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Date : 20140812

 


Dossier : T-376-12

Référence : 2014 CF 796

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 août 2014

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

KEVIN HILL

demandeur

et

CONSEIL DE BANDE LA NATION DES ONNEIOUTS DE LA THAMES ET CLINTON WAYNE HILL

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du conseil de bande de la nation des Onneiouts de la Thames (le conseil de bande). La décision a rendu valide un acte de transport par renonciation, daté du 17 octobre 1975, en faveur du défendeur Clinton Wayne Hill, et a annulé une convention subséquente de transfert de terre, datée du 17 août 2004, en faveur de son frère, Kevin Hill. Les deux documents concernent la même propriété située dans la Réserve no 41 de la bande indienne des Onneiouts. La demande est présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, c F-7 (LCF).

Contexte factuel

[2]               Les faits qui constituent le contexte de la présente demande de contrôle judiciaire sont pour la plupart non contestés. Le résumé qui suit est fondé sur la preuve et les observations présentées par les parties.

[3]               La présente affaire est essentiellement une fâcheuse dispute familiale entre deux frères concernant une propriété que possédait leur mère. Le statut de la propriété litigieuse a finalement été décidé par le conseil de bande élu de la nation des Onneiouts de la Thames. Bien que Clinton Wayne Hill (Wayne Hill) ait été nommé comme défendeur dans la demande de contrôle judiciaire, il n’a pas produit d’avis de comparution ni présenté aucune observation, et il n’a pas assisté à l’audition de la présente affaire. En conséquence, toutes les mentions du défendeur dans la présente décision s’entendent du conseil de bande.

[4]               Le demandeur, Kevin Hill, et son frère Wayne Hill sont membres de la Réserve no 41 de la bande indienne des Onneiouts, aussi appelée la nation des Onneiouts de la Thames (les Onneiouts).

[5]               Les Onneiouts ont obtenu le statut de réserve le 22 juin 1976 par décret conformément à la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5 (la Loi sur les Indiens). La gouvernance de l’administration de la possession de terres par des individus au sein de la collectivité onneioute est assurée par un chef et un conseil de bande élus.

[6]               Le litige auquel se rapporte la présente demande concerne une propriété, située dans la réserve, décrite comme étant le lot 24, concession C de l’établissement onneiout, canton de Delaware, comté de Middlesex, province de l’Ontario, parfois aussi désignée comme étant le 1286, Towline Road, Southwold, Ontario (la propriété).

[7]               Vers le 8 novembre 1972, William George a cédé à sa fille, Marena Hill (Marena), la propriété, composée de six acres et demi, par voie d’acte de transport par renonciation. Marena était la mère de Wayne Hill, Cheryl Pearl Hill, Clifford James Hill et du demandeur, Kevin Hill.

[8]               En octobre 1975, Marena voulait demander une subvention de 500 $ à la Société canadienne d’hypothèque et de logement (la subvention de la SCHL) pour parachever des rénovations faites sur la maison qu’elle construisait sur la propriété. Elle n’était pas admissible à la subvention de la SCHL parce que celle-ci était seulement offerte aux acheteurs d’une première maison ayant atteint l’âge de la majorité et Marena avait déjà possédé des propriétés auparavant. À cette époque, l’aîné de ses enfants, Wayne Hill, avait 18 ans. Marena a préparé un acte de transport par renonciation daté du 17 octobre 1975 qui cédait la propriété à Wayne Hill. Marena a signé l’acte de transport par renonciation en présence du chef par intérim de l’époque, Harry Doxtator. L’acte n’a pas été signé par Wayne Hill ni approuvé par le conseil de bande (la renonciation de 1975). La demande de subvention de la SCHL était datée du 29 octobre 1975 et signée par Wayne Hill.

[9]               Marena a continué à vivre dans la maison, et, le 15 juin 1976, Wayne Hill et elle ont conclu un contrat de prêt à l’habitation de 12 500 $ avec la bande des Onneiouts. Le 22 avril 1980, un contrat de prêt et d’achat de logement a été conclu seulement par Marena et le conseil de bande, et il remplaçait tous les contrats de prêt antérieurs. Par lettre datée du 6 janvier 1982, le chef Doxtator a, au nom du conseil de bande, écrit à Marena pour lui dire qu’elle avait remboursé la totalité du prêt à l’habitation et que le conseil de bande ne détenait plus aucun privilège grevant sa propriété.

[10]           Le 27 avril 1989, Marena a signé un acte de transport par renonciation octroyant à Wayne Hill un acre de la propriété et un droit de passage. Le conseil de bande a approuvé cet acte.

[11]           Vers le 11 février 1994, Marena a parlé à Betty Green, qui était une employée du bureau de l’administration des terres et des successions (ATS) de la bande des Onneiouts, et elle l’a informée que la renonciation de 1975 avait seulement été rédigée aux fins d’obtenir la subvention de la SCHL. Elle n’était pas valide et n’avait jamais été soumise au conseil de bande pour approbation.

[12]           En 2004, Marena a décidé de transférer la propriété au demandeur. Elle a rencontré Al Day, le responsable du bureau de l’ATS à l’époque, et, suivant ses conseils, elle a rédigé une déclaration visant à résoudre l’acte de transport par renonciation de 1975 (résolution de la renonciation de 1975) ainsi qu’une convention de transfert de terre (la CTT de 2004) par laquelle elle transférait les 5,5 acres restants de la propriété au demandeur, ces documents étant tous deux datés du 17 août 2004. La CTT de 2004 a été signée par Marena et par le demandeur, et Al Day y est intervenu comme témoin. Marena a également transmis au bureau de l’ATS une lettre datée du 14 septembre 2004 confirmant que la renonciation de 1975 avait seulement eu pour objet de faciliter l’obtention de la subvention de la SCHL, qu’il n’avait jamais été voulu que Wayne Hill devienne propriétaire de la propriété et de sa maison, et que la propriété devrait être transférée au demandeur. Marena a confirmé qu’elle avait remboursé le prêt, qu’elle avait entretenu et assuré la maison pendant près de 30 ans et que Wayne Hill n’était jamais devenu propriétaire. Elle ajoutait qu’elle avait transféré un acre de la propriété à ce dernier.

[13]           Le 30 août 2004, Wayne Hill a écrit au bureau de l’ATS en soutenant que la propriété lui appartenait depuis 1975 et en laissant entendre que Marena n’était pas mentalement capable de conclure des transactions et qu’elle était en voie de faire l’objet d’une évaluation médicale.

[14]           Le 15 février 2005, Al Day a rédigé une note d’information à l’intention du conseil de bande au sujet de Marena et des transactions immobilières. Cette note résumait notamment le contexte factuel, le droit coutumier onneiout en matière de renonciation et les CTT, les questions et les considérations soulevées ainsi qu’un cas antérieur où un transport par renonciation avait été annulé. Le 22 février 2005, le conseil de bande s’est réuni et a discuté de la situation de Marena et des transactions immobilières. Le conseil de bande a estimé que, selon la pratique coutumière onneioute, un transport par renonciation et une convention de transfert de terres deviennent légaux lorsque le conseil de bande approuve les documents au cours d’une réunion du conseil. Le 8 mars 2005, le conseil de bande a tenu une réunion au cours de laquelle il a approuvé et accepté la déclaration visant à résoudre l’acte de transport par renonciation de 1975 et il a approuvé la CTT de 2004. Al Day a rédigé une note d’information à cet effet le 21 mars 2005, et une deuxième réunion a été tenue le 22 mars 2005. Il a alors été décidé que toutes les décisions seraient suspendues jusqu’à ce que le conseil examine deux procurations signées par Marena et l’évaluation de sa capacité.

[15]           Le 12 avril 2005, le conseil de bande s’est réuni pour discuter des procurations et de la capacité de Marena. Celle-ci s’était adressée au conseil en mars 2005, après son évaluation. Le conseil de bande a conclu qu’au moment où elle avait signé la CTT de 2004, Marena comprenait ses actes. Il a recommandé que la CTT de 2004 soit reconnue et qu’elle soit maintenue. La CTT de 2004 a été estampillée « Approuvée » par le conseil de bande le 8 mars 2005, puis à nouveau le 12 avril 2005, et la déclaration visant à résoudre l’acte de transport par renonciation de 1975 a été estampillée « Approuvée » le 8 mars 2005 (collectivement, les décisions de 2005). Le 28 avril 2005, Al Day, agissant à titre de responsable du bureau de l’ATS, a écrit à Marena pour l’aviser que le conseil de bande avait approuvé les deux documents le 8 mars 2005 et confirmer que le demandeur était le propriétaire reconnu de 5,5 acres de la propriété et de la maison. Une lettre similaire a été envoyée au demandeur à la même date. Elle faisait également état de l’octroi antérieur d’un acre à Wayne Hill et du droit de passage.

[16]           Le 31 août 2005, dans une lettre adressée au conseil de bande, Wayne Hill a déclaré que la subvention de la SCHL avait été accordée sous de faux prétextes et que si l’affaire se retrouvait devant les tribunaux, cela pourrait être embarrassant pour les Onneiouts et nuire à la crédibilité du conseil de bande. En outre, Wayne Hill affirmait qu’il avait apporté des améliorations à la propriété et qu’il subirait une perte de revenus de location. Il réclamait ainsi 500 000 $ à titre de dédommagement. Le 15 septembre 2005, le directeur des opérations du conseil de bande, Jeff Ross, a répondu par lettre que le conseil de bande ferait des recherches et examinerait la situation.

[17]           Wayne Hill a continué à contester le transfert en alléguant des irrégularités dans la façon dont le transfert avait été effectué et en soutenant que sa mère n’était pas saine d’esprit à ce moment. Wayne Hill a rencontré le chef et des membres du conseil de bande à plusieurs occasions pour formuler ces plaintes. Le 16 avril 2011, il a exposé ses doléances dans une lettre adressée au conseil de bande. Il y affirmait que le conseil de bande l’avait informé qu’une décision définitive concernant la propriété serait rendue ce jour-là. Dans cette lettre, Wayne Hill formulait des allégations de fraude, de contrainte et d’influence indue de la part du demandeur, et soutenait plus précisément que le demandeur avait forcé leur mère à lui transférer la propriété, et ce, avec la complicité du bureau de l’ATS.

[18]           Le 22 mars 2011, un ancien agent responsable du bureau de l’ATS, Chris George, a écrit au conseil de bande pour exposer sa position selon laquelle il n’y avait pas eu de diligence raisonnable, la renonciation de 1975 n’aurait pas dû être résolue, la propriété devrait être redonnée à Wayne Hill, et les parties impliquées devraient être sanctionnées.

[19]           Au début d’avril 2011, Martin Powless, qui était maintenant le responsable du bureau de l’ATS, a rencontré tour à tour le demandeur et Wayne Hill pour discuter de la propriété.

[20]           Le 19 avril 2011, le conseil de bande a tenu une réunion pour examiner les prétentions relatives à la propriété. Il a décidé d’infirmer ses décisions de 2005 et de reconnaître la renonciation de 1975. Il a informé le demandeur de cette réunion par lettre datée du 22 avril 2011, et il a indiqué que le conseil de bande avait adopté une résolution selon laquelle la renonciation de 1975 serait approuvée et tous les transports par renonciation ou conventions de transfert de terres subséquents visant la propriété seraient annulés.

[21]           La lettre était accompagnée du procès-verbal de la réunion, lequel mentionnait les noms des conseillers présents et indiquait que six d’entre eux étaient en faveur de la résolution et qu’il y avait eu trois abstentions. La résolution avait été adoptée.

[22]           Le demandeur a rencontré le conseil de bande le 7 juin 2011 pour discuter de la lettre du 19 avril 2011. À cette occasion, le demandeur, accompagné de son épouse et de sa fille, a présenté des observations au sujet de ses droits dans la propriété.

[23]           Le demandeur a reçu un courriel du chef Abram le 18 janvier 2012 énonçant que, le 15 décembre 2011, le conseil de bande avait décidé par consensus de confirmer la plus récente décision en faveur de Wayne Hill, et que cela serait la décision définitive.

[24]            Le 23 janvier 2012, Chris George a écrit au conseil de bande pour retirer sa lettre du 22 mars 2012 et déclaré qu’il n’avait pas été informé de tous les faits au moment où il avait rédigé cette lettre. 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[25]           L’avis de demande énonce que la décision visée par le présent contrôle judiciaire est la décision du 18 janvier 2012. Dans son mémoire des faits et du droit, le demandeur n’identifie pas la décision faisant l’objet du contrôle, mais il affirme qu’il présente [traduction] « la présente demande de contrôle judiciaire de la décision (la « décision ») du défendeur, le conseil de bande de la nation des Onneiouts de la Thames (le « conseil de bande »), qui valide un acte de transport par renonciation daté du 17 octobre 1975 et annule tous les actes et conventions subséquents concernant le bien immobilier [] ». Dans son mémoire, le demandeur soutient également, en s’appuyant sur le témoignage du chef Abram lorsque celui-ci a été contre-interrogé sur son affidavit, que la décision faisant l’objet du présent contrôle a en fait été prise par le conseil de bande le 19 avril 2011 et communiquée au demandeur le 18 janvier 2012.

[26]           À mon avis, les éléments de preuve en l’espèce étayent la conclusion selon laquelle les décisions du 19 avril 2011 et du 15 décembre 2011 et les notifications de ces décisions datées respectivement du 22 avril 2011 et du 18 janvier 2012 peuvent être considérées comme une même série d’actes ou comme si étroitement liées qu’il y a lieu de les considérer comme formant un tout (Shotclose c Première Nation Stoney, 2011 CF 750 aux paragraphes 63 et 64 [Shotclose]). Ces décisions et notifications seront appelées collectivement « la décision de 2011 ».

[27]           La lettre du 22 avril 2011 énonce ce qui suit :

[traduction]

La présente vise à vous informer d’une résolution du conseil adoptée le 19 avril 2011, selon laquelle le transport par renonciation du 17 octobre 1975 de Marena Hill à Clinton Wayne Hill visant la maison et environ +/- 6,5 acres sur le lot 24, concession C, est approuvé, et tous les transports par renonciation et (ou) conventions de transfert de terres subséquents visant cette parcelle ou ces terres sont annulés.

Veuillez adresser toute question ou préoccupation à Harry Doxtator, Portefeuille des terres et des successions, au 519‑652-3244.

[28]           Le courriel du 18 janvier 2012 du chef Joel Abram est rédigé comme suit :

[traduction]

Shekoli Kevin,

Je te prie d’accepter mes excuses pour le retard à t’informer de la décision du conseil concernant le litige immobilier entre toi et ton frère, Clinton Wayne Hill. Le 15 décembre 2011, le conseil est arrivé à la décision suivante.

« Consensus du conseil pour confirmer la décision concernant Wayne Hill et Kevil Hill avec la plus récente décision en faveur de Wayne Hill, et cela sera la décision définitive. »

La décision susmentionnée a été rendue par consensus.

Je t’écrirai une lettre officielle cette semaine pour confirmer ce qui précède.

Chef Joel Abram

Questions en litige

[29]           Dans leurs observations, les parties ont cerné des questions en fonction de leurs points de vue respectifs. Je reformulerais ces questions comme suit :

1.    La décision du conseil de bande est-elle susceptible de contrôle judiciaire par la Cour?

2.    Quelle est la norme de contrôle?

3.    Quelle est la teneur de l’équité procédurale à laquelle a droit le demandeur, et le conseil de bande a-t-il manqué à l’obligation d’équité?

4.    Le conseil de bande a-t-il outrepassé sa compétence en modifiant sa décision?

5.    Y avait-il une crainte raisonnable de partialité lorsque le conseil de bande a rendu la décision?

6.    La décision est-elle raisonnable?

PREMIÈRE QUESTION EN LITIGE : La décision du conseil de bande est-elle susceptible de contrôle judiciaire par la Cour?

Les observations du demandeur

[30]           Le demandeur soutient que les résolutions d’un conseil de bande sont des décisions d’un office fédéral et sont susceptibles de contrôle judiciaire conformément aux articles 18 et 18.1 de la LCF. Cela vaut tant pour l’exercice, par un conseil de bande, des pouvoirs qu’une loi fédérale lui confère expressément que pour la décision qui est contestée sur le fondement du droit coutumier (LCF, articles 18 et 18.1; décision Shotclose, précitée, au paragraphe 47; Vollant c Sioui, 2006 CF 487 au paragraphe 25 [Vollant]; Frank c Bottle, [1994] 2 CNLR 45 (CF) (1re inst) au paragraphe 8 [Frank]; Twigg c Blood Band of Indians, [1988] AJ No 1104 (C BR)).

Les observations du défendeur

[31]        Le défendeur convient que les décisions d’un conseil de bande sont susceptibles de contrôle en vertu de la LCF. Dans la décision Vollant, précitée, il a été statué que toutes les décisions d’un conseil de bande sont susceptibles de contrôle par la Cour fédérale parce que la Loi sur les Indiens reconnaît l’autorité des conseils, conférée soit par élection soit par la coutume. Les conseils de bande sont des « offices fédéraux » (décision Frank, précitée).

[32]       Il y a deux raisons qui justifient le contrôle des décisions de conseils de bande en vertu de la LCF. Premièrement, les conseils de bande sont créés en vertu de la Loi sur les Indiens, qui leur confère leur compétence. Deuxièmement, la matière à l’égard de laquelle cette compétence est exercée est désignée ou déléguée par une loi fédérale. Certaines décisions de conseils de bande rendues en vertu de contrats de droit privé ont été jugées ne pas être susceptibles de contrôle, mais les décisions ayant pour objet l’approbation publique par des conseils de transactions foncières privées sont susceptibles de contrôle (Cottrell c Première nation des Chippewas de Rama Mjikening, 2009 CF 261 [Chippewas]).

[33]      Le défendeur soutient qu’il n’est pas nécessaire de statuer sur le rapport entre le droit foncier onneiout et le droit fédéral, puisque les tribunaux ont décidé que les décisions comme celle dont il est ici question sont susceptibles de contrôle parce que l’existence d’un conseil de bande comme organe électif découle de la Loi sur les Indiens.

Analyse

[34]           La Cour peut accorder des réparations en vertu du paragraphe 18.1(3) de la LCF si elle est convaincue que l’office fédéral en cause a agi, omis d’agir, commis une erreur ou fait l’une ou l’autre des autres choses visées aux alinéas 18.1(4)a) à f). L’expression « office fédéral » est définie à l’article 2.

[35]           La jurisprudence indique clairement que les décisions d’un conseil de bande sont, pour l’application de l’article 18 de la LCF, celles d’un « office fédéral ». Comme le juge Mosley l’affirmait dans la décision Shotclose, précitée :

[47]      Il ne fait pas de doute, selon la jurisprudence, que la Cour fédérale a compétence pour procéder au contrôle des décisions et des actes du chef et des conseillers, étant donné qu’ils constituent un « office fédéral » au sens de l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales. Ces décisions relèvent également de la compétence de la Cour suivant l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales (Sparvier c. Bande indienne Cowessess no 73, 1993 CanLII 2958 (CF), [1993] 3 C.F. 142 (QL), 13 Admin. L.R. (2d) 266, au paragraphe 13; Angus c. Première nation des Chipewyan des Prairies, 2008 CG 932 (CanLII), 2008 CF 932, 334 F.T.R. 187 au paragraphe 29; Vollant c. Sioui, 2006 CF 487 (CanLII), 2006 CF 487, 295 F.T.R. 48 au paragraphe 25; Gabriel c. Canatonquin, [1978] 1 C.F. 124 au paragraphe 10; conf. par Canatonquin c. Gabriel, [1980] 2 C.F. 792 (C.A.F.)).

[36]           Tel est le cas lorsqu’un conseil de bande exerce le pouvoir qu’une loi fédérale lui a conféré expressément, mais également lorsque la décision contestée est fondée sur une coutume. Comme l’affirmait le juge de Montigny dans la décision Vollant, précitée :

 [25]     Il est maintenant bien établi que les décisions prises par un conseil de bande, lorsqu’il exerce ou est réputé exercer son pouvoir de diriger la bande, peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale. La jurisprudence regorge en effet de décisions où l’on a assimilé un conseil de bande à un « office fédéral », pour les fins de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales : voir, entre autres, Rider v. Ear 1979 Canlii 1177 (AB QB), (1979), 103 D.L.R.(3d) 168 (C.S. Alb.); Canatonquin c. Gabriel, [1980] 2 C.F. 792 (C.A.) (QL); Coalition To Save Northern Flood v. Canada, (1995), 102 Man R. (2d) 223 (C.A. Man.). Il en ira ainsi non seulement lorsque le conseil exerce un pouvoir qui lui a été explicitement conféré par une loi fédérale, mais également lorsque la décision contestée s’appuie sur la coutume; s’il en va ainsi, c’est tout simplement parce que c’est la Loi sur les Indiens elle-même, plus précisément son paragraphe 2(1), qui reconnaît le caractère juridique de la coutume : voir Francis c. Conseil mohawk de Kanesatake, 2003 CFPI 115 (CanLII), [2003] 4 C.F. 1133 (QL), aux paragraphes 13-17 (C.F.); Conatonquin c. Gabriel, précité; Frank c. Bottle, [1993] A.C.F. n670 (QL); Scrimbitt c. Conseil de la bande indienne de Sakimay, 1999 CanLII 9381 (CF), [2000] 1 C.F. 513 (C.F.) (QL). Par voie de conséquence, les résolutions prises par un conseil de bande constituent des décisions au sens de la Loi sur les Cours fédérales et peuvent faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire.

[37]           Les actes susceptibles de contrôle doivent non seulement trouver leur source dans le droit fédéral, mais également être de nature publique. Aussi, il faut examiner les faits de l’espèce pour déterminer si un office fédéral agit d’une manière qui l’assujettit au droit public (Hengerer c Bande indienne des Blood, 2014 CF 222 au paragraphe 43; Air Canada c Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347 au paragraphe 60).

[38]           La décision visée par le présent contrôle concerne un transfert de terres entre membres d’une même famille. Toutefois, la décision concernant ce transfert a été prise par un organisme public (décision Chippewas, précitée, au paragraphe 81), le conseil de bande des Onneiouts, qui est élu en vertu de l’Arrêté sur l’élection du conseil de bandes indiennes, DORS/97-138 pris en vertu du paragraphe 74(1) de la Loi sur les Indiens. Le conseil de bande administre les questions successorales et contrôle les transferts de terres entre individus en exigeant que chaque transaction soit approuvée par le conseil de bande. En outre, en l’espèce, le conseil a non seulement approuvé des transactions concernant la propriété, mais également réexaminé et infirmé ses propres décisions. Par conséquent, à mon avis, les actes du conseil de bande étaient de nature publique, et le conseil est un « office fédéral » au sens de la LCF, et la décision de 2011 attaquée en l’espèce est donc susceptible de contrôle par la Cour.

DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE : Quelle est la norme de contrôle?

Les observations du demandeur

[39]           Le demandeur soutient que la norme de contrôle applicable à la question de savoir si le conseil de bande a agi sans compétence ou a outrepassé sa compétence et à la question de savoir s’il y a eu un manquement à l’équité procédurale et à la justice naturelle est la norme de la décision correcte (Prince c Première Nation de Sucker Creek, 2008 CF 1268 aux paragraphes 21 et 23 [Sucker Creek]). Quant à la celle de savoir si la décision était contraire à la Loi sur les Indiens, elle est également susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Enfin, la question de savoir si la décision était contraire aux lois coutumières onneioutes est contrôlable soit selon la norme de la décision correcte, soit selon la norme de la décision raisonnable (décisions précitées Sucker Creek, au paragraphe 22; Shotclose, au paragraphe 59; Vollant, au paragraphe 31).

Les observations du défendeur

[40]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable aux décisions d’un conseil de bande, compte tenu de la retenue dont la Cour doit faire preuve si la décision est rendue dans un système que la Cour ne connaît pas bien, comme le droit onneiout, est la norme de la décision raisonnable (décision Shotclose, précitée, au paragraphe 59).

Analyse

[41]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’était pas toujours nécessaire de procéder à une analyse relative à la norme de contrôle. En effet, lorsque la norme de contrôle applicable à la question qui lui est soumise est bien arrêtée par la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 57; Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189 au paragraphe 18).

[42]           Comme le juge Mosley l’a affirmé dans la décision Shotclose, précitée :

[58]           Notre Cour a reconnu que le chef et les conseillers jouissent d’une expertise sur des questions comme la connaissance des coutumes de la bande et la détermination des faits (Martselos c. Première Nation no 195 de Salt River, 2008 CAF 221, 411 N.R. 1, au paragraphe 30, citant la décision Vollant, précitée, au paragraphe 31; Giroux c. Première nation de Salt River, , 2006 CF 285, au paragraphe 54, modifié pour d’autres motifs à 2007 CAF 108). Ainsi donc, comme l’a fait observer le juge William McKeown au paragraphe 20 de la décision News c. Wahta Mohawks, (2000), 189 F.T.R. 218, 97 A.C.W.S. (3d) 585 : « […] il faudrait faire preuve d’une retenue considérable à l’égard d’une décision prise par un conseil de bande ». Ce principe ne vaut toutefois que si les principes d’équité procédurale et de justice naturelle ont été respectés (Ermineskin c. Conseil de bande d’Ermineskin (1995), 96 F.T.R. 181, 55 A.C.W.S. (3d) 888, au paragraphe 11).

[59]           Il s’ensuit que les décisions des conseils de bande doivent être confirmées, à moins qu’elles ne soient déraisonnables. Cela dit, c’est la bande et non le chef et le conseil qui définit la coutume (Bone c. Bande indienne no 290 de Sioux Valley, (1996), 107 F.T.R. 133, [1996] 3 C.N.L.R. 54).

[60]           Lorsque l’équité procédurale est en cause, il ne s’agit pas de savoir si les décisions prises par le chef et les conseillers ou leurs actes sont « corrects », mais si la procédure suivie était équitable (voir Ontario (Commissioner Provincial Police) c. MacDonald, 2009 ONCA 805, 3 Admin L.R. (5th) 278, au paragraphe 37 et Bowater Mersey Paper Co. c. Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 141, 2010 NSCA 19, 3 Admin L.R. (5th) 261, aux paragraphes 30 à 32).

[43]           De même, au paragraphe 41 de la décision Parker c Conseil de la bande indienne d’Okanagan, 2010 CF 1218 [Parker], où il était également question d’un litige foncier tranché par un conseil de bande, le juge Montigny a conclu ceci :

[38]      Depuis l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, il convient habituellement de faire preuve de retenue en présence d’une question touchant à des faits, à un pouvoir discrétionnaire ou à une politique. C’est justement le cas en l’espèce. La décision d’attribuer ou non une terre comporte une part considérable d’appréciation des faits de la part du conseil de bande, qui doit pondérer les intérêts des individus par rapport à ceux de l’ensemble de la collectivité. Ainsi que l’a déclaré a Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Lower Nicola Band c. Trans-Canada Displays Ltd., 2000 BCSC 1209, [2000] B.C.J. no 1672 (Nicola Band), au paragraphe 155 :

[traduction]

 

[…] avant d’attribuer une terre suivant le paragraphe 20(1), le conseil est tenu de prendre en compte les droits des autres membres de la bande. Cette obligation exige de pondérer la demande d’attribution de terre de l’individu, y compris l’usage auquel la terre est destinée, par rapport à l’utilisation optimale qui pourrait être faite de la terre au bénéfice de la bande. Étant donné qu’il a une obligation de fiduciaire envers tous les membres de la bande, le conseil de bande se doit d’étudier soigneusement la demande d’attribution d’une terre de 80 acres présentée par un individu si ce dernier envisage de l’utiliser à des fins autres que résidentielles ou agricoles.

 

[39]      Pour l’aménagement du territoire de la réserve, la bande indienne d’Okanagan s’est dotée de son propre régime de gestion foncière sur lequel se fondent les décisions relatives à l’attribution des terres de la réserve aux membres de la bande. Avant qu’un levé de terrain puisse être soumis au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien afin de parfaire l’attribution et d’obtenir un certificat de possession, le conseil de bande doit adopter une résolution l’approuvant. Or, pour décider si elle approuve le levé, la bande indienne d’Okanagan doit étudier la demande à la lumière des facteurs énoncés dans sa politique. ll est clair que le conseil de bande possède une vaste expertise dans l’appréciation de ces facteurs et qu’il est mieux placé que la Cour pour décider s’il convient ou non d’attribuer une terre.

[40]      Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à la décision du conseil de bande est la raisonnabilité. Par conséquent, la décision doit être confirmée si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[41]      Ceci étant, la quatrième question en litige intéresse l’équité procédurale. Or, il est bien établi en droit que les questions de cette nature commandent l’application de la décision correcte car, aux fins du contrôle, elles sont toujours considérées comme étant des questions de droit. Ainsi que le signale le juge Linden dans Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53, « [s]oit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation ».

[44]           La Cour convient avec le défendeur que l’équité procédurale est encadrée en l’espèce par le droit et la coutume onneiouts. Toutefois, la jurisprudence a statué que la question de savoir si un conseil de bande a manqué à une obligation d’équité procédurale doit être contrôlée selon la norme de la décision correcte (décision Sucker Creek, précitée, au paragraphe 23; décision Parker, précitée, au paragraphe 41; Tsetta c Conseil de Bande de la Première Nation des Dénés Couteaux-Jaunes, 2014 CF 396 au paragraphe 24 [Dénés Couteaux-Jaunes]).

[45]           Les questions de savoir si le conseil de bande a agi sans compétence ou a outrepassé sa compétence et s’il y avait une crainte raisonnable de partialité sont contrôlées selon la norme de la décision correcte (décision Sucker Creek, précitée, au paragraphe 21; Hagos c Canada (Procureur général), 2014 CF 231 au paragraphe 18; Deschênes c Banque canadienne impériale de commerce, 2011 CAF 216 au paragraphe 40).

[46]           Pour ce qui concerne la dernière question, la Cour a reconnu que le chef et les conseillers jouissent d’une expertise sur des questions comme les coutumes de la bande et la détermination des faits et qu’il y a lieu de faire preuve de retenue à ces égards. Ainsi, les décisions d’un conseil de bande doivent être contrôlées selon la norme de la décision raisonnable, et elles seront confirmées si elles appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (décision Shotclose, précitée, aux paragraphes 58 et 59; décision Parker, précitée, aux paragraphes 38 à 40; arrêt Dunsmuir, précité).

TROISIÈME QUESTION EN LITIGE : Quelle est la teneur de l’équité procédurale due au demandeur en l’espèce, et le conseil de bande a-t-il manqué à l’obligation d’équité?

Les observations du demandeur

[47]           Le demandeur soutient qu’il est de droit constant que les conseils de bande ont une obligation générale d’équité envers les membres de la bande lorsqu’ils prennent des décisions qui ont des incidences sur les droits ou les intérêts de ces derniers, et qu’ils doivent se conformer aux principes de justice naturelle (Campbell c Elliott, [1988] 4 CNLR 45 (CFPI) [Campbell]; Canadien Pacifique Ltée c Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 RCS 3 au paragraphe 8 [Matsqui]). Les principes de justice naturelle, d’application régulière de la loi et d’équité procédurale commandent à tout le moins : un avis adéquat de l’audience; la communication de la preuve produite contre le membre, notamment les allégations formulées et les éléments de preuve présentés au conseil de bande; une occasion équitable de répondre; et les motifs de la décision (décision Campbell, précitée, aux paragraphes 23 et 27; décision Sucker Creek, précitée, aux paragraphes 39 à 41).

[48]           Le demandeur soutient que le conseil de bande a manqué à son obligation d’équité procédurale et de justice naturelle parce qu’il a omis :

         de donner un avis adéquat de la réunion du 19 avril 2011, notamment en mentionnant que la réunion avait pour objet d’examiner la possibilité d’infirmer les décisions de 2005;

         d’aviser le demandeur de la preuve produite contre lui, notamment les allégations de fraude, d’influence indue et de contrainte;

         de communiquer au demandeur les documents et les éléments de preuve que le conseil de bande allait examiner lors de la réunion, notamment les lettres de Wayne Hill, les notes d’information de Martin Powless, la lettre de Chris George du 22 mars 2011 et les deux avis juridiques présentés au conseil de bande sur la question;

 

         de permettre l’accès au dossier d’ATS de Marena qui avait été communiqué à Wayne Hill avant la réunion du 19 avril 2011;

         de donner des motifs de la décision;

         de communiquer le procès-verbal ou une transcription de la réunion du 19 avril 2011;

         d’offrir au demandeur une aide juridique après qu’il a été informé de la décision.

[49]           Le seul avis de la réunion que le demandeur a reçu a eu lieu lorsque Martin Powless a communiqué avec lui au début d’avril 2011. M. Powless ne l’a pas informé de la date, de l’heure et du lieu de la réunion ni du fait que le conseil de bande réexaminerait les décisions de 2005, il ne lui a communiqué aucun document, et il ne lui a pas fait part des plaintes et des allégations formulées par Wayne Hill. Le chef Abram a essentiellement admis lors de son contre-interrogatoire que le demandeur n’avait pas été traité équitablement par la décision de 2011. Le demandeur soutient également que le conseil de bande l’a rencontré le 7 juin 2011, après que la décision avait déjà été rendue, mais que même à cette occasion, le conseil n’a pas corrigé les manquements à l’équité procédurale.

[50]           Le demandeur soutient que le conseil de bande a également manqué à l’obligation d’équité procédurale et à la justice naturelle lorsqu’il a décidé de confirmer la décision du 19 avril 2011 lors d’une réunion à huis clos tenue le 15 décembre 2011 en omettant :

         d’aviser le demandeur de la réunion à huis clos ou de lui donner l’occasion de présenter des observations;

         de lui communiquer le procès-verbal de cette réunion;

         de fournir des motifs de la décision.

[51]           Le demandeur soutient que les décisions de 2011 ont eu une incidence importante et durable sur ses intérêts puisqu’elles l’ont dépouillé de son intérêt possessoire dans 5,5 acres de la propriété. Il pouvait légitimement s’attendre à être traité de manière juste et équitable.

Les observations du défendeur

[52]           Le défendeur soutient que l’histoire de l’établissement onneiout est importante au regard de la présente affaire puisqu’il s’agit de terres autochtones uniques au Canada. En vertu d’un accord intervenu en 1838, les gens représentés par certains chefs onneiouts ont déménagé au Haut-Canada et y ont acheté des terres avec leur propre argent. Cet accord, confirmé dans de la correspondance et par un décret de 1840, prévoyait notamment que les Onneiouts continueraient de gérer leurs propres affaires foncières et successorales. C’est ce qu’ils ont fait sans interruption depuis 1840.

[53]           Bien que la Loi sur les Indiens prévoie qu’aucun Indien ne possède licitement de terres dans une réserve indienne à moins que cette possession lui soit accordée avec l’approbation du ministre des Affaires indiennes, très peu de certificats de possession ont été délivrés relativement à des terres dans l’établissement onneiout. Ni Kevin ni Wayne Hill n’ont reçu l’approbation du ministre conformément à la Loi sur les Indiens relativement à la possession de la propriété. Bien que le conseil de bande soit élu en vertu de la Loi sur les Indiens et qu’il ait notamment la responsabilité de superviser l’administration des terres et des successions dans l’établissement onneiout, c’est le droit foncier onneiout, et non la Loi sur les Indiens, que le conseil de bande a appliqué lorsqu’il a rendu ses décisions. Tout droit possessoire que peuvent détenir le demandeur et Wayne Hill existe en vertu du droit foncier coutumier onneiout. Cette situation diffère de celle des autres collectivités autochtones qui, lorsqu’elles administrent elles-mêmes leurs affaires foncières, le font dans l’exercice d’une délégation de pouvoirs du ministre des Affaires indiennes en vertu des articles 53 et 60 de la Loi sur les Indiens, ou ont choisi d’être assujetties à la Loi sur la gestion des terres des premières nations, LC 1999, c 24 (LGTPN).

[54]           Le défendeur soutient que le demandeur a soulevé deux questions principales. La première est celle de savoir si le conseil de bande a une obligation d’équité procédurale qui est susceptible de contrôle par la Cour. La deuxième est celle de savoir si, en réexaminant et en infirmant sa décision antérieure, le conseil de bande a outrepassé sa compétence en vertu du droit onneiout ou canadien.

[55]           Toutefois, la Cour devrait examiner l’affaire et, si possible, la trancher sur le fondement de la question de l’équité procédurale puisque cela éviterait de devoir statuer sur la deuxième question en litige, ce qui obligerait la Cour à se prononcer sur la teneur et la nature du droit onneiout. Le défendeur soutient que la Cour n’a pas d’expertise ni de formation à cet égard et qu’elle doit faire preuve d’une retenue considérable et respecter le gouvernement onneiout.

[56]           Le défendeur convient que les gouvernements autochtones ont une obligation d’équité envers les membres de leur bande (Sparvier c Cowesses Indian Band No 73, [1994] 1 CNLR 182 [Sparvier]; décision Campbell, précitée au paragraphe 23). L’application du droit administratif aux collectivités autochtones est contextuelle, et l’un a des incidences sur l’autre (Lorne Sossin, Indigenous Self-Government and the Future of Administrative Law, UBC Law Review (2012) vol. 45:2, à la page 629). La manière dont un système juridique s’acquitte de l’obligation d’équité procédurale peut varier entre peuples, cultures et lois (Sossin, op. cit., à la page 599).

[57]           La teneur de l’obligation d’équité procédurale dépend du contexte, ce qui exige d’examiner des facteurs pertinents (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux paragraphes 21 à 28 [Baker]; Maloney c Première nation de Shubenacadie, 2014 CF 129 au paragraphe 44). La Cour doit faire preuve de retenue à l’égard d’un conseil de bande (décision Shotclose, précitée, aux paragraphes 55 à 59) et éviter d’imposer ses propres idées préconçues quant à la culture et au droit (Delgamuukw c Colombie-Britannique, [1997] 3 RCS 1010). Selon le droit et la coutume des Onneiouts, il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale.

[58]           Le défendeur reconnaît que le demandeur n’a pas reçu d’avis écrit de la réunion du conseil de bande du 19 avril 2011, mais il affirme que le demandeur a eu une rencontre avec Martin Powless au début d’avril 2011 et que ce dernier l’a alors avisé de la réunion prévue et de la question qui y serait discutée. Le demandeur a également eu droit à une rencontre avec le chef, qui l’a informé de la décision et de la nature de la discussion, et il a eu droit à une rencontre personnelle avec le conseil de bande le 7 juin 2011 pour discuter de l’affaire. Ce n’est pas la forme ni le moment de l’avis qui importe, mais sa teneur, et les Onneiouts se fient davantage aux communications verbales qu’à des documents écrits. Le demandeur a reçu un avis verbal clair en temps opportun de la réunion et des questions dont le conseil de bande entendait discuter. Le demandeur a dit à Martin Powless qu’il considérait que l’affaire avait été réglée en 2005 et qu’il n’était pas disposé à assister à une réunion du conseil de bande à ce sujet. Par conséquent, il ne peut pas invoquer cela pour faire valoir un manquement à l’équité procédurale (décision Sucker Creek, précitée, au paragraphe 46). De plus, le demandeur n’a pas demandé de copies d’aucun document.

[59]           Le défendeur soutient qu’avant qu’une décision définitive soit rendue, le conseil de bande estimait qu’il avait entendu le point de vue complet de chacun des deux frères.

[60]           En outre, les allégations de fraude et d’influence indue constituent la raison pour laquelle le conseil de bande a décidé d’examiner l’affaire, et non le fondement de la décision. En tant qu’organisme politique, le conseil de bande a pris ces allégations très au sérieux eu égard à leur effet délétère sur la collectivité, mais il a conclu qu’elles n’étaient pas étayées par les faits. La décision du conseil de bande était plutôt fondée sur le conflit entre les transactions de 1975 et de 2005, sur les motivations qui avaient sous-tendu la transaction de 1975 et sur le désir du conseil de bande d’agir de manière équitable mais sans s’immiscer dans le conflit familial.

[61]           Le conseil de bande n’a pas fourni au demandeur de copies des lettres dans lesquelles Wayne Hill et Chris George alléguaient la fraude, la contrainte et l’influence indue. Le défendeur soutient que le conseil de bande était préoccupé par les allégations, mais il semble avoir eu pour intention d’enquêter à leur sujet par l’entremise de membres de son personnel et en posant des questions lors de réunions du conseil de bande plutôt qu’en exacerbant l’animosité entre les frères. Les allégations de Chris George avaient été retirées avant la réunion.

[62]           Le défendeur affirme que Martin Powless est un administrateur de terres et un avocat employé par le conseil de bande. Les avis juridiques qu’il a donnés étaient protégés par le secret professionnel de l’avocat, et ils n’ont été communiqués ni à l’un ni à l’autre des frères. Le demandeur n’a pas été privé de la possibilité d’engager et de consulter un avocat. Le conseil de bande dresse des procès-verbaux de ses réunions, mais il ne motive pas ses décisions. En outre, le chef Abram n’a pas fait toutes les admissions dont fait état le demandeur.

[63]           Le défendeur soutient que, selon un principe fondamental de la société et du droit onneiout, [traduction] « nous sommes humains, et nous ferons de notre mieux ». C’est ce principe qui a guidé le conseil de bande lorsqu’il est intervenu pour trancher le conflit inconfortable entre des membres d’une même famille. S’il y a eu manquement à l’équité procédurale, ce manquement se situe au bas de l’échelle de gravité.

[64]           Toutefois, si la Cour conclut qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale, elle devrait renvoyer l’affaire au conseil de bande pour que l’affaire soit tranchée dans le cadre d’un processus d’appel équitable ou qu’elle demeure non portée en appel. Une telle conclusion n’oblige pas la Cour à statuer sur la légalité de la décision, à tirer des conclusions de fait ni à se prononcer sur des questions de partialité ou sur le droit à la possession de la propriété, autant de questions qui devraient être tranchées en fonction du droit onneiout.

Analyse

[65]           En l’espèce, il ne semble pas y avoir de cadre législatif ou autre définissant ou indiquant les protections procédurales que le conseil de bande doit accorder aux membres de la bande lorsque des décisions sont prises concernant des transferts de terres.

[66]           Le paragraphe 20(1) de la Loi sur les Indiens énonce qu’« [u]n Indien n’est légalement en possession d’une terre dans une réserve que si, avec l’approbation du ministre, possession de la terre lui a été accordée par le conseil de la bande ». Cependant, l’affidavit du chef Abram énonce que les questions relatives aux terres dans l’établissement onneiout sont gérées par les Onneiouts plutôt que par le gouvernement fédéral et que très peu de certificats de possession ont été délivrés en application de la Loi sur les Indiens. Aucun certificat n’a été délivré à l’égard de la propriété en cause. Le chef Abram affirme en outre que la décision concernant l’attribution d’une terre en l’espèce a été rendue en vertu du droit et de la coutume des Onneiouts et non en vertu de la Loi sur les Indiens. Dans tous les cas, la Loi sur les Indiens ne prévoit aucune procédure particulière d’attribution de terres.

[67]           En vertu de la LGTPN, plusieurs premières nations se sont vu conférer le pouvoir d’adopter un code foncier en vertu de cette loi pour contrôler la gestion des terres. Un tel code prévoirait des choses comme des redditions de comptes aux membres de la Première nation au sujet de la gestion des terres, des consultations communautaires et le règlement de différends. Toutefois, la nation onneioute ne figure pas sur la liste en annexe de la LGTPN.

[68]           En outre, ni l’une ni l’autre des parties n’a présenté un règlement du conseil de bande, à supposer qu’il y en ait un, qui jetterait de la lumière sur cette question. L’affidavit du demandeur est accompagné en annexe d’un document non daté intitulé [traduction] « Processus de transfert de terres de la nation des Onneiouts de la Thames ». Ce document expose la politique onneioute relative aux transferts valides d’intérêts dans des terres onneioutes, y compris la preuve d’un droit de propriété valide et les conditions auxquelles est assujettie l’approbation du conseil de bande. Ce document ne prévoit toutefois pas d’autres protections procédurales.

[69]           Cela dit, l’absence d’exigences prescrites en matière d’équité procédurale ne veut pas dire que de telles exigences n’existent pas. En effet, selon la jurisprudence, il est de droit constant que les conseils de bande doivent agir conformément aux principes de la primauté du droit, et qu’une des pierres angulaires de l’équité procédurale est le droit d’une personne d’être entendue et de présenter des observations avant que soit rendue une décision touchant ses droits ou ses intérêts (décision Sucker Creek, précitée, au paragraphe 39; décision Shotclose, précitée, au paragraphe 97; Minde c Première Nation Crie d’Ermineskin, 2006 CF 1311, aux paragraphes 44 à 46; Laboucan c Nation crie de Little Red River no 447, 2010 CF 722, aux paragraphes 36 à 39; décision Dénés Couteaux-Jaunes, précitée).

[70]           Ainsi, la question en l’espèce concerne la teneur de l’obligation d’équité incombant au conseil de bande. Dans la décision Sparvier, précitée, qui concernait une élection au sein d’une bande, le juge Rothstein a affirmé, aux paragraphes 47 et 48 :

Bien que j’accepte l’importance d’un processus autonome pour l’élection des gouvernements de bandes, j’estime que des normes minimales de justice naturelle ou d’équité procédurale doivent être respectées. Je reconnais pleinement que les tribunaux doivent éviter de s’immiscer dans le mouvement politique des peuples autochtones en vue d’acquérir plus d’autonomie. Cependant, les membres des bandes sont des individus qui, à mon sens, ont le droit à ce que les tribunaux suivent une procédure équitable dans les instances qui les concernent. Dans la mesure où cette Cour a compétence, les principes de la justice naturelle et de l’équité procédurale doivent être appliqués.

Pour décider quels "principes" doivent s’appliquer en l’espèce, j’ai tenu compte de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Lakeside Colony of Hutterian Brethren c. Hofer, [1992] 3 R.C.S. 165, où, à la page 195 de l’arrêt, le juge Gonthier a affirmé ce qui suit pour la majorité :

Le contenu des principes de justice naturelle est souple et dépend des circonstances dans lesquelles la question se pose. Toutefois, les exigences les plus fondamentales sont la nécessité d’un avis, la possibilité de répondre et l’impartialité du tribunal.

[71]           Dans l’arrêt Baker, précité, la Cour suprême a statué que l’obligation d’équité procédurale est souple et variable et dépend d’une appréciation du contexte de la loi particulière et des droits touchés. Plusieurs facteurs sont pertinents pour déterminer la teneur de l’obligation d’équité procédurale : (1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir; (2) la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l’organisme; (3) l’importance de la décision pour les personnes touchées; (4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; (5) les choix de procédure que l’organisme fait lui-même. Cette liste de facteurs n’est pas exhaustive.

[72]           Si j’applique le premier des facteurs Baker à la présente espèce, la nature de la décision est le règlement d’un litige foncier et l’administration de la possession de terres. Le processus de l’organe décisionnel, le conseil de bande, ne s’apparente pas beaucoup à un processus décisionnel judiciaire. Aussi, moins de protections procédurales sont requises. En outre, comme le défendeur l’a noté, le conseil de bande n’est pas composé d’avocats, et l’administration des terres et des successions est un de ses domaines de responsabilité parmi d’autres en tant que conseil élu. Ainsi, la composition du conseil de bande tend également à indiquer que la teneur de l’obligation d’équité procédurale est moindre.

[73]           Quant au deuxième facteur, soit le régime législatif applicable au décideur, comme nous l’avons vu, la Loi sur les Indiens ne prévoit aucune procédure particulière. Ainsi, ce facteur tend lui aussi à indiquer que la teneur de l’obligation d’équité procédurale est moindre.

[74]           Toutefois, en ce qui a trait à l’importance de la décision pour les parties touchées, la décision est très importante pour le demandeur puisqu’elle lui a fait perdre la possession de la propriété et son intérêt propriétal dans la propriété qu’il détenait depuis 2005. De fait, les deux parties semblent concéder que la décision est importante. J’ajouterais qu’à mon avis, la décision est également importante pour le défendeur et pour bon nombre de membres de la bande puisqu’elle soulève des préoccupations quant au caractère définitif des décisions relatives à des terres et elle soulève la question de savoir si de telles décisions peuvent être révisées après plusieurs années et, dans l’affirmative, dans quelles circonstances. Ce facteur commande une équité procédurale au contenu plus étoffé.

[75]           Si un demandeur a une attente légitime qu’une certaine procédure sera suivie ou qu’un certain résultat sera obtenu dans son cas, cela peut être exigé par l’obligation d’équité : les circonstances qui influent sur l’équité procédurale comprennent les promesses ou les pratiques habituelles des décideurs administratifs, et il sera généralement inéquitable qu’ils n’agissent pas en conformité avec leurs procédures établies, ou qu’ils reviennent sur des promesses sans accorder d’importants droits procéduraux. Ici, le demandeur soutient qu’il croyait qu’il serait traité justement et équitablement et qu’il serait avisé de la réunion, de son objet et des allégations formulées contre lui. En outre, il se serait attendu à ce que le conseil de bande lui communique les documents et les éléments de preuve que le conseil examinerait ainsi que le procès-verbal de la réunion et les motifs de la décision. Toutefois, le demandeur a peu de précédents ou d’autres éléments pour étayer ses prétentions quant à ces attentes et quant à la procédure qui, selon lui, aurait dû être suivie.

[76]           Cela dit, le conseil de bande a choisi la procédure en l’espèce. Par conséquent, cela a plus de poids dans ces circonstances, et cela milite en faveur d’un degré plus élevé d’équité procédurale.

[77]           Compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, je suis d’avis qu’en l’espèce, l’équité procédurale due se situe vers le bas de l’échelle. Toutefois, même lorsque les droits découlant de l’obligation d’équité procédurale sont minimaux, ces droits comprennent le droit à un avis, la possibilité d’être entendu et de voir ses observations examinées et un avis de la décision (Alliance de la fonction publique du Canada c Canada (Procureur général), 2013 CF 918 au paragraphe 53; Canada (Procureur général) c Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 RCS 504; Russo c Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités), 2011 CF 764, 406 FTR 49, au paragraphe 59).

[78]           En conséquence, le contenu de l’équité procédurale en l’espèce exigeait que le conseil de bande donne un avis adéquat de la réunion, indiquant notamment qu’il songeait à revenir sur son approbation des décisions de 2005, que le demandeur ait une occasion véritable de présenter des observations – ce qui supposait qu’il soit pleinement informé des allégations formulées contre lui – et que le conseil de bande examine sérieusement ses observations.

[79]           Les parties ont fait valoir des positions opposées quant à la question de savoir si le demandeur avait été avisé ou non de la réunion qui a débouché sur la décision de 2011 et s’il avait eu la possibilité de présenter des observations.

[80]           Dans son affidavit, le demandeur reconnaît qu’au début d’avril 2011, Martin Powless a communiqué avec lui pour [traduction] « discuter de questions relatives à la propriété du terrain ». M. Powless a avisé le demandeur qu’il informerait le chef et le conseil de bande de la position du demandeur et que tous les renseignements pertinents relatifs à la propriété du terrain seraient contenus dans le dossier. Toutefois, le demandeur n’était pas disposé à rencontrer le chef et le conseil de bande sans qu’on lui explique pourquoi la question était réexaminée. M. Powless a également avisé le demandeur qu’il rencontrerait Wayne Hill.

[81]           Le demandeur affirme qu’il a pris connaissance pour la première fois de la réunion du conseil de bande ayant pour objet la question de la propriété lorsqu’il a reçu une lettre du 22 avril 2011 qui l’informait que le conseil de bande avait décidé, à la suite d’une résolution adoptée le 19 avril 2011, d’approuver le transport par renonciation de 1975. La lettre indiquait également que tous les transferts par renonciation ou conventions de transfert de terres subséquents étaient nuls. Le demandeur affirme aussi que Wayne Hill était présent à cette réunion et qu’il a eu la possibilité de présenter des observations relativement à la résolution. En outre, le demandeur affirme que Martin Powless l’a informé que Wayne Hill avait présenté des observations au chef et au conseil de bande à différentes occasions au sujet de la propriété et de la relation entre le demandeur et Marena. Le demandeur affirme qu’on ne lui a jamais donné la possibilité de répondre et qu’on ne lui a pas communiqué les motifs de la décision du 22 avril 2011 ni les renseignements sur lesquels le conseil de bande s’était fondé pour parvenir à sa décision.

[82]           Le demandeur affirme également que lorsqu’il a assisté à la réunion le 7 juin 2011 pour présenter des observations au conseil de bande concernant ses droits dans la propriété, il n’a pas été informé de la nature des allégations formulées par Wayne Hill et on ne lui a pas fourni une copie du dossier d’ATS de Marena. Le demandeur affirme que, d’après ce qu’il comprend, Wayne Hill aurait eu accès à ce dossier avant de présenter ses observations.

[83]           Dans son affidavit, le chef Abram reconnaît qu’après la conclusion de la CTT, Wayne Hill a continué à s’opposer au transfert de la terre, alléguant qu’il y avait eu des irrégularités dans la façon dont le transfert avait été effectué et que sa mère n’était pas saine d’esprit à l’époque. À cet égard, le chef Abram note que, bien que Wayne Hill ait invoqué l’évaluation de la santé mentale de sa mère de 2005 à l’appui de cet argument, il réalise en rétrospective que les extraits du document qui ont été cités ont été cités hors contexte. Il a également rencontré à plusieurs occasions le chef et des membres du conseil de bande pour formuler ses plaintes, mais il n’y a pas eu d’audience officielle ni de plan en vue de la prise d’une décision. L’affidavit n’indique pas à quel moment la décision de revoir les décisions de 2005 a été prise. Il y est noté que Jeff Ross, le directeur des opérations du conseil de bande, a écrit à Wayne Hill le 15 septembre 2005 pour lui dire que le conseil de bande ferait des recherches et examinerait la situation.

[84]           Le chef Abram affirme que le conseil de bande a demandé à Martin Powless de s’enquérir des faits concernant les irrégularités alléguées et la capacité de Marena puis de lui présenter un rapport. Ainsi, M. Powless a rencontré Wayne Hill et le demandeur au début de 2011 et a pris connaissance des points de vue des deux parties à l’affaire. Il leur a dit qu’il préparerait un dossier complet contenant tous les documents pertinents pour que le conseil l’examine et qu’il informerait le conseil des positions de chaque frère. Le chef Abram déclare que le demandeur a dit à Martin Powless qu’il considérait que l’affaire avait été réglée et qu’il n’était pas disposé à rencontrer le conseil de bande à ce sujet. Le chef Abram déclare que, le 16 avril 2011, Wayne Hill a exposé ses plaintes par écrit parce qu’il avait été informé que le conseil allait [traduction] « rendre une décision définitive au sujet de la terre ce jour-là ».

[85]           Le chef Abram affirme ce qui suit dans son affidavit :

[traduction] [50]       Le conseil n’a pas pris à la légère les allégations de Wayne Hill selon lesquelles une fraude avait été commise par des membres du personnel onneiout en rapport avec la terre, ni que l’on avait profité indûment de l’âge et de la condition mentale de Marena Hill. Le conseil, en plus de demander une enquête et un résumé à Martin Powless, qui est avocat, a demandé deux avis juridiques distincts au sujet de la situation. Les allégations de fraude et d’influence indue étaient sérieuses et persistantes, et elles constituent la raison pour laquelle le conseil a décidé d’examiner l’affaire.

[Non souligné dans l’original.]

[86]           Le 19 avril 2011, le conseil de bande a décidé d’infirmer ses décisions de 2005 et de reconnaître le transport par renonciation de 1975.

[87]           Pour ce qui concerne la réunion du 7 juin 2011, le chef Abram affirme que le demandeur y était présent et qu’il y a fait une présentation détaillée au sujet des ses droits sur les terres, et qu’il [traduction] « était au courant de la teneur générale des allégations que Wayne Hill avait formulées, et qu’il y a répondu ». Le demandeur n’a pas demandé de copies des documents préparés par Martin Powless, mais, s’il l’avait demandé, on les lui aurait données.

[88]           Le chef Abram affirme également que, selon le dossier dont disposait le conseil de bande, Martin Powless avait évalué soigneusement la capacité de Marena de décider de donner une procuration en 2004 et qu’Al Day avait pris soin de consulter Martin Powless avant d’enregistrer le transfert de la terre en 2004. Cependant, [traduction] « la capacité mentale de Marena était une question qui a pu embrouiller les décisions du conseil ».

[89]           Dans son affidavit en réponse, le demandeur souligne que l’affidavit du chef Abram indique que le conseil de bande s’est appuyé sur les allégations de Wayne Hill pour le dépouiller de ses droits dans la propriété, et il affirme que s’il avait été informé des allégations de fraude non fondées et fausses, il aurait choisi de comparaître pour y répondre.

[90]           Dans son affidavit en réponse, le demandeur affirme également qu’autant qu’il sache, et selon ce qu’il croit, le conseil de bande n’a fait aucune enquête pour vérifier ces allégations avant de rendre la décision contestée, et, au lieu de cela, il les a admises comme étant véridiques et a fondé sa décision sur elles. En outre, le demandeur affirme que Martin Powless lui a dit que le résumé qu’il avait rédigé ainsi que les deux avis juridiques étayaient la position du demandeur.

[91]           Dans son affidavit en réponse, le demandeur déclare également que le chef Abram n’était pas au courant de la conversation entre Martin Powless et le demandeur, et il n’a pas identifié la source des renseignements sur lesquels il s’appuie pour faire ces affirmations. Il est vrai que Martin Powless a demandé de rencontrer le demandeur pour discuter du statut de la propriété, mais la description que le chef Abram fait de la discussion est inexacte. Chose importante, le demandeur affirme que, lors de cette rencontre, Martin Powless ne l’a pas informé des plaintes que Wayne Hill avait faites auprès du conseil de bande ni du fait que ce dernier alléguait qu’une fraude avait été commise par le demandeur et des membres du personnel onneiout en rapport avec la propriété. Le demandeur n’a pas non plus obtenu de copie de la lettre en date du 16 avril 2011 que Wayne Hill avait adressée au conseil de bande.

[92]           Le demandeur atteste également qu’il n’était pas au courant qu’en septembre 2005, le conseil de bande faisait des recherches et examinait la situation concernant la propriété, et il a donc été surpris lorsqu’il a été avisé que le conseil de bande examinait l’affaire de nouveau. Il n’a vu aucune raison de présenter des observations puisqu’il considérait que l’affaire devait avoir été réglée en 2005.

[93]           Le demandeur s’inscrit également en faux contre le témoignage par affidavit du chef Abram selon lequel le demandeur était au courant de la teneur générale des allégations de Wayne Hill. Il affirme qu’avant la réunion du 7 juin 2011, il n’avait pas été avisé des allégations précises relatives à une fraude, mais il a été interrogé lors de la réunion au sujet de la santé mentale de sa mère en 2004 et en 2005 et il a produit de la documentation confirmant qu’elle était saine d’esprit lorsqu’elle avait signé la CTT de 2004. Le demandeur ne savait pas non plus qu’il devrait examiner le dossier de sa mère conservé au bureau de l’ATS avant cette réunion et, par conséquent, il a été incapable de répondre entièrement et convenablement aux allégations de Wayne Hill sur lesquelles le conseil de bande semble avoir fondé sa décision.

[94]           À mon avis, après avoir examiné les éléments de preuve par affidavit, le demandeur a été avisé de manière générale, lors de sa rencontre avec Martin Powless, du fait que la question du statut de la propriété préoccupait le conseil de bande. Toutefois, cet avis était insuffisant pour lui faire comprendre la gravité des allégations formulées contre lui et lui faire prendre connaissance des allégations qu’il devrait réfuter.

[95]           Il est vrai que, selon la preuve, le demandeur a choisi de ne pas présenter d’observations ni d’assister à la réunion du conseil de bande, mais sa décision était fondée sur sa croyance que le statut de la propriété était réglé. En effet, le conseil de bande l’avait informé par écrit le 28 avril 2005 qu’il avait approuvé la CTT de 2004 et qu’il était le propriétaire reconnu de 5,5 acres de propriété et de la maison qui s’y trouvait. Il n’a pas été informé de l’existence de la lettre du 31 août 2005 de Wayne Hill aux termes de laquelle celui-ci alléguait qu’en annulant le transport par renonciation de 1975, le conseil de bande sanctionnait sa propre conduite répréhensible ayant consisté à faciliter une demande de subvention frauduleuse auprès de la SCHL. En outre, le demandeur n’a pas été avisé du fait que le conseil de bande avait avisé Wayne Hill au début de septembre 2005 qu’il réexaminait le transfert de la propriété. Il n’a pas non plus été informé que Wayne Hill avait par la suite rencontré le chef et des membres du conseil de bande plusieurs fois pour s’opposer au transfert. Enfin, plus important encore, le demandeur n’a pas été avisé des graves allégations contenues dans la lettre du 16 avril 2011, notamment de celles selon lesquelles sa mère avait été forcée de signer l’acte de résolution du transport par renonciation de 1975 et la CTT de 2004 et n’avait pas, d’après le rapport du 27 janvier 2005 de St. Joseph Health Care, la capacité mentale requise lorsqu’elle a signé la CTT de 2004. Le demandeur n’a pas non plus été avisé du fait que, le 22 mars 2011, Chris George avait écrit au conseil de bande que le transfert de la propriété était entaché d’irrégularité.

[96]           En outre, le conseil de bande a omis de donner au demandeur la possibilité de connaître les allégations qu’il devrait réfuter. Le conseil n’a pas avisé le demandeur des détails des allégations de fraude et ne lui a pas fourni la documentation pertinente avant la réunion du 19 avril 2011. De plus, bien qu’après la décision du 22 avril 2011, et avant qu’elle soit confirmée le 15 décembre 2011, le demandeur ait été autorisé à présenter des observations au conseil de bande, on ne lui a encore une fois donné qu’une explication générale des allégations de Wayne Hill, et le demandeur n’a pas été avisé des allégations de Chris George, et on ne lui a pas fourni de copies de ces allégations. En conséquence, le demandeur n’était pas en mesure de répondre convenablement aux questions soulevées.

[97]           Selon le témoignage par affidavit du chef Abram, les allégations de fraude et d’influence indue étaient graves et persistantes, et ce sont ces allégations qui ont amené le conseil de bande à décider d’examiner l’affaire. Il était donc essentiel que la teneur précise de ces allégations soit communiquée au demandeur en temps opportun.

[98]           Le défendeur soutient que le demandeur a eu la possibilité de présenter des observations lors de la réunion du 7 juin 2011 et que cela a essentiellement corrigé toute iniquité procédurale qu’il avait pu y avoir. Je ne puis accepter cette prétention. Le demandeur a rencontré le conseil de bande après que la décision du 19 avril 2011 eut été prise. En outre, d’après la preuve, le conseil de bande considérait la décision du 19 avril 2011 comme définitive lors de la rencontre du 7 juin 2011. Lorsqu’il a été contre-interrogé sur son affidavit, le chef Abram a affirmé qu’à la réunion du conseil de bande du 19 avril 2011, la décision définitive avait été prise de transférer le terrain à Wayne Hill. À la question de savoir pourquoi il était dit que la décision du 15 décembre 2011 [traduction] « confirmait » la décision de 2011, le chef Abram a répondu que, selon ses souvenirs, cela avait à voir avec la prise de possession par Wayne Hill de la maison située sur la propriété, et un document était requis soit par la police soit par les occupants de la maison, qui étaient les locataires du demandeur, comme confirmation par le conseil de bande de l’identité du propriétaire de la propriété. À mon avis, puisqu’une décision définitive avait déjà été prise, la possibilité offerte par la suite au demandeur de faire valoir son point de vue n’avait en fait aucune valeur.

[99]           En outre, lors de la réunion du 7 juin 2011, le demandeur a présenté au conseil de bande l’évaluation de la santé mentale de sa mère. Selon le témoignage par affidavit du chef Abram, la capacité mentale de Marena était une question qui avait pu embrouiller la décision du conseil de bande. En outre, Wayne Hill avait invoqué l’évaluation de janvier 2005 de sa mère au soutien de ses arguments, mais il semble avec le recul qu’il en avait cité des extraits hors contexte. Toutefois, le conseil de bande aurait eu l’évaluation entre les mains le 7 juin 2011, et aurait alors pu constater que les affirmations de Wayne Hill fondées sur cette évaluation étaient inexactes. Cependant, les éléments de preuve portent à croire que le conseil de bande n’a pas tenu compte de cela lorsqu’il a confirmé sa décision le 15 décembre 2011. Cela porte encore à croire que le conseil de bande n’a pas tenu compte des renseignements que le demandeur a fournis lors de la réunion du 7 juin 2011.

[100]       En somme, bien que le contenu de l’obligation d’équité procédurale ait pu se situer au bas de l’échelle, je suis d’avis que cette obligation n’a pas été respectée en l’espèce vu les conclusions de fait qui précèdent.

QUATRIÈME QUESTION EN LITIGE : Le conseil de bande a-t-il outrepassé sa compétence en modifiant sa décision?

Les observations du demandeur

[101]       Le demandeur soutient que le conseil de bande a compétence pour allouer et/ou approuver des transferts de terres dans la réserve en vertu du paragraphe 20(1) de la Loi sur les Indiens et des lois coutumières onneioutes. Les terres dans la réserve ne sont pas nécessairement la « propriété » de membres de la bande, mais ceux-ci peuvent posséder des terres allouées par le conseil de bande en conformité avec les lois coutumières de la bande (Loi sur les Indiens, paragraphe 20(1); Many Guns c Siksika National Tribal Administration, [2004] 1 CNLR 176 (C prov Alb)).

[102]       Le demandeur soutient que le conseil de bande n’a cependant pas compétence pour revoir et infirmer ses propres décisions et que, par conséquent, il a outrepassé sa compétence lorsqu’il a rendu la décision de 2011. Si la Loi sur les Indiens ne confère par expressément au conseil de bande compétence pour faire cela et les règlements de la bande ne prévoient pas un processus d’appel officiel, le conseil de bande n’a pas compétence pour revoir ses propres décisions (arrêt Matsqui, précité).

[103]       Autrement dit, en l’absence d’un processus d’appel légal et officiel, qui est sanctionné par la Loi sur les Indiens et le droit coutumier et (ou) les règlements des Onneiouts, seuls la Cour fédérale ou le ministre ont compétence pour infirmer les décisions du conseil de bande. Les décisions de 2005 étaient définitives, comme le chef Abram l’a reconnu, il n’y avait aucun processus d’appel officiel, et, par conséquent, le conseil de bande n’avait pas compétence pour les infirmer. En outre, Wayne Hill n’a pas demandé de contrôle judiciaire des décisions de 2005. En conséquence, la décision de 2011 devrait être annulée.

Les observations du défendeur

[104]       Comme nous l’avons vu, le défendeur soutient que l’administration des terres et des successions dans l’établissement onneiout est régie par le droit et la procédure onneiouts et non par la Loi sur les Indiens. En outre, le droit d’appel dont il était question dans l’arrêt Matsqui, précité, était autorisé « aux termes d’une loi fédérale », et la Cour suprême n’a pas traité de systèmes juridiques coutumiers dans cette affaire. Le défendeur affirme que l’arrêt Matsqui portait sur l’étendue de la compétence de tribunaux d’appel en vertu de l’article 83 de la Loi sur les Indiens. Toutefois, en l’espèce, le droit coutumier onneiout n’a pas de lien avec la Loi sur les Indiens. En confirmant la validité des systèmes d’appel en matière d’impôts de la bande dans l’arrêt Matsqui, la Cour suprême affirmait en fait que les systèmes juridiques des Autochtones devraient être respectés et que les tribunaux devraient être réticents à faciliter le recours à des institutions externes.

[105]       Le défendeur soutient que, pour trancher la question de compétence, il faudrait que la Cour rende une décision au sujet de la teneur et de la nature du droit onneiout. Or, à cet égard, le défendeur soutient que la Cour ne possède pas d’expertise ni de formation et qu’elle doit faire preuve de retenue et de respect à l’égard du gouvernement onneiout. Par conséquent, la Cour devrait se montrer prudente et éviter d’entreprendre cette enquête si l’affaire peut être tranchée sur le fondement de la conclusion relative à l’équité procédurale.

Analyse

[106]       La note d’information de 2005 rédigée par Al Day énonce qu’en vertu du droit coutumier onneiout, un transport par renonciation ou une CTT est sans effet juridique tant qu’il n’a pas été approuvé par le conseil de bande. En outre, il n’existe aucune politique établie prévoyant des étapes à suivre pour faire annuler un transport par renonciation ou une CTT, mais un conseil de bande précédent a permis la révocation/annulation d’une CTT, établissant ainsi un précédent. L’avocat du défendeur a confirmé à l’audience tenue devant moi qu’il n’y avait aucun processus d’appel relatif à de telles décisions en 2011.

[107]       Toutefois, il n’est pas nécessaire de trancher la question de compétence puisque j’ai déjà conclu qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale et, comme je l’expliquerai plus loin, j’ai conclu que la décision de 2011 était déraisonnable. Je noterais toutefois que je suis influencé dans cette démarche non seulement par les observations du défendeur mais également par les observations verbales présentées pour le compte du demandeur selon lesquelles celui-ci est sensible aux préoccupations du défendeur quant aux répercussions non intentionnelles possibles qu’une conclusion relative à la question de compétence pourrait avoir sur le droit foncier onneiout. Par conséquent, si je conclus que la décision du conseil de bande n’est pas bien fondée pour d’autres motifs, il n’est pas nécessaire de traiter de cet aspect de l’argumentation.

CINQUIÈME QUESTION EN LITIGE : Le conseil de bande était-il partial?

Les observations du demandeur

[108]       À titre subsidiaire, le demandeur soutient que le conseil de bande était partial lorsqu’il a rendu sa décision de 2011 parce qu’il n’était pas indépendant lorsqu’il a infirmé ses propres décisions de 2005 ni quand il a rendu la décision de 2011 (arrêt Matsqui, précité). Selon le témoignage du chef Abram en contre-interrogatoire, un de motifs de la décision était que le transport par renonciation de 1975 avait été signé afin de demander et obtenir frauduleusement une subvention gouvernementale. Le chef par intérim du conseil de bande de l’époque, Harry Doxtator, est intervenu comme témoin au transport par renonciation de 1975. Le conseil de bande se préoccupait de ce que, si le transport par renonciation de 1975 était invalide, comme le permettaient ses décisions de 2005, le conseil de bande serait considéré comme ayant sanctionné un prêt frauduleux. Cela indique que le conseil de bande n’a pas tranché la question en fonction des éléments de preuve ou des faits dont il disposait, mais plutôt pour éviter d’être perçu comme ayant sanctionné un prêt frauduleux. Par conséquent, le conseil de bande et le chef n’étaient pas indépendants ni ne paraissaient l’être lorsqu’ils ont rendu la décision de 2011.

Les observations du défendeur

[109]       Le défendeur soutient que les principes de l’arrêt Valente dans l’arrêt Matsqui ne s’appliquent pas aux décisions d’un conseil de bande (Valente c La Reine, [1985] 2 RCS 673; arrêt Matsqui, précité). Le conseil de bande n’est pas simplement un tribunal : il s’agit d’un organisme gouvernemental élu comportant certaines caractéristiques gouvernementales, politiques et légales. Par conséquent, l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif n’est pas possible. La notion de partialité est peut-être mal adaptée aux collectivités autochtones (Dean Sossin, aux pages 605 et 607; Sayers c Première nation de Batchewana, 2013 CF 825, au paragraphe 53).

[110]       Le demandeur présume que les décisions du conseil de bande doivent être rendues uniquement en fonction des éléments de preuve dont il dispose lors d’une séance ou d’une audition particulière. Le demandeur n’a pas indiqué de quels éléments de preuve le conseil de bande disposait lorsqu’il a rendu sa décision. Un tribunal canadien doit tenir compte uniquement des éléments de preuve dont il dispose, mais cela ne correspond pas à la pratique des Onneiouts. Le conseil de bande voyait la question de la terre comme une question qui évolue en permanence conformément au droit et à la culture de la nation. La question n’était pas l’embarras potentiel découlant de la signature du chef apparaissant sur le document. En effet, il s’agissait plutôt de savoir si Marena devrait être tenue d’assumer les conséquences de cette transaction. Le conseil de bande n’a aucun intérêt dans le litige si ce n’est de chercher à rétablir la paix et à rendre une décision équitable. Le conseil de bande n’avait aucun intérêt financier ou autre à tirer du résultat de cette affaire.

Analyse

[111]       À mon avis, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir une crainte raisonnable de partialité.

[112]       Le critère applicable tient à la question de savoir si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, croirait que, selon toute vraisemblance, le décideur, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste (Committee for Justice and Liberty et autres c Office national de l’énergie et autres, [1978] 1 RCS 369 à la page 394 [Committee for Justice]). Le fardeau de preuve incombe à la personne qui allègue une violation réelle ou appréhendée de l’obligation d’impartialité (Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CSC 39, [2005] 2 RCS 100, au paragraphe 13). Le seuil est élevé (R. c S.(R.D.), [1997] 3 RCS 484, aux paragraphes 111 à 113), et les raisons de la crainte ainsi que les éléments de preuve qui l’étayent doivent être sérieux (arrêt Committee for Justice, précité, à la page 394).

[113]       Toutefois, la Cour suprême du Canada a statué qu’une norme moins sévère s’applique lorsque l’organisme administratif en cause est une commission dont les membres sont élus par le public (Newfoundland Telephone Co c Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 RCS 623 à la page 638).

[114]       Le demandeur soutient essentiellement que le conseil de bande n’a pas réexaminé ses décisions de 2005 en fonction des éléments de preuve dont il disposait, mais plutôt parce qu’il cherchait à éviter d’être vu comme ayant sanctionné un prêt obtenu frauduleusement.

[115]       Les seuls éléments de preuve relatifs au processus décisionnel du conseil de bande proviennent du contre-interrogatoire du chef Abram sur son affidavit. Il lui a été demandé quels éléments de preuve nouveaux qui avaient été présentés au conseil de bande l’avaient amené à infirmer ses décisions de 2005. Le chef Abram a relaté que Harry Doxtator s’était souvenu qu’il avait traité le transport par renonciation de 1975 et que cet acte avait pour but de permettre d’obtenir la subvention de la SCHL. Toutefois, il y avait eu une élection avant que la transaction puisse être soumise au conseil de bande pour approbation, et M. Doxtator avait été élu et avait quitté son poste de responsable de l’ATS. Le transport par renonciation de 1975 n’a jamais été soumis au conseil de bande pour approbation. Le chef Abram a également affirmé que certains conseillers convenaient avec Wayne Hill que lui et Marena auraient dû tous deux signer la résolution du transport par renonciation de 1975. Il a également été discuté de la question de savoir pourquoi il était nécessaire de résoudre le transport par renonciation de 1975 si celui-ci n’était pas valide au départ. Il a également été question de la santé mentale de Marena, mais le chef Abram a noté une absence de mémoire institutionnelle à cet égard étant donné le passage du temps et le changement des conseillers entre 2005 et 2011. Une autre considération était le transfert subséquent de Marena à Wayne Hill d’un acre de la propriété, le but de ce transfert, et la connaissance que Wayne Hill en avait. Le chef Abram a conclu ce qui suit :

[traduction] [...] Alors je pense que c’est ce qui a fait pencher le conseil à l’époque, euh, ils ne voulaient pas être perçus comme étant, je pense, peut-être partie à l’obtention d’un prêt d’une manière en quelque sorte frauduleuse. Alors voilà ce dont je me souviens.

[116]       Le chef Abram a convenu qu’une partie du raisonnement du conseil de bande en 2011 était qu’il faudrait qu’il approuve le transport par renonciation de 1975 afin de rendre valide le transfert de la propriété à Wayne Hill et, par conséquent, d’éviter que le prêt soit invalide ou frauduleux.

[117]       Bien que cela ait pu faire partie du raisonnement du conseil de bande, les éléments de preuve démontrent que ce n’était pas là la seule considération. Les éléments de preuve n’indiquent pas quelle a été ou quelles ont été les considérations déterminantes. Étant donné le critère exigeant auquel le demandeur doit satisfaire, les éléments de preuve sont insuffisants pour établir qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité ou que le conseil de bande était partial lorsqu’il a rendu sa décision de 2011.

[118]       Pour ce qui concerne la prétention du défendeur selon laquelle la question n’était pas l’embarras potentiel découlant de la signature du chef apparaissant sur le document, mais plutôt la question de savoir si Marena devrait être « tenue d’assumer » les conséquences de la transaction de 1975, il n’y a aucun élément de preuve qui étaye cette prétention. En outre, la logique ou le caractère raisonnable de cette position sont également discutables. Marena est décédée avant que la décision de 2011 soit rendue, en croyant que son intention clairement démontrée que la propriété soit donnée au demandeur avait été respectée. En obligeant une personne décédée à assumer « les conséquences » du transport par renonciation de 1975, il s’ensuit : que ses souhaits n’ont pas été respectés; que Wayne Hill, qui était partie à la demande de subvention inappropriée et au transport par renonciation de 1975, a profité de son rôle dans la transaction; et que le demandeur, la seule partie qui n’a joué aucun rôle dans l’affaire, à laquelle est intervenu un ancien membre du conseil de bande, a été privé de ses droits dans la propriété. L’on pourrait également soutenir que, par les décisions de 2005, le conseil de bande se trouvait en fait à défaire ou à refuser d’approuver ou de reconnaître le transfert inapproprié résultant du transport par renonciation de 1975. Suivant cette analyse, la décision de 2011 du conseil de bande avalisait l’acte contesté, à tout le moins en ce qui a trait au transfert.

[119]       En conséquence, si l’embarras potentiel du conseil de bande du fait d’un acte posé par un ancien membre du conseil de bande 30 années auparavant relativement à une subvention de 500 $ est un facteur qui a influé sur la décision de 2011 du conseil de bande, ce qui n’aurait pas dû être le cas, on peut se demander si l’information de la décision de 2005 permettait d’éviter cet embarras.

SIXIÈME QUESTION EN LITIGE : La décision est-elle raisonnable?

Les observations du demandeur

[120]       Toujours à titre subsidiaire, le demandeur soutient que la décision de 2011 devrait être annulée parce qu’elle est contraire au droit coutumier onneiout et/ou parce que le conseil de bande a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière déraisonnable. En outre, cette décision était contraire à l’article 20 de la Loi sur les Indiens parce que le transfert de terre n’a pas été approuvé par le ministre.

[121]       La décision de 2011 était contraire au droit coutumier onneiout parce qu’un transfert de terre est valide seulement s’il est approuvé par le conseil de bande. L’effet de la décision de 2011 est que le transport par renonciation de 1975 est valide même s’il n’a pas été approuvé par le conseil de bande et, inversement, la CTT de 2004 est déclarée invalide même si le conseil de bande l’a approuvée deux fois.

[122]       Les décisions de 2005 du conseil de bande étaient correctes et/ou raisonnables parce que le conseil de bande a conclu que le transport par renonciation de 1975 était invalide parce qu’il n’avait pas été approuvé par le conseil de bande et parce qu’il avait été signé aux fins frauduleuses d’obtenir un prêt. En outre, le conseil de bande disposait du témoignage de Marena quant à ses intentions au moment où elle avait signé ces documents. Ce témoignage correspondait aux éléments de preuve documentaire selon lesquels Marena avait continué de résider sur la propriété pendant 30 ans en se comportant comme propriétaire de la propriété. En outre, Marena avait la capacité légale et médicale requise pour conclure la CTT de 2004.

[123]       Le demandeur soutient que le chef Abram a affirmé lors de son contre-interrogatoire que la décision de 2011 infirmait les décisions de 2005 même s’il n’y avait aucun élément de preuve nouveau susceptible de donner lieu à une conclusion contradictoire. En outre, les allégations de fraude et d’influence indue de Wayne Hill ont amené le conseil de bande à revoir ses décisions de 2005, et le chef Abram admet que les observations de Wayne Hill étaient inexactes et incomplètes. De plus, le conseil n’a pas mené d’enquête au sujet des allégations et, par conséquent, sa décision est fondée uniquement sur les observations non fondées et non véridiques de Wayne Hill.

Les observations du défendeur

[124]       Le défendeur soutient que, bien que la décision de 2011 soit peut-être erronée en droit et qu’elle ait été difficile, elle n’est pas déraisonnable. La plupart des décisions sont prises par consensus, mais celle-ci a été prise par vote, et il y a eu plusieurs abstentions. Le chef Abram n’était pas d’accord, mais un chef ne vote habituellement pas lors des réunions du conseil de bande. En outre, il y avait des facteurs favorables à la position de chacun des frères. Par ailleurs, si les décisions de 2005 accordaient plus de poids aux souhaits de Marena, la décision de 2011 accordait plus de poids au fait que le transport par renonciation de 1975 avait été utilisé par la famille Hill pour obtenir du financement par des moyens douteux de leur propre aveu, et les conséquences ne pouvaient pas être ignorées.

[125]       La décision n’était pas contraire à la Loi sur les Indiens puisque celle-ci ne s’applique pas à l’administration des questions foncières internes des Onneiouts.

Analyse

[126]       À titre préliminaire, j’examinerai les éléments de preuve présentés par le chef. En plus de fournir les renseignements factuels nécessaires concernant les événements dont il est question en l’espèce, la preuve par affidavit fournit également des renseignements concernant l’histoire, les traditions et les coutumes onneioutes. Le chef Abram affirme que chaque gouvernement onneiout considère qu’il doit agir avec beaucoup de compassion envers tous et doit tenir compte des effets de chaque décision sur la paix, notamment la paix au sein de la collectivité. La culture onneioute a également une profonde aversion des conflits au sein d’une famille. Le conseil de bande considérait le différend entre Wayne et Kevin Hill comme une affaire familiale difficile qui avait des répercussions sur la paix au sein de la collectivité. Le conseil de bande n’a jamais eu aucun avantage à statuer en faveur de l’un ou l’autre des deux frères. Le conseil de bande est composé de citoyens ordinaires de la collectivité onneioute qui font de leur mieux pour rendre des décisions équitables. Il n’y a rien en l’espèce qui tende à indiquer que les décisions du conseil de bande ont été prises autrement qu’en toute bonne foi. Je l’admets, et je note également que le témoignage du chef Abram lors de son contre-interrogatoire était franc et se voulait de toute évidence conciliateur.

[127]       Toutefois, les bonnes intentions et la bonne foi ne mènent pas toujours à une décision raisonnable. La raisonnabilité tient à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à la question de savoir si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). Dans Komolafe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 431, aux paragraphes 10 et 11, le juge Rennie a commenté Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708 en affirmant que cet arrêt :

[10] […] établit que le contrôle judiciaire porte sur la décision en soi, et non sur le processus décisionnel. Lorsqu’elles sont manifestes, les lacunes de la preuve peuvent être comblées s’il est possible de le faire en s’appuyant sur la preuve et sur des inférences logiques, virtuellement comprises dans le résultat, mais non expressément tirées. La cour de révision examine le dossier dans le but de confirmer la décision.

[11]      L’arrêt Newfoundland Nurses ne donne pas à la Cour toute la latitude voulue pour fournir des motifs qui n’ont pas été donnés, ni ne l’autorise à deviner quelles conclusions auraient pu être tirées ou à émettre des hypothèses sur ce que le tribunal a pu penser. […]

[128]       Dans la présente situation, je suis d’avis qu’il est impossible pour la Cour d’apprécier le fondement de la décision de 2011 du conseil de bande puisqu’aucuns motifs n’ont été fournis au soutien de la décision. La Cour doit également composer avec un dossier très limité à cet égard.

[129]       Une ébauche du procès-verbal de la réunion du 15 décembre 2011 du conseil de bande a été présentée à l’audience concernant de la présente affaire. Elle énonce simplement : [traduction] « Consensus du conseil pour confirmer la décision concernant Wayne Hill et Kevin Hill, la plus récente décision étant en faveur de Wayne Hill, et celle-ci sera la décision définitive. Approuvé. » Le chef Abram a confirmé en contre-interrogatoire qu’à la réunion du 19 avril 2011 du conseil de bande, la décision définitive avait été prise de transférer la propriété du demandeur à Wayne Hill. En outre, d’après ses souvenirs, le conseil de bande avait confirmé la décision en décembre parce que Wayne Hill prenait possession de la maison et il avait besoin d’un document qu’il pourrait montrer aux policiers ou aux locataires de la maison qui la louaient du demandeur.

[130]       Le procès-verbal de la réunion du 19 avril du conseil de bande n’a pas été produit. Tel qu’indiqué précédemment, selon le témoignage du chef Abram rendu en contre-interrogatoire, le conseil de bande a tenu compte de plusieurs facteurs pour arriver à sa décision de 2011. Toutefois, le témoignage du chef Abram n’indique pas sur quel fondement le conseil de bande a finalement décidé d’infirmer ses décisions de 2005. En conséquence, la Cour ne pourrait que formuler des hypothèses sur le fondement de la décision de 2011 du conseil de bande.

[131]       Cela dit, je souligne que la capacité mentale de Marena à l’époque où elle a signé la CTT de 2004 et l’acte de résolution du transport par renonciation de 1975 est traitée dans le dossier. Le procès-verbal de la réunion du 12 avril 2005 du conseil de bande indique que Martin Powless a rédigé deux procurations lorsqu’il a rencontré Marena seule. À son avis, elle avait la capacité mentale requise pour comprendre ses actes. Quant à l’évaluation, il y avait également une consultation d’une infirmière qui souscrivait à l’évaluation de la santé mentale de Marena. Le procès-verbal conclut qu’au moment où elle a signé la CTT de 2004, Marena comprenait ses actes, et les deux procurations étaient valides et contraignantes. En outre, lorsque Marena s’est présentée devant le conseil de bande en mars 2005, c’était après son évaluation. En contre‑interrogatoire, on a demandé au chef Abram quels éléments de preuve nouveaux ˗ à savoir des éléments qui n’étaient pas disponibles en 2005 ˗ le conseil de bande avait pris en compte en 2011. Le chef Abram a répondu que le seul élément de preuve nouveau était l’évaluation. En outre, Wayne Hill avait divulgué des parties de l’évaluation à la réunion du 19 avril 2011, mais le document comme tel a été communiqué au demandeur à la réunion du 7 juin 2011.

[132]       L’évaluation confirmait la capacité mentale de Marena et confirmait ainsi les conclusions de 2005 du conseil de bande quant à la capacité mentale de Marena pour conclure la CTT de 2004. Ainsi, dans la mesure où la capacité mentale a pu constituer le fondement de la décision d’infirmer les décisions de 2005, cette décision n’était pas étayée par le dossier, elle n’était pas raisonnable, et elle aurait rendu le résultat déraisonnable.

[133]       En tant qu’organisme public rendant une décision qui a une incidence sur ses membres, le conseil de bande a l’obligation de veiller à ce que son processus décisionnel soit intelligible et transparent. Je ne dis pas que les résolutions du conseil de bande relatives à des décisions administratives concernant l’approbation de transferts de terres entre individus doivent normalement comporter des motifs détaillés. En effet, je suis d’avis que cela imposerait un fardeau trop lourd aux conseils de bande. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles comme celles de la présente espèce, où le conseil de bande infirmait sa propre décision rendue six ans auparavant et cela avait des répercussions importantes pour le demandeur, et indépendamment de la question de la compétence du conseil de bande pour ce faire, le processus décisionnel aurait dû être plus intelligible.

[134]       Compte tenu de la preuve, et en l’absence de motifs, j’estime que le processus décisionnel de 2011 n’était ni intelligible ni transparent, et il doit être annulé. Quoi qu’il en soit, le manquement du conseil de bande à son obligation d’équité procédurale lorsqu’il a rendu sa décision de 2011 rendait à mon avis également la décision déraisonnable quant à son résultat.

Réparation demandée

[135]       Dans son avis de demande modifié, le demandeur a sollicité les mesures de réparation suivantes :

1.                une ordonnance de la nature d’un mandamus enjoignant le défendeur de fournir des motifs écrits à l’appui de la décision;

2.    une déclaration selon laquelle la décision était invalide et illégale;

3.    une déclaration selon laquelle le défendeur n’avait pas compétence pour rendre la décision;

4.    une déclaration selon laquelle le défendeur était partial lorsqu’il a rendu la décision;

5.    une déclaration selon laquelle, lorsqu’il a rendu la décision, le défendeur a omis de respecter les principes de justice naturelle et d’équité procédurale et/ou les procédures qu’il était tenu de suivre en vertu de la loi et/ou de la coutume de la bande;

6.    une déclaration selon laquelle le défendeur a fondé la décision sur une conclusion de fait erronée tirée de manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve dont il disposait;

7.    une déclaration selon laquelle le demandeur est le propriétaire unique et légitime de la propriété;

8.    une ordonnance de la nature d’un certiorari annulant ou cassant la décision;

9.    les dépens selon une échelle élevée d’indemnisation.

[136]       Le défendeur soutient qu’il serait dans l’intérêt des parties que la Cour se limite à annuler la décision de 2011, si elle conclut que cela est justifié. L’affaire pourrait ensuite être renvoyée au conseil de bande, qui pourrait alors soit ne rien faire, soit renvoyer l’affaire à un tribunal d’appel indépendant pour qu’il tranche l’affaire de manière équitable en vertu du droit onneiout.

[137]       Le demandeur, qui souhaite un résultat définitif, se contenterait de l’annulation de la décision parce qu’il est d’avis que cela aura comme conséquence de rétablir les décisions de 2005. Le demandeur est également sensible à la position du défendeur selon laquelle une déclaration relative à la propriété pourrait avoir une incidence non voulue sur le droit des biens onneiout.

[138]       Après avoir examiné ces points de vue, j’ai décidé que la décision de 2011 doit être annulée et aucune déclaration ne doit être rendue. Je suis consciente de la possibilité que cette solution ne mène pas au règlement définitif de l’affaire et que, le cas échéant, la question se pose de savoir si tout processus d’appel enclenché à la suite du prononcé de la décision de 2011 s’applique aux décisions de 2005 du conseil de bande. Toutefois, il est ordonné au défendeur de tenir compte des conclusions et observations de la Cour. Compte tenu du respect et de la sensibilité que le demandeur et le défendeur ont tous deux manifestés à l’égard des questions de compétence et du droit onneiout, il est à espérer que la présente affaire ne donnera pas lieu à d’autres instances inutiles.

[139]       En conséquence, la seule mesure de réparation sera l’annulation de la décision de 2011. Il s’ensuit que les décisions de 2005, approuvées antérieurement par le conseil de bande, sont rétablies.

 


JUGEMENT

LA COUR statue que :

1.      La décision du 19 avril 2011 du conseil de bande, confirmée par sa décision du 15 décembre 2011, approuvant un transport par renonciation de 1975 par Marena Hill en faveur de Clinton Wayne Hill et rendant nuls tous les transferts par renonciation ou conventions de transferts de terres relatifs à la propriété dont il est ici question, est par les présentes annulée;

2.      Le demandeur aura droit à ses dépens;

3.      Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le montant des dépens qui doivent être payés au demandeur, elles pourront déposer des observations écrites auprès de la Cour dans les 10 jours suivant le prononcé du présent jugement.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-376-12

 

INTITULÉ :

KEVIN HILL c CONSEIL DE LA NATION ONNEIOUTE DE LA THAMES ET CLINTON WAYNE HILL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 JUIN 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 AOÛT 2014

 

COMPARUTIONS :

Maanit Zemel

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Paul Williams

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Miller Thomson LLP

Avocat

London (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Paul Williams

Avocat

Ohsweken (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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