceux du Canada. Ils maltraitent les patients et leur imposent des traitements comme les TEC et des médicaments abrutissants. Je l’ai vu de mes propres yeux ». On retrouve des affirmations semblables dans le dossier, plus particulièrement dans la demande qu’il a présentée, le 25 avril 2011, afin de pouvoir bénéficier des services d’un avocat de l’aide juridique.

[56]           Il est possible que cette crainte ne soit pas objectivement fondée, mais il pourrait y avoir des cas où la crainte subjective d’une personne souffrant d’une maladie mentale comme le demandeur pourrait avoir des répercussions graves sur sa santé. Par exemple, si le demandeur avait des idées paranoïaques au sujet du gouvernement de la République tchèque, mais non au sujet de celui du Canada, on pourrait alors concevoir que sa santé mentale se détériorerait s’il était obligé de retourner dans ce pays. De la même façon, s’il craint les psychiatres de la République tchèque, il risque de ne pas leur demander de renouveler ses médicaments. Cet élément ne lui permettrait pas d’obtenir la qualité de réfugié, mais pourrait constituer une difficulté qu’il conviendrait de prendre en compte dans le cadre de l’examen d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[57]           Bien entendu, le demandeur n’a pas fourni de rapports psychiatriques ou médicaux décrivant les effets qu’aurait sur sa santé mentale son retour en République tchèque. En outre, le rapport du Dr Levy a été rédigé peu après l’arrivée du demandeur au Canada, de sorte que l’on pourrait se demander s’il est encore valide. Par ailleurs, le demandeur n’a pas présenté cet argument de façon particulièrement convaincante à l’agent; il s’est contenté d’y faire quelques allusions en parlant de sa situation et en disant que [traduction] « Le Canada est le premier pays où M. Newman se sent bien accueilli et en sécurité. » Il demeure que certains éléments tendent à indiquer que cet aspect faisait problème, même si ce problème n'était pas très grave, et que l’agent a écarté ces éléments pour la seule raison qu’ils concernaient également l’analyse relative à la qualité de réfugié. Cette erreur résulte d’une interprétation erronée du paragraphe 25(1.3) et je ne peux deviner ce que l’agent aurait décidé s’il ne l’avait pas commise. Je fais donc droit à la demande de contrôle judiciaire.

[58]           Aucune partie n’a souhaité proposer une question grave de portée générale en vue de sa certification.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

« John A. O’Keefe »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


ANNEXE

Dispositions législatives pertinentes

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visas et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande faite au titre du paragraphe (1) d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

(1.3) In examining the request of a foreign national in Canada, the Minister may not consider the factors that are taken into account in the determination of whether a person is a Convention refugee under section 96 or a person in need of protection under subsection 97(1) but must consider elements related to the hardships that affect the foreign national.

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

74. Les règles suivantes s’appliquent à la demande de contrôle judiciaire :

74. Judicial review is subject to the following provisions:

d) le jugement consécutif au contrôle judiciaire n’est susceptible d’appel en Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle‑ci.

(d) an appeal to the Federal Court of Appeal may be made only if, in rendering judgment, the judge certifies that a serious question of general importance is involved and states the question.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1138‑13

 

INTITULÉ :

DANIEL NEWMAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 FÉVRIER 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 AOÛT 2014

 

COMPARUTIONS :

Richard Wazana

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jocelyn Espejo Clarke

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

RichardWazana

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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